Arnaud DUMOUCH 5
novembre 2006
L’heure de la mort
Nihil Obstat Archevêché de Paris
Paris, le 7 juillet 1996 (n°37), M.
Dupuy.
Imprimatur Archevêché de Paris
Paris, le 5 novembre 2002 (n° 50-91), Mgr M. Vidal.
En hommage à Geneviève Esquier
Qui s’est engagé personnellement dans la
publication de ce livre.
Pour Nathalie B. qui s’est donné la mort en
1991.
Le vocabulaire marqué de * est traité à la fin de l’ouvrage.
ISBN : 2-403-0923-6
DIEU VEUT SE DONNER FACE À FACE
La Trinité, Père-Fils et Saint Esprit
La création des anges et des hommes
TROIS JOURS POUR SAUVER L’HOMME
Au commencement, la vie terrestre sans la
souffrance
La souffrance est entrée dans le monde
CHAPITRE 1 : LES ÉVÉNEMENTS DE L’HEURE DE LA MORT
La mort de l’Unteroffizier Johann S.
"…d'une
façon que Dieu connaît". Approche philosophique
Où se trouve physiquement l’autre monde ?
Retour en théologie catholique : La rencontre avec
le Christ glorieux
A l’heure de la mort, la faiblesse qui entraînait
au péché est enlevée
A l’heure de la mort, les conditions d’un choix
libre sont données
A l’heure de la mort, l’apparition du Christ
glorieux révèle la vérité tout entière
C’est le jour du Seigneur, celui qu’annonce
l’Évangile
Il vient, accompagné des saints et des anges
La nécessité de la présence de l’Ange rebelle
Tout cela se passe dans la mort et non après la mort
CHAPITRE 2 : LE JUGEMENT DERNIER DE LA PERSONNE
La mort est l’entrée définitive dans l’autre monde
Le blasphème contre le Saint-Esprit
CHAPITRE 4 : LES SIX DEGRÉS DU PURGATOIRE
Les six demeures du purgatoire
CHAPITRE 5 : LES ENFANTS MORTS SANS BAPTÊME
L’existence des Limbes*
des enfants fait partie de la foi de l’Église, mais pas leur éternité
Que deviennent les enfants morts sans baptême ?
CHAPITRE 6 : LE SUICIDE ET L’EUTHANASIE
Le suicide peut avoir de multiples causes morales
CHAPITRE 7 : "LA SEPTIÈME PORTE", LA VISION BÉATIFIQUE
CHAPITRE 8 : LA RÉSURRECTION DES MORTS ET LA FORMATION DU
NOUVEAU MONDE
La Vision béatifique et l’enfer
TROISIÈME PARTIE : COMMENT SAVONS-NOUS TOUT CELA ?
Les théologiens et le salut des hommes : 2 000 ans
de laborieux labourage
Comment trouver la vérité en théologie catholique
?
La méthode : Écriture, Tradition et confirmation
de Pierre
La vérité concernant le salut et, particulièrement,
l’heure de la mort
Un trouble qui aiguise le théologien dans sa
recherche
La vérité sur l’heure de la mort
La
plupart du temps, lorsqu’un chrétien demande au prêtre (donc au spécialiste en
théologie) un enseignement précis concernant ce qui se passe après la mort, il
s’entend répondre : "Nous ne savons
pas trop. Nous n’avons aucune certitude. Mieux vaut ne pas poser ces questions.
L’essentiel est de faire du bien autour de soi. Dieu nous a préparé en
reconnaissance des merveilles." Rien n’est faux dans cette réponse.
Elle mérite cependant un reproche grave, celui de ne pas raconter la nature des
merveilles préparées par Dieu.
Le
silence des prêtres et des théologiens est compréhensible. Tant de récits
effrayants ont été donnés sur l’autre monde, jetant la peur, que ce genre de
thème prête plus à la suspicion qu’à l’intérêt. De fait, la peur n’est pas
évangélique. Une autre raison, moins pastorale et plus intellectuelle peut
expliquer cette circonspection. Au nom d’une forme moderne de la lecture de la
foi appelée exégèse historico-critique, la plupart des théologiens actuels
rejettent comme surajoutées toutes les précisions apportées depuis des siècles
par l’Église et les saints. Ils pensent que seule une méthode rationnelle de
lecture de l’Écriture peut permettre de connaître la foi. Cette méthode
s’affirme bien sûr en opposition avec l’intervention des papes et des Conciles
de l’Église, trop autoritaires à leurs yeux. Est-ce légitime ? La vie du monde
d’où vient Jésus est-elle vraiment mieux comprise si l’on exclut le charisme de
confirmation de la vérité présent dans les successeurs des apôtres ?
Toujours
est-il que le grand silence des hommes de Dieu depuis trente ans a provoqué
chez les fidèles une mutation attristante. L’espérance est moribonde. La
plupart ont oublié le contenu de la promesse faite par le Christ pour ce qui
suit la mort. Or la nature a horreur du vide. L’absence d’espérance laisse un
vide dans le christianisme qui se remplit très vite d’autres formes d’espoirs
humains. Beaucoup en ont été réduits à mettre leur attente dans la construction
sociale du monde d’ici-bas. Pour les plus religieux, un hypothétique retour sur
terre par la réincarnation constitue un espoir, le Ciel ne paraissant pas assez
désirable.
Il est
donc nécessaire, plus que jamais, de raconter
l’espérance chrétienne. Lorsqu’on découvre qu’il ne s’agit pas d’un traité
théorique mais d’une vie, d’une espérance qui, de plus, se raconte comme une
histoire, on ne peut qu’être enthousiasmé.
Cet ouvrage porte en lui une autre intention, à
l’adresse des théologiens actuels. Il veut montrer que la théologie, même
lorsqu’elle fait le pari de la foi, est Parole de vie. Il est rare de nos
jours, dans les Universités Catholiques, qu’on se mette entièrement à l’écoute
de l’Écriture Sainte, des saints, du Magistère de l’Église et, d’autre part, de
la raison philosophique sans en rien rejeter. Or cette voie intellectuelle peut
conduire à une profonde approche de la vérité, capable de répondre aux
aspirations de chacun. La théologie ainsi comprise reste un trésor et le
rationalisme des professeurs de Théologie qui ne veulent plus croire qu’en leur
raison peut être dépassé.
Trois parties vont se succéder :
I- Un rappel de ce qui
fonde tout : Dieu est amour. Il nous a créés pour que nous le voyions face à
face
Il
n’est pas possible de comprendre quoi que ce soit au plan chrétien sur les
événements que nous vivrons à l’heure de notre mort ou à la fin du monde, sans
connaître la raison et l’origine de tout. Comment comprendre l’Oméga si l’on ne connaît pas l’Alpha ? Tout dans cette espérance
s’explique par un principe simple. Il s’agit d’un projet de Dieu. Il veut se montrer à nous, face à face, pour
nous combler de bonheur. Rien, dans l’histoire de l’homme, ne se comprend
sans cette lumière. Mais tout peut être compris avec elle. Pour manifester
cela, nous ne cesserons au cours de tout ce livre de nous pencher sur le
mystère le plus difficile de tous : la
souffrance.
II- Notre mort et ce qui
la suivra
Dans
cette lumière, une deuxième partie s’efforcera de rapporter en termes simples
ce que nous vivrons à l’heure de notre mort. Comment Dieu agit-il pour sauver les
hommes à l’heure de leur mort ? L’enfer existe-t-il ?
Il se
passera des événements concrets, aptes à être racontés, comme on le fait pour
un récit d’aventure. Rien de cela n’est inventé. Tout est suggéré et parfois
explicitement décrit dans l’Évangile. Les saints et l’Église en ont approfondi
le mystère au cours des siècles. Les théologiens n’ont eu qu’à se servir et compléter
par leur réflexion les aspects manquants.
III. Une explication plus
théorique sur la manière dont tout cela nous est connu
Elle
est destinée aux esprits curieux de mes sources, croyants ou incroyants.
1- A
chaque fois que je l’ai pu, je n’ai fait que rapporter ce qui constitue avec
certitude la foi de l’Église : "1. Quand l’Écriture Sainte raconte
explicitement quelque-chose; 2. Quand, en plus, de grands saints dont la
canonisation engage l’Église[1] ont enseigné cette même chose; 3. Et quand, pour couronner le tout,
une Parole de Pierre[2] en a confirmé la vérité, c’est que cet enseignement est vrai.
Un
catholique peut y mettre sa foi. Il vivra après sa mort ce qui est raconté sous
la pauvreté des mots d’ici-bas. Un esprit non croyant mais curieux peut dire : "Voici l’enseignement du christianisme
catholique."
Chaque fois que cela sera possible, tout au long du texte, je préciserai en
note ou par la mention "Chose
certaine"
quand nous avons affaire à de telles vérités.
2- Mais tout dans cet ouvrage
n’est pas directement la foi de l’Église tout en ayant un statut particulier de
certitude. Ce sont principalement les apports de saints canonisés qui ne
cessent de se répéter au cours des siècles, au point de constituer la Tradition
la plus profonde de l’Église. Ce sont les "choses probables"
indiquées dans ce livre.
3- Il existe deux points selon moi
essentiels qui ne constituent pourtant que des déductions théologiques ou
philosophiques. J’ai été amené à enseigner, dans mon désir d’être fidèle à tout l’enseignement de l’Église, deux
choses nouvelles.
Le retour du Christ dans sa gloire
accompagné des nuées du Ciel, "comme l’éclair de l’orient à l’Occident"[3], ne concerne pas uniquement la
fin du monde. Il est vécu par chaque homme au moment qui constitue la fin de
son monde à lui, c’est-à-dire à l’heure de la mort. A chacun de se faire une
opinion personnelle sur ce point. Il n’est pas contradictoire avec la foi[4]. Mais
il ne fait pas partie de cette foi confirmée par la parole de Pierre. Il est
enseigné par une sainte authentique, Faustine[5].
Selon moi, il s’agit de la clef de voûte,
celle dont Dieu conservait l’explicitation pour la fin des temps "afin de conduire l’Église à la découverte de
la vérité tout entière"[6]. Dans
la troisième partie, j’indique avec précision pourquoi je ne peux dire autre
chose.
Les morts ne sont pas simplement des
esprits semblables aux anges (c’est-à-dire des intelligences séparées de tout
lien avec le corps et des volontés dénuées des passions sensibles). Les morts
emmènent avec eux les facultés de leur psychisme (ils voient, ils entendent,
leurs souvenirs sensibles demeurent, ils éprouvent des sentiments et pourtant…
leur cerveau, qui est le siège des sentiments a bien disparu!) Formé à l’école
de saint Thomas d’Aquin, j’ai essayé pendant des années de trouver des failles
dans les récits de ceux qui avaient approché la mort suite à un arrêt du cœur[7]. Il
me paraissait impossible qu’ils conservent leurs sensations alors que leur cerveau était en état de mort
clinique. Mais j’ai dû céder, encore un fois à cause de saint Thomas
d’Aquin : "Lorsque
l’expérience et les faits enseignent une vérité philosophique contraire à un
raisonnement rationnel, c’est à l’expérience de s’imposer et au raisonnement de
se réformer." Devant ce fait nouveau, rien n’est changé
d’essentiel dans ce qui constitue la description du Ciel. Mais tout devient
sensible, physiquement lumineux, fait pour nous.
Ces
deux aspects sont arqués de la mention : "Chose, selon moi, certaine. Au lecteur de
juger".
3- Je
peux assurer que cet ouvrage ne contient rien qui soit contre la foi (contra
fidem). Mais il contient nécessairement quelques précisions qui sont en
marge de la foi (praeter fidem) (exemple : la nature du monde nouveau,
la présence d’animaux dans le monde nouveau…). L’Imprimatur
ecclésiastique ne veut rien signifier d’autre. Quand de telles opinions seront
rapportées, elles seront marquées de la mention "chose indécise. Au lecteur de
juger"
"Nous sommes à la veille d’une autre vie,
D’un
autre esprit,
D’un
autre langage,
D’un
plus grand amour pour Dieu[8]."
Cette première partie ne fait que résumer ce
qui est habituellement enseigné à tous les chrétiens. Elle n’apporte rien
d’essentiellement nouveau pour celui qui est instruit de la Trinité et de son
projet, des origines du monde, de la conduite de Dieu sur les hommes pour les
sauver par le moyen de la souffrance depuis Adam à aujourd’hui, en passant par l’incarnation du Christ.
Pourtant, il est indispensable de la lire puisqu’elle est le fondement qui
explique les événements de l’heure de la mort.
Que se
passera-t-il à l’heure de la mort ? Les événements sont en fait assez simples à
comprendre si on en connaît les bases, à savoir l’Évangile. Ils ne peuvent en
aucun cas être compris sans connaître leur fondement évangélique car tout, en
théologie catholique, est conséquence d’une foi concernant Dieu et le sens de
la vie. L’Évangile peut être résumé ainsi.
(La
vérité la plus certaine de la foi !)
"Avant que le monde n’existe,
depuis toute éternité, il existe un Être unique, "quelqu’un" d’infini. Il vit totalement
heureux, comblé par sa propre nature. Il est mystérieux puisque, tout en étant
un seul être, trois personnes (comprendre sous le mot "personnes"
trois jaillissements de lumière et d’amour) s’aiment et se contemplent en lui,
le Père, le Fils et l’Esprit Saint[9]. Il
s’agit d’une inimaginable vie intime, faite de tendresse et de lumière
inaccessibles.
Le
lecteur doit être ici particulièrement attentif. Il s’agit de l’Alpha (le fondement) du christianisme.
Il explique aussi tout ce que nous dirons par la suite.
Dieu
est Tout-puissant. Il est la Lumière infinie. Mais son cœur peut être résumé
dans deux qualités, l’humilité[10] et l’amour[11]. Sans
cesse, le Père, le Fils et le Saint Esprit se donnent à l’autre. Chacune des
personnes de la Trinité met l’autre en avant, s’efface devant la contemplation
et l’amour de sa grandeur. Cette vie trinitaire, ce don mutuel total, rayonne
au point de constituer l’Être même de Dieu. Dieu est ainsi et nul ne peut le
changer. On comprend que celui qui désire voir Dieu face à face doit garder
bien en tête le nom de ces deux qualités.
(Chose
certaine)
Dans
son éternité, Dieu conçut le projet suivant. Pourquoi ne pas faire partager son
bonheur à d’autres êtres ? Pourquoi ne pas créer de nombreuses personnes,
dotées d’intelligence et de liberté ? Elles seraient introduites au cœur des
trois personnes. Bien sûr, il ne s’agirait pas de les introduire de force, mais
selon le mode de leur nature, c’est-à-dire librement, dans un acte d’amour
réciproque.
Dieu
agit. Il créa d’abord les anges, de purs esprits sans corps[12].
Puis il créa les hommes et les femmes, êtres spirituels et physiques. Anges et
hommes étaient faits pour voir Dieu face à face.
(Chose
certaine)
Un
problème se posait pourtant. Pour entrer auprès de Dieu, pour vivre du bonheur
infini qui consiste à le comprendre et à l’aimer face à face, il était
absolument nécessaire de devenir semblable à lui, à savoir tout humble et tout donné à l’amour. Ici se trouve la clef de tout. "Nul ne peut voir Dieu sans mourir à lui-même[14]", enseigne
l’Ancien Testament. A cause de la pureté et de la délicatesse de Dieu,
n’importe quel amour, n’importe
quelle humilité ne suffisait pas mais
seulement un amour total, dépouillé de toute recherche intéressée. Le moindre
orgueil, le moindre égoïsme, et l’entrée face à Dieu devenait impossible,
comparable à un viol alors qu’elle devrait être un mariage. Toute la vie de
Jésus en est la révélation.
Il
convient de faire ici une remarque importante. Dieu ne désirait pas créer un
paradis où chaque personne, perdue dans sa contemplation, serait uniquement
tournée face à lui. Son idée était de créer une Église, c’est-à-dire une
communauté immense vivant en Lui dans une totale communion d’humilité et
d’amour. C’est pourquoi, lorsque Jésus vint sur terre annoncer la Bonne
Nouvelle, il ne donna pas un seul commandement mais deux qui, selon lui, ne
faisaient qu’un : "Tu aimeras ton
Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. Tu aimeras ton
prochain comme toi-même."
Mais
qui est comme cela ? Qui peut se targuer d’être humble et aimant au point
d’être capable de donner sa vie pour autrui, de donner sa vie pour un ennemi ?
L’image de l’amour nécessaire est visible à travers la vie de Jésus. Ceux qui
l’ont mis à mort et qui se moquent de lui, il les aime au point qu’il les
accueille à l’heure de leur mort et leur propose, sous condition de répentir et
de conversion totale, la vie éternelle. Ces personnes ont sans doute été
tellement surprises par une telle preuve d’amour qu’elles ont demandé pardon
pour leur faute.
Concrètement,
personne ne peut entrer dans la vie éternelle. Les conditions exigées sont
impossibles à l’homme. Il est impossible de devenir humble et aimant à ce
niveau là. Il suffit de considérer avec réalisme la petitesse de notre
condition humaine. Mais, explique Jésus après une question de ses disciples sur
ce thème[15],
ce n’est pas impossible à Dieu.
Pour
résumer, il peut être plus simple de comprendre les choses ainsi :
Parce
que Dieu est infinie délicatesse de
l’humilité et de l’amour, nul ne peut le voir et être heureux de son bonheur
que s’il l’épouse. C’est un mariage
d’amour où il est exigé de la fiancée (nous-mêmes) d’être comme Dieu[16] :
tout humble et tout amour[17]. Sans
ces qualités du cœur, nul ne peut épouser Dieu car nul ne peut alors comprendre quoique ce soit de Dieu.
Le Golgotha, c’est le monde. Les trois crucifiés
représentent tous les hommes et Dieu qui les sauve par la souffrance. Qu’ils
soient pervers, justes ou saints, tous les hommes sont crucifiés sur la terre,
tôt ou tard, afin de mourir à eux-mêmes et d’être sauvés.
(Chose
certaine)
Au
commencement de l’humanité, il n’y avait ni souffrance ni mort. Tout était
utile pour préparer chacun à devenir humble, sauf la croix. Le projet de Dieu
consistait à faire mûrir le cœur des hommes et des femmes à travers une vie
terrestre sans souffrance. La seule épreuve
devait être celle de la fidélité au cours d’un temps passé ici-bas. Dieu créa
Adam et Ève, le premier couple et leur donna ce seul commandement : "Aimez-moi, aimez-vous et aimez vos enfants.
Faites tout ce que vous voulez mais placez l’amour comme source de tous vos
actes." Au bout d’un certain temps, Dieu avait prévu de venir les
happer, les "assompter" dans la Vision. Il le fera plus tard à la
Vierge Marie, celle qui ne trahit jamais son amour. Mais Adam et Ève trouvèrent
cette fidélité bien peu excitante. Elle ne leur permettait pas la seule chose
qui finalement rend la vie piquante : "décider soi-même ce qui est bien et mal; vivre sans directives, être son
propre maître." Adam et Ève préférèrent vivre dans une
totale liberté, quitte à ne plus se soucier de l’amour. Ils se détachèrent de
leur Créateur. C’est le péché originel, celui qui tua l’humilité et l’amour.
L’orgueil
d’Adam et Ève était orienté vers l’amour égoïste. Il avait le pouvoir, s’ils
s’obstinaient à le garder, de les conduire à la solitude éternelle. D’autre
part, leur péché était encore si peu obstiné qu’ils pouvaient être amenés à y
renoncer. Alors Dieu agit pour les sauver. Il en prit les moyens. Pour cela il
leur fit expérimenter leur petitesse, en les livrant à eux-mêmes. Il s’effaça.
Il demanda aux anges de rendre leur protection discrète.
Toute
l’histoire de l’humanité dans son rapport avec Dieu peut finalement se résumer
en trois phases, "trois jours",
dirait la Bible ou encore "trois
croix", comme l’illustre le Golgotha. Elles se retrouvent dans chacune
des vies humaines, même aujourd’hui, car Dieu ne cesse d’agir pour sauver. Mais
elles constituent aussi d’une manière grandiose, l’Histoire Sainte que
rapporte la Bible.
(Chose
certaine)
Le plan de Dieu consistait à sauver l’homme à
travers l’expérience de la souffrance.
Lorsque
l’homme se mit à pécher, la souffrance elle-même devint utile : qu’on le
veuille ou non, elle peut conduire les hommes à découvrir leur petitesse. Et la
petitesse est une disposition à l’amour...[18]
Dieu ne changea pas après le péché de l’homme. Tout passe, les royaumes
s’effondrent, mais Dieu est. Il était toujours là, présent dans le silence et
tout ce qu’il voulait, comme toujours, c’était conduire chaque homme à la
gloire et qu’aucun ne se perde. Rappelons-le, il n’y a pas d’autre motif qui
puisse expliquer le monde. C’est là la clef qui permet d’ouvrir les mystères
scellés du sens de la vie. Tout ce que subissaient les hommes, tous ces maux
que l’Apocalypse décrit sous l’image des sept mystères scellés[19],
tout cela était permis et voulu par Dieu pour que tous soient sauvés. Mais
personne, depuis le premier péché, ne le savait plus : les sages, les savants,
nul sur la terre ne pouvait expliquer cette misère. Il fallut que Dieu lui-même
vienne l’enseigner de nouveau sur terre pour que les hommes comprennent.
1-
Dans un premier temps, Dieu laissa l’homme devenu égoïste vivre comme il le
désirait, goûter jusqu’au bout les fruits séduisants de l’arbre de l’orgueil.
Il le laissa en récolter la solitude, les souffrances, la vie insensée et la
mort. Lui-même se cacha et n’expliqua plus son but aux hommes au point qu’ils
oublièrent le sens de la vie. Ils tendirent les bras vers le ciel vide. Ils se
créèrent de multiples dieux imaginaires plutôt que de rester seuls. Ayant
touché le fond de la misère, humilié,
l’homme se mit à désirer de tout son être un Sauveur. Ainsi, à travers cette
souffrance, les plus orgueilleux parmi les hommes furent disposés à comprendre un début d’humilité et un besoin
d’amour...
Cette
première phase est la plus terrible car elle conduit, du fait du silence de
Dieu, au désespoir devant la mort. Elle est décrite par la Bible jusqu’à
l’heure de la vocation d’Abraham. Elle est symbolisée dans l’Évangile par le
"mauvais larron" crucifié avec Jésus. Elle est la phase du silence de Dieu, silence efficace
contre l’orgueil de l’homme qui meurt.
2-
L’homme appela à l’aide. Mais la souffrance sous toutes ses formes ne s’arrêta
pas. Il supplia qu’on vienne le
sauver. "Y-a-t-il
quelqu’un là-haut, qui entend nos prières ?[20]"
Alors, bien des générations plus tard, Dieu répondit. Il promit un Sauveur à quelques-uns. Mais il ne l’envoya pas tout
de suite pour que la soif des hommes s’approfondisse. D'orgueilleux qu'ils
étaient, ils devinrent plus humbles et leur âme se mit à désirer la révélation
du Dieu dont ils ne connaissaient pas le cœur. Ainsi, insensiblement, à travers
ces souffrances, le cœur de l’humanité
mûrit vers une humilité plus grande et un plus grand désir d’amour.
Cette
deuxième phase fut en particulier vécue par les juifs jusqu’à la venue du
Messie Jésus, à partir du jour où leur ancêtre Abraham reçut la promesse d’un
salut. Elle est symbolisée dans l’Évangile par le "bon larron". En
effet, les justes subissent les mêmes souffrances au cours de leur vie que les "mauvais". Mais elle provoque
un effet plus profond. Le bon larron crucifié à la droite de Jésus lui disait[21] : "souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume."
Elle est la phase de la foi et de
l’espérance.
3-
Enfin Dieu les sauva. Il le fit lui-même, par un moyen merveilleux, tel que
chacun peut s’écrier : "Vraiment,
Dieu nous aimait !" L’une des personnes de la Trinité se fit homme en
Jésus-Christ. Le Messie-Dieu enseigna et voulut mourir de la main de ceux qu’il
sauvait, afin que les plus orgueilleux parmi les hommes ne puissent plus douter
de son amour. C’est la phase de l’amour
de nouveau révélé, celle qui a commencé depuis deux mille ans. Mais Dieu ne
supprima pas pour autant les souffrances de la vie, ni son silence. Le chrétien
meurt comme le païen. C’est que, à travers ses souffrances, il lui fut possible
de transformer sa croix en plus
d’humilité et d’amour, en une humilité et un amour conscients de ce qui les
finalise. Le croyant chrétien peut le faire avec plus d’intensité car il
sait où il va et ce qu’il fait sur terre.
Cette
partie de l’humanité (et de notre cœur) est symbolisée au Golgotha par le
Christ lui-même. L’Église terrestre, qui est sensée le suivre dans la même
lumière, est comme son corps resté
sur la terre.
Bien des hommes contemporains vivent des première
et deuxième phases, selon la profondeur de la révélation religieuse reçue. En
effet, tant qu’il demeure en nous de l’orgueil, Dieu agit avec nous selon
l’ordre de la première phase. Il laisse la vie nous humilier pour que nous
devenions humbles. Lorsque nous devenons conscients de notre état de misère,
déjà éprouvés par la souffrance, il ne supprime pas la croix et la laisse même
nous atteindre jusqu’à la mort. Dieu agit alors avec nous selon l’ordre de la
seconde phase. Il veut que, une fois devenus plus humbles, nous espérions être
sauvés. Désirer être sauvé est déjà contradictoire avec l’orgueil. Il arrive
alors qu’il révèle son amour à certains et leur donne, avec la charité,
l’explication du sens de leur croix. Mais il ne nous emmène jamais tout de
suite avec lui dans le paradis céleste. Il nous laisse achever notre vie
terrestre avec nos compagnons pour que, souffrant avec eux, nous puissions
aimer jusque dans cette souffrance. C’est la troisième phase, celle de
l’Alliance d’amour réalisée par Jésus-Christ, celle où la mort sert à mieux
aimer Dieu et ses frères. Dans chacun des cas, celui qui sait regarder avec le
regard de Dieu, comprend que tout cela est en vue de la vie éternelle, du
bonheur qui n’a pas de fin, la rencontre face à face avec Dieu.
Le fait que l’humilité et l’amour[23]
soient les qualités essentielles de Dieu permet de comprendre beaucoup
d’actions scandaleuses de Dieu, en particulier son apparent abandon des hommes
sur la terre. En théologie chrétienne, il est même possible de dire que,
aujourd’hui et là où ils sont, les enfants tués, les vies humaines détruites ne
regrettent pas d’être passées par une telle souffrance. Le prophète Isaïe dit[24] : "On oubliera les angoisses anciennes, elles
auront disparu de mes yeux. Car voici que je vais créer des cieux nouveaux et
une terre nouvelle, on ne se souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à
l’esprit." L’Apocalypse ajoute qu’on se réjouira de
l’action de Dieu "car il aura lavé nos vêtements dans le sang
de Jésus[25].
Autant ils avaient souffert, autant ils se sont jetés avec force dans les bras
de Dieu, obtenant en retour la Vision béatifique à la mesure de tous leurs
désirs.
La souffrance
est donc un mal mais son effet peut être un bien, affirme Jean-Paul II[26]. La
souffrance, même quand elle n’est pas acceptée, creuse le cœur dans le sens de
l’humilité (je ne suis rien) et du
désir (désespéré parfois) d’un amour qui sauve.
Après
avoir rappelé ces prémisses, il est possible d’aborder comment se produit la
deuxième phase de la purification du cœur, l’heure de la mort.
Que se
passe-t-il au moment de notre mort ? Les évangiles nous donnent la réponse,
mais de manière elliptique et discrète. Il faudra tout un travail des
théologiens et de l’histoire de l’Église pour remettre tout en clair[28] Le
texte suivant semble à première vue parler du retour définitif du Christ à la
fin du monde.
"Comme les jours de Noé, ainsi sera
l’avènement du Fils de l’Homme. En ces jours-là qui précédèrent le déluge, on
mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra
dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge,
qui les emporta tous. Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’Homme. Alors deux
hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé; deux femmes en train
de moudre : l’une est prise, l’autre laissée.[29]"
Pourtant,
il se conclut d’une manière étrange. Si un homme est pris et l’autre laissé aux
champs en ce jour-là, n’est-ce pas parce qu’il s’agit d’autre chose ? En effet,
le jour de la fin du monde, si deux hommes sont dans un champ, ils seront pris
tous deux dans l’autre monde…[30]
Quand Jésus parle de l’avènement du Fils de
l’homme, il semble mêler volontairement plusieurs réalités, comme si pour lui
elles représentaient le même mystère. Il parle en particulier ici de l’heure de
la mort individuelle.
Tout
au long de cette partie, pour rendre les choses plus vivantes, je vais
m’appuyer sur le récit de la mort d’une personne dont le destin m’a frappé. Son
existence a été révélée lors de la publication de lettres retenues par la
censure allemande au cours de la seconde guerre mondiale.
Johann était fils de pasteur. Il est né au
printemps 1920. Il a vécu ses premières années comme un enfant sans problème
dans une Allemagne travaillée par les séquelles de la défaite de 1918. Lorsque
Hitler arrive au pouvoir, il est adolescent. Il est idéaliste et généreux. Il
assiste à une belle cérémonie présidée par le parti nazi. Il est ému par la procession
aux flambeaux qui clôture la journée. Les chants patriotiques sortant de
milliers de poitrines enthousiastes l’ébranlent. Il s’engage dans les jeunesses
hitlériennes, non par idéologie, mais parce que ses amis en sont aussi
enthousiasmés. Il y reçoit un uniforme dont il est fier. Outre les activités ludiques,
on y reçoit une formation patriotique et politique. La religion de son père ne
l’intéresse pas beaucoup : la paroisse est triste. Il se laisse influencer.
Une
chanson écrite par un Juif commentera 40 ans plus tard le destin des jeunes de
cette génération[32] :
"Si j’étais né en 1917 à
Leidenstadt, nourri de haine et de revanche, aurais-je été autre chose ?"
Dix ans plus tard, en 1943, Johann est à
Stalingrad. Il est caché dans une cave défoncée. Devant lui, la carcasse d’un
cheval achève de se décomposer. Il a faim. Un avion doit s’envoler demain vers
l’Allemagne, le dernier avion sans doute car les armées soviétiques sont sur le
point de prendre l’aéroport. Il écrit alors une lettre pour son père, sa
dernière lettre : "Papa, si ton Dieu existe, ton Dieu n’est pas à Stalingrad."
Jamais sa lettre n’arrivera : jugée trop pessimiste, elle est détournée par la
censure allemande. On ne retrouvera jamais le corps de Johann."
On
pourrait multiplier le récit des vies humaines. Chaque destin est unique et s’achève
sur cette terre par la mort. Entre Johann et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus[33],
rien ou presque n’est commun, sauf cette nécessité de mourir. Comment comparer
la charité de sainte Thérèse qui brûle sa courte vie au service de Dieu et de
ses frères, et le choix naïf de Johann pour une philosophie qui l’a plutôt
séduit par sa liturgie que par son contenu ? Que serait devenu Johann s’il
avait eu la chance de naître en France dans la famille de Thérèse Martin ? Il
serait certainement devenu un disciple de Jésus.
Or
Dieu aime ces deux êtres. Pour chacun d’eux, explicitement, il est mort sur la
croix. S’il n’y avait eu que Johann sur la terre et qu’il eut été bon de le
conduire à la vie éternelle en se faisant homme alors, sans hésiter, le Verbe
de Dieu l’aurait fait pour lui. C’est une certitude. Tout ce que nous
connaissons de Jésus dans l’Évangile proclame cette vérité de foi. Or Johann
par négligence ou par ignorance, est arrivé à l’heure de sa mort sans aimer
Dieu. Comment donc le sauver puisque nul ne peut entrer dans la vie éternelle
s’il n’aime Dieu ? Comment, surtout, Dieu le sauvera-t-il avec justice puisque la charité de sainte Thérèse est, au moins en
ce qu’en a permis sa naissance, le fruit d’événements fortuits ? Si sainte
Thérèse était née dans une famille adonnée au péché, n’aurait-elle pas été
capable du pire ? Elle le reconnaît elle-même.
Pour
cela, Dieu utilise un moyen simple : à l’heure de la mort, il apparaît sous la
forme de son humanité, accompagné des saints et des anges. L’Évangile en parle
lorsque Jésus prophétise : "Cette
bonne nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier à la face des
nations. Et alors viendra la fin[34]". L’Église l’a
mis dans son Credo et, chaque dimanche, sans en comprendre le sens, les
chrétiens récitent : "Il reviendra
dans sa gloire pour juger les vivants et les morts". Par son
apparition à la mort de chacun, cette prophétie se réalise alors[35].
Il
faut essayer de regarder d’une manière concrète ces événements que nous aurons
nous-mêmes à vivre :
Du trou où il se cachait, Johann entendit
l’arrivée d’un petit groupe de soldats soviétiques. Il n’avait plus ni
munitions pour défendre l’accès de son retranchement ni courage pour lutter
davantage. Il vit distinctement rouler à ses pieds une grenade. Il la regarda
passivement. Il entendit le sifflement de sa mèche à retardement. Cela dura une
seconde. Devant ses yeux, il vit apparaître en un éclair le visage de sa mère,
jeune et souriante, telle qu’elle était lorsqu’il était enfant. Il revit des
scènes de sa vie, comme si cette seconde durait de longues minutes[36].
Puis ce fut le trou noir. Dans sa mort, il n’éprouva ni révolte, ni haine. Il
n’avait même plus le courage de tels sentiments tant il avait faim. Il n’avait
pensé ni à l’au-delà dont parlait son père, ni à Dieu. Il n’en avait pas eu le
temps. Il était simplement mort, comme une machine usée par la guerre.
Et voici qu’il se découvrait bien vivant. Son
corps gisait à terre, broyé par la grenade. Mais lui vivait.
(Aspect
philosophique. Au lecteur d’en juger)
Dans sa
constitution pastorale sur l’Église[37], le Concile Vatican II écrit : "Puisque le Christ est mort pour
tous, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu connaît,
la possibilité d'être associé au mystère pascal." Cette phrase elliptique
tranchait de manière définitive une question qui depuis deux mille ans agitait
les saints et les apôtres : "Que deviennent les pauvres pécheurs ?
Ceux qui meurent sans connaître le Christ sont-ils sauvés ?"[38]
Ils
peuvent donc être sauvés. Il semble qu’il est aujourd’hui possible de savoir
comment et cela de deux manières. Pour la première fois, des saints comme sœur
Faustine en ont reçu la révélation. Mais, pour savoir ce qui se passe dans ces
premiers instants de la mort, il ne semble plus nécessaire de se servir de
manière exclusive de la révélation chrétienne. En effet, depuis une trentaine
d’années, grâce aux progrès de la médecine de réanimation, l’expérience humaine
semble y avoir directement accès[39].
Quand
le docteur Moody, psychologue américain, publia son livre La vie après la vie[40], il
eut un tel succès que des traductions furent faites un peu partout dans le
monde. Il devint un best-seller et ce n’est pas étonnant. L’expérience et les
sciences humaines semblent y rejoindre la religion pour proclamer l’existence
d’une vie après la mort. Il s’agit d’une étude faite d’une manière très
sérieuse auprès des américains ayant connu, à un moment, un état d’arrêt
cardiaque ou même de mort clinique. Le résultat de l’enquête est bouleversant
et d’un grand intérêt scientifique, philosophique et théologique.
En
dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant
par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les
différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de
frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent
l’expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient
possible d’en dégager des traits communs, sans cesse répétés dans la mesure des
documents qu’il a pu rassembler. En se fondant sur ces ressemblances, le
docteur Moody s’efforce de reconstituer brièvement un modèle théorique idéal ou
complet, de l’expérience en question en y introduisant tous les éléments
communs dans l’ordre où il est typique de les voir apparaître.
"Voici donc un homme qui meurt et, tandis
qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin
constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme
un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement et, dans le même temps, il se
sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Après
quoi il se retrouve hors de son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre
corps physique à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue
privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet. Il se
trouve dans un état de forte tension émotionnelle.
Au bout de quelques instants, il se reprend
et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit
qu’il continue à posséder un "corps" mais ce corps est d’une nature
très particulière et jouit de facultés très différentes de celles dont faisait
preuve la dépouille qu’il vient d’abandonner. Bientôt, d’autres événements se
produisent, d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui
venir en aide. Il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui.
Et soudain, une entité spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude
tendresse, tout vibrant d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être
fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et
qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans
cette tâche en lui donnant une vision panoramique, instantanée, de tous les
événements qui ont marqué son destin.
Le moment vient ensuite où le défunt semble
rencontrer devant lui une sorte de barrière ou de frontière, symbolisant apparemment
l’ultime limite entre la vie terrestre et la vie à venir. Mais il constate
alors qu’il faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore
venu pour lui. A cet instant, il résiste car il est désormais subjugué par le
flux des événements de l’après vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi
d’intenses sentiments de joie, d’amour et de paix. En dépit de quoi il se
retrouve uni à son corps physique : Il renaît à la vie.
Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à
son entourage ce qu’il a éprouvé entre temps, il se heurte à différents
obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines
capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre. De plus, il
voit bien que ceux qui l’écoutent ne le prennent pas au sérieux, si bien qu’il
renonce à se confier à d’autres. Pourtant, cette expérience marque profondément
sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là
à propos de la mort et de ses rapports avec la vie."
On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes
étapes[41]
:
1.
Décorporation : la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps.
2.
Tunnel noir.
3.
Vision de l’être de lumière.
4.
Vision de proches décédés précédemment.
5. Le
retour et ses conséquences psychologiques.
L’ordre
des étapes peut varier puisque certaines personnes affirment avoir vu l’être de
lumière[42]
avant le passage dans le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages
s’arrêtent à la première ou deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment
pas assez duré.
L’intérêt
scientifique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des
récits. Seule la décorporation peut être objet d’une enquête rigoureuse. Pour
les autres phases, le témoignage des patients ne peut être confronté à aucun
moyen de mesure.
Cette
expérience de décorporation présente un intérêt unique. On ne peut qu’être
frappé par le récit des victimes qui semble concorder en tous points avec la
réalité. Or la victime, il ne faut pas l’oublier, est en état de mort clinique.
Elle est allongée sur une table et ne peut, théoriquement, rien voir de ce qui
l’entoure. Parfois, on mesure un Electroencéphalogramme plat. Pourtant, on est
obligé d’admettre qu’elle voit de ses
yeux ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en dehors de son
propre corps.
Dans
une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en
fixant sur la face supérieure des armoires de petits autocollants représentant
des grenouilles, de telle façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut
la surprise de recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir
connu une expérience proche de la mort, la mention de ces autocollants.
A
cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se multiplie
et met la philosophie devant un nouveau phénomène paranormal. On est obligé
d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications effectuées,
qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais on peut en
décrire les conditions.
Les
propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise. Il
s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière
palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux
ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui-même, un
corps psychique. Sa matière est actuellement totalement inconnue et non
visualisable en physique. On a affaire à autre chose. Certains parlent déjà
d’un "état psychique
de la matière."
Il
s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant
toute une vie psychologique et spirituelle. Il possède trois sens. Le toucher
et le goût ont disparu. L’imagination est entièrement présente, avec la mémoire
et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus peuvent réapparaître intacts.
Les émotions passionnelles sont présentent mais elles sont beaucoup plus
paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse s’exercent sans excès,
comme si l’absence du corps physique les rendait plus contrôlables.
La vie
spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence commence à
comprendre ce qui arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le
plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques
nouvelles.
Ce
corps est fluide. Il peut passer à travers les murs les plus épais, obéissant
aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant aperçu qu’elle
mourait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents dans la salle
d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé plusieurs
pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son réveil des
détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa bonne foi.
Ce
corps est agile. Il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un
homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il
avait laissée à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en
quelques instants des milliers de kilomètres.
Ce
corps est léger. Il ne présente aucun des inconvénients du corps physique,
fatigue, poids, inertie. Étant entièrement soumis à la volonté, il peut être
appelé en ce sens "corps
spirituel".
Ce
corps est parfait. Il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une
jeune fille, aveugle de naissance, put décrire avec force détails la couleur de
ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien combattant,
amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était avant son
accident.
Enfin, ce corps est
doué de perceptions extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme
naturelles. Les témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées
autour d’eux mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est
une sorte de télépathie à sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables
d’attirer l’attention de qui que ce soit. Chaque personne, chaque objet, leur
apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux couleurs vivantes ce qui rend
leur perception de l’univers presque féérique. Selon les pensées et les
sentiments de ceux qui sont dans la pièce ces couleurs prennent des nuances
différentes.
Devant
de telles propriétés, qui paraissent irréelles, on serait tenté de rejeter tout
cela dans le domaine imaginatif. L’hypothèse d’un effet psychique subjectif
provenant de la mort clinique a été émise. Elle ne résiste pas à une analyse
sérieuse. Les récits liés à la décorporation ont une objectivité vérifiable.
Une hallucination due à des endomorphines pourrait expliquer des apparitions
d’images subjectives (éléphants roses, images du passé etc.). Mais comment
expliquer la vision physique, précise et vérifiable du réel ? Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas
possible. Le problème est que cela est[43].
Certains
philosophes américains ont donc essayé de se pencher sur la question. Il leur
est apparu d’abord que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La
psychologie le décrit comme propriété, distincte de l’hallucination, de
certains psychotropes puissants. D’autre part, de longs traités
pluriséculaires, écrits dans les traditions philosophiques égyptiennes (le ka et le ba), chinoises, hindoues et tibétaines (corps astral), animistes
(esprits) en parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes
explications philosophiques du phénomène. Selon ces traditions, on peut
discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois
corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne : le
corps physique, le corps psychique et l’esprit[44].
Dans
l’hindouisme, le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la
nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre
corps, appelé le corps astral. C’est le corps physique qui est source du
développement du corps astral. Mais, selon cette tradition, la survie de ce
dernier est indépendante de la mort du premier. Une simple comparaison permet
de comprendre son point de vue. Le corps astral peut être comparé et
différencié, dans son rapport avec le corps physique, à un champ magnétique
créé par un électro-aimant. Si l’on coupe l’électricité, le champ magnétique
s’arrête à son tour. Au contraire, si l’on tue le corps physique, son double
subsiste. Après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et
subsiste en se nourrissant de sa propre énergie. Cette propriété explique
l’expérience de la décorporation, aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Le
corps astral est, avec le corps physique, siège des facultés psychiques comme
les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire.
Le
corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de
l’intelligence et de la volonté. Il est propre à l’homme. Les animaux en sont
dénués[45].
Les philosophes orientaux ne lui donnent le nom de "corps" que par
métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement
spirituel. Le corps mental est immortel et indestructible[46].
Cette
explication orientale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie
occidentale, semble au contraire lui donner chair. Elle le fait cependant en
permettant une importante correction[47]
: l’Occident chrétien croyait, depuis 2000 ans, à la suite de Platon et
d’Aristote, de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, qu’un mort était dénué
de toute sa sensibilité!
Aristote,
père de notre philosophie, distingue comme les orientaux trois degrés de vie.
Mais son analyse s’attache moins au trois "corps" de la vie. Selon lui, certaines
opérations vitales sont communes avec les plantes. Ce sont des opérations de la vie végétative; d’autres sont
communes avec les animaux. Ce sont les opérations de la vie sensible. D’autres, enfin sont spécifiques aux hommes. C’est
la vie spirituelle. Elle s’épanouit
en deux facultés : l’intelligence et la volonté. Les deux facultés de l’esprit
humain ont un objet immatériel[48],
c’est donc qu’elles-mêmes dépassent la matière. Elles ne peuvent avoir d’organe
matériel. Aristote prouve ainsi leur survie après la mort. Par contre, toute
faculté liée à un organe matériel lui paraissait devoir disparaître avec la
mort du corps matériel. Parce que l’œil est fait de matière, il peut capter la
lumière matérielle. En conséquence, le sens de la vision disparaissait
nécessairement pour lui avec la destruction de l’œil.
Saint
Thomas d’Aquin suivit Aristote dans cette logique. Selon lui, après la mort,
les hommes devenaient comme les anges, c’est-à-dire de purs esprits, dénués de
toute sensibilité. Le souvenir des visages, des sons et des paysages
s’effaçaient avec le cerveau. Ne subsistait de la personne que le tréfonds
spirituel de ses connaissances et de ses choix. Visiblement, Aristote et saint
Thomas d’Aquin se sont trompés, sans aucune faute de leur part. Le psychisme ne
disparaît aucunement avec la mort. La raison philosophique est contredite par
l’expérience. Apparemment, Dieu veut que l’homme, qu’il a créé par nature pour
connaître et aimer avec sa sensibilité, ne la perde jamais. Il ne l’a condamné,
pour le changer, qu’à perdre sa chair, et c’est déjà une effrayante épreuve.
Ainsi, ceux qui ont approché la mort témoignent avoir vu avec leur oeil sensible, de la même manière qu’ils
voyaient les infirmières s’agiter dans la pièce, un Être de lumière et leurs
proches déjà décédés. Il ne s’agit pas d’une simple vision intérieure, de l’intuition
intellectuelle d’une présence. Il y a des couleurs, des formes. Cette beauté
sensible, qui leur révèle une beauté spirituelle leur semble tellement
puissante qu’ils n’arrivent pas à la décrire. Nous semblons être, tout en
restant dans le monde sensible, dans une dimension spirituelle[49].
En
toute rigueur, la vérité des phases 3 et 4 de l’expérience de la mort approchée
(vision de l’Être de lumière et de proches décédés) est indémontrable au plan
philosophique. En effet, si on analyse avec précision le témoignage de ceux qui
ont frôlé la mort, ces expériences sont souvent adaptées à leur sensibilité.
Certains auteurs ont donc pu affirmer qu’ils rêvaient. Comment démontrer l’inverse ? C’est difficile.
Si la philosophie et la psychologie n’ont pas de preuves, elles ont par contre un signe de l’objectivité de ces
témoignages. Le docteur Moody sans se prononcer définitivement, affirme son
sentiment d’être en présence d’un phénomène réel. Selon lui, les maladies
psychiques de type hallucinatoire ou hystérique, si elles produisent l’audition
de voix et la vision de fantômes imaginaires, ont après coup un effet
destructeur sur la personnalité. Les personnes s’enfoncent dans leurs névroses
(angoisses, obsession, désespoir) et parfois sombrent définitivement dans leurs
psychoses (paranoïa, schizophrénie).
Bien au contraire, la N.D.E (Near Death Experience)
donne comme un souffle puissant de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre
eux, la valeur première devient l’amour, selon deux formes significatives :
l’amour de l’Être de lumière, qu’ils savent devoir rejoindre un jour (certains
l’appellent Dieu, d’autres Jésus ou Bouddha ou Mahomet, selon leur culture), et
l’amour de leurs frères. En vue de ces deux amours, ils s’efforcent de
progresser, d’éliminer leurs défauts, de développer leur intelligence.
Selon
le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état malade
d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Je suis pour ma part
assez d’accord avec lui, tout en maintenant que ce raisonnement ne prouve pas
mais suggère. Il m’apparaît comme un simple signe de la vérité du phénomène car
"d’un mauvais arbre ne sortent pas
de bons fruits".
L’Église, par la voix de son Magistère, ne s’est
jamais prononcée à propos de l’expérience proche de la mort. En général,
l’Église catholique recherche trois critères avant de se prononcer sur la
vérité d’un phénomène mystique :
1.
Une vision peut être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses,
les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont profondément
positifs : par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu (humilité,
sens de l’importance de l’amour) ou encore à approfondir la connaissance de la
religion.
2. Il est indispensable
qu’une vision soit cohérente avec le message de la Bible, selon
l’interprétation authentique du Magistère romain.
3. Ces deux critères ne
suffisent pas à prouver aux yeux de l’Église qu’il y a bien eu vision.
N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et une grande
orthodoxie. L’Église demande en outre, avant de reconnaître une apparition,
quelques miracles dont l’origine divine est manifeste.
Les
deux premiers critères sont parfaitement vérifiés[50].
Mais le troisième manque. L’Église ne se prononce donc pas sur la N.D.E. Elle
laisse aux théologiens le soin d’approfondir, de rechercher si les critères 1
et 2 sont valables pour la N.D.E.
Qu’on
me permette de donner ici mon opinion personnelle. Je suis intimement persuadé
que la N.D.E., telle que le docteur Moody l’a fait découvrir au monde, est un
bienfait pour l’humanité. En ces temps où la foi est rejetée comme une attitude
indigne d’un adulte doué d’esprit critique, Dieu, encore une fois, me semble
avoir accepté de se mettre à notre niveau. Pour se révéler à nous, il parle pour
la première fois un langage pourtant ancien de sa part. Il s’adapte à la
mentalité de son public. Le monde actuel a besoin de rationalité et se méfie de
la foi aimante. Dieu se fait donc philosophe. Jadis, aux astrologues chaldéens,
qui ne comprenaient que l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant
apparaître une étoile. Il se fit astrologue. Aux bergers, prêts à croire le
moindre miracle, il envoya un ange lumineux.
Une
telle condescendance de la part de Dieu est habituelle. Je souhaite qu’elle
soit pour beaucoup le chemin qui conduit à l’espérance. Ce fut le cas pour
saint Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de
celle-ci : "Je connais quelqu’un,
confie-t-il à propos de lui-même, qui, voici quatorze ans -étais ce avec son corps
? Je ne sais; étais-ce hors de son corps ? Je ne sais; Dieu le sait-, cet homme
là fut ravis jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là -était ce en son corps ?
Je ne sais. Dieu le sait-. Je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il
entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire"[51].
(Recherche
hypothétique)
Un
théologien comme saint Augustin ne devrait pas, logiquement, se poser la
question de la localisation physique de l’Au-delà. Un mort étant un esprit pur
sans aucun reste de corps, une sorte d’ange constitué par sa pensée et sa
volonté, il ne pouvait être localisé. Avec la découverte de l’Expérience de
Mort Imminente, tout change. La survie d’un corps psychique et de ses facultés
implique l’existence d’un monde parallèle composé d’une forme de matière. Il
semble être tout proche. La porte mystérieuse qui en forme l’entrée et que
seule la mort ouvre, s’ouvre partout où se trouve un mourant. Un rideau se
déchire, un couloir est franchi et révèle une autre dimension bien réelle,
comportant des terres, des jardins et des cités. Rien n’empêche que l’espace
local occupé par ce monde de ce lieu soit le même que le nôtre, à un plan de
réalité différent et inaccessible pour le moment. Certains astronomes pensent
que notre univers contient 80% de matière indétectable, n’émettant aucun
rayonnement repérable. Est-ce la signature de ce monde que nous ignorons ?
L’histoire de l’Unteroffizier Johann S. se
poursuivait. Déjà s’évanouissait la vision de la ville en ruine où il était
mort, ces dépouilles sanglantes de Stalingrad. Il se sentait étonnamment bien.
Ses impressions de faim et de fatigue chronique avaient disparues. Il ressentait
une grande paix intérieure, comme si Stalingrad était à mille lieux. Il se
sentait physiquement en pleine possession de ses moyens. C’était
indescriptible.
(Chose
certaine)
L’heure
de la mort est la deuxième étape de toute vie humaine. La vie terrestre visait
à établir l’homme dans l’expérience de sa petitesse. Ici, autre chose se
profile, un choix libre et décisif va devoir être fait. Mais le mourant
l’ignore encore. Certaines propriétés nécessaires au choix commencent à lui
être données. La première condition requise consiste dans la parfaite maîtrise
de soi et l’absence de toute violence ou faiblesse.
Depuis
le péché originel, nous sommes tous conditionnés par la faiblesse. Notre
liberté existe mais est contrainte, dévoyée par une autre force. Saint Paul la
décrivait ainsi [52] : "il m’a été mis une écharde dans la
chair, un ange de Satan chargé de me souffleter, pour que je ne
m’enorgueillisse pas! A ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur pour
qu’il s’éloigne de moi. Mais il m’a déclaré : "Ma grâce te suffit car la
puissance se déploie dans la faiblesse."
Depuis
le début de l’humanité, beaucoup d’hommes se sont détournés de Dieu, sont
morts à la vie de la grâce, sans qu’il y ait une totale responsabilité de leur
part, mais parce qu’ils se laissaient entraîner par les pulsions de leur corps.
Notre sensibilité est ainsi faite qu’elle ne désire, pour sa part, que ce qui
peut lui procurer du bien-être. Le bonheur, pour l’animal qui sommeille en
nous, consiste dans l’équilibre psychologique. Pour beaucoup, le moyen le plus
évident pour être heureux semble se trouver dans la recherche conjointe des
honneurs (source de valorisation), des plaisirs (car celui qui sait jouir du
présent n’a plus besoin de personne) et de l’argent (qui permet de prévoir en
toute sécurité pour le lendemain). Saint Jean affirme dans sa première lettre[53] que
tout ce qu’il y a dans le monde se ramène à la
convoitise de la chair (les plaisirs), la
convoitise des yeux (les honneurs) et l’orgueil
de la richesse (que donne l’argent). Ces instincts sont tellement présents
dans notre chair que, même si nous connaissons Jésus, et au-delà de notre amour
pour lui, nous ne cessons de retomber dans la recherche excessive de ces
biens. Nous sommes parfois capables de mettre de côté ce que nous savons de
lui, de cacher pour quelques instants sa présence dans un tiroir de notre conscience
pour quelque plaisir égoïste ou pour quelque malhonnêteté trop tentante. Celui
qui, par exemple, trompe sa femme ne peut au même moment penser à elle ou à son
Dieu en toute tranquillité. Il commet un acte capable de tuer ces deux amours[54].
C’est souvent plus fort que lui. Bien des péchés graves (mortels à l’amour)
sont ainsi commis par faiblesse.
Un
célèbre archevêque de Paris, se sachant condamné à brève échéance, ne cessait
de parcourir les bas quartiers de la ville, dans une voiture aux vitres
relevées. Il disait : "je pense à tous ces gens à qui j’ai omis d’annoncer
le Christ." Les saints eux-mêmes ont connu cette agonie à la fin de leur
vie. Ils prenaient souvent conscience d’une manière terrible de tout le temps
perdu par leur faiblesse au cours de leur vie alors qu’il y aurait eu tant à
aimer. Saint François de Sales disait "j’ai
préféré annoncer Jésus aux femmes jeunes et belles, j’ai délaissé trop souvent
les autres."
Tant
que nous sommes sur la terre, Dieu nous maintient dans cet état de faiblesse.
L’orgueil qui conduit en enfer est bien plus dangereux. Ces échardes laissées
dans notre chair nous rappellent sans cesse à la réalité de notre petitesse.
Mais il serait aberrant qu’au moment de la mort, un homme s’éloigne de Dieu
pour l’éternité entraîné par un désir d’une chair qu’il arrive mal à
contrôler. C’est la raison pour laquelle, durant ce temps où l’âme se sépare
progressivement de son corps, apparaît un moment où la personne se sent bien.
Dans le moment de la mort, le corps et la sensibilité sont rendus par Dieu
légers pour l’âme. Les passions s’apaisent. Une grande paix psychologique
apparaît. La personne est encore liée à son corps charnel ou à une partie de
son corps charnel mais le poids de sa vie sensible ne peut plus entraîner la
volonté dans une direction qu’elle ne désire pas. A cet instant, elle
expérimente un état semblable à celui que connaissaient en permanence Adam et
Ève au jardin d’Eden ; le foyer qui, au cœur de sa chair, l’entraînait
inexorablement vers le péché s’éteint, toute passion devient contrôlable.
L’angoisse desserre son étau : les névroses qui emprisonnaient trop souvent la
vie terrestre s’évanouissent. C’est un incroyable état de paix dont
l’impression est d’autant plus remarquable qu’elle succède souvent à la
souffrance qui accompagne le processus de l’agonie. Sans le savoir, les
personnes voient se réaliser dans leur sensibilité cette parole de la Bible :
"Dieu a essuyé les pleurs sur tous
les visages, il a ôté l’opprobre de son peuple sur toute la terre car Dieu a
parlé.[55]"
La
souffrance de la vie terrestre, l’angoisse de la mort avaient pour but,
rappelons-le, de rendre humbles et désireux du salut les orgueilleux, et de
permettre à ceux qui aiment déjà d’aimer jusqu’à des absolus incroyables. Par
ce chemin de croix terrestre, Dieu prépare le cœur en le purifiant au feu comme
l’or. La paix psychologique retrouvée au moment de la mort est l’étape
suivante. Elle donne à la personne devenue consciente de sa petitesse, grâce à
la souffrance[56],
la capacité de poser un choix véritablement libre, plus fort que ses pulsions
instinctives. Alors, pour que le choix puisse avoir lieu, il ne lui manque plus
qu’une chose : la connaissance plénière de ce qui est à choisir.
(Chose
certaine)
Devant Johann se tenait un Être. Il n’existe
pas de mots pour rendre compte de ce qu’il voyait. Il s’agissait d’une
personne, avec une forme d’homme "comme un fils d’homme"[58], dit saint Jean. Il était debout et le
regardait. Il émanait de sa présence lumière et bonté. Il y avait une lumière
physique qui était en même temps "de la vérité". La bonté spirituelle,
l’accueil était en même temps "de la chaleur corporelle." L’une était
l’autre et on ne pouvait distinguer ce qui était spirituel du corporel. Johann
était pétrifié. Il se sentait aimé tout au fond de son être. Il se sentait
compris et pardonné.
Il voyait défiler, dans le regard de cet
homme, chaque événement de sa vie. Il se revoyait jeune soldat fringant et
rempli de morgue avant que la souffrance ne l’ait brisé. Il se rendait compte
de l’énormité de sa bêtise et de son orgueil de cette époque. Pourtant rien
dans les yeux de l’Homme ne le condamnait. Tout n’était, dans la vérité de son
regard sur son péché, que miséricorde et pardon offert.
Qui
est cet Homme de lumière ? Cet exemple est significatif de ce que chacun de
nous va connaître à l’heure de sa mort. A la différence de sainte Thérèse de
l’Enfant Jésus, ce jeune soldat allemand est arrivé au seuil de l’autre monde
sans connaître Dieu. Certes, il en avait entendu parler par son père pasteur
mais il n’avait jamais établi une véritable relation d’amour avec lui. A la
suite de Jésus[59], on
peut dire "qu’il n’était pas né d’en
haut". Son âme était comme morte. Il était dans le même état que des
millions d’autres êtres humains qui se présentent en état de mort spirituelle,
soit parce qu’ils n’ont pas reçu l’annonce de cette vie, soit parce qu’ils
l’ont refusée ou laissée mourir.
Au
contraire, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus aimait Dieu et sut garder, malgré
les souffrances, une relation de confiance avec lui. Son amour fut si grand
qu’elle le maintint sans faille à travers son agonie. Sainte Thérèse est
arrivée "vivante" à l’heure de sa mort car la grâce et la charité
vivifiaient son âme. Cependant, et en cela elle peut être rapprochée de Johann,
sainte Thérèse ne pouvait que soupçonner l’intensité de l’amour de Dieu pour
elle. Il lui était impossible d’en comprendre toute la portée car cet amour est
infini. En contrepoint, elle n’avait aucune idée de la misère de son âme, oui,
même elle, car "devant
la pureté infini de Dieu, le juste lui-même est impur[60]." Johann
arrivait devant Dieu avec une montagne de péchés ; sainte Thérèse avec une
poussière. La montagne est plus grande que le grain de poussière. Mais, en
comparaison de l’infinie pureté, un péché quel qu’il soit nous met dans la
confusion.
Tout
chrétien fervent est comparable à sainte Thérèse. Il sait que Dieu est amour,
n’ayant cessé d’en avoir la preuve par un simple regard vers le crucifix. Il
l’aime et n’a cessé de s’entretenir dans la prière avec sa présence
silencieuse, mais il ne fait que soupçonner l’impensable. Sa confiance est
admirable puisqu’il est capable de croire sans avoir vu. Il est comparable à
une fiancée qui aimerait son futur époux alors qu’elle ne possède de lui qu’une
photographie et quelques lettres. Or, au moment de la mort, Johann comme
Thérèse ont eu à poser un choix qui engage toute la durée de leur vie, leur
éternité. Ils ont eu à dire oui ou non à un mariage d’amour qui leur était
proposé. Johann en a été tout surpris; Thérèse avait déjà dit oui depuis
toujours.
Cet
engagement à l’heure de la mort est si important qu’il nécessite d’être posé
dans des conditions très précises. Comment une épouse peut-elle véritablement
choisir celui avec qui elle va partager toute sa vie si elle est poussée par la
violence de ses parents ou, encore pire, si elle ne connaît pas un tant soit
peu le cœur de son futur mari ? A plus forte raison, lorsqu’il s’agit de
l’éternité, la qualité du choix doit être parfaite. Aux yeux de Dieu et des saints
Anges, aux yeux des démons eux-mêmes, "l’heure de la mort" est le
moment le plus important de la vie humaine. L’entrée dans la vie éternelle avec
Dieu ou dans l’enfer éternel se joue là. Voilà pourquoi Dieu dispose l’homme à
ce moment de telle façon que son choix soit véritablement lucide, volontaire et
libre.
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
L’Évangile
est si simple qu’il nous est impossible d’en soupçonner toute la portée sur
cette terre. En se faisant homme et en mourant sur la croix, le Verbe de Dieu
criait : "j’ai soif", tant
son désir de nous faire comprendre cela était brûlant. Mais il ne trouva que
chez Marie la capacité à saisir pleinement l’amour. Chez tous les autres
chrétiens et les saints eux-mêmes, il existe des obscurités invincibles à ce
mystère. Le conditionnement de notre culture, de notre éducation, de nos a priori, de notre psychologie, ne
disparaît jamais totalement et rend compliquée notre saisie de l’amour de
Dieu.
C’est
la raison pour laquelle tout homme et
toute femme, quelle que soit sa religion, quel que soit l’état de son âme,
entend au moment de sa mort, alors qu’il est encore lié à son corps, la
prédication de la Bonne Nouvelle. Cela ne se fait pas avec des mots; les mots
sont trompeurs et incapables de signifier un tel poids d’amour. Cela ne se fait
pas par la rencontre d’un apôtre, comme sur la terre. Les apôtres ne sont que
des hommes et, même transfigurés par l’amour, ils ne donnent qu’une image
lointaine de Dieu; cela ne se fait pas par la rencontre avec un ange de Dieu.
Ces créatures spirituelles pourraient suffire puisqu’elles voient Dieu. Elles
furent d’ailleurs suffisantes pour nos Pères, avant la Rédemption réalisée par
le Christ[62]. Mais
elles ne suffisent pas compte tenu de l’amour de Dieu.
Il
veut prêcher lui-même, sans intermédiaire. Il s’est fait homme pour cela en
Jésus. Cela ne se fait pas par la rencontre avec Jésus tel qu’il était sur la
terre, dans sa condition douloureuse et méprisable de crucifié. Tant de gens
l’ont vu ainsi et n’ont rien compris. Dieu ne peut se contenter d’apparaître
aux hommes sous cette forme puisqu’il désire tout tenter pour les sauver.
Alors, afin que tous comprennent, une fois pour toutes, l’Évangile, Dieu a
décidé de venir le prêcher lui-même, au moment de notre mort, sous une forme
nouvelle. Jésus, le Verbe de Dieu fait homme, apparaît non dans sa condition
d’esclave mais avec son corps ressuscité et revêtu de gloire. Chacun le verra
et sera contraint de s’écrier, frappé par la clarté de son apparition :
"Vraiment, Dieu nous aime!".
L’Écriture
tout entière ne cesse de rappeler ce mystère : "Cette génération ne passera pas avant que tout cela ne soit
accompli[63]".
De même, l’Apocalypse[64]
annonce cela pour "bientôt."
Sans cesse, au cours de l’histoire, de saints apôtres envoyés par Dieu
annoncèrent le retour glorieux de Jésus comme imminent. Ils pavèrent leur dire
par des miracles. Saint Vincent Ferrier, par exemple, alla jusqu’à ressusciter
une femme pour confirmer devant ses auditeurs stupéfaits la vérité de sa
prophétie. Or il mourut comme les premiers disciples de Jésus et il se trouva
des gens pour dire : "Où est la
promesse de son avènement ? Depuis que les Pères sont morts tout demeure comme
au début de la création[65]".
Pourtant, les paroles de Jésus et de ses apôtres s’étaient accomplies avec
force et puissance. A l’heure dite, au moment de la mort de chacun, après que
se sont achevées les années données par Dieu pour se convertir, le jour du
Seigneur arrive. En ce jour, par la mort, notre horizon habituel se dissipe avec fracas, notre corps se
dissout avec toutes les oeuvres matérielles de notre vie terrestre. Alors se manifeste
le Seigneur, avec puissance et grande gloire[66].
Ainsi, en quelques années, cent ans au maximum après sa naissance, toute une
génération voit le retour du Christ s’accomplir. La grande erreur de bien des
chrétiens est de croire que les textes de l’Écriture ne parlent que de la fin
définitive du monde, celle que vivra la dernière génération de l’humanité
lorsque Jésus reviendra pour tous à la fois. Ils s’interrogent passionnément
sur la fin du monde alors que la fin de leur monde à eux est imminente.
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
Comment
décrire le Christ tel que nous le verrons à son apparition ? Les mots sont trop
pauvres pour exprimer cette expérience. Saint Jean qui le vit et nous en
rapporta la description raconte qu’à sa vue il est tombé "comme mort [68]". Il n’y a rien
d’étonnant à cela. En voyant Jésus dans sa gloire, il a simplement saisi d’un
seul regard l’Évangile lui-même. C’est un amour inimaginable dont la révélation
brutale ébranle l’esprit.
Mais
laissons Jean raconter lui-même : "Je
me retournai pour regarder la voix qui me parlait, et, m’étant retourné, je vis
au milieu de la lumière comme un Fils d’Homme[69]".
Comme Johann dont nous décrivions l’expérience, Jean a vu apparaître devant lui
un être bien visible. Ses yeux ne l’ont pas trompé. Il avait une forme humaine.
Ils ne virent pas Jésus-Christ directement dans sa divinité mais à travers son
humanité[70]. La
raison en est simple. Cette apparition a pour objet de permettre à l’homme de
choisir Dieu, non de lui donner déjà la Vision Béatifique. Johann, à l’heure de
sa mort, devait recevoir la possibilité de rejeter librement le bonheur proposé
par le Créateur, car Dieu ne veut se donner qu’à celui qui le désire. Il ne
veut pas épouser de force l’âme qui, pour des raisons personnelles, refuse de
se mettre dans sa dépendance. Or si Dieu se montrait dans son Essence dès le
premier instant de la mort, l’homme serait happé
en lui. Nul n’aurait plus aucune possibilité de s’en détourner. Dieu est le
Bonheur. L’homme, c’est plus fort que lui, c’est inscrit dans sa nature, ne
peut faire autre chose que se tourner vers le bonheur. L’insecte est fasciné
par la lumière. Cette attraction est si forte qu’il perd jusqu’à son instinct
de survie quand il la voit. Il se brûle les ailes et le corps en voulant s’unir
à la flamme de la bougie. De même l’homme et l’ange, une fois dans la Vision de
Dieu, ne peuvent plus jamais se détourner de lui. Ils possèdent le bonheur et
nul ne se détache du bonheur! Pour permettre à l’homme de le choisir librement,
Dieu ne révèle donc qu’une image de lui. Il s’agit d’une image parfaite, celle
qu’il a façonnée lui-même en se faisant homme. Il s’agit d’une image
complètement adaptée à la manière dont l’homme comprend les choses. Jésus-Christ
a un vrai visage, un sourire, des mains accueillantes, un regard. Peut-il y
avoir, pour nous, un langage plus adapté ? Mais cette fois, à la différence de
sa première venue sur la terre, son visage, son sourire, ses mains, ses yeux
sont glorieux. Celui qui le voit ne distingue pas seulement leur forme. Celui
qui le touche ne sent pas seulement sa chair; il voit et il touche l’âme du
Christ. Il distingue, comme dans une intuition limpide, ce qu’est le cœur de
cette personne de lumière qui le regarde. La chair du corps glorieux est ainsi
faite qu’elle laisse transparaître la totalité des pensées du cœur. Celui qui
voit Jésus voit donc, en un instant, tout l’Évangile.
Saint
Jean ne sait quels mots employer pour nous rapporter ce qu’il a saisi en cet
instant[71]. Il
parle donc avec des images[72] : "il est vêtu d’une longue robe serrée à
la taille par une ceinture d’or." Sa longue robe est comme la
plénitude de la perfection qui émane de toute la personne de Jésus. Toutes ces
richesses sont comme tenues par une ceinture d’or qui symbolise la plus grande
de toute, la charité. C’est justement cet amour de charité, cette bonté qui
frappe en premier lieu celui qui voit Jésus. A l’exemple de Johann, nous nous
sentirons aimés et compris totalement.
"Sa tête, avec ses cheveux blancs, est comme
la laine blanche, comme la neige." Il est difficile de décrire la
maturité qui rayonne de Jésus. Il a la sagesse d’un vieillard. Quant à son
incomparable douceur, elle peut être comparée à celle de l’agneau; sa pureté
brille.
"Ses yeux sont comme une flamme ardente."
Voici une image pour illustrer cette force de l’apparition du Christ. On
raconte que saint Maximilien Kolbe, alors qu’il mourait dans une cellule au
camp de concentration d’Auschwitz, regardait ses gardiens avec une telle bonté
que ceux-ci ne pouvaient soutenir sa présence. Notre rencontre avec Jésus
glorieux sera autrement insoutenable. Le saint Curé d’Ars était effrayé à
l’idée de cette rencontre : "Comment pourrais-je paraître devant lui avec
mon impureté ?"
Saint
Jean continue sa description ainsi : "Ses
pieds sont comme l’airain précieux que l’on aurait purifié au creuset."
Il veut sans doute signifier par là que nous découvrirons en voyant Jésus qu’il
n’a réellement commis aucun péché. Ses pieds qui ont touché la terre et ont été
cloués sur la croix sont restés purs. Il ne s’est pas trouvé de fourberie dans
sa bouche. Lui, qui insulté ne rendait
pas l’insulte, souffrant, ne menaçait pas mais s’en remettait à celui qui juge
avec justice.
Cette
pureté totale de Jésus vis-à-vis du péché sera comme un miroir limpide où nous
verrons le véritable état de notre âme. Tous nous sommes pécheurs. Seule la
Vierge Marie n’a jamais eu la moindre parcelle d’égoïsme. Nous comprendrons en
voyant Jésus ce qu’est le péché, ce qu’est notre péché. C’est ce que veut signifier
saint Jean en disant que "sa langue
est comme une épée à deux tranchants". En voyant Jésus, nous nous
verrons nous-mêmes jusqu’au fond de notre conscience. Aucun de nos actes,
aucune de nos intentions ne seront cachés. La vérité, tel un glaive tranchant
sera en un instant établie sur nous-mêmes.
Pour
résumer toute l’intensité de cette vision saint Jean s’exclame : "C’est comme le soleil qui brille de
tout son éclat." Un seul regard sur Jésus et nous comprendrons tout le
contenu des sermons des prêtres, tout ce qui est dit dans l’Évangile, la valeur
de notre propre vie. Nous comprendrons l’amour de Dieu, la proposition qu’il
nous fait de la Vision béatifique, les conditions requises pour y entrer :
conversion, repentir, humilité, amour absolu.
Certains
disciples de Jésus se demandaient si, lors du retour du Christ, ils ne
risqueraient pas de le confondre avec un autre. Après avoir décrit la manière
dont il se montrera, il parait évident que nous ne pourrions en aucune façon
nous tromper : "comme l’éclair
jaillissant d’un point du ciel, resplendit jusqu’à l’autre, ainsi en sera-t-il
du Fils de l’homme lors de son Jour[73]."
La
Bible l’affirme avec force "toute
chair se prosternera devant ta face et devant la face de l’Agneau".
L’âme, plongée dans la tendresse de Jésus découvre en pleine lumière la vanité
de tout ce qui n’est pas l’amour aux yeux de Dieu. Sa vie entière s’en trouve
comme éclairée et le moindre péché, la moindre note d’égoïsme qui lui revient à
la mémoire, prend à ses yeux toute l’horreur qu’elle aurait dû avoir depuis
toujours.
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
A
cette étape du jugement dernier, les âmes quelles qu’elles soient, ont la foi[74].
Elles savent que Dieu existe et qu’il est amour. L’athéisme n’existe plus dans
l’au-delà.
La
première révélation faite par Jésus à celui qu’il rencontre, tient en une
parole "Voici le cœur qui t’a tant
aimé". Elle ne se fait pas avec des mots mais avec du feu,
c’est-à-dire un amour et une tendresse presque palpables. C’est comme une vision de jaspe vert et de cornaline, commente
l’Apocalypse[75],
manifestant ainsi la pureté bouleversante du regard de Jésus. Tout ce que
l’Église appelle le jugement dernier est contenu dans cette parole unique; le
reste n’est qu’un effet, une conséquence logique.
Jésus
peut alors, dans son extrême délicatesse, leur adresser une deuxième parole, la
même qui fut donnée aux anges au jour de leur création, la même qu’Adam et Ève
reçurent, la même qui est au cœur de l’Évangile : "Tu me verras face à face, si tu redeviens comme un enfant".
Dieu, dans son amour pour l’âme, sait la prendre avec toute la délicatesse
nécessaire. Il sait, en effet, la rude épreuve que représente pour chaque être
spirituel le fait de redevenir comme un enfant. L’humilité est dure pour celui
qui a toujours vécu d’orgueil. L’amour de Dieu est une chose nouvelle pour
celui qui n’a fait que s’aimer lui-même. Il fait alors appel à tout ce qui peut
aider l’âme à entrer dans le bonheur éternel. Ses proches déjà décédés sont
présents. Toutes ces révélations, toutes ces découvertes ne sont pour l’âme que
des prémisses au choix définitif qui la fixera dans l’une de ces deux voies,
l’amour de soi-même jusqu’à la haine de Dieu ou, au contraire, l’amour de Dieu
jusqu’à la haine de soi[76].
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
"Et alors on verra le Fils de l’homme venant dans des nuées avec grande
puissance et gloire. [77]"
Johann se revit en train de commettre une
injustice terrible, lorsqu’il avait abattu froidement un soldat russe qui se
rendait. Le soldat se tenait là, devant lui, à côté de l’être de lumière, il
lui tendait la main en souriant. Lui aussi n’était que pardon. Il semblait rempli
de la même lumière que l’Homme. Johann pleurait[78].
Tant de tendresse, tant d’accueil étaient incroyables! A Stalingrad, il
n’espérait plus être aimé. Il s’était blindé à tout sentiment tant il pensait
ne jamais devoir retrouver l’amour. Pourtant, il s’en rendait compte
aujourd’hui, il avait besoin d’être aimé et sauvé par un amour. Et il
découvrait aujourd’hui cet amour dont il n’osait même plus rêver. Par les yeux
de ce Fils d’homme, Johann voyait en ce moment la réalisation d’un passage de
l’Écriture Sainte : "Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé[79]"
et il comprenait combien chacun de ses péchés avait transpercé l’âme de cet
être de lumière. Cette conscience qu’il avait de l’avoir blessé suscitait en
lui le désir de réparer. Il demandait pardon de tout son être et en même temps
se sentait prêt à tout accepter pour ne plus voir personne souffrir à cause de
lui. Autour de lui, il voyait maintenant apparaître d’autres êtres. Il en
reconnaissait certains, il se souvenait qu’ils étaient décédés avant lui. Il y
avait là sa grand-mère, son frère aîné mort au combat. Il reconnaissait aussi
son ange gardien. Il ne l’avait jamais vu mais il comprenait intérieurement que
c’était lui. Tous étaient baignés de paix et de calme. Ils semblaient
intérieurement joyeux de l’accueillir. Ainsi se réalisait pour Johann cette
autre parole de l’Écriture qui annonce "l’avènement de Notre Seigneur
Jésus avec tous les saints[80]".
Tout cela se passait en un instant. Aucune parole n’était échangée mais tout se
comprenait intérieurement. Johann était capable de lire dans l’âme de ceux qui
se trouvaient là.
Jésus
ne vient pas seul. Il vient accompagné de
tous les saints[81]. La
finalité de la Révélation qui accompagne la mort est d’amener l’homme à se
tourner vers Dieu, s’il ne l’a fait et à le faire davantage s’il l’aime déjà.
C’est le but de toute prédication de l’Évangile.
Au
moment de la mort, l’apparition de la gloire de Jésus est amplement suffisante.
Pourtant, il se fait accompagner par les personnes que le mourant a chéries durant
sa vie terrestre. Ces personnes peuvent se rendre visibles sensiblement
puisqu’elles possèdent leur corps psychique. En voyant sa mère, son père, tel
saint qu’il a aimé durant sa vie, celui qui meurt est touché jusqu’au fond de
l’âme.
La finalité de la présence des saints et des
proches décédés étant d’accueillir le mourant et de lui manifester avec
délicatesse l’amour de Dieu, le Ciel adapte ces présences en fonction de la
sensibilité de chacun. Il est donc probable que certains hommes reçoivent à l’heure
de leur mort la visite de Jésus seul. Si c’est un catholique ou un orthodoxe
qui aimait la Vierge Marie, la Vierge Marie est présente[82]. Dans
de nombreuses apparitions, elle promet d’être explicitement présente auprès de
ceux qui l’en prient. Mais elle s’efface lorsque quelqu’un ne le désire pas.
Elle laisse passer devant la mère, la grand-mère du défunt.
Si c’est un protestant, méfiant par rapport à la
mère de Jésus et à tous les saints, la Vierge Marie s’efface[83]. Dans
ce premier moment, et jusqu’à ce que leur intelligence ait adhéré à la réalité
de la communion des saints, elle respecte leur pensée qui croit en l’unique
médiation de son fils, comme s'il était jaloux. Peu importe pour le moment leur
erreur. Elle est balayée en un instant par la simple présence de Jésus.
Aux musulmans, qui croient dans le retour glorieux
de Jésus-homme et le connaissent par l’intermédiaire de Mohamed, Jésus, vrai
homme et vrai Dieu, se fait accompagner par le fondateur de leur religion. Ce
dernier est devenu chrétien et sa présence est pour eux la plus belle
prédication de l’Évangile. Tout cela est respectueux de chacun et l’amour s’en
trouve manifesté avec grandeur, car il se montre efficacement par des actes de
délicatesse.
C’est
pour la même raison qu’il peut arriver que Jésus rende visible des personnes
encore vivantes sur la terre. Cela arrive principalement quand ceux qui sont
sur la terre prient avec ferveur pour le salut de celui qui vient de mourir.
Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits
sont cités à titre de témoignage), la stigmatisée de Châteauneuf-de-Galaure,
disait souvent : "Il faut prier pour ceux qui viennent de
mourir. Ils sont en train de jouer leur avenir éternel." Ces
prières ont une très grande valeur car, données depuis la terre qui est un véritable
exil, loin de la présence sensible de Jésus, elles impliquent toujours un grand
mérite. Celui qui prie et se sacrifie pour ceux qui sont en train de mourir
agit bien. C’est un acte encore plus important que prier pour les âmes saintes
du purgatoire qui sont sauvées avec certitude. A l’heure de la mort au
contraire chacun peut encore se damner. La tentation de choisir cette voie est
intense. Tout amour manifesté, par quelque personne que ce soit, est comme un
poids qui bouleverse le mourant et l’attire à se porter avec tous ces gens qui
l’aiment, vers la vie éternelle.
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
Face à Johann cependant, conjointement aux
êtres rencontrés jusqu’ici, d’autres personnes d’un type bien différent, se
manifestaient depuis le début. Elles étaient tout aussi réelles que l’être de
lumière mais il émanait d’elles une présence différente. La lumière qui sortait
d’elles n’avait rien à voir avec l’intelligence du cœur jusqu’ici contemplée.
Il s’agissait d’une intelligence plus raisonnante, faite de précision et de
logique. Il n’en sortait pas de l’amour mais une vérité nue, extrêmement
précise. Johann se sentait pris par la séduction et ne pouvait faire autrement que de prêter
l’oreille à leur langage. Chacun des actes de sa vie était passé en revue, mais
interprété différemment. Chacun de ses crimes passés devenait dans la bouche de
ces êtres des manifestations décisives et nobles de sa liberté. En abattant ce
soldat russe, il avait pu montrer à quel point il était maître de toute chose.
Les voix tournaient autour de Johann : "Vas-tu renoncer aujourd’hui à ta
grandeur, à ta dignité d’homme libre ? Es-tu donc un enfant pour te jeter ainsi
dans les bras de celui qui peut te réconforter ? Debout, lève-toi! Assume ton
passé et redresse la tête avec nous!" Il y avait dans ces paroles une
réelle séduction. Elles raisonnaient en lui et trouvaient un certain écho dans
son passé adonné à l’orgueil. L’homme de lumière le regardait toujours ne
disant rien d’autre que ce qui émanait de sa présence. Johann hésitait entre
deux choix si contradictoires : aimer tous ceux qui l’attendaient pour
l’emmener ou, au contraire, jouir de l’indépendance, être libre de tout lien.
Johann considéra un instant ces deux voies,
la première, celle de l’amour, attirait toute son âme. La seconde, celle que
lui proposait le démon, vibrait en lui à la manière des discours d’Hitler
entendus à Nuremberg. A l’époque, cela gonflait sa poitrine tant ils portaient
en eux un poids de gloire, de grandeur et de puissance. L’orgueil de
l’Allemagne devenait son orgueil. Le mépris de tout ce qui n’était pas la force
devenait sa philosophie. Johann se souvenait de cela. Mais il voyait aussi où
l’avait mené cet orgueil exalté en absolu. Il se revoyait à Stalingrad, obsédé
par une seule idée, celle de manger. Dans les trous où il se cachait, il se
revoyait rêvant, comme l’enfant prodigue de la parabole, de pouvoir manger ce
que l’on donne aux cochons.
Cette vision de sa lamentable petitesse
acheva de faire disparaître toute hésitation en lui. Il n’écouta plus les
discours séducteurs. Il se tourna tout entier vers l’homme de lumière. Il
choisit la vie éternelle.
Alors la voix des démons se fit plus forte.
Elle changea de ton pour devenir accusatrice. Tout autour de lui, les voix emplissaient
l’espace et Johann était comme submergé par leurs cris : "Durant ta vie
terrestre, tu ne pensais qu’à toi. Tu n’as cessé de vivre dans la fausseté et
le mensonge au nom d’un idéal auquel tu ne croyais même pas. Ce que tu
cherchais, tu le sais bien, c’était ta propre gloire. Et, maintenant,
regarde-toi. As-tu changé ? Pas du tout. Tu ne te tournes vers Dieu que parce
que tu as besoin de lui. Tu n’agis encore une fois que par égoïsme, à la
recherche de ton petit bonheur. Décidément, tu es méprisable. Tu vivras
toujours dans le péché, tu es impardonnable. Tu mérites l’enfer éternel!"
La vérité de ces accusations du démon était telle que Johann était ébranlé. Une
certaine volonté de ne plus espérer l’envahissait. Son âme apparue à nu devant
l’Etre de lumière était réellement impure et incapable d’un amour réellement
gratuit. Il se demandait s’il ne ferait pas mieux de choisir la voie proposée
par le démon puisqu’il n’était et ne serait jamais digne de vivre avec Dieu.
Mais, dans un dernier sursaut, il se tourna vers l’homme de lumière en criant :
"Pitié pour moi!" Aussitôt, la voix des démons se tut. Leur présence,
elle-même, sembla disparaître. Ils étaient bien là mais Johann ne quitta plus
le regard de l’homme où se lisait maintenant une grande joie.
Ainsi,
le démon a lui aussi le droit d’intervenir en ce dernier combat. Il nous faut
nous pencher sur le mystère de sa présence, tel que nous l’avons décrite dans
l’expérience de Johann. Au cours de notre vie terrestre, nous l’avons montré[84],
Lucifer et ses anges ne cessent d’être présents autour de nous. Depuis leur
péché, depuis que l’homme est apparu sur la terre, ils ne cessent de nous
tenter. Ils agissent toujours dans le sens de nos travers, se cachant derrière
eux et s’efforçant de nous faire tomber dans nos défauts les plus courants. Son
but est radical et théologique. Il veut nous habituer à agir dans le sens de
l’égoïsme, de l’orgueil afin qu’au moment de notre mort, l’amour gratuit nous
soit complètement étranger. Il espère ainsi nous voir rejeter avec mépris la
proposition de Dieu et nous séparer définitivement de lui. En tenant les hommes
et en les faisant tomber dans les défauts de leur faiblesse[85],
Lucifer s’efforce de disposer l’homme à ce qui s’oppose à l’amour et à
l’humilité.
Il
agit de sa propre initiative et Dieu le laisse faire. Ces tentations sont
finalement utiles à l’homme comme toutes les autres souffrances qui
l’accablent. De même, au moment de la mort, alors que le destin individuel de
chacun se prépare, Dieu permet au démon d’approcher. Car l’homme est appelé à
opter librement entre deux royaumes,
le règne de l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ou le règne de l’amour de
soi jusqu’au mépris de Dieu[86]. Il
convient, pour que le choix soit vraiment libre, que les avantages de ce
royaume de l’amour de soi dont Lucifer est le roi, soient présentés à l’âme.
C’est son rôle. Il le fait en toute vérité, sans chercher à cacher les
inconvénients de l’enfer.
Il
approche d’abord de l’homme comme un
séducteur, selon l’Écriture[87] :
"le séducteur du monde entier fut
jeté sur la terre... frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés."
Lucifer et ses anges s’efforcent de manifester à l’homme le bien (relatif mais
réel) qui peut être présent dans l’enfer[88],
devenir maître de son destin, connaître et définir soi-même ce qui est bien et
mal, devenir en un mot comme un dieu[89]. Le
démon agit avec une réelle efficacité. il nous prouve à quel point il peut être
génial d’être son propre dieu. Il nous rappelle les bienfaits de notre égoïsme
passé. Il nous montre la liberté que donne l’orgueil. Il rappelle chacun de nos
péchés, même les plus secrets, les plus oubliés et nous montre le bien que nous
avons pu en tirer. Toute notre vie passée d’égoïsme agit à cet instant comme un
poids dans notre âme qui nous fait désirer la noblesse solitaire proposée par
Satan.
Vraiment,
l’enfer est désirable. Les représentations passées et enfantines d’une marmite
de feu sont bien loin. Pour l’âme égoïste, convertie au dernier moment par la
peur de l’enfer, tout motif de crainte disparaît. Il lui est donné de choisir
en toute lucidité le jardin de la liberté.
Heureusement, cette force de conviction du démon est constamment rééquilibrée
dans le sens de la vérité par la présence du Christ et des saints. Certes
l’enfer est la liberté, mais ce sont aussi le malheur, la solitude et la haine
éternelles puisque personne n’y aime. C’est le monde froid de dieux solitaires
et rongés par leurs propres vices.
Lorsque
le démon a achevé sa séduction, s’il voit que nous ne nous laissons pas prendre
mais ne cessons de regarder vers l’Agneau, il tente une dernière attaque. Il y
met toutes ses forces sachant qu’il n’aura plus jamais la parole après. En
effet, celui qui choisit Dieu au-delà des propositions de Satan ne reviendra
jamais en arrière. Plus rien ne pourra le détourner de son choix car il aura
résisté à tout. Satan se fait donc accusateur[90]. Il
rappelle chacun des péchés passés. Il montre dans toute sa lumière la misère
présente et réelle de notre âme. Il décortique sous tous les angles la gravité
de notre mesquinerie, de notre égoïsme toujours présent quelque part dans nos
actions. "Nous ne pouvons, dit-il, entrer dans le paradis de Dieu car il
faut être d’une pureté telle qu’elle nous dépassera toujours." Il montre
avec vertige la hauteur des exigences de Dieu sur notre âme (une humilité
totale, une dépendance absolue, un amour radical). Il les compare avec notre
état actuel au point de nous faire sombrer dans la désespérance : "Si
Dieu réclame ce qui te dépasse, à quoi bon le chercher davantage. Autant
baisser les bras et choisir l’autre voie, celle de la liberté."
Toutes
ces paroles du démon ne sont bien sûr que mensonges. Il suffit que l’homme
regarde vers le Seigneur présent devant lui pour comprendre la simplicité des
exigences de Dieu. La pureté que réclame Dieu peut être atteinte par tous. Il
suffit d’un temps de purification par la croix. Il est vrai que seule la
souffrance est vraiment capable de montrer à l’homme sa vraie petitesse et sa
vraie grandeur. L’âme au purgatoire est tellement amoureuse de Dieu, tellement
désireuse de lui plaire, qu’elle voit son cœur s’affiner. Le désir qui la brûle
la libère de tout reste d’égoïsme. Sachant cela, le démon produit son attaque
avec d’autant plus de violence.
L’âme est appelée à choisir librement mais le poids
de sa vie passée l’oriente dans l’un ou l’autre sens. Celui qui durant toute sa
vie, n’a vécu que pour lui-même, trouve en lui des échos puissants à l’appel
de Satan. Cette voie l’attire. Elle lui convient. La voie proposée par Dieu
lui est d’autant plus étrangère qu’il a vécu davantage dans l’orgueil. Deux
voies se présentent à lui. Il en connaît parfaitement les avantages et les
inconvénients. Il sait ce qu’exige le paradis. Il sait ce qu’il perd en choisissant
l’enfer. Lorsque toutes les données sont présentes, lorsque toute ignorance a
disparu, l’homme, librement, choisit. Nulle faiblesse ne le motive, aucune
ignorance ne l’aveugle. Aussi ne reviendra-t-il jamais en arrière. A cet
instant, le destin de son éternité vient d’être fixé.
(Chose
certaine)
La foi
de l’Église est nette pour affirmer que tout cela se passe "au moment de
la mort"[92]. Mais
elle n’a jamais précisé ce qu’elle entendait par "le moment de la mort". Certaines écoles
théologiques pensent qu’il s’agit de l’instant précis où l’âme se sépare du
corps. Dans cette hypothèse, la mort serait instantanée et tous les événements
décrits seraient vécus dans un instant. C’est une hypothèse soutenable.
Une
autre paraît plus probable. On peut penser qu’il s’agit plutôt de cet espace
entre les deux mondes. Normalement, un homme vit ici-bas ou dans l’au-delà.
Entre les deux, il ne fait que passer. Pourtant, il existe entre les deux
mondes tout un espace et tout un temps. Les témoins d’une Expérience de Mort
Approchée (N.D.E.) en témoignent. Ils décrivent, aux portes de l’au-delà, une
sorte de limite, souvent symbolisée par un fleuve ou une clôture, au-delà de
laquelle on ne revient pas sur terre. Cette limite est la mort au sens théologique du terme. Elle est l’irréversibilité
d’un nouvel état. Ainsi, entre le départ du corps, ils témoignent d’un temps
sur terre, du passage par une porte en forme de tunnel noir et même un bref
séjour aux portes d’un autre monde, magnifique et verdoyant. Tout cela
constitue le moment de la mort, tant que la limite ultime n’est pas franchie.
Il est donc probable que le moment puisse durer plusieurs jours, selon la
lenteur de l’âme[93]. Il
peut être vécu dans des lieux très vastes, selon le désir du mourant. Son corps
double voyage en obéissant aux désirs de sa volonté.
La
liturgie chrétienne semble pencher pour cette deuxième opinion, d’où la coutume
de veiller trois jours le corps des défunts. Marthe Robin (qui n’est pas encore
une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage)
pensait qu’il fallait prier pour les morts longtemps et que le jugement pouvait
durer plusieurs jours.
Johann avait choisi. Son choix était
définitif, total et libre. La joie semblait emplir tout l’espace. Johann était
sauvé. Il venait de réaliser la parole de l’Écriture Sainte : "Il y a plus
de joie dans le ciel pour un pécheur qui se repent que pour quatre-vingt-dix
neuf justes qui n’ont pas besoin de se repentir[94]".
Comme le chante le livre de l’Apocalypse[95], Johann venait de vaincre l’Accusateur,
"celui qui l’accusait devant Dieu", grâce au regard qu’il avait porté
sur le Fils d’Homme, sur "l’Agneau".
"Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour nous,
pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort."
Après
avoir vu l’importance des instants qui achèvent notre vie terrestre et préparent
notre destin éternel, il est aisé de comprendre le sens de cette prière. Prier
pour les mourants est l’un des apostolats les plus grands. Il sauve les indécis.
Il les fait se livrer de toute leur âme à l’amour de Dieu. Il en sera ainsi
pour nous. Lorsque à l’heure de notre mort nous comprendrons à quel point Marie
n’a cessé de prier Dieu pour notre salut, lorsque nous verrons de nos yeux
l’angoisse de ceux qui sur la terre prient pour nous, nous comprendrons mieux à
quel point les propositions du démon, pourtant séduisantes, ne sont que fumées.
Tant de personnes espèrent nous voir dans le bonheur du ciel. Qu’est, devant
cela, la fausse liberté solitaire proposée par Satan ?
Il
nous faut maintenant continuer notre voyage à travers la mort, sans cesser de
nous appuyer sur l’enseignement de l’Église, des saints et des théologiens.
Nous avions suivi le chemin de Johann. Nous l’avions laissé au moment où il
choisit de se convertir vers la vie proposée par Jésus. Rappelons qu’il fit son
choix en toute liberté et lucidité, connaissant parfaitement la voie proposée
par le démon.
De la
même façon, nous aurions pu raconter ce qu’avait vécu sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus. La phase visible de sa mort nous est rapportée par ses sœurs.
Elle connut des angoisses terribles. Le démon l’approcha dans ses moments
ultimes, s’efforçant de la plonger dans le désespoir puisque c’était là une des
faiblesses où il savait pouvoir l’ébranler. Mais Thérèse, dans la nuit totale,
rongée par la souffrance physique, ne cessa de prier Jésus, auquel elle n’avait même plus l’impression
de croire[96].
Puis
son visage s’illumina. Elle rencontra Jésus et elle fut surprise. Elle, la plus
grande sainte des Temps modernes, elle, qui n’avait jamais cessé de vivre dans
son intimité, n’avait pas compris à quel point elle était aimée! Marie était
présente avec Jésus car elle avait désiré sa présence. Il y avait aussi sa
maman, son papa, tous ceux qu’elle avait aimés. Comme Johann, délivrée de la
souffrance, elle connut cette phase intermédiaire que nous appelons
"l’heure de la mort" et qui précède la séparation totale d’avec le
corps charnel et ce monde. Elle vit Pranzini, le criminel pour qui elle avait
prié durant son enfance. Il émanait de lui reconnaissance et gratitude :
"Vous m’avez sauvé!". Le démon approcha Thérèse. Il lui tint son
discours. Il utilisa toute la puissance de sa rhétorique. Mais que pouvait le
prince des démons devant l’humilité d’une sainte ? Elle était inaccessible car
elle ne cessait de regarder Jésus : "Tant de temps, je t’ai attendu",
lui disait-elle. Le démon était humilié. Si un pur esprit pouvait éprouver des
sentiments, il faudrait dire qu’il étouffait de rage et d’impuissance. Une
fois de plus une simple enfant ne lui faisait même pas l’honneur de l’écouter.
S’il avait trouvé quelque prise en Johann, le jeune soldat allemand, c’est que
celui-ci avait aimé le péché durant sa vie terrestre. Ayant vécu dans
l’orgueil, il en avait pris le goût. Mais Thérèse était humble et elle aimait
son Dieu. Elle l’avait aimé jusqu’à la mort, une mort terrible. Le démon dut se
taire et s’en aller. Thérèse était du monde de Dieu. Son choix était fait, plus
rien ne la retenait à la terre.
(Chose
selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)
La mort physique pouvait donc achever son
oeuvre. Qu’est ce que la mort sinon une séparation de la personne d’avec son
corps charnel, sans possibilité de retour ? Johann était face au visage de
Jésus et de Marie. Ils l’invitèrent à s’avancer, à pénétrer sans crainte dans
l’autre monde. Il entendait le son de leur voix. Johann vivait doucement le
dernier moment de sa mort. Il lui fallait simplement franchir une sorte de
porte, un passage dont il comprenait intimement qu’il le séparerait à jamais de
tout retour charnel sur terre, du moins jusqu’à la fin du monde et la
résurrection. Il ne quittait pas des yeux les habitants du Ciel. Il voyait de
ses yeux leurs yeux, il entendait de ses oreilles leurs invitations à
s’avancer. Il franchit le passage. Il était entré dans l’Autre monde. Il était
mort.
Depuis
quelques années, la recherche théologique sur l’heure de la mort a été
confrontée à une nouvelle expérience, devenue de plus en plus fréquente grâce à
la médecine. Des personnes, ayant approché la mort à la suite d’un arrêt
cardiaque, ont pu être réanimées. Leur témoignage permet de rectifier certaines
conclusions qui ne paraissent plus aussi sûres que jadis. En effet, les
conclusions des théologiens anciens consistaient à décrire la mort comme la
séparation de l’esprit du mourant avec
tout ce qui est corporel en lui. "Il perd donc non seulement son corps physique mais aussi les facultés de
son psychisme, celles qui sont liées à l’organe du cerveau (sensations,
imagination, mémoire des images, passions sensibles)", dit
saint Thomas d’Aquin. Il ne subsiste donc selon lui qu’un pur esprit
(intelligence et l’amour dans ce qu’il a de volontaire). Dans cette hypothèse,
un mort oubliait la forme du visage de sa mère, mais se souvient de sa personnalité.
Or le
témoignage des rescapés est unanime et leur expérience ne semble pas devoir
être mise en doute. Lorsque des proches décédés depuis longtemps les rejoignent
dans leur approche de la mort, ils possèdent tous une sorte de corps psychique
visible et doté de sensations. Il s’agit d’un véritable corps, quoique non
palpable car séparé de toute chair. Il est visible du moins pour les habitants
de l’au-delà et est le siège d’une vie sensible. S’il est le siège d’une vie
sensible (s’il voit les corps lumineux, entend les sons etc.) c’est qu’il est
fait d’une forme de matière, probablement d’un état de la matière encore
inconnu, qui n’est ni celui des corpuscules ni celui des ondes[98].
Il est à l’image du corps astral des bouddhistes.
Qu’est-ce
donc que la mort ? On doit semble-t-il en changer la définition théologique.
Elle n’est pas la séparation de l’esprit et de tout le corps. Elle implique seulement la perte d’une partie du
corps, la chair, siège des facultés
végétatives. Les morts ne sont donc pas des esprits purs à l’image des anges
mais des personnes humaines dotées d’un visage sensible reconnaissable dans
l’autre monde.[99]
D’autre
part, la mort est un phénomène définitif. On ne revient jamais de l’au-delà,
sauf par miracle, c’est-à-dire par une volonté de Dieu qui contredit
ponctuellement les lois de la biologie (la résurrection de Lazare en est un
exemple). Au plan du corps qui reste sur la terre, la mort se caractérise par
sa destruction définitive (après une dizaine de minutes sans oxygène, le cerveau
ne sera jamais réutilisable. La mort est clinique.)
Au même moment, la personne séparée de sa chair, "l’âme spirituelle et psychique" passe
symboliquement une sorte de porte. A l’invitation des anges, elle entre dans
l’autre monde. Elle comprend qu’elle quitte le pèlerinage terrestre. Abraham
montre que la séparation d’avec le monde d’ici-bas est définitive[100].
"Ce n’est pas tout. Entre nous et
vous un grand abîme a été fixé, afin que ceux qui voudraient passer d’ici chez
vous ne le puissent, et qu’on ne traverse pas non plus de là-bas chez nous.[101]"
Ceci
ne veut pas dire qu’un mort ne revient jamais sur terre. Au contraire, des
saints du paradis ne cessent d’y apparaître. Mais ils n’y reviennent pas avec
leur corps de chair, avant que Dieu ne le leur rende.
(Chose
certaine)
La sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus entendit
Jésus lui parler. Les mots étaient accompagnés de toute leur signification
intérieure : "Thérèse, tu es bénie entre toutes les femmes. Tu aimes Dieu
et tes frères plus que ta propre vie. Entre dans la Vision de ton Dieu, ton
époux." Cette parole reçue par Thérèse est ce que l’Église a appelé son
"jugement dernier". Pour Johann, en qui subsistait malgré son grand
amour pour Jésus, quelques restes du péché à purifier, ce fut un peu différent.
"Johann, tu es béni entre tous les hommes. Parce que tu as été beaucoup
pardonné, tu as beaucoup aimé. Tu es digne de la vie éternelle. Lorsque ton âme
aura achevé sa purification, tu verras Dieu face à face." Ce jugement est
le dernier car Johann comme Thérèse ne peuvent plus se détourner de Dieu. Leur
choix est tellement lucide qu’ils ne reviennent pas en arrière. Nous verrons,
en temps voulu, qu’il en est de même pour les âmes qui choisissent l’enfer.
Le
jugement dernier de l’âme a donc lieu après
la mort. Tout ce que nous avons décrit à propos de "l’heure de la
mort" n’est que la préparation à ce jugement venant du Christ. L’homme est
conduit dans sa mort à dire oui ou non à la vie de la grâce. Le Christ ratifie
après sa mort son choix[102].
Nul ne
peut échapper à la nécessité de choisir. Chacun arrive donc dans l’autre monde,
qu’il ait été bouddhiste, athée, musulman ou chrétien, avec une volonté
explicitement tournée ou détournée de l’amour de Dieu. Chacun est devenu
librement disciple du Christ ou disciple de l’Antéchrist. Alors, ratifiant ce
choix de l’âme, Jésus prononce la sentence éternelle, le jugement ultime. Si
l’âme a choisi l’amour, il lui révèle qu’elle recevra ce qu’elle désire. Il y a
une telle force dans cette parole que la joie de celui qui la reçoit est
immense. Il croit qu’il verra Dieu.
Il sait qu’il vivra pour l’éternité au paradis. Cela se réalisera en temps
voulu parce que Jésus a parlé. On n’ose imaginer l’allégresse de celui qui, se
sachant pourtant indigne, reçoit une telle promesse.
De même, celui qui entend prononcer la sentence de
la damnation sait que c’est une parole définitive, comme l’est son choix
égoïste. Nous verrons au chapitre suivant que c’est à cause de la pleine
lucidité et liberté du choix des damnés.
Tous les hommes sans exception passent en jugement.
Chacun reçoit de Jésus la sentence qui lui convient. Ceux qui aiment Dieu ne se
jugent pas eux-mêmes dignes de la vie éternelle, tant ils ont conscience de
leur imperfection. Marie elle-même, la sainte Immaculée, se voyait plus que
toute autre misérable et poussière devant Dieu. Elle n’avait jamais péché mais
toute sa vie, elle se reconnaissait misérable devant Dieu[103].
Elle reçut donc de son Fils la révélation de ce qu’elle méritait.
Quant aux âmes obstinées par orgueil, elles
voudraient bien voir Dieu. Elles s’estiment dignes de ce bonheur. Elles le
désirent même puisqu’elles savent que cela seul peut les rendre heureuses. Mais
elles préfèrent tout perdre plutôt que de s’abaisser à l’humilité. Devant un
tel orgueil, devant leur présomption à vouloir entrer de force dans la vision
de la Trinité, Jésus est obligé de leur manifester qu’elles ne méritent pas de
voir Dieu : "Allez-vous en loin de
moi, maudits. Je ne vous connais pas[104]".
Chacun est donc jugé par Jésus. Nul n’est capable de se juger lui-même en bien
ou en mal. Cependant, ce jugement est vrai car il correspond au fond de l’âme.
(Chose
certaine)
Tout
ce que nous avons décrit jusqu’ici s’harmonise parfaitement avec ce que nous
connaissons de Dieu par Jésus-Christ. Il veut sauver tous les hommes et il en
prend les moyens. Admiratifs devant tant de bonté, nous aurions envie de dire :
"Il ne peut y avoir personne en enfer. Il est absolument impossible d’y aller
car, en voyant Jésus à l’heure de la mort, aucun homme ne pourra résister à son
attraction." Il est vrai que nous ne savons pas avec certitude s’il y a
des hommes en enfer, mais nous savons par contre que de nombreux anges se sont
damnés. On pourrait alors rétorquer : "Qu’un ange se sépare de Dieu, cela
se comprend, il est tellement parfait que l’orgueil, même à travers la
solitude, l’attire. Mais les humains sont faibles et mortels. Si la souffrance
de la vie terrestre ne suffit pas à leur montrer combien ils ont besoin du
Sauveur, son apparition achève de le leur prouver." De tels arguments ont
de quoi convaincre. Pourtant, à travers tout l’Évangile, Jésus ne semble pas
aussi sûr du salut de tous les hommes. Certaines de ses paroles, où transparaît
une réelle angoisse pour nous, sont significatives : "Je vous le dis mes amis. Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et
après cela ne peuvent rien faire de plus. Je vais vous montrer ce que vous
devez craindre. Craignez celui qui, après avoir tué le corps, a le pouvoir de
jeter l’âme dans la géhenne. Oui, je vous le dis, celui-là craignez-le[106]".
Par ce texte, il voulait nous garder du démon qui ne cesse d’agir pour nous
entraîner en enfer. L’enfer ne semble donc pas être une simple théorie mais un
risque réel pour chacun de nous.
A la
lecture du chapitre sur l’heure de la mort, certains lecteurs se sont sans
doute dits : "Inutile
de se fatiguer à faire trop le bien sur terre. Pour se damner, il faut vraiment
le chercher." Ce chapitre vise à les détromper. Ceux qui ont
pensé ainsi ont sans doute en tête les anciennes théologies où l’enfer était
une marmite de feu dans laquelle un Dieu vengeur précipitait les âmes
pécheresses. Il est vrai que cet enfer de crainte n’était qu’une image. Il
suscitait la peur mais n’avait de valeur que métaphorique. L’enfer que je vais
décrire ici est pire : il est attirant. Il intéresse les égoïstes… car on y est
égoïste.
Afin
de mieux comprendre ce risque, voici une histoire. Elle vise à montrer que ce
ne sont pas les critères habituels de nos jugements humains extérieurs qui
peuvent conduire en enfer mais la seule perversité de l’égoïsme et de
l’orgueil.
"Cela
se passait au Moyen-Age. Tout le monde en France avait foi en une vie après la
mort et la réalité de Jésus-Christ n’était même plus une question pour la
grande majorité du peuple. Nous étions en plein XIIIème siècle et
l’Église semblait avoir atteint son âge d’or. Partout des prêtres prêchaient
l’amour de Dieu. Un jeune homme, fréquentant l’Église depuis son enfance, tint
en lui-même le raisonnement suivant : "Je suis baptisé. Jésus-Christ est
mort pour moi. Il est prêt à me pardonner tous mes péchés, autant de fois
qu’il le faut; il suffit que je lui en demande pardon. Il me promet en échange
le paradis éternel!" Alors heureux de connaître cette bonne nouvelle, il
l’interpréta ainsi : "Je vais vivre pour moi-même. Je vais profiter au
maximum des biens de cette terre et, juste avant ma mort, je me convertirai.
Une bonne confession et j’irai au paradis. Dieu me pardonnera certainement
puisqu’il est bon."
Ce jeune homme n’était pas mauvais. Il était
simplement tiède et l’amour de Dieu ne lui donnait pas un grand zèle pour
changer sa vie. Il se maria. Il eut des enfants. Il prit aussi une maîtresse,
sans doute parce que la vie l’avait doté d’une forte nature. Mais tout cela
coûtait cher. Il pratiqua donc quelques affaires malhonnêtes pour se procurer
l’argent qui lui était nécessaire. Les années passant, il acquit intelligence
et habileté dans le maniement de la richesse. Il lui arrivait encore de prier
surtout quand lui venaient des pensées sur l’enfer. Les prêtres en parlaient
beaucoup à cette époque et le décrivaient avec des expressions effrayantes, des
diables grimaçants, des marmites brûlantes, une souffrance physique intense et
tout cela pour l’éternité. Alors, après une journée où il s’était comporté
d’une manière particulièrement odieuse avec ses proches, il lui arrivait de
demander à Jésus de le délivrer de l’enfer. Les années passèrent et notre homme
vieillit. Il fut pris un jour d’un malaise. Une douleur l’avait saisi dans la
poitrine et l’empêchait de respirer normalement. Comprenant qu’il allait
mourir, il fit appeler un prêtre. Terrorisé par la pensée de l’enfer, il
confessa tous ses péchés. Il lui raconta ses maîtresses, ses fautes, et toutes
les mauvaises actions dont il se rappelait. Il omit cependant le plus grand de
ses péchés, sans doute parce qu’il n’en était pas conscient et que les siens,
tenus en soumission, ne le lui avaient jamais fait remarquer : toute sa vie, il
n’avait agi que pour lui, égoïstement.
Notre homme mourut. Il vit Jésus qui
l’accueillit. L’Évangile lui fut prêché et il s’aperçut qu’il ne l’avait pas
bien compris sur terre. Le paradis ne consistait pas en un simple lieu de
bonheur où chacun peut jouir de la vie selon ses goûts. L’enfer, tel que le
présentaient les démons n’était pas un lieu où ils peuvent pour l’éternité
torturer les hommes. Tout cela n’était qu’un langage symbolique signifiant des
choses bien plus profondes. Au paradis, la joie et le plaisir sont réels mais
trouvent leur source dans le don de soi. En enfer règnent la souffrance et la
solitude mais tout cela est la conséquence d’une divine liberté. Cela changeait
tout. Ce que comprenait notre homme en ce jour, par l’enseignement de Satan,
c’est qu’il n’avait jamais réellement aimé Dieu. Il ne l’avait aimé qu’à cause
des avantages qu’il espérait en recevoir. Mais depuis qu’il pouvait voir les
conditions requises pour recevoir ces bienfaits, le paradis ne lui paraissait
plus beaucoup attrayant. Maintenant qu’il comprenait ce qu’était une véritable
conversion du coeur, tout lui paraissait bien différent. Jusqu’ici, il pensait
qu’il suffisait de demander pardon, juste avant de mourir, pour chacune de ses
mauvaises actions. Il ne soupçonnait pas que l’entrée au Ciel impliquât aussi
un total retournement du cœur, un rejet de l’égoïsme et un don, jusqu’à l’oubli
de soi, à Dieu et aux autres. Parallèlement, le démon lui suggérait de dire
avec lui un non ferme à Jésus et à ses exigences aberrantes. Il l’invitait à
hausser les épaules devant une telle folie.
Notre homme pesa le pour et le contre et,
après avoir tout considéré, opta pour la voie qui correspondait le mieux à son
être : égoïste il était, égoïste il resterait. Il tourna alors le dos à Jésus,
ne pouvant supporter plus longtemps son regard."
Comment
est-il possible que cet homme, apparemment semblable aux autres, se soit séparé
de Dieu ?
La
première réponse à cette question est que l’enfer
est lumière. Il y a un véritable bien
en enfer, quelque chose d’attirant. Cette lumière s’appelle liberté et
puissance. On y est comme un dieu, on y fait ce qu’on veut. On mange à satiété
de "l’arbre de la
connaissance du bien et du mal"[107],
selon la promesse de Lucifer à Adam et Ève. Ce bien n’est qu’apparent. Mais
c’est parce que les damnés sont près à brûler de solitude plutôt que de le
penser qu’ils choisissent l’enfer.
La
seconde réponse se trouve dans le cœur de l’homme. Cet homme, apparemment
semblable aux autres, était pourtant chrétien et avait reçu les derniers
sacrements. La raison est à rechercher dans la racine qui fut durant sa vie à
l’origine de ses actes. Comme tout homme, il portait en lui, un désir du
bonheur. Comme tout homme, il s’aimait et naturellement cherchait à se rendre
heureux. Il n’y a rien de plus naturel à cela. L’amour de soi fait partie de
notre être. Cependant, s’appuyant sur une conversion fausse de la foi
chrétienne, il crut pouvoir chercher le bonheur d’une manière égoïste. Il
espérait bien être sauvé tout de même "puisque Dieu est amour". Cet
homme avait raison de penser que Dieu ne peut jamais le premier rejeter
quelqu’un. Mais il oubliait que lui-même était capable de rejeter Dieu. Il
vécut dans l’égoïsme, ne discernant pas à quel point il prenait goût à cette
vie. Car une vie donnée au péché engendre l’amour du péché. Il fit de sa femme
un moyen de service de ses désirs. Il ne l’aima que pour ce qu’elle lui apportait.
C’est sans doute là le plus grave de ses torts. Il agit de même pour ses amis
et ne se tourna vers Dieu, au terme de sa vie, que pour obtenir une fois de
plus un bien à son profit. L’égoïsme
devint de plus en plus sa raison de vivre. Evidement, caché dans les méandres
de son psychisme, celui qui patiemment tissait les fils du péché s’appelait
Satan. Arrivé devant Jésus, libéré de toute peur et de toute erreur
théologique, confronté à la vérité de l’Évangile et à celle de son cœur, il ne
fit qu’agir comme d’habitude. Il s’exalta, se révolta et s’enorgueillit devant
lui, lui criant face à face : "Ton paradis, je le veux bien mais jamais
sous de telles conditions. Je préfère encore être loin de toi à cela." Il
agit logiquement. Cet homme se damna librement. Il se damna pour l’éternité. Au
moment de la mort, ayant tout compris, sachant ce qu’était l’enfer et sa peine,
il préféra cela à la conversion. Éternellement, cet homme répète donc avec les
démons : "J’ai raison, j’ai raison, plutôt l’enfer que le paradis sous ces
conditions."
Nous
avons pris l’exemple d’un chrétien semblable à beaucoup d’entre nous afin de
manifester à quel point il est dangereux, sous prétexte de l’amour de Dieu, de
jouer avec le péché. Une telle attitude est immature car elle méconnaît la
réalité du mal. Le péché ressemble à un arbre dont on ne voit que les multiples
feuilles. Chacune des feuilles porte un nom : luxure, vanité, avarice, mensonge
etc. Elles sont vertes et séduisantes car, en s’en nourrissant, l’homme reçoit
un plaisir immédiat qui comble ses désirs. Mais toutes ces feuilles cachent
sous leur ombre un tronc rugueux et dur qui ne cesse de les nourrir et grossit
en les nourrissant, l’orgueil. En
effet, l’homme qui vit dans le péché est son propre maître. Il n’a besoin des
conseils de personne puisqu’il choisit lui-même ce qui est bien ou mal.
Souvent, lorsqu’il se trouve devant une personne qui vit autrement que lui, il
s’irrite contre elle. Il la qualifie de "moraliste" car, sans même le
vouloir, cette personne semble lui conseiller de vivre autrement. L’orgueil
refuse tout conseil (surtout ceux de l’Église).
Ce
tronc est lui-même fondé sur des racines qui s’immiscent jusqu’au fond du cœur.
Elles sont cachées et s’allongent insidieusement. Elles s’agrippent partout au
point de devenir une seconde nature. La racine première de "l’arbre de la connaissance du bien et du mal[108]"
s’appelle l’égoïsme. En
effet, nul ne pèche que parce qu’il s’aime lui-même au point de faire de tout
(Dieu et le prochain compris) l’instrument de son bonheur individuel. Cet arbre
puissant se nourrit du péché. La mort vient en arracher les feuilles puisque
l’homme n’a plus de corps pour pécher. Mais elle laisse le tronc et les racines
qui, agrippées, peuvent entraîner l’homme en enfer. Ainsi, celui qui vit dans
le péché nourrit en lui un tronc et des racines mauvaises (égoïsme et orgueil)
qui peuvent lui faire mépriser le pardon offert au moment de la mort. L’arbre
tombe toujours du côté où il penche, commente un proverbe.
(Chose
certaine)
Or,
refuser le pardon à cette heure constitue toujours un blasphème contre
l’Esprit, péché sans rémission selon le Christ :
"Je vous le dis, tout péché et blasphème
sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit Saint ne sera pas
pardonné. Quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui
sera pardonné, mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui
sera jamais pardonné, ni dans ce monde ni dans l’autre.[109]"
Le
blasphème contre l’Esprit Saint est donc le seul péché à nous conduire en
enfer. Il est important de discerner avec précision sa nature.
Dans
l’Évangile, Jésus en parle à propos de certains Docteurs de la loi qui
désiraient sa perte. Ces théologiens l’avaient vu accomplir de grands miracles[110]. Ils
savaient, en raison de leur science théologique, que certains faits comme la
résurrection d’un mort, dépassent la puissance des démons. Ils ne peuvent venir
que de Dieu car Dieu seul est infiniment puissant. Ils pouvaient donc en
déduire que le prophète Jésus, par qui ces miracles avaient eu lieu, venait de
Dieu. Or, ces hommes aimaient leur pouvoir. Ils l’aimaient tant que, voyant
Jésus prendre de l’influence sur le peuple, ils eurent peur d’être supplantés.
Ils décidèrent donc, sachant
explicitement qu’il venait de Dieu, de le faire disparaître[111]. Ils
aimaient tant la gloire qu’ils étaient prêts à tuer le Messie, reconnu comme
tel, pour la conserver. Le blasphème
contre l’Esprit Saint consiste en un amour de soi poussé si loin qu’il est
capable de rejeter lucidement, volontairement et librement tout ce qui s’y
oppose, jusqu’à Dieu lui-même. On voit qu’un tel péché est rare sur la
terre. En effet, il implique des conditions si sévères que très peu d’hommes en
sont capables. Les conditions sont, d’après le Concile Vatican II, au nombre de
trois : une parfaite connaissance, une totale maîtrise de soi, une liberté
calme.
Aucune faiblesse ne doit être
à la source de l’acte mais un choix posé et réfléchi. Ainsi, toute personne qui
agit entraînée par une passion aveuglante ne commet pas un blasphème contre
l’Esprit. Elle pèche plutôt contre le
Père puisqu’on attribue au Père, dans la Trinité, tout ce qui a rapport à
la puissance. De même, ce péché ne peut exister si la moindre ignorance l’accompagne. Ceux qui
demandèrent la mort du Christ en ignorant sincèrement son origine prophétique
ne commirent pas un blasphème contre l’Esprit puisque, "s’ils l’avaient connu, ils n’auraient jamais crucifié le Seigneur
de gloire.[112]" De même, tout
homme qui ici-bas pèche contre ses frères en ignorant l’existence de Dieu ne
peut commettre un véritable blasphème contre l’Esprit. Il commet plutôt dans
son ignorance un péché contre le Fils
puisqu’on attribue à la deuxième personne de la Trinité tout ce qui touche à la
connaissance. Sur la terre, seuls les croyants connaissant quelque peu leur
théologie peuvent commettre ce péché irrémissible. Mais, au moment de la mort,
nous avons montré que c’est tout autre chose. Faiblesse et ignorance
disparaissent. Le blasphème contre l’Esprit Saint devient possible car, face à
Jésus contemplé dans sa gloire, cœur à cœur, vérité à vérité, nul ne peut agir
autrement qu’en toute liberté.
(Chose
certaine, sauf peut-être le nombre six)
A
travers quelques récits, nous allons essayer de manifester les six grandes
manières dont il est possible, au moment de la mort de commettre le péché qui
conduit en enfer. Saint Thomas d’Aquin donne dans sa Somme théologique la liste de ces six péchés[114].
Cette liste reste valable et correspond parfaitement aux actes d’un orgueil
devenu indestructible :
Refus de croire à la vérité
suffisamment révélée,
Envie des grâces fraternelles,
Présomption,
Désespérance,
Obstination,
Impénitence finale.
Le
premier de ces péchés vient d’être décrit à travers l’attitude des Docteurs de
la loi dénoncés par Jésus. Il est clair, d’après ce qu’en dit le Messie, que
certains désirèrent sa mort tout en sachant fort bien qu’il venait de Dieu. Or,
quelques années plus tard, ils moururent. Entre temps, il est probable que
certains d’entre eux avaient eu le temps de participer activement à des
persécutions contre la toute jeune Église de Jésus. Cette attitude est
logique. Celui qui pousse l’amour du pouvoir au point d’éliminer consciemment
un envoyé de Dieu n’a pas de raison de changer par la suite, jusqu’à l’heure de
sa mort, arrivé devant Jésus. C’est ainsi que fonctionne le premier de ces
blasphèmes contre l’Esprit Saint. La vérité et l’amour pleinement manifestes ne
produisent aucun effet de conversion. Le pécheur a déjà fait son choix d’une
manière si définitive et lucide qu’il ne prend même pas la peine de considérer
l’autre voie. Il n’y croit pas... par
choix. Dans leur recherche exclusive du pouvoir, ces hommes sont prêts à
nier pour l’éternité. Il faut pour cela, c’est certain, un orgueil démesuré.
Sans cet orgueil lucide et fort, il ne peut y avoir d’enfer. Tout autre péché
que celui-là ne résiste pas devant la douceur et l’humilité de Jésus.
L’histoire
donne, semble-t-il, un exemple analogue mais beaucoup plus récent. Il s’agit
encore d’un prêtre. Il s’appelle Monseigneur Pierre Cauchon. Il est le juge de
Jeanne d’Arc. Les documents du procès de condamnation sont fiables par
l’honnêteté du greffier Manchon qui, au risque de sa vie, refusait de falsifier
les textes. Monseigneur Cauchon est Docteur en théologie, formé à la Sorbonne.
La guerre de cent ans oppose les Anglais et les Français. Jeanne d’Arc, jeune
fille de 18 ans sans culture, avait réussi à faire sacrer le roi de France
Charles VII à Reims. Cauchon avait pris parti pour les Anglais. Une ambition
secrète portait son zèle : devenir archevêque. Il le sera effectivement,
pendant dix ans, au prix d’un péché dont on voit mal les circonstances
atténuantes. Lorsque le destin le fit juge de Jeanne, il comprit ce qu’il lui
faudrait faire : la convaincre de sorcellerie, par tous les moyens. Or, au
cours du procès, tout lui indique qu’il a non seulement affaire à une jeune
fille vivante et saine, pleine d’humour et de grâce, mais à une envoyée de
Dieu. Elle est inspirée de réponses théologiques qui dépassent son niveau de
culture. Elle échappe aux pièges de la dialectique subtile. Les prophéties
qu’elle avait faites se sont réalisées à la lettre. Malgré cette évidence,
l’évêque Cauchon refuse de croire à
l’évidence. Il lui faut sa vie. Sa promotion en dépend. Pour cela, il
utilise les astuces les plus rouées. Il falsifie sa science théologique. Jeanne
n’a pu être convaincue de sorcellerie ou d’impiété[115]. Elle
n’est attaquable qu’au plan de la lettre d’un texte sacré qui condamne le travestissement.
Elle ne s’habille pas en homme par vice mais parce qu’elle est entourée de
soldats. Profitant d’une faiblesse due à une intoxication alimentaire qu’il a
provoqué, l’évêque lui promet une prison gardée par des femmes à condition "qu’elle se soumette à son
autorité et s’habille en femme." Les termes sont volontairement vagues.
Fatiguée, elle accepte. Trahissant sa parole, l’évêque la remet aussitôt dans
sa prison tenue par des hommes, ses vêtements d’homme bien en vue. Le
lendemain, il n’aura qu’à constater sa rechute et à la faire brûler vive comme "relaps".
S’agit-il d’un péché contre l’Esprit Saint ? Il est
impossible de juger le fond des cœurs. Ces
histoires ne font qu’illustrer les péchés contre l’Esprit Saint et ne se
prononcent pas avec certitude sur la réalité de ce péché et le choix définitif
des personnes citées. Mais l’apparence de cette histoire illustre bien ce
qu’est le refus de croire à l’évidence. Ce péché est en fait une volonté de ne pas croire par amour
d’autre chose : plaisir, pouvoir ou richesse. Cet évêque théologien est
nécessairement lucide. Il manifeste une grande maîtrise de lui. Il est averti
de nombreuses fois par son entourage. Son greffier est comme une voix de Dieu,
droite et discrète. Si tout cela est vrai, si aucune faiblesse cachée ne motive
le comportement de l’évêque, on peut légitimement être inquiet pour son salut.
A sa mort, Monseigneur Cauchon se contentera de choisir avec la même
détermination l’enfer où les ambitions du pouvoir sont comblées[116].
Le
deuxième blasphème contre l’Esprit est plus facile à comprendre car plus proche
de nos comportements habituels. L’envie
des grâces du prochain est un état d’âme fréquent qui, fort heureusement, n’est
la plupart du temps que faiblesse ou bêtise. Nous prendrons l’exemple d’une
personne ayant vécu. Il ne s’agit pas,
encore une fois, de se prononcer sur le choix éternel de quiconque, mais
seulement d’être illustratif. Lorsque Adolf Hitler s’est suicidé, il a
quitté ce monde en emportant la responsabilité directe de dizaines de millions
de vies humaines détruites dont, en particulier, quelques millions de femmes,
d’enfants coupables d’être nés accompagnés de son mépris. Formellement, et sans
entrer trop rapidement dans sa conscience, Hitler ne semble pas s’être rendu
coupable d’un véritable blasphème contre l’Esprit Saint avant l’heure de sa
mort. Rappelons-le, les conditions requises pour commettre ce péché sont
vertigineuses. Dieu est juste et la moindre ignorance déterminante par rapport
au sens de la vie terrestre est reçue comme une circonstance atténuante. A
différence de Monseigneur Cauchon, Hitler ignore bien évidemment la théologie
et le cœur de Dieu. Il ne soupçonne pas un seul instant à quel point il est
aimé par les milliards d’êtres humains et angéliques présents auprès de Dieu.
Nul ne peut savoir à l’avance comment il aurait vécu s’il avait connu le
Seigneur de la gloire[117].
De
toute façon, il est certain qu’il fut accueilli à l’heure de sa mort par le
déploiement d’un innombrable cortège de saints. Le Ciel entier se mobilisa pour
sauver ce grand pécheur. Parmi les âmes présentes brillaient celles de millions
de juifs qu’il avait fait exterminer. Il les vit un à un pendant un de ces
regards profonds que peut offrir la puissance de Dieu au moment décisif. Toutes
ces âmes réunies proposaient[118] leur
pardon à Hitler, sans arrière-pensée. C’est ainsi que l’on est au Ciel. Nul ne
peut entrer au Ciel sans être dans une telle disposition de l’âme. C’est
pourquoi il est certain que les juifs accueillirent Hitler de cette façon. Il
vit le visage de Jésus rayonnant douceur et humilité. Il vécut de l’intérieur
cette parole terrible pour lui de l’Évangile : "Tout ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi
que vous l’avez fait." Le silence accueillant de Dieu à l’instant de
la mort est décrit par l’Écriture comme le Jour de la colère (Dies irae). Car il vaudrait mieux
affronter la colère de Dieu que son pardon[119]. Mais
le démon aussi, avait droit à la parole, comme il convient en cette occasion.
Il n’est pas difficile, connaissant les obsessions d’Hitler durant sa vie
terrestre, d’en reconstituer la teneur. Satan sait comment parler pour toucher
une âme dans l’axe même de sa perversité : "Vois
ces juifs, ces tziganes que tu as méprisés avec raison toute ta vie. Regarde
leur humiliante attitude de dépendance les uns vis-à-vis des autres. Regarde la
royauté qu’ils ont reçue de Dieu. Si tu te convertis maintenant, n’oublie pas
que toi, le Guide de millions d’hommes, tu seras plus petit qu’eux pour
l’éternité. De Maître que tu étais, tu deviendras inférieur car chacun se fait
serviteur de tous dans leur monde. Ne te convertis pas. Reste fidèle à ton
combat, sois Roi avec moi, loin de ces gens."
Là se
trouve la puissante tentation de l’envie
des grâces fraternelles. Elle concerne tout homme qui a été dominant
vis-à-vis de son prochain durant sa vie. Il est difficile de renoncer au
pouvoir. L’écho de ces paroles fut, on s’en doute, immense dans un cœur tel que
le sien. Elles correspondaient à toute sa vie. Nous ne saurons qu’au Ciel quel
fut le choix définitif d’Hitler en ce 30 avril 1945. Implora-t-il le pardon de
Dieu et de ses frères[120] ?
Provoqua-t-il au Ciel la plus grande joie ? Céda-t-il au contraire à l’envie,
selon l’inclination acquise par toute une vie nourrie de haine ? L’envie des
grâces fraternelles, deuxième péché contre l’Esprit Saint, est sans rémission
possible car, commis ainsi dans la lucidité de l’heure à la mort, il est le
fait d’une personne qui jamais plus ne reviendra en arrière.
Pour
comprendre la présomption, troisième
péché contre l’Esprit Saint, il faut se souvenir de la chute de l’ange Lucifer
telle que rapportée en note 84 dans la première partie. Actuellement, cet ange
comme tous les démons ne cesse de réclamer la Vision béatifique à Dieu. Il
s’estime digne de ce bonheur et le considère comme dû à chacun en mesure de la
noblesse de son intelligence. La présomption est ici : vouloir posséder Dieu en
refusant les conditions voulues par lui, humilité et charité. Ce péché est
typiquement Luciférien car il implique un sens inné de sa propre grandeur. Il
est pourtant possible chez l’être humain, surtout au terme d’une vie emplie
d’honneurs et de richesses. Supposons qu’un homme arrive devant Jésus à l’heure
de sa mort et exige le paradis tout en excluant les conditions de petitesse
proposées par le Sauveur; supposons qu’il maintienne fermement cette attitude,
en pleine lucidité, prêt à perdre la vie éternelle plutôt que d’aimer ce Dieu
qui ne se donne qu’à l’amour, alors il se condamne lui-même à l’enfer et ce
pour l’éternité puisque, éternellement, il criera à Dieu : "J’ai
raison." Dieu rejette activement cet homme-là car il a l’audace de vouloir
forcer l’entrée dans la vision béatifique. D’où ces textes[121] :
"Les fils du Royaume seront jetés
dans les ténèbres extérieures. Là seront les pleurs et les grincements de
dents."
La
désespérance, en tant que telle, est un péché contre le Saint-Esprit et est
plus difficile à comprendre. Trop facilement au cours de l’histoire, on l’a
confondue avec le désespoir psychologique qui, quant à lui, est incapable de
plonger un homme en enfer. L’histoire de Judas est significative à cet égard.
D’après
les Évangiles, le défaut majeur de Judas fut son lien avec l’argent. Non
seulement il volait dans la bourse commune des apôtres mais il se rendait
malade à la vue du gaspillage apparemment autorisé par Jésus : "Pourquoi ce parfum a-t-il été répandu à
terre ? N’aurait-on pas dû le vendre trois cents deniers qu’on aurait donnés à
des pauvres ?[122]",
reproche Judas à Jésus après le passage d’une femme repentie. A cause de son
avarice, il ne supportait plus Jésus. Pourtant, il cachait son double jeu en
vivant comme les autres disciples. Il avait certes été témoin des miracles de
Jésus. Il ne pouvait pas être dupe de sa puissance surnaturelle. Cependant, il
ne comprenait pas son message trop spirituel, pas assez réaliste. Jésus tenta
tout pour le ramener à lui. Le signe de la bouchée de pain[123]
prouve l’amitié et la confiance. En acceptant ce pain de communion, sans parler
à Jésus de son trouble, il s’enferra dans l’hypocrisie. Le démon n’eut plus
qu’à lui suggérer de livrer Jésus aux chefs des Juifs, en lui apportant de très
bonnes raisons, le danger politique de l’Évangile, la nécessité d’un jugement
de discernement de la part des Docteurs de la loi, et l’argent à gagner.
Lorsqu’il eut accompli son geste, il se sentit d’abord soulagé. Mais en même
temps que disparaissait la tentation, il eut soudain un retour de lucidité :
Tous les miracles de Jésus lui revinrent en mémoire ainsi que les prophéties de
sa Passion. Il eut une conscience brutale d’être le traître, celui qui devait
livrer le Messie. Il fut saisi d’un vertige désespérant devant l’immensité de
son crime : "Faute
impardonnable! Malheur à moi" et il alla se suicider.
Ce
suicide est le fruit d’un désespoir effrayant devant la conscience d’un acte
irréparable. Mais il ne constitue pas encore, semble-t-il, un péché contre
l’Esprit Saint. En effet, l’effroi d’une condamnation sans rémission possible
de la part de Dieu vient submerger la pensée au point d’entraver le jugement.
Elle est fausse et liée à un manque de connaissance de Dieu. Elle doit donc
être rectifiée par une preuve glorieuse de la bonté de Dieu. Quant à sa
faiblesse liée à la panique, l’attitude de Judas la prouve : il court rendre
l’argent, espérant peut-être d’une façon illusoire libérer Jésus. Tout péché,
aussi grave soit-il, lorsqu’il est empreint d’erreur théologique ou de
faiblesse, ne peut constituer un véritable blasphème contre l’Esprit Saint. Le
suicide de Judas révèle d’autre part en lui une capacité à regretter la faute
commise tout en n’imaginant pas le pardon possible.
Aurions-nous
agi de façon différente à sa place ? Un tel désespoir dans une telle situation
est naturel. Qui peut espérer être pardonné après une trahison aussi grave ?
Quand l’ami trahi est un Messie de Dieu, qui ne penserait à l’enfer ?
Judas
se pendit. A cet instant même, Jésus (ou un ange délégué par Jésus selon l’heure
à laquelle il fit son geste) se montra à lui. Sans erreur possible, la clarté
de cette apparition manifesta à Judas l’inimaginable : son péché pouvait être
pardonné. Il lui suffisait de demander pardon et de se jeter dans les bras du
Messie mort pour lui. Mais le démon toujours présent à l’heure de la mort
criait : "Faute impardonnable! Malheur à toi, tu es perdu." Par cette
parole, il le tentait non plus de désespoir mais de désespérance. Il ne
s’agissait plus pour lui de le pousser à un désespoir psychologique en lui faisant croire faussement à l’impossibilité du
pardon de Dieu. L’existence de ce pardon ne pouvait être ignorée à cette heure
par Judas devant l’évidence de l’apparition glorieuse de l’Envoyé de Dieu. Non,
le démon essayait de convaincre un homme calme, en pleine possession de ses
facultés de jugement, connaissant parfaitement la Bonne Nouvelle, de refuser le
pardon offert : "Garde ta dignité.
Ta faute est trop grave, assumes-en les conséquences en refusant le
pardon." Il s’agit d’une désespérance voulue et maintenue fermement malgré le pardon évident de Dieu.
Cet
acte curieux est en fait une subtile manifestation d’un orgueil qui se camoufle
en dignité : "J’ai trop péché, je m’en vais." Quel fut le choix
définitif de Judas ? Désespérance volontaire ou abandon de son âme blessée dans
les bras de Dieu ? Il existe une parole terrible de Jésus à son égard : "Malheur à cet homme-là par qui le Fils de
l’homme est livré. Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître.[124]"
N’interprétons pas trop vite cette prophétie comme la preuve de la damnation
éternelle de Judas. Il faut se souvenir que, par le péché, nous avons un jour livré le Fils de l’homme. Jésus ne
prend d’ailleurs ce nom de Fils d’homme que pour signifier que tout péché
contre un fils d’homme est contre lui. Il faut ajouter comme sous-entendu à ce
texte : "sauf s’il implore le pardon."
La
désespérance, comme blasphème contre l’Esprit Saint, est concrètement un choix
de l’intelligence et non une pulsion de la sensibilité. La distinction peut
paraître subtile. Elle est fondamentale si l’on veut comprendre le sort de ceux
qui se suicident par désespoir. Loin d’être damnés pour l’éternité, il faut
affirmer que la souffrance de ces pauvres enfants de Dieu les dispose au
contraire à se précipiter avec amour dans ses bras dès qu’ils entendent parler
de son existence[125].
Le
cinquième blasphème contre l’Esprit Saint, l’obstination,
est aisé à comprendre. Tout homme qui, face à face avec Jésus, s’obstine à
maintenir son choix définitif et lucide dans le sens de son égoïsme, se met
librement en enfer. Et son enfer est éternel car, dans la lumière de Jésus, le
choix est arrêté pour toujours. Il n’y a pas de fin à l’enfer car la personne
obstinée veut demeurer sans fin dans son péché.
Quant
à l’impénitence finale, elle a été décrite au début de ce chapitre. Arrivé de
l’autre côté, l’homme du Moyen-Age ne se repent pas car, tout à coup, son péché
lui paraît bon. Le seul motif qui le tenait dans l’inquiétude disparaît. Il n’a
plus peur de l’enfer.
Il ne
faut pas confondre le péché contre l’Esprit Saint d’impénitence finale avec
l’impénitence que l’on observe parfois chez des mourants. Dans les années 1910,
mourait un homme politique, adhérant du parti Radical socialiste, bon époux
d’une femme catholique. Il avait toute sa vie professé des idées opposées au
christianisme. Il avait même adhéré à un groupe philosophique de type
franc-maçon, s’efforçant de construire un monde empreint des idées humanistes,
liberté, justice sociale, solidarité. Ces trois idées ne sont pas en
elles-mêmes opposées au christianisme mais elles s’accompagnent d’un athéisme
pratique qui pourrait se traduire ainsi : "Vivons libres et
respectons-nous les uns les autres afin de vivre heureux sur la terre avant que
la mort ne nous détruise." Il en résulte à long terme une tolérance et un
respect d’autrui finalisés par... l’amour de soi, afin de mieux trouver son
bonheur individuel. La religion chrétienne, on le voit, implique une
philosophie inverse.
Pour cet homme, la religion chrétienne comme toutes
les religions lui paraissait conduire au fanatisme et à l’obscurantisme et il
savait à l’occasion le prouver par des exemples bien documentés tirés de
l’histoire. Puis il tomba malade et la maladie s’avéra sans guérison possible.
Son épouse, angoissée par son salut, crut bien faire en appelant à son chevet
un prêtre. Celui-ci vint et, sans le brusquer, avec toute la délicatesse
voulue, lui parla de Jésus, du pardon, de la vie éternelle. Mais l’homme eut un
geste terrible. Saisissant le crucifix, il le jeta à terre. Il se détourna et
mourut quelques heures après. Ses frères Franc-maçons vinrent trouver sa femme
et lui remirent une lettre-testament refusant les funérailles à l’église.
Devant
les signes de son impénitence finale,
son épouse crut en sa damnation éternelle. Elle en fut désespérée comme on peut
l’être pour un mari tendrement aimé. Elle écrivit à Monseigneur d’Hulst, qui
était à l’époque très connu pour la qualité de sa direction spirituelle. Il la
rassura en lui écrivant une lettre qui mérite d’être citée car elle constitue
historiquement la première allusion d’un théologien à la possibilité d’une
révélation à l’heure de la mort.
"Dans ce dernier combat de l’agonie, quand la
pensée est lucide et la voix muette, quand le monde extérieur s’éteint autour
du moribond et le laisse seul avec son monde intérieur, quand son oreille
n’entend plus ses paroles trompeuses destinées à le rassurer et que son âme
entend la réponse de mort, qui lui dit la prochaine et terrible vérité, à cette
heure d’angoisse et de clairvoyance, il y a certainement une sollicitation
suprême de la miséricorde. Il y a une
apparition (je prends ce mot dans le sens métaphysique et le plus large), une
apparition de Jésus. Il y a le souvenir,
tout d’un coup ranimé, de ces fragments épars d’instruction religieuse oubliés
depuis l’enfance, d’idées religieuses répandues çà et là dans la société et que
l’on rencontrait autrefois sur son chemin d’indifférence. Tout cela s’assemble,
tout cela revit comme les ossements d’Ezéchiel, tout cela recompose une figure
de la vérité qui s’offre à l’âme dans les traits bénis du Rédempteur."
Selon
Monseigneur d’Hulst, cette grâce finale qui précède la mort est si certaine
qu’on ne doit jamais désespérer du salut de personne.
De
fait, que devint l’homme dont nous racontions la mort ? Il fut sauvé et non
seulement il le fut mais il devint grand dans le Ciel comme le deviennent ceux
qui aiment beaucoup. C’est que le geste vis-à-vis du crucifix n’était pas celui
d’un homme pervers et obstiné dans son impénitence. C’était celui d’un
incroyant sincère : "Ne jugez pas,
affirme Jésus, vous ne serez pas jugés."
Selon notre homme, après mûre réflexion, Dieu ne pouvait pas exister. Le monde
avec ses malheurs, la nature elle-même avec ses contradictions lui paraissaient
avec évidence le fruit d’un hasard. De Dieu, point! L’homme, dans ce monde
désespérant, lui paraissait plus malheureux que les animaux puisqu’il était
conscient de tout cela. Quand il avait vu entrer ce prêtre dans sa chambre de
mourant, il l’avait rejeté avec pitié comme on rejette un marchand d’espérance.
Puis il était mort, regrettant seulement de ne pas avoir menti extérieurement
pour rassurer sa femme. Mais, arrivé devant l’Au-delà, voyant d’un seul regard
la Vérité, il y avait adhéré immédiatement. Un homme au cœur droit ne rejette
pas l’évidence, surtout quand elle donne sens aux scandales les plus obscurs de
la vie terrestre. Allégresse devant l’existence du salut et larmes pour ses
erreurs passées, telles furent les réactions de cet homme juste. Il n’eut même
pas à passer par un temps de purgatoire car, ayant aimé toute sa vie son épouse
de tout son cœur, il sut immédiatement aimer Dieu.
Tout
autre est l’impénitence finale. Elle est le fait d’un homme durci
volontairement dans son péché, qui préfère froidement vivre en enfer éternel
plutôt que de changer, et ceci face à la douceur de Dieu. Tous les blasphèmes
contre l’Esprit Saint sont d’ailleurs de la même espèce. Tous sont un refus
réfléchi d’un mariage d’amour éternel proposé par Dieu. Face à ce refus, Dieu
ne se révolte pas. Il n’impose aucune punition et respecte la liberté de celui
qui l’a rejeté. Il ne tente plus rien pour le sauver car il sait qu’il n’existe
plus aucune action capable de le changer.
(Chose
certaine)
Dieu a-t-il
créé l’enfer ? En créant des personnes, donc des êtres libres, il a créé la
possibilité que ces personnes rejettent son projet. Son rapport avec l’humilité
et l’amour peut irriter certains. Or l’enfer n’est autre que le rejet de l’état
intérieur qui règne chez les habitants du paradis. En ce sens, Dieu a créé la
possibilité de l’enfer. Les damnés s’y condamnent seuls, contre tous les
efforts de Dieu.
Quel est le
lieu de l’enfer ? Je vais montrer qu’il est probablement le même que celui du
paradis, Dieu se contentant de respecter le choix des damnés en ne se montrant
pas à eux et les laissant aller où bon leur semble. Cependant, il faut montrer
que ce choix est source de souffrances multiples, traditionnellement appelées
les peines de l’enfer. Il serait plus judicieux de les appeler "les aigreurs" de
l’enfer car le mot peine évoque une punition que Dieu surajouterait. En fait,
ces peines ne sont que les conséquences morales, psychologiques et, après la
résurrection, physiques d’un choix de vie égoïste d’une âme créée pour l’amour.
L’Écriture Sainte ne cesse de
parler des tourments de l’enfer, du feu, du ver rongeur, des pleurs et des
grincements de dents... Lorsque nous disons que Dieu n’impose aucune punition
au damné, nous entendons par là qu’il n’ajoute rien de plus à ce qu’il souffre.
Au contraire, les damnés sont vraiment laissés libres. Ils peuvent aller et
venir comme ils l’entendent dans l’univers,
sauf s’il s’agit de nuire aux habitants de la terre. L’Écriture en témoigne
à propos de Satan[127] :
"Le jour où les Fils de Dieu
venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi s’avançait parmi eux. Yahvé
dit alors au Satan : "D’où viens-tu" "De rôder sur la terre, répondit-il, et d’y flâner."
Jadis, des théologiens prenant
dans un sens matériel les textes de l’Évangile imaginèrent un feu, des
chaudrons, de la lave incandescente en enfer. Comment purent-ils penser Dieu à
l’image d’un bourreau, déléguant pour sa vengeance les démons, tel un chef de
camp de concentration ? Une telle théologie, quand on la relit, constitue un
véritable blasphème. De fait, en enfer, rien de tout cela n’existe, du moins
pas comme on l’entendait. Dieu respecte la liberté de sa créature et ne fait
que s’effacer humblement devant celui qui le rejette.
C’est le péché qui constitue la
source de toutes les douleurs de l’enfer. Il est possible de les décrire une à
une, comme une série de cascades qui procèdent d’un point unique : la privation
de Dieu
Le feu de l’enfer existe
réellement. L’Écriture Sainte en parle avec netteté. Sa nature peut être
précisément décrite, à travers des lois de psychologie spirituelle. Il n’est
pas d’abord un feu matériel. Il s’agit d’une souffrance spirituelle liée à
l’absence de Dieu. Chaque âme, comme chaque ange ressemble à un vase dont
l’ouverture béante aspire à être emplie d’eau pure. Chaque âme est créée par
Dieu pour être emplie de Dieu[129].
Il faut aller très loin pour comprendre. Notre âme dans son être même est
trinitaire c’est-à-dire qu’elle est faite pour que vienne s’y loger le Père
engendrant le Fils dans l’Esprit Saint. Éloignée de ce pour quoi elle est
faite, l’âme souffre comme une terre asséchée en attente d’eau. Nous sommes
faits ainsi.
Les conséquences de cette
propriété de l’âme se répercutent de manière consciente dans l’esprit. Notre
cœur cherche un amour infini et cet amour n’est autre que Dieu, même si nous
l’ignorons. Notre intelligence cherche à connaître ce qui est vrai et cette
lumière sans limite n’est autre que Dieu. Sur la terre, nous ne ressentons que
peu cette soif, ce feu. En effet, par
de multiples occupations extérieures, il nous est possible de nous distraire et
de penser à autre chose. Bien des hommes passent d’ailleurs leur vie à fuir ce
feu qu’ils sentent confusément prêt à apparaître[130].
Le feu que nous portons en nous
quand nous sommes loin de Dieu est source des plus belles oeuvres poétiques car
les artistes ont la capacité de sentir cette tension vers... "quelque
chose d’ignoré et d’absent" : amour, beauté, éternité, toutes ces choses
sacrées qui ne sont autre que Dieu[131].
Ceux qui se suicident sont bien
souvent poussés par ce feu rendu si conscient qu’il se transforme en désespoir
: "l’amour n’existe pas". Il n’y a pas à en vouloir à Dieu pour cette
souffrance qui ronge nos vies. Il ne nous a pas créés pour nous faire souffrir
mais pour nous donner gratuitement la Vision béatifique. Après la mort, lorsque
le corps a disparu, il n’existe plus aucun moyen d’étouffer ce feu. Toute
absence de Dieu est ressentie comme une douleur, un malaise, un vide, un feu et
un océan de glace incroyablement plus douloureux que tout ce qu’on peut
imaginer sur terre. C’est ce feu, nous le verrons, qui purifie l’âme au
purgatoire.
En
enfer, c’est aussi ce feu de l’âme lié à l’absence de Dieu qui torture les
damnés. Mais la situation est toute différente au purgatoire où l’on aime Dieu.
Toute la nature (la
racine de leur être) des damnés désire Dieu. Ils restent hommes,
donc faits par nature pour l’Amour et la Lumière. Ils en brûlent d’angoisse et
de solitude. Mais le choix libre de leur conscience et leur
volonté est ainsi posé qu’ils préfèrent subir cette torture de leur être
éternellement plutôt que de se repentir. Ils ont décidé de manière définitive
et lucide que jamais ils n’accepteront les conditions de la Vision de Dieu, à
savoir l’humilité et l’amour. Ils ne cèdent pas et tournent en rond sur le vide
de leur vie. Leur souffrance s’explique par ce manque naturel conjoint à ce refus volontaire,
libre de Dieu.
Ces
deux orientations sont contraires. Leur liberté s’oppose à leur être. Le
frottement de ces deux orientations contraires les met en feu.
Ce feu
est profondément spirituel. Il est la pire douleur qu’on puisse imaginer car il
est une absence de sens à la vie. Le feu n’est qu’en second lieu sensible. Les
morts gardent leur psychisme, avons-nous dit. Le feu de l’âme se répand dans
les sentiments, bien avant la résurrection, à travers toutes sortes de
passions, d’angoisses, de fureurs.
La
première conséquence du feu est qu’il obsède sans cesse la pensée des damnés.
Imaginons la scène suivante, digne de Dante. Voici un damné. Il a choisi de
rejeter Dieu et sa demande d’humilité et d’amour. Il s’est tourné vers l’enfer
par obstination, décidé à ne jamais céder sur le point suivant. "J’opte pour une vie d’éternels plaisirs. J’y
ai droit puisque je suis créé libre. Mais jamais, parce que suis quelqu’un de
digne, je ne m’abaisserai au repentir, à l’amour pour l’obtenir au
paradis." Son choix lucide a été ratifié. Il sait ce qu’il
l’attend en enfer.
Chaque
jour, il court donc après son unique volonté, les plaisirs. Il rencontre un
autre damné, aussi égoïste que lui. Ils se proposent mutuellement un acte de
luxure. Ils s’y essayent. Mais le plaisir ne vient jamais. Sa source est comme
tarie. Leur colère perpétuelle, leur obsédante recherche d’eux-mêmes rend la
chair ridée et triste. Tout est répugnant et se transforme en souffrance.
Alors
apparaît le ver rongeur du remords. Le remords est tout à fait autre chose que
le repentir. Juste avant son exécution, un prêtre demandait à un criminel s’il
regrettait l’assassinat sauvage d’une fillette. Il répondit oui. Le prêtre crut
à un premier geste de repentir. Il avait tort. Le condamné ajouta : "Je me
suis fait prendre. Si j’avais été plus prudent, je n’en serais pas là.".
De même, les damnés regrettent amèrement de souffrir (le remords) mais ne
cessent de blasphémer contre l’Esprit Saint : "Plutôt retourner au néant
que d’aimer de cette manière si humble!" (refus du repentir). Pour ne pas
confondre repentir et remords, il suffit de se représenter les damnés comme des
criminels qui regrettent d’avoir été mis en prison mais préfèrent y rester
plutôt que de se repentir de leur crime.
Lorsqu’il s’agit de réalités spirituelles,
l’Écriture a l’habitude de s’exprimer par mode de métaphore. Elle rend plus
accessible aux hommes des réalités qui par nature les dépassent. C’est ainsi
que "le bras de Dieu" ne
signifie pas que Dieu ait un bras comme nous mais qu’il a la puissance d’agir
dans le monde. Il en est de même pour les pleurs ou les grincements de dents.
Ils expriment avant tout sous un mode sensible un état permanent de l’esprit et
du psychisme des damnés, même si, après la résurrection des corps, ils
prendront une vérité propre puisque les pensées et la sensibilité des passions
se répercuteront jusque dans les actes extérieurs du corps.
Auparavant, on peut dire que les damnés pleurent et
grincent des dents d’une manière passionnelle. Par les pleurs, l’Écriture veut
exprimer la souffrance extrême provoquée par le feu de l’enfer et par le
remords car c’est par les pleurs que s’exprime habituellement la souffrance.
Par les grincements de dents, elle veut exprimer l’état permanent de révolte et
de rancœur contre tout ce qui s’oppose à leur volonté perverse. Ils se
révoltent en particulier contre la peine du lieu matériel de l’enfer qui, en
les empêchant de nuire aux vivants, les empêche d’agir à leur guise dans le
monde. Ils se révoltent aussi contre les volontés de Dieu qu’ils savent être
cause première de leur emprisonnement.
Comme tout ce que dit l’Écriture à propos de
l’enfer, les ténèbres extérieures signifient avant tout une peine spirituelle,
même si elles prennent, après la résurrection de la chair, une signification
corporelle.
Ainsi la lumière et les
ténèbres se rapportent à un bien de l’intelligence, à savoir à la connaissance
qui est une lumière pour le jugement. On doit donc dire que les damnés, après
leur jugement, connaîtront certaines choses et en ignoreront d’autres.
Ils connaîtront tout ce qui est nécessaire à la
justice de leur sentence éternelle. Ainsi, un condamné doit savoir pourquoi il
est condamné et à quelle peine il est condamné. Une telle science, les damnés
la reçoivent avant même le jugement dernier, et ils la reçoivent en plénitude
par apparition de l’humanité Sainte du Christ. Ils savent donc et n’oublient
jamais que Dieu existe, puisqu’il propose aux humbles la vision de son essence,
qu’il réprouve les orgueilleux et ne leur donne pas la vision de sa beauté. Ils
expérimentent d’ailleurs ces peines dans leur âme à chaque instant. Sous ce
rapport, les damnés ne sont pas dans les ténèbres.
Cependant, après avoir
été plongés dans la séparation d’avec Dieu, les damnés ne peuvent plus rien
connaître du monde extérieur à l’enfer, sauf si une disposition particulière de
la miséricorde ou de la justice divine en décide provisoirement autrement. Même
dans ce cas, on peut dire qu’ils sont dans les ténèbres extérieures puisque,
s’ils voient le bonheur des élus, ils sont incapables d’en connaître la cause
qui est Dieu. Cette vision est plutôt source pour eux d’un surcroît de souffrance
à cause de l’envie qui les dévore. C’est pourquoi elle n’est donnée à tous sans
exception qu’une fois, lors du jugement général qui manifestera aux yeux de
l’univers entier les secrets les plus cachés, le bien et le mal du cœur de
chacun. C’est donc par miséricorde que Dieu permet que les damnés fuient
librement la vision du festin éternel des élus, pour ne pas multiplier
inutilement les pleurs et les grincements de dents.
… et le refus de vivre dans des lieux déserts
Pourtant,
les damnés ne souhaitent pas fuir dans des lieux déserts. Ils veulent
s’occuper, agir, pour échapper à la considération éternelle de leurs
obsessions. C’est cette absence de Dieu et le feu qui en résulte qui poussa
jadis les démons à supplier Jésus de les envoyer dans un troupeau de porcs
plutôt qu’en enfer[134].
Toute activité extérieure, même le fait de faire du mal, soulage les damnés de
la perpétuelle obsession de leur angoisse; l’enfer n’est en fait que leur
propre cœur vide que ne parvient pas à combler la présence égoïste des autres
damnés.
La plus grande crainte d’un damné, c’est de rencontrer un saint du Ciel.
L’humilité et le bonheur qui rayonnent des compagnons de Dieu le rendent
malade. La simple évocation de cette pensée le déchire. Il y a peu de chance
pour que cela arrive. La place est immense dans la maison de Dieu. Avant comme
après la résurrection de la chair, le lieu de l’au-delà sera l’univers dans son
ensemble. Mais, aussi gigantesque soit cette immensité, les saints ne cesseront
de parcourir, tels des flammes rapides, s’extasiant des merveilles inventées
par Dieu, y ajoutant leurs propres constructions.
Les damnés sont donc, pour ce qui est du lieu de leur séjour dans
l’autre monde, tiraillés entre deux désirs : s’occuper et ne jamais rencontrer
ces gens rayonnants du paradis dont l’humilité les enragent. Pour éviter toute
rencontre malencontreuse, où pourront se réfugier les damnés ? Quels recoins
secrets chercheront-ils pour ne jamais être confrontés à ce qui les met en rage
? Certains théologiens de jadis pensaient au cœur enflammé et ténébreux des
astres. Ce n’est pas du tout absurde.
Si la psychologie des damnés les amène à cette extrémité, alors c’est la
lettre même des Évangiles, au sens le plus matériel, qui sera réalisée. "La Bête fut capturée, avec le faux prophète
- celui qui accomplit au service de la Bête des prodiges par lesquels il
fourvoyait les gens ayant reçu la marque de la Bête et les adorateurs de son
image, - on les jeta tous deux, vivants, dans l’étang de feu, de soufre
embrasé." Ils vivront dans un étang matériel de feu. "Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la
terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout ne soit
réalisé."[136]
Y
a-t-il beaucoup d’âmes en enfer ? Toutes les opinions ont été soutenues.
Certains affirment sans ambiguïté que ceux qui se damnent sont la majorité,
selon cette parole de Jésus : "Il
est large le chemin qui mène à la perdition et ils sont nombreux à s’y engager.
Mais il est étroit le chemin qui mène au salut et bien peu l’empruntent[138]." Il est vrai que
l’expérience de tous les jours semble la confirmer : parmi les chrétiens
eux-mêmes, combien ont réellement découvert l’existence de la prière, condition
impérative à l’existence d’une véritable Vie divine ? Mais il est excessif
d’affirmer que tous ceux qui ne sont pas encore nés à cette vie ou l’ont
oubliée sont damnés pour l’éternité. Une chose est de s’engager sur la voie de
la perdition, autre chose est d’y demeurer obstinément à l’heure de sa mort.
D’autres au contraire affirment que nul ne va en enfer, que les démons eux-mêmes
seront sauvés un jour car Dieu est amour. Cette opinion se trompe de
perspective. Ce n’est pas Dieu qui veut l’enfer mais c’est l’homme et le démon
qui le créent et s’y enferment. Quand bien même Dieu s’obstinerait à proposer
aux damnés son pardon en les poursuivant jusqu’au fond de leur égoïsme, il
n’obtiendrait que du mépris. Cette poursuite serait inutile et source pour eux
de souffrance supplémentaire car c’est justement le fait que Dieu est amour qui
les ronge.
Il
semblerait que la vérité soit plutôt ici. Si l’on observe les hommes, on
s’aperçoit que parmi les chrétiens comme parmi les autres, très peu ont choisi
de vivre de la recherche exclusive du
bonheur des autres (que cet autre soit Dieu ou le prochain). Les êtres dotés
d’une telle bonté et humilité sont rares. De même, très peu d’hommes sont
capables d’une recherche exclusive de ce que leur suggère l’égoïsme. Il existe
sans doute parmi les croyants comme parmi les athées, des êtres au cœur
définitivement durci mais la majorité, l’immense majorité ne vit dans l’égoïsme
que par ignorance des projets de Dieu selon cette parole de saint Paul[139] :
"Mangeons et buvons car demain, nous
mourrons." D’autres sont entraînés par la faiblesse de leur nature et
deviennent esclaves de ce qu’ils croient être nécessaire au bonheur, plaisirs,
honneurs, pouvoir. Chaque âme humaine se réalise autour d’intentions sans cesse
modifiées par la vie. La plupart d’entre nous passe d’un égoïsme attentif aux
autres à une attention aux autres mêlée de recherche de soi. En définitive,
nous sommes tièdes.
En
conclusion, on peut dire que bien peu d’hommes vont en enfer car le blasphème
contre l’Esprit Saint implique un orgueil bien difficile à conserver au terme
d’une vie terrestre et devant l’apparition glorieuse de Jésus. Bien peu
d’hommes vont directement au paradis, car la toute petitesse est rare.
Curieusement pourtant, elle est plus fréquente chez les pécheurs écrasés par la
vie que chez les croyants trop sûrs de leur perfection : "Les prostituées et les pécheurs nous devancent dans le Royaume
des Cieux." En effet, l’humilité, même si elle trouve son origine dans
l’humiliation et non dans la fréquentation de Jésus, dispose au salut. Il en
est de même de toutes les formes de bonté, qu’elle soit purement philanthropique,
bouddhique, musulmane ou marxiste, car selon la parole de Jésus[140] :
"Ce que vous avez fait au plus petit
d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait." Au paradis, nous
verrons des prostituées comblées d’une gloire immense et des théologiens de
l’Église devenus tout petits pour s’être trop préoccupés de bavardages. Jésus
seul peut nous sauver mais il n’élève que les humbles.
Quant à
la grande majorité des hommes, elle est sauvée mais après un temps de
purification. La plupart d’entre nous apprendra au purgatoire à aimer avec limpidité, sans retour sur soi. Toutes nos
oeuvres qui n’auront pas été bâties avec l’or de la charité mais par le bois et
la paille du péché seront purifiées[141].
(Chose
certaine)
L’existence
du purgatoire déchaîne des passions, même dans l’Église catholique. Depuis les
années 1950, beaucoup de théologiens à la mode se sont plus à enseigner qu’il
s’agissait d’une invention du Moyen Age. Il est clair que c’est au XIVème
siècle que les papes successifs le définissent solennellement. Le pape Clément
VI écrit[143] : "Nous croyons que c’est au purgatoire que
descendent les âmes de ceux qui meurent en état de grâce et qui n’ont pas
encore satisfait pour leurs péchés par une entière pénitence. De même, nous
croyons qu’elles y sont tourmentées par un feu pour un temps et que, dès leur
purification, avant même le jour du jugement, elles parviennent à la véritable
et éternelle béatitude qui consiste à voir Dieu face à face et à l’aimer."
Martin
Luther fit de la négation du purgatoire l’un de ses chevaux de bataille. Mais
il ne le fit que tardivement, pour une raison qu’il prétendit liée à sa
fidélité à la Bible. De fait, ce fut pour une toute autre raison, théologique
et non scripturaire.
L’Écriture
Sainte suggère en effet à plusieurs endroits l’existence d’une purification
possible après la mort. Le livre des Macchabées n’est pas reconnu par la
Réforme. Pourtant, il en parle explicitement : "C’est une sainte et salutaire pensée que de prier pour les
défunts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. [144]" Saint Paul,
dans l’épître aux Corinthiens[145], a un
langage plus imagé pour le décrire : "Quant
à l’homme qui aura bâti sa maison avec du bois, du foin, de la paille, il sera
sauvé, mais comme à travers un feu."
Luther
était moine. Depuis sa jeunesse, il avait vécu des années d’angoisse. Il était
obsédé par son incapacité à détruire ses péchés dominants. Or il croyait
sincèrement, appuyé sur la parole de ses maîtres, qu’on ne pouvait être sauvé
sans être moralement parfait. C’était une théologie "pharisienne". L’expérience de la
confession, pratiquée dans son couvent augustin, ne lui apportait rien. Loin de
lui faire découvrir la miséricorde patiente de Dieu, elle le remettait face à
son imperfection. Il confessait toujours les mêmes péchés et, devant son peu de
progrès, il se croyait damné. Or il tomba sur une parole de saint Paul : "Car en lui la justice de Dieu se révèle de
la foi à la foi, comme il est écrit : Le juste vivra de la foi." Ce
fut l’éclair de sa vie. Il fonda tout son rapport à Dieu sur l’intuition
suivante : "Pour être
sauvé, il suffit à l’homme de mettre sa confiance (sa foi) en Dieu. Rien
d’autre ne lui est demandé car l’homme ne peut absolument rien faire pour
lui-même." La découverte l’avait libéré de toutes ses tortures morales. Il
y avait enfin trouvé la paix. "Peu
importe mon péché, se dit-il, je suis sauvé parce que Dieu me sauve. Il me
suffit d’en avoir la pleine confiance."
Il
développa par la suite toute la logique de la théologie réformée. Il rejeta le
purgatoire, avant comme après la mort, à cause de la logique de sa position. Si
l’homme ne peut plus rien faire pour lui-même, à cause du péché qui a détruit
totalement sa capacité à agir pour son salut, alors il ne peut y avoir aucune
purification. L’homme a été réduit à l’état d’un enfant et sa seule
participation au salut consiste à se laisser emmener au Ciel en abandonnant le
poids mort de son âme, avec confiance, dans les mains de Dieu qui le prend.
(Chose
certaine)
Pour
les catholiques et les orthodoxes, le salut vient certes de Dieu. C’est lui qui
vient en premier chercher l’homme. Mais, en lui communiquant sa grâce, il le
remet debout. Il lui permet une véritable amitié. Elle doit être réciproque,
avec toutes les qualités surprenantes de l’amitié humaine. Cela se fait étape
par étape, exactement comme dans un couple, l’amour ne cesse d’évoluer et,
normalement, de s’approfondir. Le jeune homme plein de délicatesse qui n’agit
que porté par le plaisir sensible que fait éclater la présence de son amie aime
moins que le vieil homme fidèle et indifférent aux plaisirs lorsqu’il est au
chevet de sa femme devenue malade. De même, au terme de la purification,
l’homme devient égal de Dieu en ce sens que Dieu écoute son ami, comme l’ami
écoute Dieu.
Cette
théologie frappa les Pères de l’Église au point qu’ils virent les étapes successives
qui conduisent à l’amitié parfaite pour Dieu sous l’image de l’échelle de
Jacob. Le livre de la Genèse raconte que le petit-fils d’Abraham, Jacob eut un
songe[146] :
"Voilà qu’une échelle était dressée
sur la terre et que son sommet atteignait le ciel, et des anges de Dieu y
montaient et descendaient! Voilà que Yahvé se tenait devant lui et dit :
"Je suis Yahvé, le Dieu d’Abraham ton ancêtre et le Dieu d’Isaac. La terre
sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et à ta descendance." Il
s’agissait là, selon eux, de la vie humaine dans sa progression, pas après pas,
vers la vision de Dieu.
(Chose
probable)
En
piochant à travers la tradition la plus lointaine de l’Église, on arrive à
discerner l’existence de six demeures du purgatoire. Il s’agit de six étapes
successives. L’homme n’est pas obligé de passer par toutes. L’essentiel est,
qu’au terme, l’amitié (Agapé) pour Dieu et le prochain soit devenue tout
humble.
Les
deux premiers purgatoires sont caractérisés par le fait que le Ciel et ses
habitants se cachent. Ce sont les purgatoires du "silence de Dieu"[147], les purgatoires de l’ombre.
1. La première
demeure est la vie terrestre. Oui,
la vie terrestre n’est autre que le premier purgatoire et nous y sommes.
Elle est même l’un des plus terrible en ce sens que l’homme n’est même pas sûr
de sa simple survie après la mort. Il est dans l’ignorance totale…sauf s’il
accepte de croire : "Heureux celui
qui croit sans avoir vu"[148].
2. La deuxième
est le domaine des âmes en exil.
C’est un lieu que la Bible appelle "le territoire des ombres [149]" ou ailleurs
le "shéol [150]", "la
mort". L’homme constate que la mort ne conduit pas au
néant. En ce sens, il n’a plus peur. Mais le shéol est une grande épreuve parce
que l’homme erre sans but dans une solitude qui paraît ne jamais devoir
s’arrêter. Il est inquiet et tremble à l’idée que Dieu ou les dieux sont des
forces hostiles dont il ignore la nature.
Les
quatre derniers purgatoires (à partir de l’apparition du Messie glorieux), sont
caractérisés par le fait qu’une connaissance totale de la Révélation est
donnée. Ce sont les purgatoires de
lumière. Les âmes qui y séjournent sont amoureuses de Dieu. Elles sont
conscientes de l’immensité de leur indignité. Elles souffrent d’un immense
repentir, à cause de leur grand amour. Dieu leur manque, elles sont folles de
son absence ce qui fait que ces quatre purgatoires sont comme du feu. Pourtant,
elles sont dans la joie, certaines qu’un jour, dès qu’elles seront devenues
humbles, elles verront Dieu.
3. Le premier
est vécu à l’heure de la mort. Je l’ai déjà décrit au chapitre 1. Il s’agit
tout simplement de l’Apparition du
Christ, accompagné des saints et des anges. La puissance de sa vision provoque
un tremblement apocalyptique dans l’âme, plus puissant que tout. A la lumière
de la pureté de l’humilité et de l’amour du Messie, l’âme est choquée de ses
propres ténèbres. L’effet en est la violente purification du reste de ses
illusions.
4-5-6.
Dans les trois derniers, nous entrons dans les trois purgatoires mystiques décrits par
sainte Catherine de Gênes[151]. Les
âmes, toutes amoureuses de Dieu, passent de la volonté d’être un jour digne de
lui à la certitude qu’elles ne le seront jamais. Elles deviennent vraies,
c’est-à-dire humbles.
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7- Vision béatifique |
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6- "Seigneur,
je ne suis pas digne…" |
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5- Usure de l’attente |
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4- Volonté d’être digne de la Vie |
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3- Apparition du Christ |
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2- Limbes* |
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1- Vie terrestre |
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Il
n’est pas nécessaire de franchir une à une les marches de cette échelle. Deux
règles seulement semblent absolues :
1- la
Vision de Dieu, but de ce passage, n’est donnée qu’à celui qui est devenu tout
humble et tout amour. Certaines âmes parviennent à cette pureté du cœur dès
cette terre. Certaines autres ne connaissent aucun moment de vie terrestre
consciente. C’est le cas des enfants morts prématurément.
2-
Dieu apparaît à tout homme sous les voiles de son humanité (étape 3) avant de
se donner sous la forme de sa divinité (7). Personne n’échappe à cette étape qui
permet un choix libre.
(Chose
certaine)
Il est
à noter que ces six purgatoires sont marqués par le sceau de la croix, de la
souffrance. Peu de religions donnent une explication de la souffrance. L’islam
appelle à la confiance et promet l’explication pour l’au-delà. Le bouddhisme
donne plutôt une explication philosophique et panthéiste. Quant au
catholicisme, à la différence des Églises protestantes, il propose au niveau de
son Magistère romain et de ses grands saints une théologie unifiée (souvent
critiquée par les fidèles eux-mêmes).
L’Évangile
éternel de Dieu donne sens à tout en théologie chrétienne[153].
Concrètement, personne ne peut entrer dans la vie éternelle à de telles
conditions : l’humilité et l’amour exigés sont impossibles à l’homme. Il est
possible de devenir un peu humble et aimant par soi-même. Il suffit de
considérer avec réalisme la petitesse de notre condition humaine. Mais il est
impossible de devenir tout humble et tout amour, dans la mesure voulue par Dieu
et révélée par la vie de Jésus. Il meurt pour des gens qui ricanent de lui. Il
les sauve alors même qu’ils le défient "de descendre de sa croix puisqu’il en a sauvé d’autres. [154]" Qui est
capable d’un tel amour ? Mais, explique Jésus après une question de ses
disciples sur ce thème, ce n’est pas impossible à Dieu[155].
La
première étape utilisée par Dieu consiste à faire passer l’homme par la vie
terrestre[156].
Cette vie est, on le constate, obligatoirement marquée par la souffrance puisqu’elle
est fragile, dépendante des aléas du hasard et qu’elle s’achève par la mort. Le
hasard n’existe pas en Dieu pour qui il n’y a pas de futur. Chaque événement
est connu de lui "depuis
toujours" et à chaque instant. Mais il a voulu qu’il existe dans notre
temps au point qu’une série de causes sans rapports peut aveuglément briser des
existences. De plus, l’existence de Dieu et d’une survie après la mort peuvent
y être mises en doute. Le silence de Dieu et du Ciel sont une des épreuves les
plus étonnantes de la terre. Beaucoup d’ailleurs en concluent non sans un
certain bon sens : "Dieu ne peut
exister et être amour. Le monde ne serait pas ainsi".
Pourtant,
si l’on étudie avec attention les écrits de la plupart des théologiens
canonisés par l’Église, la vie terrestre et ses souffrances s’expliquent
justement par le mystère de la Trinité[157].
L’humanité
entière peut être comparée au Golgotha, c’est-à-dire à la colline du calvaire
où fut crucifié Jésus avec deux bandits. Une partie de nous (la partie orgueilleuse
et égoïste) est représentée par le
mauvais larron. Il blasphème et insulte pour sa souffrance. Il meurt comme
les autres et, en mourant, il touche du doigt la misère de ce qu’il est
vraiment. Cette humiliation a des chances de créer en lui un peu d’humilité, ce
qui est déjà un premier pas vers le salut, tel que nous l’avons exposé plus
haut. Ainsi, en étant écrasé, malgré sa révolte, l’orgueilleux qui sommeille en
nous peut être un peu humilié. N’est-ce pas une disposition à l’humilité ?
Le bon larron représente ce
qui est droit en nous. En effet, il est déjà juste : "Je paye pour ce que
j’ai fait. C’est justice." Dans sa souffrance, il se tourne vers Dieu et
appelle un salut, malgré son péché. Il est humble. Il désire la vie. Sa
souffrance fait augmenter son désir d’un salut. Il l’aura certainement juste
après sa mort, lui promet Jésus. La souffrance provoque chez le juste un appel
de l’espérance. C’est mieux qu’une simple humiliation. A l’heure où le Christ
lui apparaît, l’homme assoiffé se précipite vers lui puisque, sans le savoir,
c’est lui qu’il appelait.
Quant
à Jésus, il représente les chrétiens, c’est-à-dire ceux qui savent qu’il n’y a
qu’un seul commandement : "aimer Dieu et le prochain" et qui
s’efforcent d’en vivre. Être chrétien présente en fin de compte un seul
avantage certain. Nous savons où nous allons et nous le vivons déjà. Peu en
tirent les conséquences. Faire de sa vie un acte d’offrande pour cet amour.
Mais cela s’appelle la sainteté.
La
souffrance est donc un mal mais son effet peut être un bien, affirme Jean-Paul
II[158]. La
souffrance, même quand elle n’est pas acceptée, creuse le cœur dans le sens de
l’humilité (je ne suis rien) et du
désir (désespéré parfois) d’un amour qui sauve.
Cette
analyse permet de comprendre beaucoup d’enseignements curieux de Jésus :
"Les premiers seront les derniers"
pour la même raison. Il est difficile, quand on reçoit la gloire ici-bas, de
comprendre qu’on n’est pas grand chose (humilité).
"Il est plus difficile à un riche
d’entrer dans le Royaume de Dieu qu’à un chameau de passer dans le trou d’une
aiguille". Aux yeux de Jésus, un riche se comprend
comme un riche au point de vue du cœur. La richesse matérielle, le pouvoir,
dans la mesure où ils rendent arrogants, sont un danger pour la vie éternelle. En
fin de compte, un enfant mort du Sida au Rwanda serait mieux disposé à
l’humilité qu’un riche homme d’affaire occidental (au XIXème siècle,
au nom de cette théologie, certains patrons se servaient de ce genre de propos
pour justifier la mise en esclavage des ouvriers.). On voit à quel point le
message évangélique porte en lui du scandale pour la sagesse naturelle des
habitants de ce monde.
"Si vous ne devenez pas comme ces petits
enfants que voici, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu".
Interprétation évidente au plan du symbolisme de l’enfant.
Attention,
cette théologie est un scandale, dit saint Paul [159] : "Nous proclamons, nous, un Christ crucifié,
scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont
appelés, Juifs et Grecs, c’est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de
Dieu."
En
théologie chrétienne, cela paraît logique. Mais dès qu’on applique au concret
du destin de chacun, cela devient insupportable au point que saint Paul parlait
du "scandale de la
croix" et que sainte Thérèse d’Avila disait : "Pas étonnant que Dieu ait si peu
d’amis". Voici, à travers l’exemple du martyre des enfants tuées par
Marc Dutroux[160], ce
que cela devient : "[161]Il est
possible de dire que, aujourd’hui que là où elles sont, les enfants ne
regrettent pas d’être passées par une telle souffrance, non à cause de la
souffrance elle-même, qui est un mal, mais à cause des effets de maturation du
cœur qu’elle a produite. L’Apocalypse de saint Jean dit "On ne se souviendra plus des larmes d’ici-bas. On se réjouira de
l’action de Dieu car il aura lavé nos vêtements dans le sang de Jésus".
Pourtant, elles ont été totalement écrasées par la souffrance. Elles sont
mortes dans la misère, sans avoir de réponse de Dieu à la supplication de leur
prière. On peut dire que leur mort ressemble à celle de Jésus, puisqu’elles ont
été totalement détruites aux plans physique, psychologique et spirituel. Mais,
juste au moment de leur mort, le Ciel tout entier est venu les chercher. Elles
ont vu Jésus, accompagné des anges et des saints, de leurs proches déjà
décédés. C’était un accueil d’une beauté et d’une tendresse inouïe. Elles ont
compris son projet, la raison de leur mort et la raison de son silence. Un tel
amour, qu’elles n’espéraient même plus, a enflammé leur cœur. Autant elles
avaient subi l’abandon, autant elles se sont jetées avec force dans les bras de
Dieu. Leur amour est devenu intense comme celui de nul autre car leur humilité
et leur désir, provoqués par leur souffrance, s’étaient considérablement
creusé. Or, on voit Dieu à la mesure de son désir de le voir (donc de son
amour). Plus notre cœur est grand (attiré par l’amour), plus il peut être
rempli de Dieu. Ces petites filles sont devenues certainement de grandes
saintes du Ciel auprès de Dieu."
Face à
cette explication, on comprend que certains chrétiens fervents aient pu se
révolter, rejeter par moment cette "paternité
de Dieu", tout en en comprenant intellectuellement les raisons. Leur
attitude est juste. Il est au contraire peu intelligent, disait saint Paul, de
cacher ce scandale de la croix.
Prenons garde, cette théologie est facilement déviée de son sens. Cette
théologie, quand elle devient concrète, est si verticale et scandaleuse que peu
de théologiens osent encore l’enseigner aujourd’hui. Seul le pape Jean-Paul II,
face aux souffrances terribles après l’attentat de 1981, s’estima en droit d’en
parler. D’autre part, comme elle constitue le sommet de la théologie
chrétienne, elle est très facilement déviée de son sens. On peut la comparer à
une crête entre les deux versants d’une montagne verticale : d’un côté se
trouve le sadisme, de l’autre le masochisme.
Exemple 1 : Certains
chrétiens ont mal compris cette propriété des souffrances. Pour devenir saints,
ils se sont imposés des souffrances et de multiples pénitences. Sainte
Marguerite-Marie se torturait volontairement pour devenir plus humble et pour
offrir. Elle fut reprise par son confesseur : "Ceci ne produira que de l’orgueil et de la dureté". En effet,
loin de produire de l’humilité, un tel comportement produit une impression
(inconsciente d’abord) qu’on est un saint, qu’on se comporte bien. Ceci
s’appelle l’orgueil.
Exemple 2 : Le XIXème
siècle vit une partie du clergé prêcher aux ouvriers esclaves ou aux femmes
battues l’acceptation de leur sort en vue de la récompense qui viendrait un
jour. Ce fut une erreur grave qui produisit le marxisme et sa condamnation de
la religion "opium
du peuple". Cela produisit au XXème siècle la ruine du mariage,
source de l’esclavage féminin. Ces prêtres commettaient une erreur théologique
car la vie ne consiste pas seulement à aimer Dieu dans son paradis mais à aimer
son prochain et la justice ici-bas. Les ouvriers n’avaient pas à accepter
l’esclavage, et ceci en tant que chrétiens (voir l’encyclique du pape Léon XIII).
Les femmes n’avaient pas à se faire servantes soumises mais épouses
complémentaires, ceci par amour même de leur mari.
A la lumière de cette présentation de la vie
terrestre, il est possible de comprendre à quel point l’avortement volontaire
provoque dans le magistère de l’Église une véritable douleur. En privant
volontairement un enfant de la vie terrestre, les chrétiens croient parfois
bien agir. Ne sont-ils pas dispensés d’une vie de souffrance ? Les conséquences
pour les enfants sont pourtant en partie irrécupérables. Si l’Église catholique
dans son Magistère s’oppose avec tant de force à l’avortement, c’est qu’elle
croit de toutes ses forces que cet être qu’on fait disparaître, bien que doté
en apparence d’une seule vie biologique, a déjà certainement reçu son âme
spirituelle. Cette âme, siège de l’intelligence et de l’amour, n’est autre que
ce qui survit à la mort. Abraham, Adam et Ève existent actuellement, pensent et
aiment parce qu’ils sont "âme".
Son existence ne peut être mise en doute au plan de la révélation. Le Christ en
a parlé explicitement plusieurs fois, en particulier en disant à l’homme
crucifié à sa droite "aujourd’hui,
avec moi, tu seras dans le paradis" (sous-entendu : sans ton corps).
Un doute subsiste cependant dans
l’enseignement de l’Église : quand cette âme créée par Dieu est-elle donnée à
l’enfant ? Au XIIéme siècle, saint Thomas d’Aquin penchait pour le
sixième mois après la Conception. N’était-ce pas le moment où Jean Baptiste
visité par Marie avait tressailli dans le ventre de sa mère ? S’il en était
ainsi, l’avortement jusqu’au sixième mois ne serait pas "un crime abominable." Il ne serait pas
un crime au sens strict, un homicide, mais
un simple péché contre la vie à venir et non encore venue. Saint Thomas n’avait
pas à son époque tous les instruments de la foi dont nous disposons
aujourd’hui.
Pourtant,
il est étonnant de voir qu'il n'ait pas vu ceci : Marie reçoit l'annonce de
l'ange. Elle dit "qu'il me soit fait selon ta parole." Le
lendemain sans doute, elle se rend chez Elisabeth et, lorsqu'elle la rencontre,
il se produit une osmose, d'âme à âme, entre son enfant (Jésus) et l'enfant
d'Elisabeth (Jean) : "Mon fils a tressailli dans mon sein",
témoigne Elisabeth. Tout ceci fait plus qu'indiquer, au plan théologique, une
très rapide animation de l'enfant Jésus, donc de nous-même car le Verbe suit en
tout la nature humaine quand elle n'est pas liée au péché...
Autre
signe concordant : En 1854, le pape Pie IX proclamait comme une certitude
venant d’en haut l’Immaculée conception de la Vierge Marie. Cette révélation
semble être sans rapport avec l’avortement. Il n’en est rien. Le fait que Marie
soit immaculée dans sa conception signifie qu’elle vivait, dès sa conception,
de la présence de Dieu, de la même manière qu’Ève en vivait au jardin d’Eden.
Si Dieu était là, c’est donc que Marie le recevait dans son âme. Le fait,
d’autre part, que la conception de Marie soit fêtée le 8 décembre, soit neuf
mois avant sa naissance, ne laisse aucun doute sur ce qu’il faut entendre par
conception. Marie est de la race humaine, comme tout enfant à naître. Tout
indique donc que, pour elle comme pour eux, âme est donnée par Dieu dès le
moment de la conception.
Dans cette perspective, on comprend que pour
le Magistère, l’avortement quel qu’il soit, même celui de la pilule du
lendemain, prend une dimension vertigineuse. Ce n’est pas qu’un morceau de
chair qui disparaît mais un véritable être humain qui dormait encore, un petit enfant. Il n’y a aucune différence de
fait entre les saints innocents de l’évangile (tués par Hérode) et ces
enfants-là. Et même si les mères qui pratiquent cet acte ne savent pas ce qu’il
advient de l’enfant, de fait, il s’agit d’un homicide. Il n’y a pas de péché
chez la mère si elle ignore ce qu’elle fait, mais il y va de la mise à mort d’un homme.
Que deviennent ces enfants ? Sainte Thérèse
de Lisieux disait avec raison : "Un petit enfant, cela ne se damne pas [162]".
Elle montrait que l’hypothèse des Limbes*
éternels émise par saint Augustin se méprend sur Dieu. Dieu n’a pas besoin
qu’un enfant soit baptisé avec de l’eau pour lui donner le baptême de sa
présence. Mais tout homme, quel qu’il soit (même un embryon), entre dans le
royaume de Dieu à la mesure précise de son désir de Dieu. Plus le cœur de
l’homme aime Dieu et désire le voir, plus il le voit. Or, il existe une voie
dont l’utilité est de creuser le désir du cœur de l’homme, c’est celle de la
vie terrestre. La vie terrestre est donc utile aux hommes. Si la vie terrestre
est voulue par Dieu, c’est qu’elle est utile. Quant au petit enfant mort avant
d’avoir vécu, lorsqu’il est accueilli par le monde des saints, il ne le rejette
certes pas. Mais il s’y porte avec un petit désir d’innocent, avec un cœur qui
n’a pas eu le temps d’être préparé. Son éternité s’en trouve directement modifiée.
Il reste pour toujours, en un certain sens, sous-développé au niveau du désir
du cœur.
Il en est de même pour le suicide[163]
ou l’euthanasie. Lorsqu’un croyant sincère arrive aux portes de la mort, que la
souffrance physique et morale l’atteint, il va s’efforcer de la soulager (il ne
s’agit pas d’être masochiste, le masochisme ainsi vécu étant très
présomptueux...). Mais quel motif peut exister en lui pour continuer à vivre ?
Comme
pour tout homme, il peut parfois ne plus exister de motif naturel : Amour de la
vie, présence des proches etc. Mais il peut subsister un motif surnaturel. La
mort est école d’humilité. Nul n’apprend ce qu’il est vraiment s’il n’a jamais
souffert. Le temps qui précède la mort semble même être ressenti par certains
saints comme la chance ultime d’être sauvés de leur orgueil incontrôlable.
L’exemple du cardinal de Lubac est significatif. Ce grand prédicateur du XXème
siècle fut atteint vers la fin, d’handicaps humiliants tel l’incontinence. Il
écrivit à son confesseur jésuite : "Mes handicaps sont ma dernière planche
de salut. Grâce à eux, je comprends maintenant à quel point mon âme était en
danger." Il était conscient qu’il aurait pu, tant sa fierté d’être connu
l’avait nourri, être parmi ces hommes dont parle Jésus : "Beaucoup me diront en ce jour-là : Seigneur,
Seigneur, n’est-ce pas en ton nom que nous avons prêché ? En ton nom que nous
avons chassé les démons ? En ton nom que nous avons fait bien des miracles ?
Alors je leur dirai en face : Jamais je ne vous ai connus; écartez-vous de moi,
vous qui commettez l’iniquité. [164]"
Est-ce à dire que le chrétien ne peut être tenté de
se suicider dans ce cas ? Il est évident que non. Le chrétien est homme. Il n’a
qu’une chose de plus que le non chrétien : il sait Qui il aime. Sainte Thérèse
de l’Enfant Jésus fut atteinte de tuberculose étouffante, séparée de toute
consolation venant de Dieu et de ses sœurs, cette petite religieuse eut envie
de se suicider. Elle ne le fit pas par seule fidélité à sa foi. Elle est
patronne des désespérés.
(Chose
indécise)
Saint Bernard raconte[166]
: "Saint Malachie vit un jour sa sœur qui avait trépassé depuis quelques
temps. Elle faisait son purgatoire au cimetière
: à cause de ses vanités, des soins qu’elle avait eus de sa chevelure et
de son corps, elle avait été condamnée à habiter la propre fosse où elle avait
été ensevelie et à assister à la dissolution de son cadavre. Le saint offrit
pour elle le sacrifice de la messe durant trente jours. Ce terme expiré, il
revit à nouveau sa sœur. Cette fois elle avait été condamnée à achever son
purgatoire à la porte de l’Église, sans doute à cause de ses irrévérences pour
le lieu saint, peut être parce qu’elle avait détourné les fidèles de
l’attention des Mystères Sacrés".
Les
religions les plus primitives, de l’Orient à l’Occident, étaient animistes.
Elles enseignaient que l’âme des morts, loin de partir dans un autre monde,
restaient sur la terre où elles erraient sous forme d’ombres. Effrayés par ces
présences, les vivants confiaient à leurs prêtres (les chamans) la charge
d’éloigner les morts. Ils utilisaient une série de rites afin qu’ils installent
leur errance sans fin dans les lieux déserts, dans les forêts et les vallées
séparées. Job témoigne de cette croyance dans plusieurs textes[167] :
"Comme la nuée se dissipe et passe,
qui descend au shéol n’en remonte pas. Il ne revient pas habiter sa maison et
sa demeure ne le connaît plus." Les anciens européens gardaient cette
croyance. Lorsqu’ils étaient témoins de quelque phénomène de maison hantée, ils
émettaient l’hypothèse de la présence d’une "âme en peine".
L’Église
catholique n’ignore pas cette tradition. Elle ne l’enseigne pas explicitement
par la voix de son Magistère. Elle reconnaît qu’il s’agit de cas réels
puisqu’elle prévoit dans le rituel l’offrande de messes et de prières spéciales
dans des cas semblables. Elle possède une procédure spécifique face aux
phénomènes de revenants. L’enquête précède la prière, qui délivre les âmes de
leur errance. Selon certains théologiens, un revenant n’est autre qu’une âme
soumise au purgatoire, sur le lieu même où elle a péché. "Certains morts ne passent pas dans l’autre
monde mais restent sur le lieu même où ils ont péché. Ceci ne concerne pas
n’importe qui mais uniquement un certain nombre d’hommes particulièrement épais
au plan moral." Que ce soit un milicien criminel ou un moine infidèle,
Dieu peut, par la puissance de ses anges, le maintenir un certain temps en lien
avec notre monde.
Le phénomène
du shéol est objet de révélations privées chez les saints. On en trouve des
traces jusqu’à une époque reculée de l’histoire de l’Église. Saint Bernard,
dans la vie de saint Malachie, en cite un. Ce saint raconte qu’il vit un jour
sa sœur. Or elle était trépassée depuis quelque temps. Elle faisait son
purgatoire au cimetière. A cause de ses vanités, des soins qu’elle avait eus de
sa chevelure et de son corps, elle avait été condamnée à habiter la propre
fosse où elle avait été ensevelie et à assister à la dissolution de son
cadavre. Le saint offrit pour elle le sacrifice de la messe pendant trente
jours. Ce terme expiré, il revit de nouveau sa sœur. Cette fois, elle avait été
condamnée à achever son purgatoire à la porte de l’église, sans doute à cause
de ses irrévérences dans le lieu saint, peut-être parce qu’elle avait détourné
les fidèles de l’attention des mystères sacrés pour attirer sur elle la
considération et les regards. Elle était profondément triste, voilée de deuil,
dans une angoisse extrême. Le saint célébra de nouveau le sacrifice pour elle
durant trente jours, et une dernière fois elle lui apparut dans le sanctuaire,
le front serein, rayonnante, vêtue d’une robe blanche. L’évêque reconnut à ce
signe que sa sœur avait obtenu sa délivrance.
Que
peut-il arriver à un mort pour qu’il erre ainsi sur terre ? L’explication est
simple. Certaines personnes sont surprises par la mort alors qu’elles sont
totalement attachées à la terre. Une parabole de Jésus illustre leur mentalité[168]. "Il y avait un homme riche dont les terres
avaient beaucoup rapporté. Et il se demandait en lui-même. Que vais-je faire ?
Car je n’ai pas où recueillir ma récolte. Puis il se dit. Voici ce que je vais
faire. J’abattrai mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y recueillerai
tout mon blé et mes biens, je dirai à mon âme. Mon âme, tu as quantité de biens
en réserve pour de nombreuses années; repose-toi, mange, bois, fais la fête.
Mais Dieu lui dit. Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce
que tu as amassé, qui l’aura ?" Lorsqu’un tel homme meurt,
il lui arrive la chose suivante. Il se réveille bien vivant. Il possède
toujours un corps, il a des mains, des yeux pour voir. Nous avons montré que le
psychisme et le corps double qui en est le siège n’est pas détruit à la mort[169]. Mais
lorsqu’il essaye de saisir ses richesses, elles lui échappent. Son or n’est
plus palpable. Les plaisirs de la chair le fuient aussi car il a perdu le sens
du toucher. Les honneurs lui deviennent inaccessibles. On ne le voit plus. A ce
moment, le ciel s’ouvre pour lui. La lumière du Christ apparaît et se met à
exercer son attraction. Tout homme sensé comprendrait. Abandonnant ses biens,
il se tournerait vers le passage et quitterait ce monde pour l’autre. Dans le
cas qui nous occupe, il n’en est rien. L’attachement à la terre est si grand
qu’il semble ne pas voir la Lumière. Au contraire, paniquée à l’idée de tout
perdre, l’âme de cet homme se met à tourner et retourner dans les lieux de sa
vie. Alors le Christ, respectant son aveuglement, s’efface. Sa Lumière
disparaît provisoirement et le mort se retrouve entre deux mondes.
On le
voit une telle attitude n’est pas le fait de n’importe qui. Seules des
personnes extrêmement mondaines ou matérialistes peuvent se trouver piégées de
la sorte. Il faut même une mondanité névrotique,
c’est-à-dire maladive. Il faut un tel attachement à la terre qu’on en
oublie de considérer l’apparition visible du Ciel[170].
Toute personne un peu sensibilisée aux choses spirituelles échappe à cette
étape du purgatoire. Toute personne qui trouve un motif psychologique ou moral
pour fuir la rencontre avec l’Amour, peut se retrouver dans cet état. Il ne
faut pas confondre l’état de ces morts avec celui des damnés. Ce sont des
personnes psychologiquement esclaves
de leurs vices alors que les damnés se lient dans une parfaite liberté à un
choix de leur volonté. Les âmes en exil sont névrosées alors que les damnés
rayonnent d’une liberté mauvaise.
Dans
les temps anciens, alors que l’humanité se débattait dans son enfance[171], le
phénomène du shéol était beaucoup plus fréquent. Pourtant, il n’était pas
universel. Certains morts entraient déjà dans un certain paradis, non encore
complet, que la Bible appelle "le sein d’Abraham"[172]. La
religion de l’Égypte antique témoigne qu’à cette époque reculée, l’homme juste
ne restait pas en perpétuelle errance sur la terre. Au contraire, il était
accueilli par un dieu mystérieux, appelé Anubis, et qui ressemble fort à l’ange
de la mort. Il le conduisait devant le tribunal où Osiris, ce dieu mort et
ressuscité, pesait son cœur. Osiris et son épouse aimante Isis étaient une
préfiguration évidente du Christ à venir. Si le cœur était trouvé plus léger
que la plume de Maât (la droiture), l’homme était introduit au paradis[173]. De
nos jours, le phénomène n’a pas disparu. Il semble même en recrudescence tant
le monde se matérialise. Une religieuse dotée de dons de voyance prophétique,
Clémence Ledoux[174],
visitait, dans les années 1960, le château de Versailles. Elle fut saisit à la
vision de nombreuses âmes, en costume du grand siècle : Elles emplissaient
tristement ces lieux. Une telle vision n’a rien d’étonnant. Louis XIV prit
conscience trop tard, à la fin de sa vie, à quel point son amour des apparences
avait plongé les courtisans dans une mondanité servile.
Pour
ces âmes commence alors un temps de purification. Dieu respecte leur volonté de
rester sur terre jusqu’à ce qu’elles veuillent bien comprendre leur erreur. Le
cheminement spirituel est en général très rapide. Exceptionnellement, il peut
durer des siècles. Il leur faut affronter brutalement leur incapacité à
posséder le bien sensible qui faisait toute leur vie. "Là où est votre trésor, là aussi sera votre cœur.[175]" disait Jésus.
S’il s’agissait d’honneurs, ces âmes se précipitent pour en recevoir encore.
Elles sont vite informées! Elles assistent à leurs funérailles. Elles lisent
dans la pensée des assistants à quel point tout cela n’était que du vent.
Quelques semaines plus tard, elles se découvrent déjà oubliées. Cette
expérience suffit à la plupart. Bouleversées par la conscience de la vanité de
ce qu’elles adoraient, elles se tournent vers le Sauveur qu’elles ont
entraperçu et l’appellent. Aussitôt, sa lumière paraît et les entraînent dans
l’autre monde.
Certains
morts sont beaucoup plus difficiles à convaincre. Ils n’ont parfois aucune idée
de ce qu’est la vie spirituelle. Totalement matérialistes, ils s’installent
dans leur errance. Ils tournent et retournent autour du lieu où était leur
trésor. Ne pouvant être vu par les hommes vivants (sauf cas exceptionnel) et
étant obsédés par leurs anciennes possessions, leur solitude est totale.
Dieu
permet ceci non pour punir, mais dans un but pédagogique et pour sauver. Il a
le temps. Les siècles lui appartiennent. Il sait qu’aucune âme ne peut vivre un
tel arrachement sans, petit à petit, s’affiner. Dans sa solitude terrible,
l’esprit du pécheur apprend peu à peu la vanité des biens de la terre. Il
comprend que l’unique bien est l’Amour.
Pour hâter la purification, Dieu dispose de
plusieurs moyens. Le plus grand d’entre eux est la communion des saints. En effet, parmi les morts comme parmi les
vivants, il existe des personnes au cœur affiné dont il va se servir,
quelquefois à leur insu. Au cours de leur errance dans le lieu où elles ont
vécu, les âmes en peine sont sans cesse confrontées à la présence des vivants.
Leur maison passe de main en main. Elles observent leur vie. Elles rencontrent
beaucoup de gens matérialistes et aussi perdus qu’elles. Mais il arrive
qu’elles rencontrent des âmes pures, aimantes et priantes. Elles voient très
bien ce que pensent les habitants de la terre. Cela les intrigue de plus en
plus, au fur et à mesure que la solitude et la tristesse les minent.
Par
exception, il arrive que les âmes de ce purgatoire apparaissent ou se fassent
entendre des vivants. Le phénomène est rare car il semble être dû à un long
effort pour influencer la matière. Il est tout aussi difficile à un mort de
produire un bruit quelconque dans une maison qu’à un vivant de déplacer un
objet par la force de sa pensée. La manifestation des âmes en exil est bonne
pour les vivants car, en constatant leurs souffrances, ils se sentent invités à
la conversion[176]. Elle
est malheureusement pour beaucoup cause de terreur plutôt que d’amour. Qu’on se
rappelle la réaction des disciples de Jésus, quand ils le virent s’approcher
d’eux en marchant sur les eaux : "Ils
crurent que c’était un fantôme, et poussèrent des cris[177]".
Le phénomène des revenants, quand il se produit, ne devrait jamais effrayer.
Comment avoir peur de ces âmes, qui crient leur détresse ? La réponse immédiate
devrait être, au contraire, l’assistance à personne en danger. "J’étais en prison et vous m’avez visité[178]". La réponse la
meilleure consiste dans l’instruction et la prière[179].
L’instruction, l’explication
patiente du sens de la vie et de l’erreur où se trouvent ces âmes peut
provoquer une véritable conversion de leur intelligence. Elle accélère une
prise de conscience que leur expérience est trop longue à provoquer.
Concrètement,
quand un tel phénomène se produit, il convient de s’asseoir, sans crainte, et
de dire à peu près ceci : "Vous êtes restés bloqués entre deux mondes.
C’est une erreur. Elle ne vous conduira à rien de bon. Ce qui vous tourmente
est peu de chose. N’attendez pas inutilement pour le comprendre. Le Christ, la
Vierge Marie, tous ceux qui vous ont aimés vous attendent. Il suffit que vous
les appeliez. Ils vont venir vous chercher.[180]"
La prière obtient leur
évolution par l’amour qu’elle manifeste. Ces âmes solitaires sont touchées par
le fait qu’on se soucie d’elles. Certains saints, canonisés par l’Église,
passèrent leur vie entière à s’offrir pour elles. De telles prières ou
sacrifices ont une efficacité étonnante : l’âme en peine en est bouleversée,
comme le serait un prisonnier, qui, pour la première fois, recevrait une
lettre. Ce geste est efficace. Il est d’autant plus remarquable qu’il vient
d’une personne qui vit dans un purgatoire en un certain sens plus difficile[181]. Elle
peut, devant sa beauté, comprendre en un instant la grandeur de l’amour, et
appeler le Christ à son aide. Aussitôt, elle se trouve délivrée[182].
Toutes les histoires de fantômes ne doivent pas
être prises à la lettre, sans une enquête approfondie de la part des autorités
religieuses. Une imagination débridée peut inventer bien des fantasmes. Nos
ancêtres superstitieux inventaient dans leur frayeur des monstres comme l’Ankou
avec son char (la Mort en Bretagne), le vampire assoiffé de sang (Roumanie),
les Trolls et les lutins (Scandinavie). Chaque peuple a ses croyances d’enfant.
C’est pourquoi, avant de se lancer dans ce genre d’apostolat, il convient
d’être sûr de son fait. Une enquête préalable est très utile. Le Père Emmanuel
de Floris, dans son ermitage alpin, fut le premier homme d’Église dont je reçus
un enseignement théologique sur le phénomène des revenants. J’avoue qu’avant
d’écouter son témoignage, je rangeais cette question parmi les mythes
superstitieux dont regorgent nos campagnes. Je fus extrêmement surpris
d’apprendre que l’Église prenait cela très au sérieux.
Nous
étions donc réunis autour de lui, et nous écoutions. Il nous raconta alors
qu’au début de sa vie érémitique, il avait reçu de la part des villageois une
vieille ferme abandonnée, appelée l’Adoux d’Oule. Il l’aménagea un peu, et s’y
installa. Dès la première nuit, il perçut, venant du sol, une sorte de
gémissement. Le lendemain, les gémissements se firent plus forts, prenant, dans
le silence de la nuit, une intensité encore plus poignante. Cela ne
ressemblait, ni au cri d’un animal, ni au hululement du vent. Le gémissement
semblait humain. Extrêmement intrigué, le Père Emmanuel décida donc de mener
son enquête. L’Église demande d’agir ainsi avant de se prononcer sur le
caractère paranormal d’un phénomène. Il descendit donc au village, pour y interroger
les gens. Il apprit d’eux que l’Adoux d’Oule était une ancienne ferme. Pendant
la seconde guerre mondiale, elle avait été le théâtre d’événements tragiques,
puisque les miliciens y avaient torturé, puis exécuté des résistants (avant
d’être à leur tour supprimés à la libération). Tout cela bouleversa le Père
Emmanuel, étant convaincu de l’origine paranormale des gémissements, il décida
d’offrir trois messes à l’intention des âmes du purgatoire. Dès lors, il
n’entendit plus jamais de bruits anormaux dans son ermitage.
Les
paysans du secteur eurent vent de cette histoire. L’un d’eux vint donc trouver
le père Emmanuel, pour lui raconter une histoire autrement plus mystérieuse. Il
possédait une grange en pleine montagne. Depuis des siècles, une tradition
affirmait qu’on y voyait, certaines nuits, des défilés d’ombres ressemblant à
une procession de moines en habits religieux. Or, le paysan affirmait avoir été
lui-même témoin du phénomène, certains soirs où il s’occupait de ses bêtes. Le
père Emmanuel prit au sérieux cette histoire, à partir du jour où il apprit que
cette grange se situait non loin du cite d’un ancien prieuré bénédictin. Le
prieuré avait été fermé au XIIème siècle, par son Abbaye mère, à
cause de la décadence notoire de sa vie monastique. Le père Emmanuel se rendit
donc trois fois sur le lieu, pour y célébrer la messe. Fallait-il admettre que,
depuis huit siècles, les âmes de ces moines erraient en ce lieu ?
(Chose
certaine)
Nous
avons montré que cette Parousie se produit normalement à l’heure de la mort.
Exceptionnellement, elle est différée à cause de la nécessité de ce temps
d’errance. L’apparition du Christ est le plus puissant des purgatoires. Le jour
du Seigneur fait progresser les hommes plus que tout le reste. La lumière et
l’amour qui rayonnent de sa gloire provoquent un tremblement apocalyptique dans
l’âme. Pour ceux qui ne le rejettent pas, il en ressort des effets uniques dans
l’intelligence et le cœur.
En un
instant, quatre trésors sont donnés à l’intelligence.
- La
personne comprend tout l’Évangile, tout le poids de Lumière et d’amour qu’il
contient.
-
Elle découvre pourquoi elle a souffert sur la
terre : "Heureux les assoiffés de
justice, ils seront rassasiés"[184].
-
Elle a la vision, comme par comparaison, de
la vérité sur son âme (la grandeur de son péché en particulier, mais aussi ce
qui est bon).
-
Enfin, elle comprend le choix qu’elle va
devoir faire : l’amour du prochain jusqu’au mépris de soi ou, au contraire,
l’amour de soi jusqu’au mépris des autres.
Au
plan du cœur, si cette personne est juste, elle s’enflamme d’un coup tout
entière pour l’amour de Dieu. Lorsqu’on voit le Ciel, on l’aime de toute sa
capacité ou on le rejette à jamais. Il n’y a plus de place pour la tiédeur.
C’est pourquoi, tout au long de la vie éternelle, il ne pourra plus jamais y
avoir de progrès dans l’amour[185].
Aimer de tout son cœur ne permet pas un amour plus grand puisque, justement, on
aime de tout son cœur[186].
(Chose
certaine)
Je vais m’efforcer de décrire
maintenant les trois demeures du purgatoire mystique (sainte Catherine de
Gènes)
[187]. Il peut être
difficile de comprendre comment la puissance de l’apparition du Christ ne
suffit pas toujours à détruire les derniers obstacles à la vision de Dieu. Les
pages suivantes devraient éclairer ce fait.
A
partir du moment où le Messie s’est montré, les âmes connaissent totalement la
révélation. Celles qui ont choisi Dieu et son mystère ne reviendront jamais en
arrière. Elles sont amoureuses de Dieu. Elles sont donc saintes, au sens
le plus fort du terme. C’est pourquoi on appelle les dernières étapes qui leur
restent à franchir les purgatoires de la
lumière. En effet, certaines n’entrent pas encore dans la vision de Dieu.
Quelque chose pose encore problème dans leur âme, quelque chose que
l’apparition du Christ ne guérit pas toujours. Nul ne peut entrer dans la
vision de Dieu avant de régler deux problèmes : l’humilité et la justice.
1- Les restes de fierté dans la manière d’aimer
Lorsque
l’homme s’est tourné vers Dieu et a choisi la voie de l’amour, il reste parfois
centré sur lui. Il continue de mêler à sa façon de l’aimer beaucoup de
suffisance, de fierté. Il n’a pas encore intégré dans sa chair à quel point il
n’est rien. En un mot, bien qu’il aime de tout son cœur, il n’est pas encore
tout humble.
2- La
pénitence parce que l’homme veut paraître sans dette devant son Créateur
Converti
et changé, celui qui a fait le mal est devenu juste. Durant sa vie terrestre,
il a détruit des personnes par son péché. Face au Christ, il s’applique
librement cette parole de l’Évangile : "Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec
lui sur le chemin, de peur que l’adversaire ne te livre au juge, et le juge au
garde, et qu’on ne te jette en prison. En vérité, je te le dis : tu ne sortiras
pas de là, que tu n’aies rendu jusqu’au dernier sou[1].". Il accepte
ce fait en toute sincérité, reconnaissant que c’est juste.
Il existe donc deux raisons à l’existence du
purgatoire : la purification du cœur et la dette à purger pour le mal commis.
Cependant, on le comprend bien, si la première raison est indispensable (Dieu
est simple, l’âme qui le voit doit l’être), la seconde n’est qu’une convenance
de justice.
L’âme
amoureuse dit : "un
jour, je serai digne de toi !"
Suivons le chemin du soldat allemand Johann.
Sa conversion avait été radicale. La rencontre du moment de sa mort avait été
si violente qu’elle l’avait enflammé d’un seul coup. Il avait tout vu, tout
compris. Son cœur s’était s’enflammé proportionnellement à son état. Il lui
était impossible d’aimer autrement que de tout son cœur tant l’apparition du
Ciel avait été puissante. L’extase qu’elle avait suscité est décrite par sainte
Bernadette de Lourdes : "J’aurais voulu rester toujours auprès
d’elle." Comme l’ouvrier de la dernière heure, il avait aimé Jésus et reçu
de lui la promesse d’entrer comme les autres dans la vie éternelle[188].
Il était heureux. Il savait qu’il était
sauvé. Il le croyait avec une certitude qui lui venait du Christ
... mais il aimait mal.
Cependant, au moment de sa mort, Johann avait
compris combien il lui fallait purifier son amour de tout reste du péché qu’il
avait commis sur la terre. Il les voyait subsister en lui. C’était plus fort
que lui. Il voulait aimer Dieu mais ne cessait de se regarder pour voir s’il
aimait vraiment. Sa volonté avait trop pris l’habitude de ne penser qu’à elle.
Elle était, quoiqu’il fasse, centrée sur elle-même. Elle avait aujourd’hui du
mal à réaliser en toute liberté ce qu’elle voulait. Quelque chose était inscrit
en elle, une sorte de vice qui la retenait et qui n’était autre que le reste de
l’amour de soi, qui conduit l’homme à se regarder lui-même avant de se soucier
des autres.
Johann voulait aimer Dieu, mais il ne pouvait
penser à autre chose qu’à lui-même en train d’aimer. La générosité de Johann
nous étonne quand nous considérons le soldat qu’il était[189] quelques instants auparavant.
Johann dit à Dieu : "Je t’aime plus que tout. Un jour,
pour toi, je deviendrai digne de toi".
Une
telle parole n’est pas humble. Elle est le propre d’un homme sincère mais
encore sûr de sa valeur. Or nul ne peut voir Dieu sans être totalement mort à
soi-même.
Johann ne cessait de penser au mal qu’il
avait commis sur la terre. Le souvenir de ceux qu’il avait blessés le brûlait.
Il vit en particulier devant lui un soldat russe qu’il avait abattu alors qu’il
venait se rendre. L’homme lui souriait en disant : "Ne t’inquiète pas pour
moi. Certes tu m’as tué contre les règles de l’honneur mais, après ma rencontre
avec le Messie, j’ai vu que je ne valais pas mieux. J’ai prié pour toi afin que
ce péché te soit remis. Ne t’occupe plus de cette affaire." De même, son
ange gardien lui dit : "Il y a une femme russe qui a trouvé ton corps.
Elle l’a transporté pour l’enterrer et elle a prié pour ton âme. Cette femme a
perdu tous ses enfants à Stalingrad. A cause de sa charité, toutes tes dettes
sont remises." Johann venait de bénéficier de l’indulgence pour ses
dettes. Tout lui avait été remis à cause de l’amour de ceux qui les prenaient
sur eux.
Toute la théologie de l’Indulgence se trouve ici.
En priant pour les âmes du purgatoire, en offrant pour elles ce que l’amour
nous inspire, nous prenons sur nous leurs dettes. Evidement, tout cela n’est
pas possible à cause de nos propres mérites. Nos pauvres amours sont mélangés
d’égoïsme. Ce n’est possible qu’à cause d’une volonté explicite du Christ à la
croix, sa volonté de la communion des saints[190].
Par l’indulgence plénière, si l’âme est déjà totalement purifiée de tout reste
du péché, nous achevons pour elle le purgatoire et lui ouvrons les portes du
Ciel.
Johann fut bouleversé par tant d’amour
manifesté. Il n’en désira que davantage se purifier. Il désirait rétablir, en
offrant pour eux des prières et en souffrant pour eux. Ainsi, il lui fallait en
toute justice, réparer. C’est ce qu’expérimenta Johann. C’est pourquoi, à cause
de ces deux lacunes, il accepta volontairement de se séparer provisoirement des
habitants du Ciel.
Quand
l’âme amoureuse s’use d’attendre
(Chose
certaine)
Alors, entièrement soumis à la volonté de
Jésus, il commença à vivre son purgatoire. Il se retrouva soudain seul. Toute
présence affectueuse venait de disparaître. Aussitôt, un grand feu jaillit en
lui : un désir brûlant de Dieu venait de le happer. C’était douloureux car
Johann aimait. Son âme, tout entière faite pour ce Jésus aperçu au moment de sa
mort, gémissait de son absence. Il ne cessait en même temps d’être dans la joie
car il savait que cette absence momentanée n’avait d’autre but que de brûler
les restes du péché.
Le purgatoire est donc par excellence une
expérience d’amour. Il n’y a pas d’autre cause de souffrance que l’absence de
Dieu. L’âme est brûlée par le même feu qui règne en enfer : le désir de Dieu.
Mais, loin de s’opposer à ce désir comme le font les damnés, elle l’aime et
s’en sert pour aimer.
Quelle est la durée réelle de ce purgatoire ? Comme
l’âme n’est pas liée à son corps charnel, au cycle du temps et des saisons,
elle ne vit ce temps de purgatoire que de l’intérieur, un peu comme un
spéléologue séjournant des mois entiers sans heure au fond d’une grotte[191]. Une minute peut paraître des heures et
réciproquement. Nous expérimentons tous cette subjectivité du temps intérieur :
une minute sous la roulette du dentiste est plus longue qu’un heure devant un
film passionnant. Ainsi, il arrive que le purgatoire ne dure qu’une minute en
temps terrestre mais paraisse à l’âme folle d’amour aussi long que des années
de prison. Inversement, pour une âme qui aime moins, des années de cette
séparation ne paraissent longues que parce que, réellement, elles sont longues.
Certaines révélations privées parlent d’une durée de plusieurs siècles. A
Fatima (1917), la Vierge Marie répond à Lucie à propos d’une petite fille de 10
ans décédée l’année précédente : "Elle est au
purgatoire jusqu’à la fin du monde."
C’est une souffrance inconnue de la terre car rien
ne vient tempérer le feu du désir de Dieu. Aucune occupation extérieure ne
vient distraire. Pour sainte Catherine de Gênes, l’âme subit les
effets lancinants de son amour que rien ne vient distraire. Elle a soif de
Dieu, à l’image du riche qui s’écriait[192] : "Père
Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare tremper dans l’eau le bout de son
doigt pour me rafraîchir la langue, car je suis tourmenté dans cette
flamme." Alors, lentement ou rapidement, sans que l’âme ne
fasse rien, par la seule puissance de cette souffrance, l’amour se purifie.
C’est
ce qu’expérimenta Johann. Au commencement, plongé dans sa solitude, il se
comportait comme l’homme de la parabole. Il suppliait que quelqu’un vienne lui
apporter un peu de réconfort "que l’on trempe son doigt dans l’eau du
paradis pour étancher un peu sa soif[193]".
Il ne cessait de scruter le fond de son âme, pourchassant le moindre reste de
retour sur soi. Selon sainte Catherine de Gênes, l’âme cherche à être sainte.
Par désir de Dieu, elle s’attache avant tout à fuir le péché. C’est bien. Mais
ce n’est pas parfait car, sans qu’elle s’en rende compte, elle reste dans cet
acte même trop centrée sur elle. Au bout de quelque temps, laminé par la
solitude et le désir de Dieu, Johann se regardait moins. Il regardait de plus
en plus vers Dieu.
C’est
le second purgatoire mystique de sainte Catherine de Gêne. Déjà, l’amour
s’exerce plus simplement car Dieu est de plus en plus regardé. L’âme se soucie
de moins en moins d’elle-même. Tel est l’effet de la souffrance : elle
simplifie le cœur de l’homme en le détachant de lui-même.
(Chose
certaine)
Enfin,
après avoir attendu ce qui lui paraissait être une éternité, Johann avait
complètement changé. Son âme était abreuvée de solitude. Le temps qui semblait
ne jamais arriver au terme l’avait usé. Il ne se souciait plus d’être digne de
Dieu. Il ne se regardait plus. Il ne vivait plus. Du fond de son être, il se
rendait compte que, malgré tous ses efforts, il ne serait jamais digne de Dieu. Souffrir lui était indifférent : Jésus
seul, et ses prochains, comptait.
Il avait atteint ce que sainte Catherine de
Gènes appelle le parvis du Ciel. Il ne se rendait même pas compte de cette
pureté absolue qu’il venait d’atteindre. Car, de fait, il était maintenant
humble, totalement mort à lui-même, sans illusion sur son néant devant
l’infinie pureté de Dieu. Plus rien maintenant ne le retenait dans ce lieu de
solitude. Alors il dit[194]
au Seigneur :
"Je ne suis pas digne de te recevoir.
Mais dis seulement une parole et je serai guéri[195]."
Pour conclure cette analyse des trois purgatoires
mystiques, il nous faut comparer cette parole avec celle que prononçait Johann
au moment de son entrée au purgatoire : "Un jour, je serai digne de ton amour". Entre les deux, il n’y a aucune différence dans l’intensité de
l’amour. La différence vient d’ailleurs, de l’humilité. En fin de compte,
l’entrée au paradis est la chose la plus complexe au monde car elle est…la plus
simple. Cette analyse permet de comprendre beaucoup d’enseignements curieux de
Jésus : "Les prostituées et les pécheurs devancent les prêtres dans le
Royaume de Dieu". C’est ainsi car les prostituées, humiliées dans leur
féminité par la vie et par leurs clients, sont plus disposées à développer
l’humilité qu’un prêtre reconnu universellement comme un homme de bien[196]. A-t-on déjà vu une ancienne prostituée dire, au
moment de sa mort, à Jésus : "Un
jour, je serai digne de toi" ?
Alors le Christ lui apparut. Comme au jour de
sa mort, il le vit d’abord avec son corps glorieux. Son âme humaine lui
apparaissait à travers sa lumière physique. Il était entouré d’une nuée d’anges
et de saints. Le Christ lui dit : "Entre dans la joie de ton Dieu[197]."
Il se produisit comme un dévoilement, comme "le voile d’un temple qui se déchire,
de haut en bas"[198]. Le
Christ lui apparut tel qu’en lui-même. Il voyait toujours son humanité; et il
vit sa divinité, face à face. Il vit le Père, le Fils et le Saint Esprit dans
un jaillissement d’infini et d’éternité.
(Chose certaine)
Durant des siècles, suite à l’opinion de saint
Augustin et de saint Thomas d’Aquin précédemment citée, les catholiques crurent
que les enfants morts sans baptême[200]
n’allaient jamais au paradis. Cette
doctrine n’a jamais été enseignée par l’Église. Le dogme sans cesse enseigné ne
va pas si loin. Il est résumé par cette phrase du Concile de Florence[201] : "Les âmes de ceux qui meurent en état
de péché originel descendent aussitôt en enfer pour y être punies de peines
inégales". Le pape Pie VI[202]
précise que cet enfer, communément appelé "limbes des enfants"
n’a rien à voir avec l’enfer des damnés. Les enfants n’ont aucune haine pour
Dieu[203]. Ils
n’ont pas de faute personnelle. Il implique une séparation de Dieu (le dam) mais aucune souffrance (pas de peine du feu) car ces enfants
sont innocents. Rien d’autre n’a jamais été précisé.
Le raisonnement de saint Thomas est le suivant : un petit enfant, tout
innocent soit-il, est séparé de Dieu en conséquence du choix d’Adam et Ève,
choix lucide fait en notre nom et que Dieu respecte. Il n’est coupable d’aucune
faute personnelle. Mais, lorsqu’il est conçu, il ne possède pas dans son cœur
la présence aimante de la Trinité. Elle ne vient pas habiter en lui
familièrement et lui ne peut répondre par son amour d’enfant. Les premiers
parents de l’humanité, Adam et Ève sont, d’après la foi catholique un vrai
homme et une vraie femme, pas un couple symbolique. Voici les quelques points
les concernant qui font partie de la foi catholique :
1. C’est Dieu lui-même qui a créé
l’homme et la femme et leur a insufflé une âme spirituelle et immortelle;
2. Les noms d’Adam et Ève, malgré
le sens symbolique, désignent un homme et une femme réels, nos premiers
parents.
3. Adam et Ève furent créés
parfaits : à cause de leur place de premiers parents de tous les hommes, Dieu
leur communiqua des dons naturels et des dons préternaturels. Ils reçurent
aussi la grâce surnaturelle qui les rendit tout proches de Dieu. Cette grâce
s’appelle la grâce originelle.
4. Le démon s’approcha d’eux et
les séduisit. Ils se révoltèrent contre Dieu et perdirent en conséquence la
grâce originelle et les dons préternaturels qui l’accompagnaient.
5. Etant responsables de
l’humanité aux yeux de Dieu, ils séparèrent de Dieu par leur péché toutes les
générations qui devaient naître d’eux. C’est le péché originel.
Le pape Paul VI, dans le Credo
qu’il donna à l’Église en 1968 écrit ceci : "Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute
originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les
hommes dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est
pas celui où elle se trouvait d’abord en nos premiers parents, constitués dans
la sainteté et la justice et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort.
C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait,
blessée dans ses propres forces naturelles et soumises à l’empire de la mort,
qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît
dans le péché". L’Église, à la suite de saint Paul enseigne une vérité
beaucoup plus difficile à croire : "Adam et Ève en choisissant d’être
libres par rapport à Dieu, en se séparant de lui, se sont engagés POUR NOUS". Ils
nous ont entraînés avec eux, en toute connaissance de cause. Saint Paul
l’exprime ainsi "Par un seul homme le péché est entré dans le
monde et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes du
fait que tous ont péché". Ceci fut permis par Dieu car il
savait en faire sortir un plus grand bien pour l’humanité entière. De nos
jours, la vie terrestre et sa souffrance, venu du choix d’Adam et Ève,
permettent une sainteté plus grande que ce qu’elle aurait été sans le péché
originel.
Les enfants sont donc tous conçus séparés de la
présence de Dieu. Mais, au moindre désir de ses parents, le choix d’Adam et Ève
est annulé et, avant même que l’enfant soit né, l’Esprit vient et habite dans
son cœur. Nous ne voyons que très rarement un effet extérieur de ce mystère
mais il est une réalité. D’habitude, cette habitation est réalisée par le
baptême d’eau juste après la naissance. Mais si l’enfant vient à mourir avant,
un simple désir des parents, exprimé dans leur prière suffit. Aussitôt, Dieu
les écoute et vient supprimer en eux la faute originelle. C’est une forme de
baptême de désir[204].
L’Église en profite pour rappeler la responsabilité des parents. Même s’ils
perdent leur enfant, il est de leur devoir de demander pour eux le baptême car
l’Esprit Saint ne vient dans les enfants qu’en obéissant au désir des parents.
Selon saint Thomas d’Aquin, si un enfant a été
abandonné complètement par ses parents au point que ceux-ci n’ont pas prié pour
lui, il entre dans l’autre monde éloigné de Dieu. Il est séparé de lui pour l’éternité puisque, c’est un dogme,
tout être mort sans cette grâce est damné pour l’éternité. Certes, il n’est pas
coupable. Aussi ne souffre-t-il pas de l’absence de Dieu. Il reste simplement
ainsi, sans même désirer Dieu tant il est petit, dans un bonheur naturel appelé
les limbes.
Cette
doctrine est logique. Le raisonnement est parfait. Il ne lui manque qu’un
élément : Dieu est amour et, c’est aussi un dogme, il propose à tous son amour. Le concile de Quierzy,
le confirme solennellement : "Dieu tout-puissant veut que tous les hommes
sans exception soient sauvés, bien que tous ne soient pas sauvés. Que certains
se sauvent, c’est le don de celui qui sauve; que certains se perdent, c’est le
salaire de ceux qui se perdent." Or les enfants ne méritent pas ce
salaire. Ils n’ont aucunement rejeté Dieu. Ils ignorent simplement son mystère.
C’est
pourquoi il faut parler autrement. En s’appuyant sur la foi de l’Église, il est
possible de décrire ce que vivent les enfants morts sans baptême. Il est
impossible qu’ils soient laissés aux limbes pour l’éternité. Récemment, le Catéchisme
de l’Église Catholique est venu donné une confirmation inespérée de cette
opinion : "Les
paroles de Jésus dans les évangiles nous permettent d’espérer qu’il y ait un
chemin de salut pour les enfants morts sans baptême. D’autant plus pressant est
aussi l’appel de l’Église à ne pas empêcher les petits enfants de venir au
Christ par le don du saint Baptême."[205]
(Cette recherche sur la manière dont les enfants entrent au
paradis est indécise. Au lecteur d’en juger)
"Je
suis un garçon. Maman m’a conçu. Six semaines plus tard, elle a décidé de ne
pas me garder. Mon père l’avait abandonnée. Elle a pensé qu’il valait mieux que
je n’existe pas. Je dormais. Je ne me suis rendu compte de rien. J’ai su mon
histoire après. Je me suis réveillé alors que je n’étais plus dans son ventre.
J’étais déjà loin de la clinique. Je planais au dessus de ce monde. Des
personnes lumineuses m’entouraient. Elles m’ont dit qu’elles m’adoptaient.
Elles ont demandé à Dieu de venir. Aussitôt, j’ai senti une douce présence en
moi."
Si l’Église catholique par la
voix de Pierre s’oppose avec tant de force à l’avortement, c’est qu’elle croit
de toutes ses forces que cet être qu’on fait disparaître, bien que doté en
apparence d’une seule vie biologique, a déjà certainement reçu son âme
spirituelle. Cette âme, siège de l’intelligence et de l’amour, n’est autre que
ce qui survit à la mort. Son existence ne peut être mise en doute au plan de la
révélation.
Un doute subsiste cependant dans
l’enseignement de l’Église : quand cette âme créée par Dieu est-elle donnée à
l’enfant ? Au XIIème siècle, saint Thomas d’Aquin penchait pour le
sixième mois après la conception. N’était-ce pas le moment où Jean-Baptiste,
visité par Marie, avait tressailli dans le ventre de sa mère ? S’il en était
ainsi, l’avortement jusqu’au sixième mois ne serait pas "un crime
abominable". Il ne serait pas un crime au sens strict, un homicide, mais un simple péché contre la
vie à venir et non encore venue. Saint Thomas n’avait pas à son époque tous les
instruments de la foi dont nous disposons aujourd’hui.
En 1854, le pape Pie IX
proclamait comme une certitude venant d’en haut l’Immaculée conception de la Vierge Marie. Cette révélation semble
être sans rapport avec l’avortement. Il n’en est rien. Le fait que Marie soit
immaculée dans sa conception signifie qu’elle vivait, dès sa conception, de la
présence de Dieu, de la même manière qu’Ève en vivait au jardin d’Eden. Si Dieu
était là, c’est donc que Marie le recevait dans son âme. Le fait, d’autre part,
que la conception de Marie soit fêtée le 8 décembre, soit neuf mois avant sa
naissance, ne laisse aucun doute sur ce qu’il faut entendre par conception. Marie est de la race
humaine, comme tout enfant à naître. Tout indique donc que, pour elle comme
pour eux, âme est donnée par Dieu dès le moment de la conception.
Que deviennent ces enfants ?
Sainte Thérèse de Lisieux disait avec raison : "Un petit enfant, cela ne se damne pas". Elle montrait
que l’hypothèse des limbes éternels émise par saint Augustin se méprend sur
Dieu. Dieu n’a pas besoin qu’un enfant soit baptisé avec de l’eau pour lui
donner le baptême de sa présence.
Pour être introduit dans le salut
ou au contraire le rejeter, trois conditions sont nécessaires.
1. Posséder la capacité
naturelle (intelligence et volonté actives) de se porter vers lui lorsqu’il
est proposé.
2. Se voir proposer cette
grâce par la prédication de l’Évangile et le don du Saint Esprit.
3. Répondre concrètement oui
à cette grâce et se porter vers Dieu et vers son prochain dans un acte de
charité.
(Chose indécise. Au lecteur de
juger)
Lorsqu’un enfant meurt et est
abandonné par ses parents ou par l’Église de la terre, il est aussitôt adopté
par des volontaires de l’Église du Ciel. Il est vrai que Dieu ne donne jamais
la grâce du baptême sans que les parents ne le demandent. Fort heureusement,
des millions d’hommes et d’anges voient cet enfant qui glisse entre les deux
mondes. Il s’agit du temps des "limbes".
Il dort et ressemble à l’enfant Moïse flottant sur le Nil dans sa corbeille
d’osier. Son histoire devient alors en tous points semblable à celle de
l’enfant Moïse[206] :
"La fille de Pharaon descendit au
Fleuve pour s’y baigner, tandis que ses servantes se promenaient sur la rive du
Fleuve. Elle aperçut la corbeille parmi les roseaux et envoya sa servante la
prendre. Elle l’ouvrit et vit l’enfant : c’était un garçon qui pleurait.
Touchée de compassion pour lui, elle dit : "C’est un des petits
Hébreux." De même, cet enfant est recueilli. Le péché originel est
effacé en lui. Dieu habite son âme.
La grâce de la présence de Dieu
se distingue de la gloire par la propriété suivante : Elle peut exister, sans
qu’il soit exigé un acte libre. Elle se comporte à la manière de l’amour non
volontaire que peut éprouver un homme pour une femme parce que cela s’impose à lui.
Au contraire, nul n’entre dans la gloire sans un acte libre, de même qu’il est
impossible de se marier validement par surprise.
Il en est de même pour les petits
enfants morts sans baptême. Après leur adoption, sur la demande de leurs
nouveaux parents, ils sont lavés du péché originel et reçoivent de manière
réelle la grâce de la présence de Dieu. Ils sont sanctifiés de manière passive,
sans volonté ni mérite de leur part, grâce au désir de leurs nouveaux parents.
Dieu ne proposera que dans un second temps aux enfants la béatitude de la
vision de son essence, dès que l’obstacle lié à leur personne, c’est-à-dire
leur incapacité à choisir, disparaît.
Qui
adopte les enfants ? Les saints du Ciel sont tous volontaires. Pourtant, un
père et une mère sont désignés, ainsi qu’un ange gardien. L’enfant reste un
petit d’homme et sa nature exige qu’il soit élevé par un homme et une femme,
par deux amours qui s’harmonisent à la façon du Yin et du Yang des taoïstes. Il
s’agit de l’amour "douceur"
et l’amour "autorité".
Les parents adoptifs ne sont pas nécessairement de manière immédiate par Jésus
et Marie. Ils le sont de manière première, profonde et spirituelle. Mais, comme
sur terre, ils délèguent ce rôle. Dans la Communion des saints, où règne la
plus grande délicatesse, des personnes qui n’ont pu avoir d’enfants sur terre
sont probablement mis en avant. Chacun au Ciel se presse pour adopter l’enfant
qui arrive et la prière de milliers de pères et de mères du Ciel provoque
probablement la venue de l’Esprit Saint en lui. Ainsi, s’il existe des millions
d’enfants qui meurent sans le baptême sacramentel, on n’en a jamais vu un seul
mourir sans le baptême de l’Esprit Saint.
La durée des limbes des enfants
n’a jamais été définie par le Magistère ordinaire ou solennel de l’Église. Il
est probable que les enfants morts sans baptême ne demeurent pas plus d’un
instant séparés de la présence de Dieu. Dès leur passage dans l’autre monde,
ils sont accueillis et baptisés par les habitants du ciel. Ils rejoignent alors
les enfants déjà baptisés par leurs parents dans un lieu provisoire dont la
finalité est de permettre, à travers une éducation, une croissance suffisante
de leur psychisme puis de leur esprit.
On peut donc interpréter les
imprécisions de ces textes du Magistère de la manière suivante. Les enfants non
baptisés sont dans des limbes, privés de toute présence de Dieu le temps qu’ils
soient adoptés, soit un instant. Tous les enfants, quel que soit le mode de
leur baptême, sont alors conduits dans un lieu provisoire tout à fait
comparable au "sein d’Abraham" dont
parlaient les anciens juifs[207].
Il ne s’agit pas encore de
l’au-delà. Mais il y règne la grâce de la présence de Dieu, symbolisée par "l’eau" dont vivait le pauvre
Lazare[208]. Il
s’agit bien d’un enfer au sens
étymologique de "lieu
inférieur" puisqu’ils ne voient pas encore Dieu face à face. Les enfants
lui sont unis par tous les biens qu’ils tiennent de lui. Ils voient Jésus et
Marie accompagnés des saints et des anges[209]. Il
s’agit bien d’une vision de leurs sens puisqu’ils possèdent leur psychisme. En
même temps, la Parousie* du
Christ leur révèle la nature de leur être, l’Évangile, le mystère de la charité
et la gloire qui leur est proposée. Il s’agit d’une prédication de l’Évangile
qui, dans un premier temps, éclaire leur intelligence sans que leur choix libre
puisse s’y porter. Ils se familiarisent avec cette révélation. Le démon est
présent de droit, puisqu’il se doit de donner ses propositions d’orgueil. De
plus, ils reçoivent de Dieu des biens surnaturels comme la grâce intime et
mystique de sa présence, puis, dès qu’ils en sont capables, la charité active.
Ainsi, les enfants sont dans la
joie et dans l’absence de la souffrance du feu. Ils vivent cependant du feu en tant qu’il est un désir puisque leur
esprit ne se repose pas dans la fin pour laquelle il a été créé. Dès que
l’obstacle provisoire de leur nature, à savoir leur incapacité naturelle à
choisir, disparaît, ils sont introduits dans la pleine vision[210].
Une forte objection peut être apportée à ce récit. S’il en est ainsi,
quelle différence y a-t-il entre les enfants baptisés sur terre par leurs
parents et ceux qui ne le sont pas ? Dans ce récit, on ne comprendrait plus la
raison de l’insistance de l’Église sur le devoir des parents de présenter le
plus tôt possible leurs enfants au baptême[211].
Les enfants baptisés avant leur
mort reçoivent dès cet instant le pardon du péché originel qui les tenait
séparés de la présence attirante de Dieu. Les enfants morts sans baptême
reçoivent la même grâce un peu plus tard par la volonté des parents du Ciel,
Jésus et Marie, l’Église des saints tout entière. Mais leurs parents charnels
sont privés, à cause de leur ignorance ou de leur insouciance, d’une grande
grâce : celle de leur autorité parentale. Ils sont déchus de leurs droits et
l’enfant est adopté par deux autres personnes qui seront auprès d’eux, pour
l’éternité, leur père et leur mère. Il ne suffit pas en effet pour être parents
de donner physiquement la vie. Encore faut-il se montrer digne au plan de
l’éducation.
Nul ne peut rentrer dans la grâce
et dans la gloire ou même être conduit en enfer sans un choix pleinement libre
de son intelligence. Il existe nécessairement avant l’entrée dans le paradis,
une forme d’éducation de la psychologie et de l’esprit. Les enfants commencent
à recevoir des connaissances qui remplacent ce que l’éducation et
l’enseignement auraient du accomplir durant la vie terrestre.
Il s’agit de savoir comment se
réalise ce développement. Il est aisé de constater qu’au départ, l’esprit
sommeille et n’est capable d’aucun exercice libre. La raison en est l’absence
de développement du psychisme.
Normalement, sur la terre, ce
n’est que provisoirement au cours de son enfance, en passant par des étapes de
progrès que l’enfant peut poser son premier acte libre. Auparavant, il aura
appris à se servir de sa vie sensible, il touchera puis entendra, avant de
s’éveiller à quelques désirs. Il est naturel à l’esprit humain de s’éveiller
par ce genre de cheminement progressif.
A la mort, le psychisme survit à
la mort du cerveau[212].
Cela ne signifie pas qu’il est entré dans la plénitude de son développement.
Mais, en s’appuyant sur l’esprit qui le fait subsister, il est doté d’un
nouveau mode d’exercice plus léger et efficace. Confronté à la présence
glorifiée du corps psychique des saints et du corps que les anges se façonnent
à destination de l’enfant, le psychisme se développe, puis l’intelligence et la
volonté. Ils sont rendus très vite capables d’un choix libre. Les enfants
grandissent donc dans l’autre monde, en sagesse et en intelligence. Dès que les
progrès sont réalisés, baignés de la grâce, les enfants posent le choix de leur
liberté vers Dieu ou contre Dieu[213].
Certains ont dit que l’éducation
pouvait être réalisée en une seule fois, tant la beauté de la gloire des saints
du Ciel a un pouvoir d’éveil sur les sens et l’esprit[214].
Ce n’est pas exclus quoique peu probable à cause du devenir et des étapes qui
semblent plus convenables à la nature humaine.
Comment les petits enfants
accèdent-ils à la vision béatifique ? Exactement de la même manière que nous.
Ils y entrent à travers un choix libre. Dieu agit pour eux dans ce but.
Puisqu’il manque aux enfants trois choses, à savoir la capacité de choisir (ils
sont trop petits), la proposition de choisir Dieu (ils n’ont pas le baptême),
et le choix effectif (la charité comme amour réciproque et actif) il leur fait
les deux premiers dons en une fois, en vue du troisième qui est l’acte
méritoire de la vision béatifique.
A un moment que Dieu connaît, ils
deviennent, à cause de la Lumière qui vient de Dieu, capables de choisir le
bien ou le mal. Le démon est présent mais impuissant. Il présente la liberté de
l’enfer. Le choix de l’enfant ne doit-il pas être parfaitement libre ? Sa
tentative est sans effet. Il n’y a pas d’orgueil ni de recherche de pouvoir
dans le cœur d’un nourrisson.
Ils se portent tout naturellement là où les conduit leur cœur à savoir
vers le bien et la lumière. Dès cet instant, ils sont introduits dans la vision
de Dieu. Dès le premier instant de capacité à poser un acte libre, à cause de
leur état séparé du corps charnel, ils se portent tout entiers et sans erreur
vers l’objet de leur choix, sans qu’une nouvelle croissance soit possible.
Aucun délai ne leur est donc imposé. Ils voient Dieu face à face.
Les enfants choisissent-ils tous
le paradis ? Certains ne sont-ils pas tentés par l’orgueil ? Ils reçoivent à
travers l’éducation du ciel une perfection naturelle et une harmonie
psychologique plus grande que les enfants éduqués sur terre. Il leur est donc
davantage possible de s’enorgueillir de leur beauté et de se tourner vers la
liberté de l’enfer. Donc certains innocents, ne l’étant plus, seront damnés.
Il est probable que tous les
enfants seront introduits dans la gloire à cause du peu de propension qu’ils
ont à s’enorgueillir des dons reçus de Dieu. C’est ce que veut signifier la
fête des saints Innocents qui sont ces enfants tués par Hérode dans la ville de
Bethléem. De même le pape Innocent IV écrit à propos des enfants morts après le
bain du baptême[216] : "Ils ne sont retenus par aucun obstacle
et passent immédiatement à la patrie éternelle."
Le démon est présent de droit,
puisqu’il se doit de susurrer ses propositions d’orgueil. Tentative ridicule
s’il en est car, affirme la petite Thérèse, "un
petit enfant, ça ne se damne pas![217]".
La présence du démon a peu d’effet sur les enfants pour trois raisons : La
première leur vient de leur nature. Parmi les créatures spirituelles, ils
restent les plus faibles en intelligence et en volonté naturelle. Ils
constatent leur petitesse avec évidence en se comparant aux êtres spirituels
qui les entourent. Ils ont peu de motifs d’orgueil. La seconde vient de la
présence autour d’eux des âmes glorifiées et des anges qui rayonnent de paix et
de joie. Ils correspondent avec harmonie à leur cœur, c’est-à-dire à
l’orientation innée de leur volonté. Ils les suivent tout naturellement. La
troisième leur vient du démon lui-même dont le motif de révolte leur paraît,
dans leur simplicité, peu attirant. Réclamer à Dieu une hiérarchie des êtres
fondée sur l’intelligence et la puissance naturelle leur paraît moins bien que
celle de l’humilité et de l’amour. De tout cela, on peut dire qu’il n’y a pas
d’innocent qui choisisse l’enfer.
Comme on l’a vu, le seul péché
qui conduit à la damnation éternelle sans que le pardon en soit possible est le
blasphème contre l’Esprit Saint. Un tel péché vient d’un amour de soi et de sa
propre excellence poussés jusqu’au mépris de Dieu. Il est peu probable qu’ils
puissent exister chez un petit enfant. En effet, leur imperfection naturelle
les rend peu enclin à l’orgueil. Cependant, on doit admettre que, du point de
vue théorique, la possibilité d’un choix conduisant en enfer existe sans quoi
il n’y aurait pas de choix possible.
Leur choix d’un nourrisson est
donc vite fait et ils glissent comme des anges dans la vision de Dieu auquel
ils sont semblables.
Tout homme, quel qu’il soit (même
un embryon), entre dans le royaume de Dieu à la mesure précise de son désir de
Dieu. Plus le cœur de l’homme aime Dieu et désire le voir, plus il le voit. Si
la vie terrestre est voulue par Dieu, c’est qu’elle est utile. Il existe une
voie dont l’utilité est de creuser le désir du cœur de l’homme, c’est celle de
la vie terrestre.
La vie terrestre est faite pour
les enfants. Nul n’a le droit de la leur refuser car elle est un cheminement de
maturité dans l’humilité et l’amour.
La vie terrestre est donc utile.
Elle est difficile, source de beaucoup de souffrances mais surtout, à cause de
ces souffrances, source de soif d’aimer et d’être aimé. Par l’absence de Dieu,
par son silence, par les diverses épreuves qui l’émaillent, le cœur de l’homme
s’approfondit. La vie est ainsi faite qu’il est difficile d’en sortir sans une
conscience profonde de sa petitesse. La mort se charge de le rappeler. De plus,
l’apparition du Christ à l’heure de la mort, après un si long temps d’exil
enflamme le désir de voir Dieu de manière incroyable.
Quant au petit enfant mort avant d’avoir vécu, lorsqu’il est accueilli
par le monde des saints, il ne le rejette certes pas. Mais il s’y porte avec un
petit désir d’innocent, avec un cœur qui n’a pas eu le temps être préparé. Son
éternité s’en trouve directement modifiée. Mort sans avoir vécu ici-bas, où la
vie séparée de Dieu et assoiffée de sa présence cachée developpe des désirs
immenses, il parvient certes infailliblement au Ciel. Mais son désir de Dieu
n’ayant pas été approfondi par les diverses souffrances et manques d’ici-bas,
il se porte vers lui avec le désir de l’innocence et Dieu se donne à la lui à
la mesure exacte de ce désir. Il n’est pourtant pas réellement défavorisé pour
l’éternité[218].
C’est ce qu’expliquait la sœur de Thérèse Martin, devenue plus tard sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus. "Un
dé à coudre et un vase sont remplis d’eau. Lequel des deux est le plus plein ?
Aucun. Tous deux sont parfaitement pleins. Il en est de même au Ciel. Tous les
cœurs sont comblés à proportion de leur désir."
Dans cette perspective, on
comprend que pour le Magistère, l’avortement quel qu’il soit, même celui de la
pilule du lendemain, prend une dimension vertigineuse. Ce n’est pas qu’un
morceau de chair qui disparaît mais un véritable être humain qui dormait encore, un petit enfant. Il
n’y a aucune différence de fait entre
les saints Innocents de l’évangile (tués par Hérode) et ces enfants-là. Et même
si les mères qui pratiquent cet acte ne savent pas ce qu’il advient de
l’enfant, de fait, il s’agit pour
l’Église d’un homicide. Il n’y a pas de péché chez la mère si elle ignore ce
qu’elle fait[219], mais
il y va de la mise à mort d’un homme. Lorsque les hommes de ce siècle passeront
dans l’autre monde, ils seront accueillis par les centaines de millions
d’enfants avortés. Le pardon nous sera proposé. Mais nous pardonnerons-nous à
nous-mêmes ?
Jadis, la sépulture chrétienne
était refusée aux suicidés. Mais il s’agissait d’une pratique pastorale visant à éviter, surtout dans les périodes
de peur, par une autre peur, des épidémies de suicides. Elle était fondée sur une théologie. Pour le croyant en effet,
la vie appartient à Dieu. Il l’a donné en cadeau. La refuser, y mettre
volontairement fin est un acte contraire à la logique de la foi.
Même si le fond de vérité
théologique reste inchangé, les choix pastoraux de l’Église se sont
radicalement transformés. Les prêtres ne refusent plus les prières liturgiques
pour le suicidé et, au contraire, l’Église, soumise elle-même à des souffrances
et à des pauvretés dans un monde de plus en plus déchristianisé, a une
meilleure compréhension de ce qui peut mener à un tel acte. Par contre, au-delà
de ces deux pratiques, jamais l’Église dans son Magistère officiel ne s’est
prononcée sur le salut ou la damnation des suicidés qu’elle considère comme le
domaine du jugement de Dieu.
(Aspect
philosophique)
Comme
tout acte humain, le suicide peut avoir de multiples causes morales. La plupart[220]
de ceux qui se suicident le font à cause d’un grand désespoir psychologique.
Mais il existe beaucoup d’autres causes. De même qu’il y a des actes méchants,
justes ou saints, de même il existe des suicides méchants, justes et même
saints.
Le
suicide peut être un acte d’altruisme et même d’amour. L’exemple le
plus noble est celui d’un grand résistant français, profondément chrétien, qui,
capturé par la Gestapo en 1941, se défénestra pour ne pas parler sous la
torture. La Bible cite des suicides patriotiques et en admire la grandeur[221] : "Comme les troupes ennemies étaient sur
le point de s’emparer de la tour et forçaient le porche, l’ordre étant donné de
mettre le feu et de brûler les portes, Razis, cerné de toutes parts, dirigea
son épée contre lui-même; Il choisit noblement de mourir plutôt que de tomber
entre des mains criminelles et de subir des outrages indignes de sa noblesse.
Son coup ayant manqué le bon endroit, dans la hâte du combat, et les troupes se
ruant à l’intérieur des portes, il courut allègrement en haut de la muraille et
se précipita avec intrépidité sur la foule." Il est certain que de
tels hommes sont morts par zèle pour leur prochain. "Nul
n’a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis[222]."
Il existe des suicides héroïques. Ils ne constituent pas un péché. Il n’y a pas
à craindre pour le salut de tels hommes, même si parfois, un travail reste à
accomplir du côté de l’humilité. L’imperfection dans l’humilité qui est le
défaut des hommes forts est comme le foin, la paille et les poutres. Ils seront
purifiés au purgatoire.
En
lui-même, l’acte de suicide est matériel. Sa valeur ou sa culpabilité morale se
trouvent hors de lui. Quelles sont les intentions qui le motivent ? Ainsi, à
l’inverse du noble Razis qui défendait sa ville injustement attaquée, il peut
exister des suicides motivés par le plus obstiné des orgueils. On peut penser à
Hitler qui, cerné lui aussi de toutes parts par les troupes soviétiques envoyait
encore des adolescents armés de Panzerfaust
(armes anti-chars). C’était une folie suicidaire. Mais disait-il, "l’Allemagne n’a pas été digne de
son Führer et ne doit pas lui survivre." Il les entraînait dans sa mort.
Son suicide n’a rien à voir avec celui de Razis car sa vie n’a pas le même but.
Hitler, visiblement, aime moins sa patrie que sa propre gloire. Certains
disciples de Sartre se donnèrent la mort dans une optique d’exaltation de soi.
Ils y voyaient un rêve de toute puissance au moment même où l’on se sent
impuissant, le rêve de Prométhée chez les grecs ou d’Adam et Ève dans la Bible
: "Vous serez comme des dieux",
avec droit de vie et de mort. Ils ne résistèrent pas au désir de poser de
manière ultime leur liberté. Dans le chapitre concernant l’enfer, nous avons
traité d’une telle obstination qui, si elle est maintenue face à la Parousie* du Christ, conduit certainement en enfer.
Mais ces cas sont rares. Pour ces hommes-là, Dieu dispose d’une dernière arme
pour les sauver. Il s’agit du purgatoire de l’errance où l’on apprend que
l’orgueil est une bêtise[223].
La plupart des suicides, surtout
à notre époque, sont motivés par le
désespoir psychologique et spirituel. Il est essentiel de les comprendre
car ils touchent généralement des personnes justes et aimées. L’angoisse des
familles mérite une réponse.
Dans certains pays Occidentaux,
ce genre de suicide est devenu la première cause de mortalité chez les jeunes.
Mais il frappe aussi les retraités, de manière terrible. Trois raisons se sont
jointes pour provoquer une telle fragilité.
1. La richesse matérielle, qui permet d’avoir tout très vite, dès
l’enfance. Un enfant trop gâté perd le goût pour la vie surtout si on lui a
présenté pour seule motivation de la vie, ce qui est matériel.
2. L’absence de paternité. Tout enfant a besoin de deux amours
complémentaires : un amour doux qui l’admire et le valorise, la plupart du
temps symbolisé par la maternité; un amour fort, qui marque les limites et enseigne
les valeurs. L’enfant qui manque de paternité développe pour la vie une grande
fragilité psychologique. L’Ecclésiastique, avec sa lourde expérience, enseigne
dans la Bible[225] :
"As-tu des enfants ? Fais leur
éducation et dès l’enfance fais-leur plier l’échine. As-tu des filles ? Veille
sur leur corps, mais montre-leur un visage sévère." Parce que le père
représentait les valeurs, l’effort, le dépassement de soi, il fut dévalorisé et
marginalisé après mai 68. On le vanta dans son rôle de deuxième mère.
3. L’athéisme ambiant, devenu la philosophie sûre et démontrée. "Il n’y a rien après la mort. Venez donc
et jouissons des biens présents, usons des créatures avec l’ardeur de la
jeunesse[226]." Ici naît la
plus grande des fragilités : celle qui touche l’esprit car "L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de
toute parole qui sort de la bouche de Dieu".
Un
jour, confronté à un malheur, parfois à la simple absurdité d’une vie
confortable, les plus fragiles estiment que la vie n’est plus un cadeau
valable. Les limites qui les enserrent leur deviennent insupportables. "On a beau dire, écrit une jeune femme
avant son suicide, que ce n’est pas si
grave, que tout ira mieux demain, le bilan est aujourd’hui négatif : plus moyen
d’ouvrir un crédit à la vie".
De
fait, ceux qui se suicident par désespoir sont-ils les plus fragiles ou les plus assoiffés de spirituel ? Ne
sont-ils pas des justes ? C’est la question.
Lorsque
la vie n’a plus de sens, c’est que le grand amour qui la motivait a disparu.
Ainsi, à l’heure de la mort, il est certain que Jésus juge le péché que
représente chaque suicide par sa cause. Il suggère au mourant la question
suivante : "quel bien aimais-tu ?
N’est-ce pas sa perte qui fit que ta vie n’avait plus de sens ?"
Parfois
nos amours sont matériels (plaisirs, argent et gloire). Pierre Bérégovoy, un
premier ministre de la cinquième République Française, se suicida. Il avait
toujours été honnête homme. On l’accusa de s’être fait prêter de l’argent en
usant de son prestige. Il prépara son acte et le mit à exécution avec l’arme
professionnelle de son garde du corps. Son bien ultime semble avoir été, plus
que son épouse qu’il laissait seule, son
honneur.
Parfois
nos amours sont profondément humains. Un agriculteur breton mit en route sa
presse à paille. Après quelques minutes de travail, il s’inquiéta de ne plus
voir ses trois enfants. Il finit par les retrouver, morts. Ils s’étaient caché
pour jouer dans les logements de la presse. Le père alla se pendre. "Là où est ton trésor, là aussi est ton
cœur".
Parfois même, il s’agit d’un
amour chrétien, mais devenu en apparence impossible. Saint Paul écrivait[228] :
"Oui, j’en ai l’assurance, ni mort
ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni
hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de
l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur." Mais
Paul oubliait dans ce texte une cause possible, une réalité qui peut séparer de
Dieu : Dieu lui-même. Il arrive que Dieu, pour achever la formation du cœur de
ses saints et les conduire à l’humilité la plus totale, les sépare de
l’impression qu’ils sont aimés par lui. Le Père imposa cette épreuve à son fils
Jésus [229] : "Mon Dieu Mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ?". Il s’agit d’une souffrance désespérante pour ceux qui
n’ont que Dieu et les mystiques la qualifient de "nuit de l’esprit". Sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus vécut dans sa souffrance une crise de doute sur l’existence de
Dieu. Elle eut la pensée du suicide. Elle ne tint bon qu’en disant avec la
bouche à défaut du cœur : "Je crois". Sincèrement donnée à Dieu, elle
affirma par la suite avoir compris ce que vivent les athées, pourquoi certains
se donnent la mort.
L’homme qui perd son trésor peut,
dans sa douleur, se donner la mort. L’adolescent à qui on n’a jamais montré de
vrai trésor, peut le faire aussi : "je
voudrais seulement dormir, m’étendre sur l’asphalte et me laisser partir",
écrit Michel Berger dans une chanson qui illustre le mal de son siècle. Le
désespoir peut être brutal lorsque l’arrachement fond sur la vie comme l’aigle.
Il peut être plus réfléchi et plus calme, lorsque le malheur est simplement
constaté, lentement et inexorablement, au cours d’une vie sans espérance
d’au-delà.
L’euthanasie fait partie, de plus
en plus dans un monde athée, de ce genre de débat intérieur. On voit des
personnes jeunes, en prévision des longues maladies ou de la vieillesse,
préparer après mûre réflexion, une demande d’euthanasie pour le jour où leur
vie sera condamnée.
Dans la pensée humaniste sans
Dieu, lorsque arrive la mort et ce qui la précède à savoir, la souffrance, la
vieillesse, quelle raison peut pousser un être à prolonger sa vie jusqu’au bout
? La présence de ses proches ? Ceux-ci attendent eux-mêmes parfois la mort de
celui qui souffre comme une délivrance. Ils ne supportent pas ce témoignage de
leur propre destin. Objectivement, il n’existe plus aucun motif. L’attachement
à la vie elle-même, prise comme un bien en soi, disparaît quand la souffrance
et la solitude lui enlèvent tout sens. En effet, si aussitôt après la mort,
l’être humain rejoint le néant, l’absence de conscience, il ne sert à rien de
prolonger davantage la vie. Dans la perspective de l’humanisme sans Dieu,
rappelons-le, la vie n’a de sens qu’à cause de la liberté qui peut s’exercer à
la recherche d’un bonheur sur la terre.
C’est pourquoi, il a semblé
devenir légitime et nécessaire dans beaucoup de nations occidentales de légiférer
dans le sens d’une autorisation de l’euthanasie. Le législateur, lui-même
soumis aux angoisses de la nature humaine plongée dans l’athéisme, n’a même pas
toujours délivré un texte empêchant les abus (comme l’aide au suicide des
jeunes désespérés, l’exécution des malades incurables, parfois des handicapés).
L’acte d’euthanasie est le plus
souvent posé non à cause de la souffrance physique mais "parce qu’il vaut
mieux éteindre au plus vite ce qui, de toute façon, s’achèvera dans le
néant." C’est pourquoi les soins palliatifs (pas seulement des médicaments
antidouleur mais aussi la présence de proches ou de soignants rémunérés pour
être l’ami) sont arrivés, même dans un monde athée, à faire disparaître
l’euthanasie.
Le désespoir de la non croyance
conduit à l’euthanasie et c’est fort compréhensible : seul le croyant ou
l’homme profondément religieux peut imprégner de sens son agonie puisqu’il
croit qu’il y a un sens à l’agonie.
(Au
lecteur de juger)
Le suicide et l’euthanasie sont
un seul et même acte. La circonstance de l’approche de la mort ne change pas
radicalement leur nature en théologie chrétienne. De nos jours, nul ne se
permet plus d’affirmer que ceux qui se sont suicidés ou euthanasiés par
désespoir psychologique ou spirituel choisissent nécessairement l’enfer. Le
suicide se juge comme tout acte humain. Quand Jésus était confronté à un péché,
c’est-à-dire à un acte qui n’est pas directement motivé par l’amour de l’autre,
il jugeait deux choses : l’acte et la personne. A la femme adultère, il dit
deux choses [230] :
"Moi non plus, je ne te condamne
pas. Va, désormais ne pèche plus."
Jugeons d’abord l’acte : Devant Dieu, l’acte du
suicide, motivé par le désespoir, est certainement un péché. Puisque Dieu
existe, puisque la vie terrestre est une préparation à la vie éternelle, on
doit en toute vérité affirmer que le suicide est un acte qui déplaît à Dieu. Il
faut le répéter sans cesse : le temps des larmes est voulu par lui.
Osée parle de Dieu lorsqu’il
sauve une âme endurcie[231] :
"1. Je la déshabillerai toute nue et
la mettrai comme au jour de sa naissance; je la rendrai pareille au désert, je
la réduirai en terre aride, je la ferai mourir de soif. Je la conduirai au
désert et je parlerai à son cœur. 2. Je vais la séduire. 3. Ensuite, je lui
rendrai ses vignobles, et je ferai du val d’Akor une porte d’espérance. Là,
elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au jour où elle montait du
pays d’Egypte." Il s’agit d’une description de toute la vie humaine
dans ses trois étapes principales : 1. le silence et l’abandon apparent de la
vie terrestre, 2. la venue du Christ qui se fait le plus souvent à l’heure de
la mort, 3. le paradis.
La vie
terrestre est utile pour appauvrir le cœur. Mais elle n’est que passagère et
prépare le temps où Dieu essuiera toutes les larmes. Les mystères douloureux
sont suivis par les mystères glorieux. L’homme qui supprime sa vie, même pour
des motifs bien excusables comme l’ignorance involontaire du projet de Dieu ou
une trop grande souffrance, le regrette dans l’autre monde. Il se rend compte objectivement, trop tard hélas, que son
cœur aurait pu être davantage purifié et appauvri. Au purgatoire du Ciel, il y
a certaines choses qu’on ne peut plus acquérir. Seul le purgatoire de la terre
permet, par exemple, d’approfondir la soif d’aimer et d’être aimé, "mourir de soif".
Arrivé dans l’autre monde, face à l’apparition du Christ, l’homme se tourne
vers Lui avec tout l’amour dont il est capable, d’où l’impossibilité de grandir
dans l’amour après la mort. Or c’est la mesure de cette soif qui nous vaudra de
voir Dieu, et cette soif est liée intimement à ce que l’homme a touché de lui
sur la terre.
Mais il faut surtout juger des personnes[232]. Que
fait Jésus des personnes qui se présentent à lui après un suicide ? Il ne
raisonne pas "objectivement"
mais il accueille, simplement, accompagné de la cour céleste. "Moi non plus, je ne te condamne pas." Il
offre la Bonne Nouvelle et son propre cœur, le cœur d’une multitude de frères
et la promesse d’une vie d’éternel bonheur. Il demande en échange la confession
des péchés, de ce péché en particulier qu’est le suicide, et l’amour.
Dans
cette lumière, il est possible de dire avec certitude ce qui suit : Ceux qui se
sont suicidés par désespoir spirituel sont morts de soif dans un monde qui leur
fit croire que Dieu et l’amour n’étaient qu’un mythe. Ceux-là sont sauvés,
parfois sans même passer par un feu purificateur autre que le regard de Jésus.
En effet, ils ressemblaient à saint Augustin. C’est Dieu qu’ils cherchaient
mais on leur avait caché son visage. En voyant l’image de Dieu, ils vont
infailliblement à lui. Creusés par la croix (l’une des deux croix qui
accompagnaient le Christ au Golgotha, selon que dans leur souffrance, ils
restèrent justes ou se conduisirent durement), ils reconnaissent le Christ
comme l’objet ignoré de leur désir de toujours. Parce qu’ils ont beaucoup
souffert et, par là, ont touché plus que tout autre leur petitesse, ces
désespérés deviennent la plupart du temps de très grands saints au Ciel.
Pour illustrer le destin
de ces âmes, voici l’histoire d’une jeune fille. Nathalie a été reçue dans les
Cieux.
"Agée d’un peu plus de vingt ans, elle ne
s’était jamais bien sentie dans ce monde. Elle croyait pourtant en Dieu et se
confiait parfois à lui. Elle avait aussi des amis mais, revenue seule dans son
appartement le soir, elle était saisie d’angoisses incompréhensibles qui
l’étouffaient. Ses parents s’inquiétaient : pourquoi notre fille
n’arrive-t-elle pas à être heureuse ? A force de ne pas comprendre, on finit
par conclure à une angoisse sans cause…
Un soir de février, il faisait un temps très
mauvais sur la banlieue où elle résidait. Elle revint fatiguée de son travail.
Elle se mit au lit tout de suite, cherchant un peu de sécurité sous les draps,
comme lorsqu’elle était petite. Elle pensa que personne ne lui téléphonerait ce
soir et qu’elle était bien seule. Le cœur serré d’angoisse, elle se leva et
avala le contenu d’une boîte de somnifères. Elle pensa : "Pardon" et
elle s’endormit.
Quelques heures plus tard, Jésus vint la
réveiller. Auprès de lui se tenait Marie. Alors la jeune fille se leva et, sans
emmener avec elle son corps, elle les suivit. Elle savait qu'elle avait mal
agi. Elle eut une vision de sa mère et son père, restés sur terre, dans la
détresse. Le démon l’accusa : "Égoïsme! Lâcheté!" C’était vrai[233]. Mais elle dit simplement à qui voulait
l’entendre : "Je ne suis pas digne. Faites de moi ce que vous
voulez." On l’introduit dans le paradis. Elle vit Dieu face à face. Satan
protestait. "Inutile, lui fut-il répondu, elle est trop
petite; elle ne t’entend pas."
Les autres suicidés font leur choix, librement,
selon ce qu’est leur cœur. L’orgueilleux obstiné s’installe en enfer; Celui en
qui demeure quelque fierté apprend au purgatoire l’humilité. Le juste et le
saint entre directement au Ciel. Tout est jugé sur deux choses : l’humilité et
l’amour. Dieu est Humilité[234]
et Amour.
Il
faut ici se souvenir du moment de notre vie où nous avons été le plus heureux.
Imaginons que cet instant s’arrête et, sans jamais s’user, revienne vivant et à
chaque instant plus nouveau; multiplions ce bonheur par l’infini en paix, en
joie, en douceur et en force; donnons-lui un visage et un sourire, pensons que
cette béatitude est la personne la plus simple et la plus aimable qu’il soit
possible d’imaginer et que son cœur nous appartienne pour toujours. Au terme de
cet exercice, nous pouvons dire que nous n’avons rien compris à la Vision de
Dieu. Ce paradis, personne n’a pu le décrire, pas même Jésus dans l’Évangile.
Lorsque Marie apparaît à des enfants, alors qu’elle ne cesse de voir Dieu tout
en leur parlant, elle ne leur dit jamais rien de sa vision béatifique. Il n’y a
rien à dire. C’est Dieu et c’est tout. Jadis l’Église pour exprimer cette
vision parlait du repos éternel. Cette expression effrayait les enfants qui
avaient peur d’aller au lit pour l’éternité. Puis on a parlé de Vie éternelle
pour signifier qu’au Ciel (le Ciel, c’est d’abord la Vision de Dieu lui-même),
on ne cesse de courir, de danser devant
son visage[236].
Cette expression fait référence à l’activité extrême que revêt l’exploration
amoureuse de la Trinité. Mais là encore, l’expression ne convenait pas à
certains et surtout aux adultes fatigués. Autant se taire et se souvenir que
nous serons tellement comblés que nous n’aurons plus de désirs[237]. Il
faut dire plutôt que nous serons un immense désir sans cesse comblé. La petite
Thérèse disait avant sa mort : "Il
ne pourra me surprendre tant je l’aime." Elle dit maintenant :
"Tu m’as surprise, mon Dieu. Je ne connaissais rien de toi." La
petite Thérèse est la plus grande sainte des temps modernes. Sa surprise a été
immense. Qu’en sera-t-il pour nous ?
(Chose
certaine)
Dans
la vision béatifique, c’est la Trinité elle-même Père, Fils et Esprit Saint qui
vient, telle une colombe au creux d’un rocher, se nicher dans notre
intelligence. Elle se fait notre propre pensée et se laisse comprendre par nous
dans l’exacte mesure où nous le désirons par notre amour. Celui qui aime désire
davantage connaître son bien-aimé. Il le connaît et est comblé. Celui qui aime
moins connaît moins bien Dieu mais est comblé dans son désir. Sainte Thérèse,
pour expliquer ce mystère se souvient d’une image enseignée par sa sœur :
"D’un grand verre et d’un petit dé à
coudre remplis tous les deux d’eau à ras bord, lequel est le plus plein ?"
Nous comprenons alors pourquoi il est important d’aimer et d’aimer de plus en
plus durant notre pèlerinage terrestre. Nous comprenons aussi pourquoi la
souffrance (la croix dans notre vie) est utile, capable, à elle toute seule, de
creuser notre cœur afin de le rendre immense en désir de Dieu. Celui qui a faim
désire davantage la nourriture.
Dans
la vision béatifique, le Fils de Dieu se laisse voir sans aucun intermédiaire
créé. Alors que sur la terre nous ne pouvons comprendre quelque chose de Dieu
que par l’humanité de Jésus, au Ciel nous comprendrons son humanité par sa
divinité. En effet, la Trinité deviendra limpide en elle-même et éclairera tout
le reste. Notre âme, faite à l’image de Dieu, se mettra à vibrer comme lui.
Nous deviendrons semblable au Père et, en contemplant comme lui, nous verrons
le Fils éternel. Nous deviendrons comme le Père et le Fils, tout en restant
nous-mêmes[238]
et, en les aimant, nous aimerons l’Esprit Saint.
Tout
est simple en Dieu. Toujours est-il que grâce à cette vision face à face, nous
n’aurons plus ni la foi ni l’espérance : nous n’aurons plus besoin de croire
une quantité de choses sur Dieu puisque nous le verrons de nos propres yeux[239]. Nous
n’aurons plus besoin d’espérer quoique ce soit par rapport à Dieu puisque nous
le posséderons tout entier et pour toujours. Des trois vertus théologales, il
ne restera plus que la charité, et cette charité se transformera en joie. C’est
ce qu’enseigne saint Paul [240] :
"La charité ne disparaîtra jamais.
Les prophéties ? Elles disparaîtront. Les langues ? Elles se tairont. La
science ? Elle disparaîtra. Car partielle est notre science, partielle aussi
notre prophétie. Mais quand viendra ce qui est parfait, ce qui est partiel
disparaîtra. Maintenant donc demeurent foi, espérance, charité. Trois choses
demeurent mais la plus grande d’entre elles, c’est la charité."
Dieu
prend si peu de place dans une âme tout en la comblant qu’il est possible, sans
jamais le perdre du regard, de faire une foule d’activités à son service. Il
nous laisse toute la place et tout le temps, sans le quitter, de le prier pour
nos frères de la terre ou du purgatoire, de parler (c’est-à-dire après la mort
de voir de l’intérieur la pensée ou le cœur de l’autre âme ou de l’ange, tout
en lui dévoilant sa propre pensée), de nous occuper de ceux qui sont sur terre.
Lorsque sainte Thérèse de l’Enfant Jésus disait qu’elle passerait son Ciel à
faire du bien sur la terre, ce n’était pas un vain mot ou une parole plus ou
moins mystique. Il s’agit d’un apostolat aussi réel qu’efficace qui sera aussi
le nôtre au Ciel. Étant unie à Dieu comme une épouse, elle a tous les droits.
Il lui est loisible quand elle le veut de mobiliser les puissances angéliques
pour faire le miracle qu’elle veut, pour apparaître à qui elle veut. Si elle
semble apparaître bien peu souvent c’est qu’elle agit exactement de la même
façon que son époux. Il lui paraît bon de laisser la plupart du temps les
hommes dans la foi pour que la pauvreté de leur exil multiplie les désirs de
leur cœur. Elle ne pense qu’aux mêmes choses que Dieu : amener ses amis à la
charité la plus haute qui soit. L’un des apostolats les plus prenants de la
petite Thérèse consiste à accueillir tous les hommes qui un jour ont pensé à
elle, à l’heure de leur mort. Au bras de Jésus, avec son corps psychique
transfiguré par la vision béatifique, elle les entraîne vers le paradis. Elle
travaille à elle seule plus que tous les saints exceptés Marie et Joseph car
elle est appelée par tous. N’est-elle pas appelée par beaucoup de gens simples
"la petite sainte Vierge", la plus belle image de Marie ?
Nous-mêmes,
au Ciel, nous aurons le même pouvoir royal sur Dieu. Il obéira à nos moindres
désirs puisqu’il nous verra faire de même avec lui. Notre apostolat sera sans
commune mesure avec celui de la terre.
Mais
qu’adviendra-t-il lorsque nous serons témoins de la damnation d’un de nos
frères ? Existe-t-il quelque sujet de douleur dans le paradis ? Si c’est le
cas, ne doit-on pas remettre en cause tout ce qui était affirmé plus haut sur
l’absence de désirs, la béatitude parfaite ? Il semble même qu’il existe des
preuves de cette douleur du paradis puisque Marie, dans ses apparitions, ne
cesse de se montrer en larmes pour les pécheurs et les damnés. Pour répondre à
cette question, il convient de se rappeler ce que nous avons sans cesse affirmé
sur l’enfer. Nul ne peut se damner que par un choix libre et fermement maintenu
pour l’éternité. Durant la vie terrestre, Dieu fait tout ce qui est possible
pour préparer l’homme à ne pas faire ce choix au moment de la mort. Mais s’il
le fait[241], Dieu
se réjouit. Il ne se réjouit pas parce que quelqu’un se sépare de lui mais
parce qu’il le fait librement. Dieu
aime les damnés jusque dans leur enfermement et parce qu’il les aime, il
respecte leur liberté. On pourrait comparer son attitude avec celle d’un homme
qui aime une femme avec tant de force qu’il fait tout pour qu’elle reste fidèle.
Mais, en désespoir de cause, il est en paix si elle le quitte non parce qu’elle
s’en va mais parce qu’elle a choisi la voie qui lui plaît[242]. Il
en est de même pour le Ciel entier à l’heure où les hommes choisissent leur
destin éternel. Quel que soit le choix, tout est paix[243].
Dans
le paradis, tout est amour simple et paisible car tout est comme Dieu. Mais
pour exprimer aux habitants de la terre cette charité éternelle, Dieu et Marie
sont obligés d’utiliser un langage compréhensible. Ainsi, comprendrions-nous à
quel point Marie veut le salut des pécheurs si dans ses apparitions elle
restait silencieuse et souriante ? N’y verrions nous pas de l’indifférence ?
Alors Marie exprime sa charité brûlante par le symbole des larmes et même des
larmes de sang. Pourtant, Marie ne souffre plus. Sa paix et sa joie sont aussi
profondes et stables que celles de Dieu. Tout le langage de la Bible est du
même ordre. Dieu ne veut pas voir ses enfants égoïstes : il parle de sa colère,
de sa fureur et de son bras vengeur. Mais chacun sait aujourd’hui que Dieu ne
se met pas en colère comme les hommes et n’a pas de bras. Par contre, il agit
et fait tout pour sauver du péché. Parfois son action est forte. L’effet en est
pour nous une certaine souffrance, par laquelle il veut les amener d’abord à
l’humilité puis à l’amour, d’où l’analogie de la colère d’un père. Nous
expérimentons alors à quel point cela ressemble à de la colère.
(Chose
certaine)
Avant
la fin du monde, notre corps charnel ne nous sera pas rendu. Seuls Jésus et
Marie le possèdent[244]. Nous
devrions souffrir de ce manque d’une partie de nous même. Nous ne sommes pas
seulement notre âme mais notre âme est faite par nature pour donner vie non
seulement à notre psychisme mais à notre chair. Cette question a laissé dans
l’expectative bien des théologiens. Pourtant, la solution de ce problème semble
avoir été trouvée dès les premiers siècles de l’Église. Saint Augustin dit :
"Te posséder, Ô Dieu, c’est être
riche de tous les biens; tout avoir en étant loin de toi, c’est ne rien
posséder.[245]"
Il en est ainsi au Ciel, au sens le plus littéral. La vision béatifique nourrit
l’âme au point de lui faire oublier son appel bien réel pour le corps. Son
énergie tout entière est happée par ses noces avec l’Agneau, au point qu’elle
n’a plus autre chose que lui.
Nous
avons cependant montré que le psychisme subsiste, c’est-à-dire toutes les
facultés de la sensibilité qui sont communes aux hommes et aux animaux. Des
sens nouveaux apparaissent et se démultiplient après la disparition des
conséquences du péché originel. Un mort n’est pas un pur esprit comme le
pensait saint Thomas d’Aquin. En plus d’une intelligence et d’une volonté, il
dispose des sens, de l’imagination, des souvenirs sensibles de son passé.
Ainsi, bien avant la résurrection de sa chair, le mort est accueilli dans un
monde adapté à son psychisme. C’est un monde d’images magnifiques[246].
Quant
à l’époux, il prépare secrètement d’autres surprises qui n’apparaîtront qu’à
l’heure de la résurrection de la chair. Lui seul en connaît la date[247].
(Chose
certaine)
Le
jour du Seigneur, son retour glorieux visible d’un bout à l’autre de la terre,
mettra fin aux naissances et aux morts. La terre telle qu’elle est n’aura plus
ni sens ni utilité, les hommes ayant tous sans exception fait leur choix pour
l’éternité. Saint Paul raconte ainsi ce qui se produira alors[248] :
"Je vais vous dire un mystère : nous
ne mourrons pas tous, mais nous serons transformés. En un instant, en un clin
d’œil, au son de la trompette finale, car elle sonnera, la trompette, et les
morts ressusciteront incorruptibles, et nous, les vivants, nous serons
transformés. Il faut en effet que cet être corruptible revête
l’incorruptibilité, que cet être mortel revête l’immortalité."[249]
Les
paroles de saint Paul sont claires : si nous sommes présents sur la terre au
jour du retour du Christ, nous ne
mourrons pas. Nous serons tous, sans exception, dispensés de la mort et ce
sera le premier cadeau de noces de la part de Dieu. Nous montrerons[250] que
les dernières générations de l’humanité seront extrêmement cultivées et
spiritualisées, même si elles auront tendance à se donner à un culte
antichristique. Leur sensibilité sera affinée, beaucoup plus sensible au vide
spirituel. C’est pourquoi la mort n’aura plus vraiment d’utilité. Le règne
désespérant de l’Antéchrist et le retour glorieux du Christ seront des
événements si puissants qu’ils suffiront à rendre tous les genoux chancelants.
Les damnés eux-mêmes seront dispensés de mourir, leur choix final étant
parfaitement lucide et définitif.
(Chose
certaine)
Le
monde sera donc peuplé de deux sortes d’humains. Les anciens, ceux qui seront
déjà passés par la mort, seront présents. Ils auront accompagné le Christ ou le
Démon le jour de la Parousie*. Mais
ces personnes-là n’auront pas leur corps de chair. Ils seront face à la
dernière génération de l’humanité, bien en chair.
Avant
la résurrection de la chair, l’homme est privé d’une partie de son être. Il
conserve bien sûr la partie essentielle de son être, son esprit, ses pensées et
ses choix profonds. Mais tout semble indiquer qu’il conserve aussi la partie
psychique de son être. Il voit, il entend. Il garde malgré la disparition de
l’organe du cerveau, avec une acuité très grande, tous les souvenirs sensibles
accumulés durant la vie terrestre et que la vieillesse fait parfois oublier.
Cette découverte de la survie de la vie sensible est récente en Occident. On la
doit aux études du docteur Raymond Moody sur les personnes victimes d’un arrêt
cardiaque[251].
Par contre le corps charnel a disparu. Son absence ampute le mort des sens du
toucher et du goût qui lui sont liés. Ce manque est très peu gênant. Ceux qui
sont déjà au Ciel sont parfaitement heureux. Comment pourrait-il en être
autrement puisqu’ils voient Dieu ?
Pourtant
Dieu ne nous laissera pas éternellement amputés d’une partie de nous-mêmes. En
cet instant, la trompette sonnera[252], dit saint Paul. Cette trompette
symbolise la voix du Christ. Tout pouvoir lui a été remis par Dieu. L’Esprit
Saint qui repose sur lui est décrit dans la Bible comme une trompette ou un
tonnerre à cause de sa force[253].
C’est à lui qu’appartient, à travers son humanité, de donner un tel
commandement.
Il donnera un ordre à ses anges. Eux, utilisant
leur puissance naturelle sur cette matière qu’ils façonnent depuis la création
du monde, récolteront de la terre et, à partir de ses éléments, reconstitueront
le corps complet, parfait et en pleine jeunesse de tous les morts. Ce sera leur
corps à eux, reconstitué précisément mais débarrassé de ses défauts. Les
handicapés renaîtront en pleine possession de tous leurs moyens, les
trisomiques ne porteront les stigmates de leur handicap que comme une gloire de
leur âme plus humble. Chaque mort, en un éclair, réintégrera son propre corps
dont elle reconnaîtra chacune des fibres.
Nous
ne voulons pas signifier par là que ce corps sera fait avec les mêmes éléments
matériels qui ont déjà servis durant notre vie terrestre (atomes et molécules).[254] Nous
affirmons que notre corps de ressuscités sera notre vrai corps physique, aussi palpable et capable de manger que
celui de Jésus après sa résurrection.
La
résurrection de la chair fait partie de la foi. A cela, on pourrait semble-t-il
objecter le texte de saint Paul dans sa première lettre aux Corinthiens[255] :
"On est semé ici-bas corps
psychique, on ressuscite corps spirituel. S’il y a un corps psychique, il y a
aussi un corps spirituel..." L’interprétation de ce texte pourrait
conduire à affirmer l’apparition d’un corps qui n’est plus fait de matière mais
qui, de fait, est celui d’un pur esprit. Les anges eux-mêmes ne se
façonnent-ils pas parfois des apparences de corps que l’on peut voir et toucher
?[256] Or
les Évangiles ne cessent de nous le rappeler, saint Paul n’a pas voulu dire
cela. Jésus prouve à Thomas dans son apparition qu’il a un vrai corps. "Mets ton doigt dans mon côté, ne soit pas
incrédule, soit croyant.[257]" Avec son
autorité infaillible, l’Église a confirmé qu’il s’agit bien d’une résurrection de la chair, c’est-à-dire des molécules
palpables qu’un fantôme ne possède pas. Il s’agira bien de notre corps physique
mais il sera, aussi bien pour les saints du Ciel que pour les damnés, débarrassé
de tous ses défauts. Ces défauts ne serviront plus à rien puisque notre choix
aura été fait. Les damnés et les saints réintégreront la perfection de leur
être, pour que chacun puisse vivre comme il le désire, loin de Dieu ou près de
lui. Déjà au temps du prophète Daniel, les juifs savaient que tous les morts
sans aucune exception ressusciteraient un jour : "Une multitude, ceux qui dorment au pays de la poussière s’éveilleront,
les uns pour la vie éternelle, les autres pour la réprobation et l’horreur éternelle.[258]"
Dieu rendra à chacun son corps, respectant même chez les damnés la liberté qui
les a conduits à choisir l’horreur éternelle d’une vie sans amour[259].
Saint Paul, en parlant d’un corps spirituel, voulait signifier que les saints
comme les damnés réintégreront leur corps
parfaitement soumis et adapté à leur esprit.
Notre
corps sera spirituel en ce sens qu’il obéira tout entier à notre esprit. Les
damnés eux-mêmes seront dotés de cette liberté à une nuance près : leur esprit
sera malade de l’absence de Dieu. Il brûlera de l’intérieur du feu de ce
manque. Ainsi, malgré la présence d’un corps doté d’incorruptibilité et
parfaitement soumis à leur volonté, ils n’en profiteront pas. Que sert à
l’homme d’avoir une santé physique parfaite et un contrôle de son psychisme
s’il n’est pas heureux ? Cela se répercutera d’ailleurs dans leur apparence.
Leur corps sera doté d’une grande vitalité mais leur visage sera sans cesse
déformé par les effets de leur égoïsme choisi. Tout leur malheur viendra de
leur esprit orienté vers un choix pervers. Ils ne penseront qu’à eux-mêmes, à
leur obsession tendue vers leur propre réalisation, mais ils ne pourront
réaliser ce but loin de Dieu qui seul aurait pu les combler. Ils écumeront de
colère. Toutes les passions mauvaises seront leur lot quotidien puisqu’ils
chercheront le bonheur, c’est-à-dire Dieu,
tout en refusant la nature et les conditions de ce bonheur. C’est une
contradiction interne, choix de leur liberté, que la Bible appelle
"l’horreur".
Les
humbles, quant à eux, recevront de la part de Dieu ce même corps, doté de la
même perfection. Mais, pour eux, tout sera surélevé en gloire. Comment
pourrait-il en être autrement puisqu’ils verront Dieu ? La Trinité emplira leur
esprit, comblant en béatitude tous leurs désirs. En conséquence, leur
sensibilité et leur corps seront plus que soumis totalement à leur esprit après
le miracle de la résurrection. Ils s’en trouveront glorifiés, c’est-à-dire
dotés de pouvoirs venant de Dieu. Des propriétés nouvelles et inimaginables
apparaîtront[260].
Saint Thomas d’Aquin, regardant la façon dont se comportait Jésus après sa
résurrection, les résume en quatre mots impassibilité, subtilité, agilité et
clarté[261].
Elle
signifie l’absence de toutes les mauvaises passions comme les tristesses, les
angoisses et les peurs, les désespoirs. Elles seront impossibles puisque Dieu
et nos prochains seront là. On ne souffrira pas de la damnation des méchants
puisque, devenus simples comme Dieu, on respectera leur choix et on se réjouira
de leur liberté. Mais toutes les passions positives seront données. Comment
pourrait-il en être autrement auprès de Dieu ? Joies et plaisirs sensibles
seront le lot quotidien de la vie au paradis. Cela se fera sans aucun retour
sur soi, au service exclusif et simple de notre esprit donné à l’amour de Dieu
et de notre prochain. A cause de la soumission complète de notre corps à notre
esprit, nous n’aurons jamais à lutter contre la tendance égoïste de cette
sensibilité. Avant même l’apparition du nouveau monde physique que Dieu
construira comme le plus génial des metteurs en scène, il comblera nos sens du
spectacle d’une profusion infinie de vie et de beauté. Nous ne pouvons pas
imaginer les joies sensibles, les émotions que susciteront la vue, à travers
nos yeux de chair[262],
du Sauveur, de Marie, la mère de tous nos frères ressuscités et vivant avec
nous au paradis. Chaque personne sera comme une vision de lumière, un paradis à
elle seule, à chaque fois nouveau et différent de l’autre.
Elle
représente pour saint Thomas la propriété qu’avait le corps ressuscité de Jésus
de passer à travers les obstacles matériels. Il en sera de même pour nous.
Transfigurée par la Vision de Dieu, devenue déiforme, notre âme recevra la
puissance naturelle de dominer chaque parcelle de notre corps, le rendant
subtil et capable de contourner de l’intérieur les obstacles des corps composés
d’atomes. Comment cela se fera-t-il ? Nous n’en savons rien. Mais la science
moderne connaît déjà quelques-unes des propriétés immenses de cette matière
créée par Dieu. Il ne s’agit sans doute que de la partie apparente d’un iceberg
dont nous découvrirons les potentialités, de l’intérieur, par l’obéissance
totale de notre corps.
Elle est la capacité qu’aura
notre corps à se déplacer, à la vitesse que nous voudrons et au gré des désirs
de notre liberté. Pour déplacer un corps physique quel qu’il soit, même s’il
est revêtu des propriétés de la lumière, il faut de l’énergie. Nous ne
disposerons pas seulement, comme ceux qui auront choisi de vivre loin de Dieu,
de la puissante vitalité de notre âme. En effet, en voyant Dieu, en vivant en
sa Trinité, nous disposerons à volonté de toute sa puissance. Au moindre de nos
désirs, il obéira puisqu’il sera un avec nous. Nous pourrons donc nous déplacer
dans l’univers et en visiter tous les recoins, tous les habitants, sans jamais
quitter Dieu, à la vitesse de l’instant, de la pensée. La science, à travers
Einstein, a démontré les limites de ce qui est propriété naturelle de la
lumière. Sa vitesse ne peut en être dépassée mais le temps est une notion
relative. Dépasser la vitesse de la lumière, c’est aussi raccourcir le temps.
En Dieu, tout cela n’aura plus de sens puisqu’il est un époux tout puissant et
partout présent. Il pourra nous transporter, tel l’aigle et sa nichée, à une
vitesse qui est hors du temps. A quoi pourra servir cette propriété
merveilleuse de notre corps ? A visiter l’univers. On se demande souvent
pourquoi Dieu a été si généreux dans sa création. Pourquoi tant de mondes
immenses dont nous apercevons le scintillement la nuit ? Le monde nouveau n’a
rien à voir avec le misérable aquarium qu’était la terre. Dieu qui est le plus
puissant des époux, est capable d’offrir à chacun de ses bien-aimés un univers
entier. Nous
passerons notre éternité à contempler les merveilles que Dieu a préparé pour
nous. Alors rêvons un peu, juste pour s’amuser un instant : il y a
davantage de galaxies dans le ciel qu’il n’y a eu d’êtres humains sur la terre.
Chaque galaxie est immense au point qu’un rayon de lumière met cent mille ans à
la traverser. Nous passerons notre éternité à visiter l’infini, sans jamais
quitter la vision de Dieu et la présence de nos frères. Saint Paul écrit [263] : "Nous annonçons ce que l’œil n’a pas
vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de
l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment."
La
plus belle propriété de notre corps sera sans doute sa clarté. Il ne s’agit pas seulement d’une clarté extérieure comme
celle du corps de Moïse après sa rencontre avec Dieu. Il s’agit d’une clarté
qui vient de l’intérieur de l’âme, rayonne sur les sensibilités et donne au
corps la jeunesse de sa sainteté. Ainsi, plus une âme sera unie à Dieu, plus
elle nous paraîtra jeune et belle. On se demande souvent quel âge auront les
ressuscités. La question est mal posée car elle est liée à une biologie
d’ici-bas. Dans l’autre monde, être âgé n’aura pas le même sens. Tout le monde,
saints comme damnés, aura la pleine vitalité de la jeunesse, mais avec ce je ne
sais quoi qui peut rendre un vieillard plus jeune qu’un adolescent. Au sommet
de tout, conjointement à Jésus, le corps glorieux de Marie attirera tous les
regards. "Sa beauté inégalée ne
rivalisera pas avec les beautés uniques de ses enfants", dit sainte
Thérèse de l’Enfant Jésus. Elle paraîtra à la fois intensément jeune et
intensément mûre. Elle paraîtra jeune par la pureté, mûre par sa sagesse.
Chacun de nos frères constituera un temple du Dieu unique, mais non bâti de
main d’homme où la Trinité séjournera sans jamais s’en aller. Un seul élu
contemplé ici-bas surpassera tout ce qui a été fait de beau par les artistes
depuis que le monde existe. Le plus petit dans le Royaume de Dieu, l’homme le
plus imparfait sera si beau que sa contemplation suffirait à dépasser toute la
beauté du monde d’ici-bas.
Les
damnés, bénéficieront de la même qualité de leur corps. Leur péché
transparaîtra à travers leur corps ressuscité. Leur corps sera donc "luisant" de péché. Ils
seront vieux. Si un enfant choisit l’enfer, ce sera un enfant vieux.
On pourrait multiplier les descriptions
imaginatives (donc bien en deçà de la réalité) des corps ressuscités. Tout ce
que pourraient en dire les plus grands poètes ne ferait que contrefaire le
mystère. Mieux vaut laisser à Dieu le soin de nous surprendre. Il prépare cette
fête depuis l’éternité.
(Chose
certaine)
Lorsque
le dernier homme aura achevé de purifier son amour à travers un purgatoire de
solitude, tout sera consommé. Il n’y aura plus que deux "demeures" dans l’autre monde,
c’est-à-dire deux types d’hommes. Ils sont symbolisés dans l’Écriture par le
bon grain et l’ivraie[264]. Il
s’agit des habitants du paradis et de l’enfer. Ils ne convient pas d’imaginer
cela comme deux mondes physiquement séparés. L’enfer étant un choix de liberté,
respecté par Dieu, son lieu est le même que celui du paradis. C’est l’univers
entier et ses merveilles. De fait, Dieu donnera aux damnés obstinés en cadeau
tout ce qu’ils désirent. Ils recevront la puissance à laquelle ils aspirent.
Ils auront la possession de l’univers. Ils pourront y faire ce qu’ils veulent
selon le choix de leur liberté. Une seule chose leur sera refusée : la Vision
sublime de Celui qui voulait les épouser. Faut-il donc affirmer que les paroles
de l’Écriture qui les décrivent condamnés à un étang de feu[265] sont
de vaines images ? Il s’agit au contraire d’une triste réalité, pire encore que
ce que la lettre du texte laisse imaginer. En effet, à cause de leur méchanceté
intérieure, toute cette liberté et puissance se retournera contre eux. Ils ne
profiteront de rien. La vue d’une fleur ou de toutes les merveilles créées par
Dieu sera source d’allégresse pour les saints[266]. Pour
les damnés, elle sera une pointe de plus dans leur cœur envieux. Mais la plus grande
souffrance sera pour eux la vue d’un élu. Ils ne supporteront pas la vue de
l’humilité et de la gloire qu’elle mérite. Ce sera pour eux un objet de rage
qui leur rappellera douloureusement la perte qu’ils auront faite. Ils fuiront donc le plus loin possible,
dans les recoins les plus sombres de l’univers. Ils se sépareront à jamais de
toute présence vivante et habiteront les lieux déserts. Plutôt que de céder à
l’amour et de se repentir, ils rumineront la haine pour toujours.
(Chose
certaine)
Le
chapitre 7 a déjà décrit, autant que faire se peut, ce qui fait l’essence même du paradis : "Voir Dieu face à face et ne posséder rien
d’autre vaut infiniment plus que posséder l’univers entier et avoir perdu Dieu[267]." Pourtant,
Dieu se prépare à offrir à ses amis, en plus de lui-même, un univers entier. Il
ne s’agit pas d’une exagération littéraire. Nous l’avons dit, "selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que
l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au
cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment[268]." A partir
d’ici, nous abordons les grâces supplémentaires que Dieu a préparées[269].
C’est un travail limité. D’incroyables surprises nous attendent. Parmi elles,
quelques-unes sont certaines.
Après
la résurrection de la chair, l’homme retrouve la plénitude des facultés
physiques, le sens du toucher inclus. En toute logique, la présence de ce corps
doit s’accompagner de la recréation d’un univers physique qui lui corresponde.
A l’heure dite, immédiatement après le retour du Christ, conjointement à la
résurrection des morts, il préparera la réalisation de bienfaits inimaginables
jusque dans notre sensibilité et notre corps, jusque dans le monde physique
qu’il transformera, pour que nous puissions admirer éternellement sa richesse
et sa beauté.[270]
Nous
ne pouvons nous faire une idée de l’énergie qu’il déploiera pour nous combler.
Dieu ressemblera à un fiancé enfin réuni à sa bien-aimée. Il ne sait que faire
pour elle. Il se donne à elle et cela suffit. Pourtant, il ajoute toutes les
folies que l’amour peut imaginer : des parures somptueuses, des royaumes, des
amis, des fleurs, des animaux... Dieu se comportera de la même façon, comme un
prince des contes, à la mesure de sa toute puissance. Il créera un univers
grandiose de telle façon que l’éternité ne nous suffira pas pour le visiter. A
vie éternelle de bonheur, Dieu fait correspondre un univers infini de beautés.
(Chose
certaine)
Il commencera son oeuvre en détruisant.
Saint Pierre nous décrit son action : "Il
viendra, le jour du Seigneur, comme un voleur. En ce jour, les cieux se
dissiperont avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, la terre avec
les oeuvres qu’elle renferme sera consumée[271]".
Comme tous les textes apocalyptiques, ce texte parle en premier lieu de notre
mort individuelle. Mais il décrit aussi la fin de notre planète. Dieu ne voudra
pas la laisser subsister car elle est souillée tout entière des restes de nos
péchés. Rien ne devra demeurer des immenses cités où l’homme a si rarement vécu
pour son prochain. Personne ne regrettera les cathédrales gothiques, qui furent
construites comme toute œuvre humaine dans un mélange d’orgueil et de sainteté,
où l’on priait si mal au temps où Dieu se cachait dans son eucharistie.
Personne ne voudra garder les immenses bibliothèques puisqu’on lira les
sciences à livre ouvert sur le visage de Dieu et dans la science des anges. Il
ne devra rien subsister du monde ancien, pas
pierre sur pierre[272], car
le monde nouveau le remplacera. Même les oeuvres faites par Dieu pour cette
terre disparaîtront. Les textes des Évangiles seront brûlés par le feu dont
parle saint Pierre[273] :
nous aurons le Christ lui-même, présent devant nos yeux. "Les prophéties ? Elles disparaîtront. Les
langues ? Elles se tairont. La science ? Elle disparaîtra. Car partielle est
notre science, partielle aussi notre prophétie. Mais quand viendra ce qui est
parfait, ce qui est partiel disparaîtra."[274]
(Chose
indécise tant la puissance de Dieu nous dépasse. Au lecteur de juger)
Après
la destruction de la terre, Dieu commencera à façonner un nouvel univers. Il
s’agira d’un univers physique, tout
autant que notre corps, mais adapté à sa nouvelle vie. Il sera donc comme lui
éternel, délivré de toute corruption et génération, dispensé de cette loi de
désagrégation (l’entropie) qui nous tient actuellement. C’est Dieu lui-même
qui, en le soutenant comme il soutiendra notre corps et le dispensera de se
nourrir, le rendra incorruptible. Nous comprendrons à cette heure l’utilité des
milliards de mondes dont nous apercevons la lumière la nuit par temps clair :
il existe des milliards d’étoiles parce que ces mondes sont préparés pour nous
après notre résurrection. Nous pourrons les visiter et qui sait ce que Dieu y
aura préparé en beauté, nouveauté et féerie ? Ces mondes sont-ils habités par
des créatures spirituelles ? Rien dans la révélation ne nous permet de
l’affirmer ou de le nier. De grands théologiens ont répondu non à cette question,
affirmant que nous étions le centre du monde : la preuve de ce fait leur
paraissait sauter aux yeux puisque le Verbe de Dieu s’est fait homme "pour nous". La réponse est
solide au moins en apparence. Mais elle oublie un détail : si le Verbe s’est
incarné[275],
c’est qu’il est capable de folies d’amour dont personne ne peut soupçonner la
limite. Rien ne l’a empêché de créer des anges et de les conduire à la vision
béatifique en un instant, dès le premier acte de leur amour pour lui. De même
qui peut affirmer en son nom qu’il est certain qu’il n’a pas mis, en chacune
des milliards de galaxies, des êtres dotés de vie spirituelle qu’il destine à
être nos compagnons de bonheur pour toujours ? Nous ne pouvons savoir avec
certitude qu’une chose : s’il les a créés, c’est qu’il veut se donner à eux
comme à nous et aux anges, dans le bonheur de sa présence. Comme à nous et aux
anges, il ne demandera qu’une condition : humilité et amour offert en retour.
Tous les arts, toutes les beautés de la terre
sembleront ternes en comparaison de la beauté de l’Au-delà. Puisque la beauté
est la rencontre vibrante d’un objet et d’une intelligence sensible, puisque
tout sera plus lumineux et que la sensibilité sera elle-même surélevée, les musiques
du paradis rendront grises toutes les anciennes musiques de la terre. Que sera
donc l’art de Jean-Sébastien Bach ressuscité ? Impossible d’en imaginer la
qualité, même en écoutant sa musique terrestre. Mais la musique sera bien là.
(Chose
indécise. Au lecteur de juger)
"La création tout entière gémit dans
l’attente de la révélation des fils de Dieu[277]".
"Voici que j’établis mon Alliance avec
vous et avec vos descendants après vous et avec tous les êtres animés qui sont
avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce
qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre[278]".
Nous allons maintenant traiter d’une question très
importante aux yeux des enfants, malheureusement déclarée comme négligeable par
des générations de théologiens, excepté ceux de la grande Ecole franciscaine
(saint Bonaventure) : que prévoit Dieu pour les animaux ?
Ne
vivent-ils pas sur la terre avec nous, mis par Dieu pour notre service ? Leur
rôle est multiple. Le plus important semble être leur témoignage involontaire,
mais réel de la richesse du Créateur[279].
Mais, à côté de cela, ils nous nourrissent de leur chair, ils font du bien par
leur présence aux personnes seules et angoissées, aux enfants en quête
d’équilibre. Ils servent de matériel d’expérience et, au moins pour ce qui est
des animaux supérieurs, ils font tout cela à travers une vie empreinte de
souffrance physique et psychique. Il serait faux de nier la souffrance des
animaux, même si elle n’est "que"
sensible et si le fait qu’ils n’ont pas d’esprit capable de réfléchir au sens
de leur vie, les dispense des souffrances spirituelles.
Jusque
dans les années 1970, la philosophie scolastique occidentale affirmait que les
animaux ne pouvaient pas survivre après leur mort, dans l’autre monde. "Ils n’ont pas comme nous une partie
d’eux-mêmes capable de survivre en absence du corps. Ils disparaissent
donc." De même, ils ne sont pas appelés par Dieu à la
vision béatifique : ils n’en ont aucun désir puisque Dieu est Esprit et qu’eux
ne sont faits que de chair[280].
Entre
temps, la découverte de la N.D.E.[281],
modifia considérablement les données. On s’aperçut que, au delà de la logique
du philosophe Aristote, la mort ne détruisait pas le "psychisme". Pour Aristote, l’homme
possède trois degrés de vie. Le corps
physique, palpable, est composé de chair. Il se décompose à la mort. Le psychisme est le siège des facultés
vitales qui nous sont communes avec les animaux. Selon lui, les facultés comme
les cinq sens, la mémoire des choses sensibles, l’imagination, l’intuition
animale disparaissaient nécessairement avec la destruction du cerveau qui
constitue leur organe. Pour lui, seul l’esprit
et ses deux facultés propres à l’homme (intelligence des choses immatérielles,
volonté libre) survit puisqu’il dépasse l’organe du cerveau.
Or le
vécu des mourants montrait tout autre chose. Ils survivaient en dehors de leur
corps et ils voyaient, ils entendaient… Depuis plusieurs millénaires les
religions anciennes telles que celle de l’Égypte antique ou de l’Inde
connaissaient la survie du psychisme humain. Elles affirmaient que les animaux,
étant doués eux-mêmes de psychisme, survivaient. Une religion encore plus
primitive telle que l’animisme, remontant aux chasseurs-cueilleurs, enseignait
des rituels pour s’excuser auprès des "esprits
animaux" de la nécessité de les avoir tués à la chasse. De cette manière,
les futures chasses n’étaient pas perturbées par l’avertissement des animaux
morts aux animaux vivants. Tout ceci indique une tradition profonde et aujourd’hui
philosophiquement accessible à la raison[282].
Que deviennent les animaux ? Pour répondre à la
question de leur présence dans le monde nouveau, et pour avoir avec certitude
la réponse juste, il existe un moyen original mais efficace. Il faut demander à
un enfant. Cette méthode théologique ne doit pas faire sourire. Elle est
conseillée par le Christ lui-même, puisqu’il affirme que les enfants qui ont su
garder une âme d’enfant, ont leur ange qui contemple sans cesse la face du Père[283]. Il faut lui poser la question suivante : "Si
tu étais à la place de Dieu et que tu avais le pouvoir de laisser les animaux
en vie ou de les ressusciter pour orner le monde nouveau, tout en les rendant
incapables de faire du mal aux autres animaux[284], le ferais-tu ?" La réponse fait si peu de
doute qu’il est inutile d’insister davantage.
Dieu
fera la même chose, pas seulement pour nous mais aussi pour eux afin qu’ils
puissent recevoir une compensation et un remerciement sensible pour les souffrances sensibles
endurées pour nous sur la terre[285]. Leur
paradis à eux ne sera pas la vision de Dieu mais notre présence. Comme cela
aurait dû être au paradis terrestre, ils seront attirés par la douceur des
saints, comme ils l’étaient déjà par celle de saint François d’Assise ou de
saint Antoine de Padoue.
De
plus, il convient que les créatures matérielles comme les animaux et les
plantes demeurent afin qu’il ne manque rien à la perfection de l’au-delà. En
effet, ce monde nouveau verra chaque chose atteindre sa fin qui est Dieu, selon
une hiérarchie adaptée au mode de chacun. L’ordre sera fondé sur la charité.
Dieu, qui est l’Amour incréée est au sommet. Puis viennent les créatures
spirituelles qui participent à la charité, c’est-à-dire les saints. Et le plus
élevé d’entre eux, dans cette hiérarchie nouvelle de la Jérusalem céleste,
c’est Jésus qui dans son humanité ne fait qu’un avec Dieu. Vient ensuite la
Vierge Marie dont l’amour de charité dépasse celui des anges. Elle a reçu une
plus grande participation à la gloire. L’ordre des créatures spirituelles,
c’est-à-dire des anges et des hommes s’en suit et n’est pas mesuré par la
perfection naturelle de chacun mais par sa perfection surnaturelle. Viennent
ensuite les êtres qui ne participent pas à la vision de l’Essence divine.
Certains en sont exclus par nature, comme les animaux, les plantes et le monde
minéral puisque ces réalités sont dépourvues de facultés spirituelles. D’autres
réalités sont exclues de la vision béatifique à cause d’un choix de leur
volonté. Les damnés constituent les êtres les plus bas, non à cause de leur
nature qui dépasse celle du monde matériel mais à cause de leur choix qui les
rend inférieurs aux biens qu’ils choisissent. Ainsi voit-on déjà sur la terre
des hommes pervertis se comporter d’une manière inférieure aux animaux. Et, par
leur existence, ils proclament comme le reste de la création la gloire de Dieu
qui laisse chacun libre de se séparer de lui. En conséquence, dans le monde
nouveau, aucun des éléments essentiels à sa perfection générale ne manquera[286].
Mais
Dieu ne se contentera pas des espèces ayant vécu sur terre, pourtant nombreuses
et diverses. Il multipliera à l’envie les merveilles au point que chaque
parcelle de l’univers sera... Mais il vaut mieux faire silence. Dieu se prépare[287].
Une
telle précision sur le destin des hommes après la mort étonne. D’où l’auteur
tient-il cela ? Aurait-il des entretiens secrets avec les morts ? Dans ce
chapitre, je voudrais expliquer à ceux qui se posent la question intellectuelle
de mes sources, à quel point le théologien fait un travail d’âne de charge,
mais d’âne du Christ. Il découvre par des voies abruptes et compliquées ce que
les enfants de Dieu savent depuis toujours, simplement en le fréquentant par la
prière.
Parmi tout ce qui a été raconté précédemment, je voudrais
insister sur un exemple : comment puis-je affirmer avec certitude que le Christ
apparaît devant les yeux physiques[288]
de tout homme, avec son corps lumineux, à l’heure de sa mort. Si vous êtes un simple
croyant, cela a pu vous paraître évident. Le cœur des fidèles ressemble à Jean
dans l’évangile, il court plus vite que Pierre. Une bretonne, née dans les
années 1930 dans le Finistère disait : "lorsque j’étais petite, notre curé
doyen nous enseignait au catéchisme que le Christ viendrait nous chercher à
l’heure de notre mort, accompagné de Marie et des saints..." Si vous êtes
théologien, vous avez du bondir. Vous n’avez pas tort. Ce point précis est le
fruit ultime d’une longue recherche et elle est loin d’être aboutie. Le
successeur de Pierre n’en a pas encore confirmé la vérité.
Lorsque
Jésus, le Verbe de Dieu fait homme, eut accompli son oeuvre, les théologiens se
mirent à réfléchir et eurent peur. La plupart des hommes leur semblaient être
voués, après la mort, à l’enfer éternel.
Ils
étaient réalistes : ils observèrent l’humanité à la lumière de la révélation et
ne purent que constater le fait suivant. Même parmi les hommes qui avaient
entendu parler de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, très peu étaient
capables d’en rester admiratifs toute leur vie. Beaucoup, après avoir été
réellement touchés par le message, finissaient par l’oublier. Ils n’y mettaient
pas de mauvaise volonté mais se laissaient le plus souvent accaparer par les
mille occupations de la vie. Ces chrétiens n’étaient plus aimants. Ils vivaient comme les païens qui les entouraient, à la
recherche de leur bien-être quotidien. Cette constatation est surprenante et
pourtant tout entière prévue par le Christ. Qu’on se souvienne du texte suivant
: "Il est large et spacieux le
chemin qui mène à la perdition et il en est beaucoup qui s’y engagent, mais
elle est étroite la porte et resserré le chemin qui mène à la vie et il en est
peu qui le trouvent[289]".
Se
souvenant que nul ne peut entrer dans la Vision béatifique s’il n’aime (Agapé) Dieu, ces théologiens se mirent
à comptabiliser autour d’eux ceux qui seraient éternellement damnés. Tout homme
chez qui on pouvait discerner la moindre parcelle d’amour d’amitié pour Dieu
leur paraissait apte à être sauvé. Les théologiens n’ignoraient pas que Dieu
saurait, après la mort, purifier cet amour aussi faible soit-il. Mais tout
homme qui n’aimait pas Dieu ainsi et qui mourait sans la charité leur sembla perdu définitivement. Le premier, saint
Augustin développa cette thèse, suivi par saint Thomas d’Aquin. En effet, il
était certain, et cela reste encore vrai, que l’amour de charité devait exister
dans l’homme avant sa mort. Très
vite, la parole du pape de Rome confirma leur intuition : le temps du choix est la vie terrestre. Après la mort vient le temps de
la réception du salaire. On le devine, les portes de l’enfer étaient
largement ouvertes. Elles étaient non seulement ouvertes pour les païens, mais
aussi pour les enfants morts sans baptême. La théologie des Limbes*, établie par saint Augustin, montre que ces
enfants ne peuvent qu’être séparés de Dieu pour l’éternité, quoique sans
souffrance, puisqu’ils sont morts sans la présence de Dieu qui leur aurait
permis d’être sauvés, c’est-à-dire d’épouser Dieu.
Pendant
des siècles, cette vision terrible alimenta les chrétiens. Il semble que cette
erreur (car c'en est une, dira un des successeurs de Pierre au XXème
siècle) plaisait à Dieu. En effet, paradoxalement, elle porta des fruits salutaires. Beaucoup, effrayés par la
perspective de l’enfer, se tournèrent vers Dieu. L’homme est ainsi fait que la
peur peut le convertir. Surtout, l’évangélisation des peuples ne se fit que
grâce à cette théologie, pour la même raison qui pousse aujourd’hui les témoins
de Jéhovah à s’user dans le porte à porte. Saint Dominique, par exemple,
passait des nuits entières à pleurer en suppliant Dieu : "Que deviendront les pauvres pécheurs ?"
Saint François Xavier partit évangéliser les Indes pour sauver quelques païens
de l’enfer. Jusqu’à aujourd’hui des milliers de missionnaires chrétiens (et
musulmans) partent poussés par ce désir du salut de leurs frères malchanceux.
Ce furent les fruits positifs, produits pourtant par une théologie de la peur.
Mais
cette théologie était-elle vraie ? Au XIXème siècle et surtout au XXème,
de grands auteurs théologiques se rendirent compte que beaucoup de ces
enseignements pourtant communément dispensés en chaire depuis des siècles
n’avaient jamais été confirmés officiellement par l’Église. Les papes, assistés
par l’Esprit Saint, qui en raison de son aide ne peuvent se tromper dans
l’enseignement de la foi, ne parlaient jamais par exemple de la damnation des
enfants morts sans baptême. Aucun dogme ne se prononçait sur la certitude de la
damnation des païens! Les théologiens montrèrent que beaucoup de ces conclusions
effrayantes n’étaient que l’opinion de certaines écoles du Moyen Age, opinions
certes logiques avec une partie de la foi catholique, mais certainement pas
avec la foi tout entière. C’est ce que comprenaient de mieux en mieux les
saints. Leur prière et leur méditation leur rendaient de plus en plus évident
cet aspect fondamental de la foi : "Après être mort sur la croix, comment
Dieu pourrait-il rejeter pour l’éternité certains de ses enfants "coupables" de nulle autre
chose que de ne pas avoir entendu parler de son existence durant leur vie
?" Le Curé d’Ars, Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée.
De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage), pour n’en citer que
quelques-uns, ne cessèrent de s’interroger, mais ne donnèrent pas de solution.
Alors beaucoup de prêtres devenus prudents choisirent de ne plus parler des
mystères de l’au-delà.
C’est
une attitude excessive, nous l’avons dit dans la préface. La solution est à
portée de main. Elle est nécessairement contenue dans l’Évangile ou dans la
Tradition de l’Église, puisque tout a été dit. C’est ce que l’Apocalypse de
saint Jean affirme[290] :
"Qui oserait y faire des surcharges,
Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre!"
Comment
la trouver ? Comment être sûr de dire ce que Dieu dit ? Dans le peuple
chrétien, depuis le Concile Vatican II, des voix s’y essayent mais vont trop
loin puisqu’elles balayent d’un revers de main 2000 ans de christianisme : "Dieu est amour, il ne peut rejeter
personne. Il pardonnera même à Lucifer. L’enfer ne peut être éternel."
La bonne volonté de ces cris est évidente. Mais quelque chose leur manque.
N’étant plus formés en théologie, ils recherchent dans des directions depuis
longtemps manifestées par l’Église comme des voies sans issue. Le péché de
Lucifer n’a que faire du pardon de Dieu[291]. Il n’est
pas pardonné car il se moque de l’être.
Ainsi,
pour éviter de partir sur de faux problèmes lorsqu’on veut faire de la
théologie, il est prudent de se souvenir sans cesse de ce qui suit : il existe
une méthode qui permet d’éviter la plupart des erreurs. C’est la méthode que
j’ai suivie. Au lecteur d’en juger.
(Chose
certaine et fondamentale)
La
seule autorité qui de manière absolue est certaine en matière de Révélation,
c’est la parole du Dieu unique et éternel.
Elle
est matérialisée dans la Bible en mots humains. Traduire des
vérités infinies par l’analogie de mots limités est impossible. C’est pourtant
le pari que Dieu a fait en s’adressant aux hommes à travers les paroles de
divers prophètes, puis en se faisant lui-même homme. Je me suis servi des
textes explicites de la Bible à chaque fois que cela a été possible. Mais, il
faut le reconnaître, je ne l’ai jamais fait de manière matérielle. Je n’ai
jamais dit par exemple que le feu de l’enfer dont parle Jésus était un feu
matériel. Pourquoi ai-je agi ainsi ? Parce que la Bible est un véritable
labyrinthe. Certains textes sont des images. D’autres parlent au sens propre.
Les protestants ont cru pouvoir discerner par eux-mêmes en s’appuyant sur le
texte seul. Ils espéraient se libérer de l’autorité des papes. Ils se sont
livrés pieds et mains liés aux interprétations de leurs divers chefs.
Il
existe heureusement une seconde source. Elle est une aide pratique que
catholiques et orthodoxes s’unissent à reconnaître. Il s’agit des saints canonisés et, en
particulier, des docteurs de l’Église. Nul
ne peut être canonisé sans avoir obtenu de Dieu, après sa mort, quelque miracle
remarquable. Un miracle n’est pas un simple prodige parapsychologique. C’est un
phénomène qui dépasse les lois de la nature et qui vient nécessairement de Dieu[292]. Si
Dieu manifeste qu’il bénit de cette manière certains théologiens morts, c’est
que leur théologie doit être plutôt bonne et vraie. C’est de cette manière que
la Tradition de l’Église n’a cessé de s’approfondir. A chaque fois que cela m’a
été possible, je me suis appuyé sur ces saints : Saint Thomas d’Aquin pour
l’ensemble de la théologie, sainte Catherine de Gênes[293] pour
le purgatoire, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus pour le destin des enfants
morts, etc. Tout cela paraît simple et imparable. Malheureusement, les plus
grands saints théologiens ne cessent de se contredire… Ils ont dit tout et
l’inverse. Saint Thomas d’Aquin, dominicain, ne crut jamais que Marie était l’Immaculée
Conception. Saint Bonaventure, franciscain, l’enseignait à la même époque.
C’est
pourquoi un dernier moyen utile et pratique a été prévu par
Jésus avant sa passion : il s’agit de la personne de Pierre. Il existe un
charisme particulier, donné à un homme marqué du sceau de l’autorité, pour
confirmer leurs frères dans leurs interprétations laborieuses de l’Écriture
Sainte. Jésus l’affirme à Pierre, le premier pape : "J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras revenu (de
ton reniement), affermis tes frères[294]".
Qu’on y croie ou non, on est obligé d’admettre que même les papes corrompus
sont restés infailliblement fidèles à la même foi. Ils ont établi fidèlement
les dogmes de l’Église, par centaines : "Cette
affirmation est vrai. Tu peux t’appuyer sur elle sans crainte."
Étant
catholique, j’ai fait le pari d’écouter l’Église. Ce n’est pas à la mode de nos
jours. Pourtant, à l’intersection de trois chemins (Enseignement des saints,
Écriture et confirmation de Pierre), j’ai trouvé quelque chose d’unique : là,
la Lumière et l’Amour, qui sont les marques de Dieu, s’unissaient.
Certains
dogmes sont, il faut le reconnaître, difficiles à comprendre et à accepter.
Ainsi, celui de l’éternité de l’enfer posait problème. Cependant, et c’est le
propre de la foi, il faut avoir l’audace en toute confiance d’adhérer à la
vérité de cet enseignement. Si Pierre a parlé, c’est que l’Esprit Saint a
confirmé par sa bouche. Relisez le chapitre sur l’enfer. Même l’enfer proclame
que Dieu est amour. C’est bon signe car rien, dans l’Évangile, ne se comprend
en dehors de cet amour.
(Le théologien
est un chercheur de la vérité tout entière)
Appuyé sur
cette méthode, voici comment il est possible de découvrir que "le Christ reviendra dans sa gloire juger les
vivants et les morts", non seulement à la fin du
monde, mais à l’heure de la mort de chacun.
Au cours de
son histoire, Pierre a confirmé des centaines de vérités sur la foi. Parmi elles,
quatre sont remarquables. Les grands théologiens du passé, saint Augustin,
saint Thomas d’Aquin, les connaissaient déjà.
"La vie éternelle, c’est te connaître,
toi le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus le Christ"[295].
En
termes simples, nous n’entrerons dans la Vision de Dieu que si nous l’épousons.
Il s’agira d’un vrai mariage, en toute connaissance et par amour, uniquement
par amour.
Face à
la crise de la Réforme qui enseignait que la confiance en Dieu suffisait au
salut, l’Église catholique fut conduite durant le Concile de Trente[296] à se
prononcer définitivement sur les conditions de l’entrée dans la vision de Dieu.
Il en sortit un texte dont la précision éclaire sans ambiguïté ce problème.
L’Écriture Sainte montre que nul ne peut
entrer dans le Royaume de Dieu s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint[297]. Que
signifie ce bain de régénération sans lequel l’homme reste séparé de Dieu,
éloigné de l’adoption filiale qu’il propose ? La réponse est sûre, précise le
Concile[298] :
c’est de l’amour qu’il s’agit, mais pas de n’importe quel amour. La confiance
de Luther (la foi) est nécessaire, mais elle ne suffit pas. Dieu veut faire de
nous son épouse. Il n’épouse pas une servante mais quelqu’un qui éprouve pour
lui une véritable amitié : intime,
réciproque et dans une tendresse d’égalité.
Avant
de nous pencher sur les confirmations solennelles apportées par l’Église, voici
un texte de l’Écriture Sainte : "Alors toute chair verra le salut de Dieu[299]".
La vérité de cette Parole de Dieu n’aurait pas besoin d’autre démonstration que
l’Évangile. Elle est l’Évangile. Celui qui médite sur la croix de Jésus, voit à
travers l’acte rédempteur du Dieu fait homme l’évidence de cette proposition[300].
Ceci
permet de rejeter sans équivoque les théories traditionnelles de saint Augustin
ou de saint Thomas d’Aquin sur les Limbes* éternelles des enfants morts sans baptême et sur la damnation des
païens. Il est impossible que ces humains soient séparés de Dieu à cause de leur seule ignorance de l’Évangile.
Il veut en effet proposer son salut à tout homme, donc il se révèle un jour ou
l’autre à tout homme. Il ne saurait tolérer qu’un être aimé de lui reste
éternellement dans l’ignorance de ce qu’il a voulu pour lui. Reste à savoir de
quelle manière Dieu procède pour sauver tous les hommes. En ce début de
troisième millénaire, Pierre n’a pas répondu autrement que par cette phrase
elliptique : "par un moyen que Dieu
connaît."
L’absence
de délai entre la séparation de l’âme et du corps (la mort) et le jugement
particulier par lequel Dieu donne à l’âme ce qu’elle mérite est une vérité de
foi qui ne laisse aux théologiens aucune autre alternative[301]. Nous
devons ce dogme à une définition solennelle du pape Benoît XII, à la suite de
sa controverse avec son prédécesseur Jean XXII[302]. Ce
document est "ex cathedra"
(solennellement marqué d’infaillibilité).
Nous
citons les extraits qui intéressent notre propos :
"Par la présente constitution, qui restera à
jamais en vigueur, et de notre autorité apostolique, Nous définissons que,
d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints qui ont
quitté ce monde sont au Ciel avec le Christ aussitôt après
leur mort et la purification dont nous avons parlé pour celles qui en
auraient besoin, avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement
général, et cela depuis l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au
Ciel.
En outre, nous définissons que, selon la
disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état de péché
mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer, où elles sont
tourmentées de peines infernales."
La
précision du langage scolastique de ce texte et la solennité de sa présentation
ne laisse aucun doute sur la vérité de ce qu’il définit. Nous le faisons donc
nôtre et admettons qu’il n’existe aucun délai entre la séparation de l’âme et
du corps (la mort au sens théologique du terme) et l’acquisition de son orientation
éternelle. A l’époque de saint Thomas d’Aquin ou de saint Augustin, si ce dogme
n’avait pas encore été
solennellement confirmé par Pierre, il n’en était pas moins connu. Il
paraissait évident aux anciens que l’homme n’est pleinement homme qu’avec son
corps. Il est aisé de comprendre maintenant pourquoi ils en arrivèrent à
conclure, souvent sans pouvoir l’expliquer mais par fidélité à leur foi, à la
damnation éternelle de millions de païens et de nouveau-nés. Si toute personne
humaine qui meurt sans la charité est aussitôt
conduite en enfer éternel, il n’y a plus d’espoir à avoir pour les incroyants
et les enfants non baptisés. L’absence de délai, l’impossibilité apparente
d’une ultime prédication à l’heure de la mort (l’inconscience de l’agonisant
étant, selon eux, expérimentalement prouvée), doivent mener vers cette
conclusion.
Mais
n’ont-ils pas oublié une pièce du puzzle, qui rendrait
tout limpide et simple ? Nous ne pouvons manquer d’admirer, tout en rejetant
leur thèse, la foi de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin qui les amène à
adhérer à un mystère que leur charité ne comprend pas.
Ce
dogme n’est que la conséquence des précédents : si Dieu propose à tous le
salut, à travers la "prédication" de l’Évangile[303],
puisque ce salut consiste en une charité choisie (Trente), puisque d’autre part
aussitôt après la mort (Benoît XII), l’âme reçoit ce qu’elle mérite, c’est donc
que l’Évangile lui est prêché avant la
mort.
Nous
ne disposons malheureusement, dans les Évangiles, à l’appui de cette vérité que
des textes de type apocalyptique. La difficulté de ces textes est qu’ils
englobent en un seul regard des réalités diverses comme la ruine du temple de
Jérusalem, la mort individuelle, la fin des sociétés, la fin du monde. Parmi
les textes de ce genre, on peut citer Matthieu 24, 14 : "Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera
proclamée dans le monde entier en témoignage à la face de toutes les nations.
Et alors viendra la fin." Appliqué à la mort individuelle, il pourrait
être ainsi traduit : l’Évangile sera prêché à tout homme puis viendra sa mort.
La constitution de Benoît XII, éclairée par les autres points de la foi que
nous avons développés, permet de conclure, avec une certitude que donne la
confiance en l’amour de Dieu (qui ne
saurait permettre qu’un homme soit damné sans liberté) et en la vérité de Dieu (qui ne saurait
permettre que le Magistère de l’Église se soit trompé aussi gravement sur
"l’aussitôt après la mort"),
à la proposition suivante : Tout homme reçoit durant sa vie terrestre la
proposition explicite du salut.
Si
notre confiance en Dieu adhère à cette dernière vérité, elle le fait avec
grande difficulté à cause de l’énorme contradiction que semble apporter
l’expérience. Le Christ lui-même manifeste que c’est une contre vérité
(apparente), au moins pour les hommes qui vécurent avant sa venue : "En vérité je vous le dis, il en est beaucoup
qui auraient voulu voir un seul des jours que vous voyez et ne l’ont pas
vu."
Là se
trouve la difficulté de la foi des fidèles et des théologiens attentifs au
salut de leurs frères : de fait, Dieu se
tait. Beaucoup meurent en ne soupçonnant rien de son amour. Encore faut-il
admettre avec réalisme le scandale. S’ils ignorent la possibilité de la
charité, c’est qu’ils meurent sans être entrés dans le salut selon saint Paul :
"Comment l’invoquer sans d’abord
croire en lui ? Et comment croire en lui sans d’abord l’entendre ? Et comment
entendre sans prédicateur ? [304]".
Même en imaginant que depuis l’Incarnation du Christ, toutes les nations de la
terre aient entendu parler de la Bonne Nouvelle, la question n’en serait pas
résolue : Comment expliquer le retard entre le péché originel et la Rédemption
? A cette époque, tous les hommes sauf exception notoire mouraient en ignorant
totalement tout de la charité de Dieu. Il leur était bien sûr impossible de
l’aimer de charité en retour et ils entraient dans la mort avec une grande
frayeur de l’injustice et de la dureté "des dieux". De même, dans les
chrétientés les plus ferventes, qui peut prétendre avoir saisi toute l’urgence
du message ? La vie est longue, les soucis multiples et Dieu bien loin. Saint
Thomas d’Aquin faisait à la suite d’Aristote cette réflexion désabusée : "la plupart vivent dans le sensible.[305]"
Cette
tension entre la foi qui enseigne solennellement que Dieu propose à tout homme
le salut durant sa vie terrestre et la constatation
expérimentale du fait inverse est source de trouble. Souvenons-nous du trouble
analogue qui saisit la
réflexion juive dans l’Ancien Testament où une foi enseignait sans ambiguïté
que "Dieu comble de biens les hommes
droits et renvoie les riches les mains vides" et la constatation
quotidienne de l’inverse. Il fallut plusieurs ruines et déportations d’Israël
pour que certains comprennent que Dieu n’a pas la logique de l’homme. C’est
ainsi que le théologien procède. L’opposition apparente entre foi et réalité,
loin d’être une torture, constitue le lieu des découvertes. Nous disions
précédemment que la foi et l’expérience ne peuvent entrer en contradiction,
Dieu étant Créateur de tout ce qui est connu par la foi ou par l’expérience. La
lumière en jaillit.
Saint
Paul lui-même écrit dans l’Épître aux Romains[306],
qu’un homme ne peut devenir disciple du Christ sans qu’un missionnaire ait été
lui prêcher ce mystère auparavant. En conséquence, puisque l’Évangile n’est pas
prêché à tous les hommes dans ce que nous voyons de leur vie terrestre mais
qu’il est certain qu’il est prêché, c’est donc que cette prédication a lieu
dans ce que nous ne voyons pas de la vie terrestre, à savoir à l’heure de la
mort, dans les instants qui précèdent la séparation de l’âme et du corps.
Il faut admettre que tout homme reçoit, avant
sa mort, la révélation qui lui permet de choisir et d’aimer Dieu. S’il ne la
reçoit pas pendant le temps que nous voyons de sa vie terrestre, c’est donc
qu’il la reçoit dans le temps que nous ne voyons pas : l’heure de sa mort.
Le
schéma suivant résume les étapes de la vie :
vision
béatifique
Conception naissance vie
terrestre mort et venue du Christ choix
(-9 mois) (première mort) enfer (deuxième mort)
Tout
cela vous a paru compliqué. C’est ainsi. Le théologien trouve ce qui était
évident depuis longtemps au simple croyant. S’il fait son travail
d’intellectuel humblement, il finit par recevoir de Dieu une confirmation. Une
simple enfant vient lui montrer qu’il a bien servi. Il faut citer par exemple
les écrits de sainte Faustine[307],
une simple religieuse polonaise, sur ce thème :
"J’accompagne souvent les âmes agonisantes et
je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je supplie Dieu de leur
donner toute la grâce divine, qui est toujours victorieuse. La miséricorde
divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment, d’une manière
étrange et mystérieuse. A l’extérieur nous croyons que tout est perdu, mais il
n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême,
se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle
reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle ne nous
donne à l’extérieur, aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne
réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est
insondable.
Mais horreur! Il y a aussi des âmes, qui
volontairement et consciemment rejettent cette grâce et la dédaignent. C’est
déjà le moment même de l’agonie, mais Dieu, dans sa miséricorde, donne à l’âme
en son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la
possibilité de revenir à Dieu. Mais parfois il y a des âmes d’une telle dureté
de cœur, qu’elles choisissent consciemment l’Enfer. Elles font échouer non
seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur
intention, mais même aussi les efforts divins[308]".
Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte
canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage) affirmait
que la mort ainsi comprise, pouvait durer longtemps, jusqu’à trois jours, et
qu’il fallait prier pour les défunts à cette heure là car tout se jouait pour
eux.
C’est autour de cette théologie si concordante avec
ce que nous avons jusqu’ici dit de Dieu, que nous avons raconté comment se
passe la mort et ce qui la suit.
Il suffit
d’aimer
Le
Christ enseigne qu’il n’y aura plus de mariage dans l’autre monde[309].
Cette parole pose parfois problème à ceux qui s’aiment. Ils peuvent se
rassurer. Elle ne veut pas dire que la femme n’aimera plus son mari au Ciel ou
la mère son enfant. Bien au contraire, ces amours et leur motif terrestre
demeureront comme ils demeurent aujourd’hui entre Marie, Joseph et Jésus. Mais,
dans la Vision béatifique, le cœur de chacun s’ouvrira à l’infini au point que
l’amour qui unit chacun sera plus que le plus beau des mariages terrestres. On
sera en fait infiniment marié avec
tous, chacun étant aimé pour lui-même en Dieu. Chaque prochain sera aimé par
chacun, comme s’il était unique. C’est une réalité céleste, absolument
impossible sur terre. Loin de détruire l’amour de la terre, cet amour divin le
transfigurera dans des proportions infinies. Cette communauté parfaite,
l’Église du ciel, sera une véritable Communion
des saints.
"Et ils verront sa Face,
Et son Nom sera inscrit sur leur front.
De nuit, il n’y en aura plus.
On se passera
de la lampe pour s’éclairer
Car le Seigneur Dieu répandra sa lumière,
Et ils seront Rois pour les siècles des siècles.[310]"
Cette annexe
permet au lecteur de se faire une idée de ce que l’Église a officiellement
défini comme sa foi et de le comparer à ce que peut en dire un théologien en
écoutant non seulement les saints canonisés mais aussi sa fidélité à l’Église, unie
à sa raison.[311]
Animaux : Rien dans les textes du
Magistère de l’Église n’a été dit quant à leur hypothétique survie après leur
mort ou leur présence dans le monde nouveau. Une seule chose est sûre : ils
n’ont pas d’esprit donc aucun désir de vie spirituelle (vision béatifique).
Seuls quelques saints en ont parlé pour nier leur présence (saint Thomas
d’Aquin) ou l’affirmer (saint Bonaventure). Une entière liberté est laissée à
chacun. C.D.C. n°1046 "Quant au cosmos, la Révélation
affirme la profonde communauté de destin du monde matériel et de l’homme :
"Car la création en attente aspire à la révélation des fils de Dieu...
avec l’espérance d’être elle aussi libérée de la servitude de la corruption....
Nous le savons en effet, toute la création jusqu’à ce jour gémit en travail
d’enfantement. Et non pas elle seule; nous-mêmes qui possédons les prémices de
l’Esprit, nous gémissons nous aussi intérieurement dans l’attente de la
rédemption de notre corps. " (Romains 8, 19-23)."
C.D.C. n°2416 "Les animaux sont des créatures de Dieu. Celui-ci les entoure de sa
sollicitude providentielle (cf. Matthieu 6, 26). Par leur simple existence, ils
le bénissent et lui rendent gloire (cf. Daniel 3, 57-58). Aussi les hommes leur
doivent-ils bienveillance. On se rappellera avec quelle délicatesse les saints,
comme saint François d’Assise ou Saint Philippe Neri, traitaient les
animaux."
Blasphème contre le Saint Esprit : C.D.C. n°1037 "Dieu ne prédestine
personne à aller en enfer (cf. DS 397; 1567); il faut pour cela une aversion
volontaire de Dieu ( un péché
mortel ), et y persister jusqu’à
la fin. Dans la liturgie eucharistique et dans les prières quotidiennes de ses
fidèles, l’Église implore la miséricorde de Dieu, qui veut "que personne
ne périsse, mais que tous arrivent au repentir"." C.D.C. n°1031 "Pour ce qui est de
certaines fautes légères, il faut croire qu’il existe avant le jugement un feu
purificateur, selon ce qu’affirme Celui qui est la Vérité, en disant que si
quelqu’un a prononcé un blasphème contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera pardonné ni dans ce
siècle-ci, ni dans le siècle futur (Matthieu 12, 31). Dans cette sentence nous
pouvons comprendre que certaines fautes peuvent être remises dans ce siècle-ci,
mais certaines autres dans le siècle futur (saint Grégoire le Grand, dial. 4,
39)."
Charité possédée pendant la vie terrestre : C.D.C. n°2001 "La préparation de
l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce. Celle-ci est
nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la justification par
la foi et à la sanctification par la charité."
Conditions du salut : Voir sixième session du Concile de
Trente. "La foi dispose au
salut, ainsi que l’humilité, le repentir, l’espérance. Mais la charité seule,
qui est une amitié réciproque pour Dieu, fondée sur la foi, fait entrer dans le
salut et mérite la vie éternelle."
Enfer : C.D.C. n°1033 "Nous ne pouvons pas être unis à
Dieu à moins de choisir librement de l’aimer. Mais nous ne pouvons pas aimer
Dieu si nous péchons gravement contre Lui, contre notre prochain ou contre
nous-même : "Celui qui n’aime pas demeure dans la mort. Quiconque hait son
frère est un homicide; or vous savez qu’aucun homicide n’a la vie éternelle
demeurant en lui" (1 Jean 3, 15). Notre Seigneur nous avertit que nous
serons séparés de Lui si nous omettons de rencontrer les besoins graves des
pauvres et des petits qui sont ses frères (cf. Matthieu 25, 31-46). Mourir en
péché mortel sans s’en être repenti et sans accueillir l’amour miséricordieux
de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix
libre. Et c’est cet état d’auto exclusion définitive de la communion avec Dieu
et avec les bienheureux qu’on désigne par le mot "enfer"."
C.D.C. n°1035 "L’enseignement de
l’Église affirme l’existence de l’enfer et son éternité. Les âmes de ceux qui
meurent en état de péché mortel descendent immédiatement après la mort dans les
enfers, où elles souffrent les peines de l’enfer, "le feu éternel"
(cf. DS 76; 409; 411; 801; 858; 1002; 1351; 1575
Feu de l’enfer : C.D.C. n°1034 "Jésus parle souvent de la
"géhenne" du "feu qui ne s’éteint pas" (cf. Matthieu 5, 22.
29; 13, 42. 50; Marc 9, 43-48), réservé à ceux qui refusent jusqu’à la fin de
leur vie de croire et de se convertir, et où peuvent être perdus à la fois
l’âme et le corps (cf. Matthieu 10, 28). Jésus annonce en termes graves qu’il
"enverra ses anges, qui ramasseront tous les fauteurs d’iniquité..., et
les jetteront dans la fournaise ardente" (Matthieu 13, 41-42), et qu’il
prononcera la condamnation : "Allez loin de moi, maudits, dans le feu
éternel!" (Matthieu 25, 41)."
Heure de la mort : L’Église catholique à travers son Magistère romain affirme que les
païens et les non chrétiens peuvent être sauvés, même s’ils meurent de fait
sans la foi donc sans la grâce sanctifiante et la charité théologale. Elle dit
que cela se fait par "un moyen que Dieu connaît"
(Concile Vatican II, ). Mon hypothèse sur la
Parousie* du Christ dans le moment de la mort (pas après la mort) prétend résoudre ce mystère. (Voir aussi salut des
païens).
Jugement particulier : C.D.C. n°1021 "La mort met fin à la vie de
l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine
manifestée dans le Christ (cf. 2 Timothée 1, 9-10). Le Nouveau Testament parle
du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le
Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la
rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de
sa foi. La parabole du pauvre Lazare (cf. Luc 16, 22) et la parole du Christ en
Croix au bon larron (cf. Luc 23, 43), ainsi que d’autres textes du Nouveau
Testament (cf. 2 Corinthiens 5, 8; Philippiens 1, 23; Hébreux 9, 27; 12, 23)
parlent d’une destinée ultime de l’âme (cf. Matthieu 16, 26) qui peut être
différente pour les unes et pour les autres."
C.D.C. n°1022 "Chaque homme reçoit dans son âme
immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui
réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification (cf. Concile Lyon : DS
857-858; Concile Florence : DS 1304-1306; Concile Trente : DS 1820), soit pour
entrer immédiatement dans la béatitude du ciel (cf. Benoît XII : DS 1000-1001;
Jean XXII : DS 990), soit pour se damner immédiatement pour toujours (cf.
Benoît XII : DS 1002). Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour
(saint Jean de la Croix, dichos 64)"
Limbes des enfants : Concile de Lyon : "Les âmes de ceux qui
meurent en état du seul péché originel, descendent immédiatement en enfer où
elles reçoivent cependant des peines inégales." C.D.C. n°1261 "Quant aux enfants morts sans Baptême, l’Église ne peut que les confier à la
miséricorde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funérailles pour eux.
En effet, la grande miséricorde de Dieu qui veut que tous les hommes soient
sauvés (cf. 1 Timothée 2, 4), et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui
lui a fait dire : "Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez
pas" (Marc 10, 14), nous permettent d’espérer qu’il y ait un chemin de
salut pour les enfants morts sans baptême. D’autant plus pressant est aussi
l’appel de l’Église à ne pas empêcher les petits enfants de venir au Christ par
le don du saint Baptême."
Monde nouveau : C.D.C. n°1042 "A la fin des temps, le Royaume de
Dieu arrivera à sa plénitude. Après le jugement universel, les justes règneront
pour toujours avec le Christ, glorifiés en corps et en âme, et l’univers
lui-même sera renouvelé : "Alors l’Église sera consommée
dans la gloire céleste, lorsque, avec le genre humain, tout l’univers lui-même,
intimement uni avec l’homme et atteignant par lui sa destinée, trouvera dans le
Christ sa définitive perfection." (Concile Vatican II, LG 48)."
C.D.C. n°1043 "Cette rénovation mystérieuse, qui
transformera l’humanité et le monde, la Sainte Écriture l’appelle "les
cieux nouveaux et la terre nouvelle" (2 Pierre 3, 13; cf. Apocalypse 21,
1). Ce sera la réalisation définitive du dessein de Dieu de "ramener
toutes choses sous un seul Chef, le Christ, les êtres célestes comme les
terrestres" (Ephésiens 1, 10)."
C.D.C. n°1044 "Dans cet "univers nouveau" (Apocalypse 21, 5), la Jérusalem
céleste, Dieu aura sa demeure parmi les hommes. "Il essuiera toute larme
de leurs yeux; de mort, il n’y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il
n’y en aura plus, car l’ancien monde s’en est allé" (Apocalypse 21, 4; cf.
21, 27)."
C.D.C. n°1047 "L’univers visible est donc
destiné, lui aussi, à être transformé, "afin que le monde lui-même,
restauré dans son premier état, soit, sans plus aucun obstacle, au service des
justes", participant à leur glorification en Jésus-Christ ressuscité (saint
Irénée, hær. 5, 32, 1)."
Mort chrétienne : C.D.C. n°1012 "(cf. 1 Timothée 4, 13-14) Elle est exprimée de façon privilégiée dans la
liturgie de l’Église : "Pour tous ceux qui croient en toi, Seigneur, la vie n’est pas détruite,
elle est transformée; et lorsque prend fin leur séjour sur la terre, ils ont
déjà une demeure éternelle dans les cieux (MR, Préface des défunts)."
C.D.C. n°1013 "La mort est la fin du pèlerinage
terrestre de l’homme, du temps de grâce et de miséricorde que Dieu lui offre
pour réaliser sa vie terrestre selon le dessein divin et pour décider son
destin ultime. Quand a pris fin "l’unique cours de notre vie
terrestre" (Concile Vatican II, LG 48), nous ne reviendrons plus à
d’autres vies terrestres. "Les hommes ne meurent qu’une fois"
(Hébreux 9, 27). Il n’y a pas de "réincarnation" après la mort."
C.D.C. n°1014 "L’Église nous encourage à nous
préparer pour l’heure de notre mort ( "Délivre-nous,
Seigneur, d’une mort subite et imprévue" : Litanie des saints), à demander à la Mère de Dieu
d’intercéder pour nous "à l’heure de notre mort" (Prière "Ave
Maria"), et à nous confier à saint Joseph, patron de la bonne mort : "Dans toutes tes actions, dans toutes tes pensées tu devrais te comporter
comme si tu devais mourir aujourd’hui. Si ta conscience était en bon état, tu
ne craindrais pas beaucoup la mort. Il vaudrait mieux se garder de pécher que
de fuir la mort. Si aujourd’hui tu n’es pas prêt, comment le seras-tu demain ?
(Imitation du Christ 1, 23, 1)." "Loué sois-tu, mon
Seigneur, pour sœur notre mort corporelle, à qui nul homme vivant ne peut
échapper. Malheur à ceux qui mourront dans les péchés mortels, heureux ceux
qu’elle trouvera dans ses très saintes volontés, car la seconde mort ne leur
fera pas mal (Saint François d’Assise, cant. )."
Paradis : C.D.C. n°1023 "Les âmes qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont
parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour
toujours semblables à Dieu, parce qu’ils le voient "tel qu’il est" (1
Jean 3, 2), face à face (cf. 1 Corinthiens 13, 12; Apocalypse 22, 4)."
C.D.C. n°1024 "Cette vie parfaite avec la Très
Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge
Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée "le ciel". Le
ciel est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de
l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif."
C.D.C. n°1025 Vivre au ciel c’est "être avec le Christ" (cf. Jean 14, 3;
Philippiens 1, 23; 1 Thimotée 4, 17). Les élus vivent "en Lui", mais
ils y gardent, mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom (cf.
Apocalypse 2, 17) : "Vita est enim esse cum
Christo; ideo ubi Christus, ibi vita, ibi regnum (Saint Ambroise, Luc. 10, 121
C.D.C. n°1026 "Par sa mort et sa Résurrection
Jésus-Christ nous a "ouvert" le ciel. La vie des bienheureux consiste
dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée par le
Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en Lui et qui
sont demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel est la communauté bienheureuse de
tous ceux qui sont parfaitement incorporés à Lui."
Parousie du Christ : L’Église en
fait sa foi dès les premières élaborations du Credo. Mais elle pense
habituellement à la fin du monde, pas à l’heure de la mort. C.D.C. n°1040 "Le jugement dernier interviendra
lors du retour glorieux du Christ. Le Père seul en connaît l’heure et le jour,
Lui seul décide de son avènement. Par son Fils Jésus-Christ Il prononcera alors
sa parole définitive sur toute l’histoire. Nous connaîtrons le sens ultime de
toute l’œuvre de la création et de toute l’économie du salut, et nous
comprendrons les chemins admirables par lesquels Sa Providence aura conduit
toute chose vers sa fin ultime. Le jugement dernier révélera que la justice de
Dieu triomphe de toutes les injustices commises par ses créatures et que son
amour est plus fort que la mort (cf. Cantique 8, 6)."
Purgatoire : C.D.C. n°1030 "Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement
purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une
purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du
ciel."
C.D.C. n°1031 "L’Église appelle Purgatoire cette purification finale des
élus qui est tout à fait distincte du châtiment des damnés. L’Église a formulé
la doctrine de la foi relative au Purgatoire surtout aux Conciles de Florence
(cf. DS 1304) et de Trente (cf. DS 1820; 1580). La tradition de l’Église,
faisant référence à certains textes de l’Écriture (
Résurrection de la chair : C’est l’un des
premiers dogmes apostoliques : "Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre
foi." (saint Paul aux 1 Corinthiens, 15, 14). C.D.C. n°988 "Le Credo chrétien - profession de
notre foi en Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, et dans son action
créatrice, salvatrice et sanctificatrice - culmine en la proclamation de la
résurrection des morts à la fin des temps, et en la vie éternelle."
C.D.C. n°992 "La résurrection des morts a été
révélée progressivement par Dieu à son Peuple. L’espérance en la résurrection
corporelle des morts s’est imposée comme une conséquence intrinsèque de la foi
en un Dieu créateur de l’homme tout entier, âme et corps. Le créateur du ciel
et de la terre est aussi Celui qui maintient fidèlement son Alliance avec
Abraham et sa descendance. C’est dans cette double perspective que commencera à
s’exprimer la foi en la résurrection. Dans leurs épreuves, les martyrs
Macchabées confessent : "Le Roi du monde nous ressuscitera
pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois (2 M 7, 9). Mieux vaut
mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l’espoir d’être ressuscité par
lui (2 Maccabées 7, 14; cf. 7, 29; Daniel 12, 1-13)."
C.D.C. n°993 "Les Pharisiens (cf. Actes 23, 6) et bien des contemporains du Seigneur
(cf. Jean 11, 24) espéraient la résurrection. Jésus l’enseigne fermement. Aux
Sadducéens qui la nient il répond : "Vous ne connaissez ni les Ecritures
ni la puissance de Dieu, vous êtes dans l’erreur" (Marc 12, 24). La foi en
la résurrection repose sur la foi en Dieu qui "n’est pas un Dieu des
morts, mais des vivants" (Marc 12, 27)."
Salut des païens : C.D.C. n°1260 ""Puisque le Christ est mort
pour tous, et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à
savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la
possibilité d’être associé( s ) au mystère pascal" (Concile
Vatican II, GS 22; cf. Concile Vatican II, LG 16; AG 7). Tout homme qui,
ignorant l’Evangile du Christ et son Église, cherche la vérité et fait la
volonté de Dieu selon qu’il la connaît, peut être sauvé. On peut supposer que
de telles personnes auraient désiré
explicitement le Baptême si elles en avaient connu la nécessité. Mon
hypothèse sur la Parousie* du Christ dans le moment de la
mort prétend résoudre le mystère de "cette façon que Dieu
connaît".
Vision béatifique : C.D.C. n°1027 "Ce mystère de communion bienheureuse avec Dieu et avec tous ceux qui sont
dans le Christ dépasse toute compréhension et toute représentation. L’Écriture
nous en parle en images : vie, lumière, paix, festin de noces, vin du royaume,
maison du Père, Jérusalem céleste, paradis : "Ce que l’œil n’a pas vu, ce
que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout
ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment" (1 Corinthiens 2, 9)."
C.D.C. n°1028 "A cause de sa transcendance, Dieu
ne peut être vu tel qu’Il est que lorsqu’il ouvre lui-même son Mystère à la
contemplation immédiate de l’homme et qu’Il lui en donne la capacité. Cette
contemplation de Dieu dans sa gloire céleste est appelée par l’Église "la
vision béatifique" : "Quels ne seront pas ta gloire et
ton bonheur : être admis à voir Dieu, avoir l’honneur de participer aux joies
du salut et de la lumière éternelle dans la compagnie du Christ le Seigneur ton
Dieu,... jouir au Royaume des cieux dans la compagnie des justes et des amis de
Dieu, les joies de l’immortalité acquise (Saint Cyprien, épître 56, 10, 1
PROPOSITION DE PAGE DE COUVERTURE
Vous
désirez connaître ce qui se passe de l’autre côté du voile. Vous ne désirez pas
la parole de tel ou tel théologien mais celle de l’Église catholique dans la
plus grande profondeur de ses richesses. Ce livre est fait pour vous.
Il
existe dans les trésors révélés tout un riche enseignement sur les événements
futurs. Ces événements se racontent de
manière simple. Ils constituent la fin de l’histoire de chacun, le chapitre qui
manque pour comprendre la fragile vie d’ici-bas. A l’école des trois grandes
sources que sont pour l’Église l’Écriture,
les saints et les papes, voici le récit de la suite de notre histoire,
celle qui ne se voit pas. Nous sommes à
la veille d’une autre vie, d’un autre esprit, d’un autre langage, d’un plus
grand amour pour Dieu. L’intensité des merveilles qui nous attendent est
inimaginable. Mais l’essentiel de leur nature nous a été révélé.
Certaines
pièces manquent à ce récit, comme un vitrail dont des parties seraient encore
voilées. On peut citer en particulier "ce moyen que Dieu connaît" dont
parle le Concile Vatican II, par lequel le salut est proposé à tous les hommes,
mêmes aux païens. L’auteur s’est efforcé de le reconstituer. Pour cela, il
s’est mis à l’école de l’esprit du plus grand des docteurs catholiques, saint
Thomas d’Aquin. Il était le maître qui
unissait la foi et la raison. Il faisait confiance à la philosophie quand
elle apportait une meilleure connaissance du réel, sans jamais quitter la
Révélation enseignée par l’Église.
La
certitude de ce qui est à venir est nommée en théologie espérance. Ici, l’espérance est racontée.
Arnaud Dumouch est marié et père de famille. Il
enseigne la religion catholique en Belgique. Il a entrepris la préparation
d’une thèse de théologie : "A
l’heure de la mort et à la fin du monde ?" Ce livre en est un des fruits.
Vos questions et remarques : a.dumouch@hotmail.com
[1] Un récent document romain "Ad
Tuendam fidem » publié le 18 mai 1998, rappelle que la canonisation
des saints engage l’autorité infaillible de l’Église (Voir commentaires du
Cardinal Ratzinger, par. 11). Mieux encore, l'Eglise affirme que, dans une
canonisation, c’est Dieu lui-même qui engage son autorité puisque la procédure
nécessite des miracles venant de lui. Le mépris où sont parfois tenus les
écrits des saints est plus qu’une erreur théologique, c’est une folie. Leur
enseignement n’est donc pas à mettre au même niveau que celui des simples
théologiens, même s’ils ne sont pas exempts d’erreurs.
[2] C’est-à-dire des papes ou des
conciles unis aux papes.
[3] Matthieu 24, 27.
[4] D’où le Nihil Obstat et l’Imprimatur
qu’a obtenu ce livre.
[5] … qui est une
sainte canonisée. De ce fait, ses écrits ont une certaine autorité, d’un degré
bien sûr inférieur à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église.
" J’accompagne souvent les âmes
agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je
supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victorieuse.
La miséricorde divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment,
d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur nous croyons que tout est
perdu, mais il n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la
grâce suprême, se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un
instant elle reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle
ne nous donne à l’extérieur, aucun signe de repentir ou de contrition, car elle
ne réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est
insondable.
Mais horreur! Il y a aussi des âmes, qui
volontairement et consciemment rejettent cette grâce et la dédaignent. C’est
déjà le moment même de l’agonie, mais Dieu, dans sa miséricorde, donne à l’âme
en son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la
possibilité de revenir à Dieu. Mais parfois il y a des âmes d’une telle dureté
de cœur, qu’elles choisissent consciemment l’Enfer. Elles font échouer non
seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur
intention, mais même aussi les efforts divins. » Journal de sœur Faustine, édition Hovine 1985, p. 542.
[6] Jean 16,
13 rapporte une parole de Jésus : "Mais quand il viendra, lui,
l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne
parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous
dévoilera les choses à venir. » Cette phrase constitue l’explication de la
lente redécouverte au cours de l’histoire de vérités qui avaient pourtant été
enseignées en pleine lumière aux premiers chrétiens et aux apôtres. Je pense
que Jésus a maintenu volontairement caché au cœur de la Révélation durant 2000
ans la manière dont il sauve les païens. Si les missionnaires avaient su que le
Christ venait prêcher lui-même l’Évangile à l’heure de leur mort, ils ne se
seraient pas angoissés pour le sort des païens. Et, sans cette angoisse
d’amour, leur zèle missionnaire aurait-il été aussi fort ?
[7] Les fameuses N.D.E., Near Death
Experience, misent en lumière par le Docteur Raymond Moody, La vie après
la vie.
[8] 9 janvier 1949, Clémence Ledoux,
fondatrice de la Fraternité de Marie-Reine Immaculée, 1888-1966.
[9] Leur vrai nom théologique est
"le Non-né, le Verbe et l’Amour »
[10] Certains
théologiens nient que Dieu puisse être humble, lui qui est le Tout-puissant.
Ils n’ont pas tort. Dieu n’est pas humble. Il est humble "à la
folie ». L’humilité est en effet une certaine vérité qui fait que chacun
se situe à sa juste place. Ainsi, un homme humble reconnaît en vérité ses
qualités et défauts, sans s’élever ni s’abaisser excessivement. Dire par
exemple : "Je suis moins doué que toi en maths » alors que ce n’est
pas vrai, n’est qu’apparence d’humilité. Dans ce cas, une forme de vanité
cachée provoque un complexe d’infériorité.
Selon cette définition, Dieu étant l’infinie
perfection de toutes les vertus, il serait humble s’il disait : "Les
hommes sont néant devant moi. » La théologie des musulmans est, à cet
égard, très juste et précise. Pourtant… nous avons reçu une autre révélation :
Dieu se considère comme moins que nous au point de s’abaisser non seulement à
devenir homme mais à perdre apparence humaine… Ce n’est plus de l’humilité,
c’est de la folie ! Un texte précieux le confirme, dans l’évangile de Jean
: "Je suis le maître et le Seigneur,
dit Jésus à Pierre (Jean 13, 15). Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le
Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux
autres. Car c’est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous
aussi, comme moi j’ai fait pour vous. » Ce jour-là, au grand scandale
de Pierre, Jésus révéla aux hommes l’autre mystère scandaleux du cœur de Dieu,
outre son amour infini, son humilité. "Lui, de condition divine, ne
retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit
lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes.
S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la
mort, et à la mort sur une croix ! » Philippiens 2, 6.
[11] Il en est de même pour cet amour
interne à la Trinité. La Révélation nous a montré qu’il n’est pas
"normal »… Aimer ses amis est chose normale. Or Dieu va jusqu’à
donner sa vie… pour ses ennemis. Cela fait éclater toute logique habituelle,
philosophique.
[12] Certaines traditions ajoutent que
Dieu créa des êtres intermédiaires dotés d’esprit et d’un psychisme mais
dépourvus de chair. Ce sont les "djinns»
de l’islam.
[13] D’autres vertus sont importantes :
la confiance, la vérité etc. Mais, d’une manière ou d’une autre, elles sont
résumées dans ces deux là.
[14] 1 Rois 19, 13.
[15] Matthieu 19, 25
: "Entendant cela, les disciples restèrent tout interdits : Qui donc
peut être sauvé ? Disaient-ils. Fixant son regard sur eux, Jésus leur dit :
"Pour les hommes c’est impossible, mais pour Dieu tout est possible. »
[16] Autant que faire se peut pour une
créature limitée.
[17] Ce que l’Écriture appelle "le
baptême d’eau et d’esprit ». Jean 3, 5 Jésus répondit : "En
vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne
peut entrer dans le Royaume de Dieu. » De même, l’eau et le sang qui
sortit du côté du Christ symbolisaient ces deux qualités. Il s’agit donc d’un
mystère central de la Révélation.
[18] Ces quelques phrases résument la
théologie de la souffrance. Présentées autrement, on pourrait dire : "La
souffrance est un mal. Ce n’est pas elle qui est recherchée mais son effet qui
peut être un bien, l’humilité. L’humilité est la première disposition à ce que
Dieu attend de l’homme, l’amour vrai, l’amour qui se sacrifie car il met
l’autre en premier. »
[19] Apocalypse 5, 1.
[20] Extrait de
"Starmania », Michel Berger. Cette sagesse de Dieu sur les hommes de bonne volonté n’a
pas disparu aujourd’hui. Il existe des justes au sens biblique du terme, des
hommes droits qui n’ont pas reçu la grâce de la foi.
[21] Luc 23, 42.
[22] Non au sens des
"parfaits » mais de ceux qui ont reçu la grâce de savoir ce qu’ils
font sur terre. C’est en ce sens que l’Église terrestre est sainte.
[23] Il faut le redire : D’autres
vertus sont importantes : la confiance, la vérité etc. Mais, d’une manière ou
d’une autre, elles sont résumées dans ces deux là.
[24] Isaïe 65, 17.
[25] Apocalypse 7, 14.
[26] Le sens chrétien de la souffrance
humaine, 11 février 1984, "Salvifici Doloris ».
[27] "Le Christ reviendra à la fin du monde pour juger les vivants et
les morts ». Je pense que par "fin
du monde », il faut entendre non seulement les évènements de la
dernière génération mais aussi la mort de chacun. Je pense que c’est la raison
pour laquelle Jésus put affirmer de son vivant, parlant de son
retour Matthieu 24, 34 : "Cette
génération ne passera pas avant que tout cela ne soit arrivé ».
Beaucoup affirmèrent qu’il s’était trompé. De fait, il ne semble toujours pas
être revenu. Regard extérieur! 100 ans à peine après la prononciation de cette
parole, toute la génération qui l’avait connu l’avait vu se réaliser, avec
puissance. Tous étaient… morts. Je suis avec Mgr Glorieux au XIXème siècle,
l’un des seuls à enseigner cela. Il ne s’agit donc pas de la foi officielle de
l’Église mais d’une simple opinion de théologien, à laquelle l’Église ne
s’oppose pas mais qu’elle laisse à chacun le soin de juger. Une sainte m’a
précédé et m’a permis cette audace. Il s’agit de Sœur Faustine, canonisée par
Jean-Paul II et citée en fin d’ouvrage.
[28] Pour savoir comment la théologie
catholique peut aboutir à une telle précision, on peut se référer à la
troisième partie de cet ouvrage.
[29] Matthieu 24, 38-40
[30] mais non nécessairement tous les
deux au Ciel.
[31] Les histoires comme celle de
Johann ne sont pas mises sur le même plan que l’Écriture Sainte. Mais elles
permettent d’illustrer de manière vivante son contenu.
[32] Jean-Jacques Goldman.
[33]
" Thérèse est née en Normandie dans une famille de catholiques
fervents, à la fin du XIXème siècle. Très jeune, elle perd sa mère
mais ses sœurs plus âgées s’occupent de lui donner tendresse et éducation.
Elle est bercée tout enfant par la présence de Dieu qui emplit la vie de sa
famille. A quinze ans, tenaillée par le désir de se donner tout entière à Dieu,
elle entre au Carmel de Lisieux. Elle prend le nom de sœur Thérèse de l’Enfant
Jésus et de la Sainte Face. Son extrême sensibilité est source d’épreuve.
Lorsque son père perd l’esprit, elle est tentée de se reprocher ce malheur, à
cause de son départ trop précipité de la maison. Elle connaît des épreuves
spirituelles terribles : Dieu se fait comme absent de son cœur. Atteinte d’une
tuberculose, elle meurt à vingt-quatre ans sans jamais douter de l’amour de
Jésus. Elle laisse derrière elle une autobiographie qui sera publiée par les
religieuses du Carmel. Sa vie si simple bouleverse en quelques années les
chrétiens et elle est proclamée sainte. Elle est l’une des plus grandes saintes
de toute l’histoire de l’Église. Elle est Docteur de l’Église."
[34] Matthieu 24, 14.
[35] Nous le verrons au cours de cet
ouvrage, C’est l’existence de cette révélation donnée à chaque homme, quelle
que soit sa religion, quel que soit son péché ou sa bonne volonté, qui permet
de comprendre combien est juste le Seigneur, lui qui ne permet la damnation
éternelle qu’à celui qui a refusé son salut en face. Cette apparition
glorieuse de Jésus au moment de notre mort qui donne la clef à tout ce
qu’enseigne l’Église et l’Écriture Sainte sur l’entrée au paradis ou la
damnation éternelle.
[36] Ce phénomène psychique est
fréquemment mentionné par ceux qui approchent la mort. Guy de Larigaudie (Etoile
au grand large) raconte l’expérience qu’il en fit avant la seconde
guerre mondiale : "Pour épater mes
amies, je plongeais du haut de la falaise. L’espace d’un instant, entre le
promontoire et mon arrivée dans l’eau, j’eut l’impression d’avoir mal visé.
J’allais m’écraser sur des rochers en contrebas. J’eus alors une série de
perceptions à la fois précises et rapides sur des souvenirs d’enfance.» Le
temps se raccourcit. La mémoire, sans doute stimulée par la certitude de
l’imminence de la mort, fait rejaillir des événements qu’on croyait oubliés. Il
ne faut pas confondre cette réaction du psychisme avec un autre phénomène
souvent raconté par les victimes d’une N.D.E. (Expérience de mort approchée.)
Ils racontent une sorte de passage en revue du bien et du mal qu’ils ont commis
durant leur vie avec l’assistance d’un Etre de lumière et d’amour. Il s’agit
alors d’une expérience mystique et spirituelle.
[37] Gaudium et Spes, 22.
[38] Saint Dominique pleurait la nuit
en prononçant ces mots.
[39] Le grand théologien saint Thomas
d’Aquin encourage à mettre tous les apports de l’expérience au service de la
foi : A chaque fois que la raison
philosophique et la révélation s’unissent pour aborder un même thème, il vaut
mieux suivre la raison car la foi, dans ce cas, n’est donnée que par
miséricorde pour ceux dont la raison manque d’acuité. Deux thèmes principaux
sont concernés : l’existence de Dieu et la survie de l’âme après la mort. Ce
sont les deux principaux "preambula Fidei ».
[40] La vie après la
vie, docteur Moody, Robert Laffont, 1977, page 35.
[41] Voir les commentaires du docteur
Kenneth King.
[42] On le raconte de sainte Thérèse de
l’Enfant-Jésus. Juste avant son dernier soupir, ses sœurs virent son visage
s’éclairer. Quelqu’un semblait venir à sa rencontre.
[43] Saint Augustin avait entendu parlé
de plusieurs cas d’Expérience de Mort Imminente, déjà bien décrite à son époque
: Il reconnaît dans son Commentaire littéral du livre de la Genèse,
Livre 12, chap. 32, que ces personnes ravies hors de leur corps et qui sont presque
mortes, ont conservé "une certaine ressemblance de leur corps
», par laquelle elles peuvent être emportées vers des lieux corporels. "Je
ne vois pas, dit-il, comment il pourrait en être autrement : l’âme garde
quelque chose qui ressemble à un corps lorsque, le corps étant étendu privé de
sentiment, mais sans être mort, elle voit ce qu’une foule de personnes rendues
à la vie, après avoir éprouvé cette sorte de ravissement, ont raconté qu’elles
avaient vu ; je ne vois pas, dis-je, pourquoi elle ne l’aurait pas, une fois
que, par la mort corporelle, elle a complètement quitté son corps ». Il
faut remarquer que, dans le même texte, saint Augustin affirme que, quant à
lui, il ne croit pas que l’âme emporte un organisme physique… Le débat sur la
nature de ce corps psychique est donc ancien dans l'Église.
[44] Dans l’Egypte
pharaonique, on parle du corps physique, du Ka
(le double) et du Ba représenté sous
la forme d’un oiseau portant la tête du mort (l’esprit). Le grand et ultime voyage
commence par la séparation du Ka
spirituel du corps matériel. Le Ka est
le corps double du défunt, qui sort de son cadavre. Avec lui, le Ba, âme de l’homme, est détaché de la
vie terrestre et tourne désorienté autour du cadavre. La compatissante Isis
(épouse aimante du dieu de la mort Osiris) l’accueille sous ses grandes ailes
affectueuses et le confie au savant dieu Anubis (représenté avec une tête de
chacal) afin qu’il le réconforte et lui serve de guide et de soutien jusqu’au
jugement divin. Sous forme imagée, il s’agit de la même réalité.
[45] Les animaux supérieurs sont certes
dotés d’une forme d’intelligence que saint Thomas d’Aquin appelle
"l’estimative ». En effet, loin d’avoir l’objet de l’intelligence
humaine qui, potentiellement peut TOUT connaître, elle est bornée à trouver des
moyens en vue de la survie et la reproduction. Elle "estime » l’utile
et le nuisible. Dans les années 1970, une femme américaine voulue prouver le
contraire en élevant de la même façon son nourrisson et un bébé chimpanzé.
L’animal, communiquant en langage des signes, battit pendant deux ans l’enfant
dans les domaines du jeu, de l’espièglerie. Mais l’enfant fut le seul à partir
d’un certain temps à se poser des questions sur des domaines intelligibles
comme : "Que faisons-nous sur terre ? »
[46] Selon eux, il se réincarne à
travers les âges. Selon la tradition monothéiste et personnaliste de
l’occident, il n’y a jamais de réincarnation.
[47] Cela ne reste bien sûr encore
qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait pourtant
encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral
existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence.
[48] Elles peuvent concevoir le bien,
le vrai, elles peuvent potentiellement comprendre tout ce qui existe, non
seulement les corps mais aussi les esprits. Tout cela dépasse la matière.
[49] La théologie
catholique parle de la venue du Christ dans "son corps de gloire». Nous
verrons plus loin qu’il s’agit très exactement de cela. La chair ne cache plus
l’esprit. Elle le révèle. Les témoins de la mort approchée semblent réaliser la
prophétie de Job 19, 25 : "Je sais, moi, que mon Défenseur est
vivant, que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. Après mon éveil, il me
dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. »
[50] Le premier
critère est manifestement vérifié. C’est justement dans le sens d’un retour au
religieux que se sont senties poussées les personnes marquées par cette
expérience. On peut même affirmer que la plupart d’entre elles, même si elles
ne deviennent pas chrétiennes, se font sans le savoir disciples de Jésus-Christ
quand il disait : "Je vous donne
deux commandements : tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de
toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi même ».
Le deuxième critère est
aussi vérifié : la théologie catholique parle en effet de la vie après la mort
:. Appuyé sur la Bible et la Tradition, ces deux sources par lesquelles
l’Esprit de Dieu se donne à l’homme, l’Église a mis à disposition des fidèles
une série de précisions sur ce qu’ils vivent après la mort. Son regard profond
va bien plus loin que l’approche de la mort, telle que pensent l’avoir vécue
les rescapés. Il va jusqu’à l’au-delà de cette barrière qu’aucun d’eux n’a
franchie. Le Magistère solennel de l’Église, aide précieuse pour le théologien,
affirme :
1. Nous croyons en la vie
éternelle.
2. Au moment de la mort,
l’âme se retrouve en présence de l’humanité Sainte de Jésus
3. Cette vision d’amour est
le commencement de ce qu’on appelle son jugement particulier.
4. Les âmes mortes en état
de péché mortel sont immédiatement conduites en enfer. Les autres, soit
qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où
elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le
bon larron, deviennent le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort.
5. Le paradis consiste en la
vision de Dieu, face à face.
La N.D.E. semble indiquer que tout homme,
au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, Juif, païen ou athée, se
retrouve face à un être qui rayonne de trois vertus : la vérité, l’amour et,
quand c’est nécessaire, l’humour. N’est-ce pas un portrait, une image de ce
qu’est Dieu ? Il se pourrait même que l’être de lumière soit l’humanité Sainte
de Jésus. Aucune opposition ne semble apparaître vis-à-vis du dogme catholique.
Si l’on compare, maintenant, la théologie traditionnelle décrite ici avec le
récit de ceux qui ont approché la mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe
aucune opposition entre les deux. Bien au contraire, la foi semble trouver dans
ces récits une éclatante confirmation. Les critères 1 et 2 me paraissent donc
parfaitement vérifiés.
[51] Epître de saint Paul II
Corinthiens 12, 2 à 4. La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, une stigmatisée
du XIXème siècle, eut la vision de saint Jean lors de sa mort. Elle semble
assister au phénomène de décorporation. "Pendant que Jean prononçait
une dernière parole, une grande lumière apparut au-dessus de lui. Au moment où
il s’affaissa en rendant le dernier soupir, j’aperçus au milieu de l’auréole
qui l’entourait, une forme lumineuse entièrement semblable à lui qui se
dépouillait de son corps comme d’une enveloppe grossière et disparaissait
ensuite avec la lumière. » (Visions d'Anne-Catherine Emmerich sur la
vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 555).
[52] 2 Corinthiens 12, 7 et ss.
[53] 1 Jean 2, 16.
[54] C’est ce que la théologie nomme le
péché mortel.
[55] Isaïe 25, 8.
[56] Certaines personnes réagissent ici-bas à la
souffrance par la révolte, parfois même, si elles sont croyantes, par un rejet
explicite de Dieu. A première vue, l’effet de la croix est alors inverse à
celui décrit précédemment. Ce n’est la plupart du temps qu’une apparence
extérieure. Au fond de l’âme, c’est en fait la source d’un désir de justice et
de vérité (donc de Dieu tel qu’il est vraiment) qui suscite le rejet du Dieu
non encore compris ici-bas (tel qu’il n’est pas). Mais le Jour où sa vraie
nature se révèle au mourant, l’effet réel de la croix apparaît en pleine
lumière : "Je te cherchais et je ne te connaissais pas».
[57] Le choix, tel que je vais le
décrire ici, n’a jamais non plus été raconté dans l’Église (sauf par sœur
Faustine, à travers une vision rapportée en fin d’ouvrage). Ceci est aisé à
comprendre. Sans la découverte de l’existence d’une "Parousie » du
Christ à l’heure de la mort, on ne voit pas où peut se situer ce choix. Les
anciens théologiens, y compris saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, dans
leur fidélité à l’Église, savaient qu’il existe nécessairement un choix libre
concernant l’enfer ou le paradis (il s’agit en effet d’un dogme solennel qu’ils
connaissaient). Mais ils savaient aussi que ce choix devait se faire durant la vie terrestre (cela aussi,
l’Église l’avait défini avec force). Or ils ne voyaient rien se faire ici-bas,
si ce n’est qu’un vague choix fragile et rempli d’ignorance, réservé aux
quelques nations chrétiennes. Ils n’avaient pas imaginé que dans la mort,
c’est-à-dire ici-bas, il y a une onzième
heure, un temps pour choisir en pleine liberté. Ils étaient contraints de
mettre en enfer tous les pauvres pécheurs, y compris ceux qui vivaient loin de
Dieu par faiblesse et par ignorance. Ils le faisaient à regret, coincés
littéralement dans des contradictions intellectuelles. En effet, ils
enseignaient aussi que seuls six péchés pouvaient conduire en enfer, les six
blasphèmes contre l’Esprit (voir chapitre sur l’enfer). Or les païens sont
absolument incapables de tels péchés puisqu’ils impliquent une parfaite
connaissance de l’amour de Dieu et son rejet.
[58] Apocalypse 1, 13. le docteur Moody
rapporte le témoignage d’une victime de N.D.E. Face à l’Etre de lumière, elle
demanda avec insistance : Qui êtes-vous ? Alors la lumière s’ouvrit et il en
sortit un homme. "Je suis le Fils de Dieu. » C’est le seul témoignage
explicitement christique qu’il rapporte.
[59] Jean 3, 3.
[60] Marie seule était pure devant Dieu
justement parce que, dans une humilité incroyable, elle se croyait sans aucune
équivoque indigne. Quand l’ange l’appela "pleine de grâce », elle fut
toute troublée. Ces paroles ne pouvaient s’adresser à elle.
[61] La bienheureuse Anne-Catherine
Emmerich, une stigmatisée du XIXème siècle, eut la vision de cette phase de
l’heure de la mort : "Je vis alors l’état de l’âme du défunt. Elle
était au-dessus du lieu où il était mort, entourée d’un cercle et dans une
sphère où le tableau de tous ses péchés et de leurs conséquences lui était
présenté, et cette vue l’accablait de repentir. Elle avait là aussi le
spectacle de toutes les purifications par la souffrance qu’elle devait subir.
En même temps, les souffrances expiatoires du Sauveur lui furent
révélées. » (Visions d'Anne-Catherine Emmerich sur la vie de
Jésus, Tome 2, Téqui 1965, page 512).
[62] Nos ancêtres, vivant des religions
anciennes, parlaient de l’ange de la mort. Ils croyaient en sa venue à cette
heure. De fait, avant l’Incarnation du Christ, les hommes étaient accueillis à
leur mort par un ange de Dieu. Le Christ n’étant pas encore venu, il le
représentait. Aux premiers jours, le gouvernement de Dieu sur l’humanité était
le suivant : il se taisait. L’homme ne savait plus ce qu’il faisait sur la
terre et n’avait aucune explication de la souffrance et de la mort. En livrant
l’homme à la souffrance, à la mort, en se taisant durant des siècles, en
n’agissant que pour détruire les œuvres dont l’homme était fier (déluge,
Babel), que voulait Dieu ? Sauver les hommes. Et, réellement, il les sauva en
masse. Lorsque, au terme d’une vie passée dans la souffrance, souvent à la
poursuite de la gloire, les hommes du passé entraient dans la vieillesse, puis
rendaient leur âme à Dieu, comme le plus humble des esclaves, il ne restait
souvent en eux que confusion et regret. Lorsque à ce moment, s’attendant à
rencontrer un juge terrible et dur, ils se retrouvaient face à leur ange gardien,
au cœur brûlant de miséricorde, image du Dieu vivant, accompagné souvent des
êtres qu’ils avaient chéris durant leur vie, et qu’ils entendaient révéler
l’existence d’un Dieu unique et bon au cœur d’enfant et au pardon généreux, ils
se rendaient. Et lorsque la voix de leur ange leur annonçait, pour bientôt, la
venue d’un Sauveur qui les délivrerait de tous leurs péchés, ils croyaient. Et
ces rudes pécheurs broyés par la vie s’écriaient : "Pardon Dieu, car nous
avons péché contre toi. Envoie ton Sauveur. Qu’il vienne nous délivrer, car
nous voulons voir ton visage. »
Accompagnés
de leur ange, ils considéraient l’état de leur âme, apprenaient à découvrir
leur péché. Ils acceptaient avec générosité, éclairés sur Dieu, de subir un
purgatoire aussi longtemps qu’il le fallait. Ils se plongeaient, eux-mêmes,
sans récriminer, dans la solitude de ce purgatoire, pour que disparaisse toute
trace d’orgueil. Puis cette oeuvre effectuée, ils s’en allaient retrouver Adam
et Ève dans les limbes où ils attendaient avec espérance, la venue du Sauveur
promis. Cette attente n’était pas douloureuse car Dieu, en prévision de la
venue future du Sauveur, les comblait de la grâce de sa présence invisible,
d’une manière bien plus parfaite que ce qu’avaient expérimenté Adam et Ève en
Éden. Jésus, décrivant les limbes où les patriarches attendaient sa venue,
parle d’une eau pure qui comblait 1e pauvre Lazare (Luc 16, 24). Certes, Dieu
ne se montrait pas encore à eux face à face. Il attendait pour cela son heure,
l’heure où, face à Lucifer jusqu’ici triomphant, il ouvrirait pour toujours son
cœur. Dieu préparait un spectacle grandiose, celui où, d’un seul coup, en
mourant sur la croix et en descendant aux enfers, le Verbe de Dieu ferait
entrer toutes ces âmes assoiffées dans le bonheur éternel. Ainsi, la Tradition
biblique, pour décrire l’état des hommes avant la venue du Christ, parle des
enfers. Ils sont des lieux inférieurs (séparés de la Vision de Dieu). Ils sont
au nombre de trois : l’enfer des damnés, le purgatoire, et le sein d’Abraham.
La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, une stigmatisée du XIXème siècle, eut
la vision du Christ lors de sa descente aux enfers. "Le lieu où entra
l’âme de Jésus était divisé en trois parties. C’était comme trois mondes. Il me
sembla qu’ils étaient de forme ronde et qu’ils étaient séparés les uns des
autres. L’enfer des damnés, le purgatoire et les limbes d’Abraham. » (Visions
d'Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 369)
[63] Marc 13, 30.
[64] Apocalypse 1, 1.
[65] 1 Pierre 3, 4.
[66] 1 Pierre, 3, 8.
[67] La Parousie du Christ glorieux
fait partie de la foi. Elle est même récitée chaque dimanche dans le Credo de la messe. La théologie la
décrit comme une véritable apparition sensible (le corps rayonnant du Christ)
dont la lumière a le pouvoir de révéler en même temps le cœur du Christ. C’est
cela la gloire : la matière ne cache plus l’esprit. Pourtant, cette Parousie a
toujours été interprétée par les théologiens comme un événement futur, lié à la
fin politique et définitive du monde. Seuls les fidèles, dans leur sens de la
foi, savaient qu’ils allaient voir le
Christ dans leur mort! Sainte Thérèse le dit explicitement. Jacques Fesch,
avant d’être exécuté, avait dit : "Dans
trois heures, je verrai Jésus ».
[68] Apocalypse 1, 17.
[69] Apocalypse 1, 12.
[70] Saint Thomas
d’Aquin précise que cette vision première qui suit la mort ne peut être
aussitôt celle de Dieu tel qu’il est. Dieu, par son irruption brutale dans
l’âme, empêcherait tout jugement car la liberté n’existerait plus. Il est si
grand, si infini par sa bonté qu’il happerait à jamais l’âme en son sein. Or
Dieu ne veut forcer la liberté de personne. Cette vision ne peut être que celle
de Dieu sous les voiles de son humanité : Jésus.
[71] Nul ne peut
imaginer le bouleversement que réalise dans les âmes une telle rencontre. Pour
l’âme la plus contemplative, pour le plus spirituel des moines, c’est la
découverte qu’il n’avait presque rien compris à cet amour. Saint Thomas
d’Aquin, à la fin de sa vie, eut la chance de voir Jésus lui apparaître. A
partir de ce jour, il cessa d’écrire, laissant sa Somme théologique
inachevée. Devant l’insistance de son secrétaire, frère Réginald qui
l’encourageait à reprendre ses travaux, il finit par avouer sa vision. Tout en
larmes, il lui confia : " Je n’avais rien compris; je n’avais rien
compris». Il n’écrivit plus jamais un seul mot.
[72] Apocalypse 1, 12, 17.
[73] Luc 17, 24.
[74] Elles n’ont plus la foi dans
l’existence de Dieu, dans le fait que le Messie s’appelle Jésus-Christ, qu’il y
a un Évangile, une vie après la mort. Elles le voient. Inutile de croire à ce
qu’on constate de ses yeux. Mais elles ont la foi, au moins face à l’évidence
du choc de leur rencontre avec le Ciel, que la promesse faite est celle de la
Vision béatifique, qu’il s’agit d’un mariage d’amour et d’humilité, et qu’il
leur est possible de dire non.
[75] Apocalypse 4, 3.
[76] Saint Augustin, Les deux cités.
[77] Marc 13, 26.
Par "les nuées du ciel », l’Écriture entend les saints et les anges.
Matthieu 26, 64. Apocalypse 1, 7 : "Voici,
il vient avec les nuées; chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et
sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. Oui, Amen! »
[78] Pas de larme, pas de chair, mais
l’équivalent sensible et spirituel.
[79] Zacharie 12, 10.
[80] 1 Théssaloniciens 3, 13.
[81] 1 Théssaloniciens 3, 13.
[82] Exemple de promesse habituelle du Christ
concernant sa Venue avec sa mère : On trouve à la fin des quinze oraisons dont
sainte Brigitte de Suède reçut révélation lors d’une apparition du Christ, une
série de promesses : "6.- Celui qui priera ainsi, quinze jours avant sa
mort, il aura une amère contrition de tous ses péchés et une parfaite
connaissance d’eux. "7.- Je mettrai le signe de ma très victorieuse Croix
devant lui pour son secours et défense contre les embûches de ses ennemis. 8.-
Avant sa mort, je viendrai avec ma très chère et bien-aimée Mère. 9.- Et
recevrai bénignement son âme, et la mènerai aux joies éternelles. »
[83] Je ne suis pas sûr de cela. Je
l’enseigne ici parce que certaines apparitions de la Vierge semblent
l’indiquer. Plusieurs fois, elle promet de venir nous chercher "si on lui
en fait la demande ». Par exemple, dans une révélation privée rapportée
par la vénérable Marie d’Agreda : "Le Père dit à Marie : Si les hommes
vous invoquent de tout leur cœur à l’heure de leur mort, je les délivrerai des
périls et je chasserai les démons qui s’efforcent de les perdre. Vous me
présenterez leur âme et elles recevront une riche récompense. Ce privilège
s’exercera sans nuire à l’office qu’ont les anges de conduire les âmes au
tribunal de Dieu. » (Vie divine de la sainte Vierge, éditions
saint-Michel, 1972, page 379). Ce genre de paroles, très fréquentes,
sous-entend peut-être que la Vierge ne vient pas si on ne l’appelle pas. Mon
hésitation vient de la vérité plénière de l’heure de la mort, qui doit précéder
le choix. Les protestants ne peuvent être choqués qu’en théorie par le rôle que donne l’Église catholique et
orthodoxe aux saints. Ils ont imaginé que le péché originel avait rendu à
jamais impuissants les amis de Dieu, au point qu’ils étaient absolument
incapables d’aucune coopération pour le salut des autres, même après la mort.
Devant la preuve de l’inverse, il est évident que leurs blocages intellectuels
seront balayés d’un coup, sans que cela leur pose un seul problème (sauf orgueilleuse
obstination). La présence des saints, tel que son père, sa mère, ses
grands-mères leur sera-t-elle cachée, sous prétexte que sur terre ils n’ont pas
cru dans la communion des saints ? De plus, la Sainte Vierge, pourtant simple
créature, est une présence théologalement importante. Son corps glorieux révèle
avec puissance le pôle féminin de Dieu, de même que le Christ vrai Dieu en
révèle le pôle masculin (d’où les deux cœurs unis au verso de la médaille
miraculeuse). Ceci me semble important pour la liberté du choix. Il est vrai
que Jésus peut faire tout cela tout seul… D’où ma conclusion : après ce premier
moment de l’heure de la mort, il me paraît évident que la Vierge se manifeste à
tous les hommes.
[84] Rappelons l’histoire des anges et
l’origine des démons, ces anges devenus mauvais. Leur révolte constitue la
racine de toute l’iniquité, celle qui, nous le verrons, doit se révéler et être
proposée de manière explicite à l’homme vers la fin du sa vie.
Les anges
n’ont jamais eu de corps. Ils sont de purs esprits. Il est, pour nous, très
difficile de comprendre vraiment ce que peut être, et comment peut vivre une
personne qui n’a pas de corps. Aussi, tout au long de cet ouvrage, nous avons
pris le parti de parler d’eux en termes anthropomorphiques. Il s’agit bien sûr
d’un langage analogique.
Au premier instant de leur création, création qui précéda celle des
hommes, tous les anges étaient bons. Le plus grand d’entre eux, Lucifer par la
beauté de son être était le chef-d’œuvre de Dieu. Les autres anges n’en
éprouvaient pas de jalousie. Bien au contraire, en contemplant sa perfection,
ils se faisaient une idée de l’infinie grandeur du Dieu caché qui venait de les
créer. Tous les anges aimaient Dieu, affirme saint Thomas d’Aquin. Ils
n’avaient que reconnaissance pour ce qu’ils venaient de recevoir de sa main,
l’existence, la vie, la beauté. Ce spectacle de la création leur faisait crier
d’une seule voix : " Gloire à Dieu au plus haut des Cieux ".
S’ils
l’aimaient, ils ne pouvaient par contre le connaître, sinon de loin. Même pour
le plus intelligent des anges, Dieu reste le Mystère par excellence.
L’intelligence des esprits célestes a beau être de loin supérieure à la nôtre,
elle reste limitée. Comment un vase fini (l’ange) pourrait-il contenir l’Infini
(Dieu) ? Ils se contentaient donc de connaître Dieu à travers les effets de sa
puissance. En se regardant eux-mêmes, en regardant les autres anges, ils
voyaient comme dans un miroir le reflet lointain du Créateur. Et cette vie
paisible et contemplative leur plaisait. Le monde aurait pu rester ainsi pour
l’éternité.
Pourtant, alors que la création était encore toute nouvelle, Dieu
parla. Il s’agit d’une pensée, d’une révélation transmise directement dans
l’intelligence de chaque ange. Pour mieux manifester la Bonne Nouvelle qu’il
annonça aux anges, nous la décomposons en trois paroles distinctes.
1- Dieu dit : "Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à
face. » Cette première révélation est bouleversante pour un ange, bien plus
que pour un homme car l’ange a la capacité d’en saisir immédiatement toute la
portée. Voir Dieu face à face signifie pour eux l’impensable. Il leur était
impossible d’espérer un tel bonheur. Ils savaient bien plus que nous l’infinie
profondeur du mystère divin et la limite de leurs capacités intellectuelles.
Voir Dieu face à face, cela signifie comprendre son Mystère avec le regard même
dont Dieu se comprend. Or une telle chose est impossible. Pourtant, les légions
angéliques avaient bien entendu. Ils crurent donc, ils adhérèrent à cette
parole de Dieu, malgré son caractère impensable, sachant que rien n’est
impossible à Dieu. Lucifer le premier crut. Avec lui, les chérubins, les
séraphins et tous les ordres célestes désirèrent voir se réaliser cette
promesse. Cette adhésion s’appelle la foi. Mais déjà, en ce premier instant,
Dieu savait que Lucifer croyait pour un autre motif que le petit archange
Michel.
2- Dieu parla encore : "Je suis doux et humble de cœur. Nul ne
peut me voir face à face s’il n’est tout amour et toute humilité. » Les
anges savaient, par leur contemplation naturelle, que Dieu ne pouvait les avoir
créés que par amour. Mais ils découvrent avec stupeur en cet instant que Dieu est
amour. Leur contemplation naturelle les invitait plutôt à admirer en premier
lieu l’intelligence du Créateur, sa lumière. Le monde angélique leur paraissait
davantage beauté que bonté. Par sa parole, Dieu les invita à bouleverser
entièrement leurs conceptions habituelles. Quand Dieu affirme qu’il est amour
avant tout, quand le Tout-Puissant révèle qu’il se considère comme le serviteur
de tous (humilité), il manifeste que la perfection naturelle des Chérubins
n’est rien à ses yeux comparé à l’amour. Son ordre de préférence n’est pas
celui que donne la noblesse mais celui que donne le cœur. Il leur demande une
conversion totale. Devenir amour est la condition nécessaire pour toute entrée
dans la vision béatifique.
Là se
situe l’épreuve terrible pour les anges : renoncer à eux-mêmes. C’est déjà
difficile pour un être humain qui est chaque jour confronté à ses
imperfections. Cela l’est beaucoup plus pour un pur esprit, image parfaite de
la perfection de Dieu. L’orgueil est un défaut plus proche des anges que des
hommes. Cette abnégation, nous l’avons dit, est indispensable car la vie
proposée est surnaturelle.
3- Une troisième parole fut prononcée : "Après vous, je vais
créer de petits êtres liés à un corps de chair. Homme et femme, je les ferais.
Ils auront des enfants. Vous deviendrez pour eux anges gardiens. Vous les
conduirez à moi. » Cette révélation était extrêmement concrète, si
concrète qu’elle avait le pouvoir de discerner qui parmi les anges était humble
de qui ne l’était pas. La Bible dit : "Dieu sépara la lumière des
ténèbres. » Cette simple phrase nous montre qu’il se produisit une séparation
extérieure entre la présomption des uns et l’amour des autres. Il y eut une
brisure dans le ciel angélique. C’est le contenu de cette révélation première
qui provoqua ce premier drame de la création, le mystère premier de l’iniquité,
jusque dans le monde des humains.
Cette révélation, à la manière d’un éclair fulgurant, laissa le ciel
entier silencieux et, dans l’instant qui suivit, un de ces instants célestes
qui mesure la pensée des anges, une voix cria " je ne servirai
pas ". Le plus beau de tous, Lucifer, avait parlé, devenant pour
toujours le Satan. Lucifer est le plus grand des anges, c’est-à-dire le plus
puissant au point de vue intellectuel, le plus proche de Dieu par sa
perfection spirituelle. Lucifer aime Dieu. Il serait aberrant d’affirmer que
les anges veulent du mal à leur Créateur à qui ils savent tout devoir. Seul
l’homme est capable de haïr Dieu car il ne le connaît pas et le juge bien
souvent aux effets de sa providence. L’homme agit souvent comme un enfant qui,
ayant été grondé par sa mère, lui en veut terriblement. Cet enfant n’est pas
encore capable de comprendre que c’est l’amour qui a fait agir sa mère ainsi.
L’ange est au-delà de ces raisonnements enfantins.
Le problème de Lucifer est qu’il aimait Dieu à sa manière à lui. Il
voyait en lui le sommet de tout l’univers devant qui tout genou fléchit et, en
cela, il avait le sens de l’honneur de Dieu et de son rang. Il avait surtout,
dès cet instant premier, le sens de sa dignité à lui, Lucifer, de sa place de
chef de tous les anges. L’ordre premier, instauré par Dieu au début de la
création et fondé sur la puissance spirituelle, lui donnait la première place
après Dieu, première place qui lui convenait tout à fait. Lucifer n’était pas
contre la création des êtres humains, ces esprits limités et chétifs liés à des
corps matériels à condition, toutefois, qu’ils soient dans la hiérarchie des
êtres de l’univers, c’est-à-dire au-dessous des anges, juste au-dessus des
animaux. Mais il comprenait qu’il en serait autrement. L’ordre qui plaisait à
Dieu n’était pas en fin de compte celui que confèrent les titres de noblesse
intellectuelle, mais celui que confère l’humilité, la petitesse et surtout la
capacité d’aimer. Or, dans cet ordre là, l’homme et la femme étaient des
créatures mieux bâties pour triompher. En effet, un ange qui est une
intelligence pure, aime dans la mesure où il a compris que quelque chose est
digne d’être aimé. Aimer, pour lui, signifie "vouloir s’unir à ce qu’il a
compris être un bien ». L’homme, au contraire, avec son intelligence limitée et
incapable de s’exercer sans l’aide de son cerveau, a la capacité d’aimer sans
même comprendre. Il peut aimer son Dieu dans une foi et une confiance aveugle.
Dans ce qu’il a de meilleur en lui, l’homme peut aimer un ami jusqu’à donner sa
vie pour lui, donc au-delà de ce qui est logique. C’est cette manière d’aimer
qui plaît au Tout-Puissant au point que, plus il trouve en face de lui un être
semblable, plus il se donne à lui et l’établit haut dans la hiérarchie des
êtres.
Lucifer scrutait, en pensée, la nature humaine. Il y discernait l’homme
et la femme. L’homme avec sa psychologie masculine, portée à comprendre le
monde, à le transformer, et la femme avec sa psychologie davantage portée à
comprendre les choses avec son cœur qu’à les analyser, plus portée à aimer.
Plus que l’homme, la femme l’obsédait à cause de cela.
Le projet de Dieu lui apparut alors en pleine lumière, avec ses
conséquences terribles pour son orgueil. Lui, Lucifer, et tous les esprits
célestes avec lui, les Chérubins, les Séraphins et les Trônes, les Dominations,
les Vertus, les Puissances, les Principautés, les Archanges et les Anges,
étaient appelés par Dieu à s’abaisser à servir ces êtres de boue et d’os, à les
protéger et les conduire durant la durée d’un séjour terrestre, pour qu’ils
deviennent, en fin de compte, plus grands qu’eux. Alors, Lucifer fut saisi
d’envie. Plus que pour l’homme, il fut pris d’une hostilité pour la femme et il
proclama à la face du ciel : " Je ne servirai pas." Il
devint, en un instant, d’une manière parfaitement lucide, le héraut de la
défense des "droits" de Dieu et de la défense de la place
hiérarchique des anges. Il proclama sa révolte, un peu (toutes proportions
gardées) à la manière de saint Pierre avant la passion de Jésus : " Tu
es le maître et le Seigneur, tu ne me laveras pas les pieds." Pierre
aussi eut ce sens de la place de Jésus mais, à la différence de Lucifer, il sut
se taire quand Jésus lui répondit : "Si je ne te lave pas les pieds, tu
n’as pas de place avec moi."
Lucifer étant le plus spirituel des anges, il eut, par ses arguments,
une influence terrible sur le reste du Ciel. La Bible dit que le dragon
rouge-feu (couleur symbolisant la colère) balaya le tiers des étoiles du
ciel. Ce nombre n’est pas à prendre au sens propre mais il manifeste tout
de même que les démons sont nombreux (le tiers des anges). Son influence vint
sans doute de la noblesse de ses arguments. Il prétendit n’agir ainsi que pour
le bien de Dieu. Son argument aurait eu encore plus de poids si, comme le
pensent certains théologiens, les anges avaient connu dès le début le projet de
l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus Christ. Un tel projet ne peut être que
scandaleux aux yeux des esprits purs.
Lucifer était-il vraiment le défenseur des droits de Dieu ? Son amour
pour lui est-il la vraie raison de sa révolte ? Beaucoup d’anges ne s’y
laissèrent pas prendre (les deux tiers si l’on prend les textes à la lettre).
L’Apocalypse parle ainsi : " Alors une bataille s’engagea dans le
ciel : Michel et ses anges combattirent le dragon. Et le dragon riposta, appuyé
par ses anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du Ciel."
Ce combat ne se fit pas avec des épées d’acier mais avec le glaive de la
vérité. Un simple archange, c’est-à-dire un esprit des hiérarchies les plus
inférieures fut le premier à dénoncer le mensonge de Satan : " Ce
n’est pas pour Dieu que tu luttes mais pour toi. Si tu aimais vraiment Dieu tu
obéirais à sa volonté. Ce qui t’importe, c’est de rester le premier. C’est
l’orgueil qui t’a aveuglé. Mais qui est comme Dieu!" Michel, par cette
parole de vérité entraîna à sa suite ceux que Lucifer ne put séduire.
La Bible ne cesse de confirmer cet orgueil primitif de Lucifer, qu’il
sut si bien camoufler en grandeur de sentiment. Isaïe, parlant de lui, déclare
: " Comment es-tu tombé du ciel, étoile du matin, fils de l’aurore
? Comment as-tu été jeté sur la terre, vainqueur des nations ? Toi qui avais
dit en ton cœur : j’escaladerai les Cieux, au-dessus des étoiles de Dieu
j’élèverai mon trône. Je m’égalerai au très haut." Quant à Jésus, il
n’hésite pas à affirmer que Satan fut menteur dès l’origine. Il fut le
prince du mensonge. En effet, il n’y a pas de plus grand mensonge que d’appeler
bien ce qui est mal.
Que sont
devenus les anges depuis l’éclat de leur création et la chute de certains
d’entre eux ? Ils furent divisés en deux groupes selon le choix qu’ils firent
de servir ou de lutter contre le projet de Dieu. Les anges bons furent
immédiatement introduits dans la vision de Dieu et, depuis ce jour comme
aujourd’hui, ils ne la quittent jamais. Les anges mauvais se séparèrent de Dieu
et Jésus affirma que leur rupture ne cesserait jamais. Lucifer et ses anges
sont damnés pour l’éternité. Certains chrétiens pensent que l’éternité de
l’enfer est contradictoire avec la bonté de Dieu. Ils pensent que Dieu
pardonnera un jour son péché à Lucifer et le prendra auprès de lui. Ils parlent
ainsi car ils comprennent mal le mystère de l’enfer, à savoir d’une manière
terrestre et trop humaine. L’homme tant qu’il est sur la terre peut toujours
revenir sur ses fautes. Dieu le reçoit alors et lui pardonne. L’ange, quant à
lui, est trop intelligent pour être soumis à ces revirements de volonté. Quand
un ange choisit, il sait ce qu’il choisit. En un instant, il pèse le pour et le
contre et son intelligence, comme une lame tranchante, ne laisse rien dans le
vague. Lucifer et ses anges savaient ce qu’était l’enfer, ce vide de Dieu.
L’enfer ne leur a pas paru un mal si terrible face à la perte de cet autre bien
qu’ils mirent à la place suprême dans leur cœur : la première place.
Dieu aurait beau pardonner infiniment à Lucifer, celui ci répondrait
indéfiniment " j’ai raison."
Voici le combat qui est caché sous la dénomination "mystère de
l’iniquité ». Ses conséquences sur notre humanité sont aisées à
déduire.
Que font les démons maintenant ? La Bible affirme " qu’ils
furent précipités sur la terre ". Cette phrase mystérieuse
signifie que leur unique obsession, l’objet de toute leur activité, c’est
l’homme. Les démons, logiques avec leur choix originel ne désirent plus que
détruire l’homme, surtout au plan spirituel. Leur ennemi premier est tout ce
qui rappelle, de près ou de loin l’humilité ou l’amour généreux. S’ils
pouvaient arriver à faire que l’homme, ce soit disant chef d’œuvre, se joigne
lucidement à leur révolte, leur victoire leur semblerait complète. Ils
espèrent, de cette manière, démontrer à Dieu son erreur grossière, la stupidité
de ses plans. Ils souhaiteraient obtenir, en révoltant l’humanité entière contre
son créateur, le rétablissement de l’ancien ordre qui leur plaisait, l’ordre de
la noblesse fondée sur des droits de nature. Ils croient pouvoir arriver à
faire fléchir Dieu, à le faire revenir sur son histoire d’humilité et d’amour.
Dieu laissa à Lucifer et à ses démons une certaine latitude pour agir
de manière parfois très concrète auprès des hommes. Dans sa limpidité, Dieu
savait que les propositions fallacieuses, les tentations, permettraient à ceux
qui l’aiment de le choisir plus librement. Les démons et leurs roueries
devinrent donc, sans même le soupçonner, les serviteurs du plan de Dieu pour la
vie éternelle des hommes.
Dès le commencement, dès la création d’Adam et Ève, ils agirent dans ce
but. A cette époque, Satan apparut de manière visible et proposa de manière
claire le mystère de l’iniquité : "Choisissez vous-mêmes ce qui est le
bien et le mal. Vos yeux s’ouvriront et vous deviendrez comme des dieux. C’est
de cela que Dieu a peur ! »
Depuis
le péché originel et jusqu’à nos jours, les démons se sont fait en apparence
plus discrets. Ils passent leur temps à tenter les hommes, se cachant dans leur
psychologie, se fondant avec leur cerveau. Ils le tentent dans le sens de ses
pulsions charnelles, car ils comprennent que la voie qui conduit au rejet de
l’humilité et de l’amour commence par des péchés moins graves mais plus
immédiats pour les humains. Comme ils passent leur temps à s’occuper de péchés
charnels (argent, plaisirs, honneur, pouvoir), les démons qui sont des
créatures spirituelles, sont dits par la Bible rampants sur la terre...
[85] plaisirs égoïstes, vanité
humaine, recherche de la possession.
[86] Saint Augustin, les deux cités.
[87] Apocalypse 12, 9.
[88] Il ne règne bien sûr en enfer
qu’une plénitude apparente car la liberté ne sert à rien si l’homme en jouit
sans être heureux.
[89] Genèse 3, 5.
[90] Apocalypse 12, 10.
[91] La foi solennelle de l’Église est
ici en jeu. Voir les définitions du pape Benoît XII citées en fin d’ouvrage,
troisième partie.
[92] Il s’agit même d’un dogme
solennel. Nous en rappelons le contenu au chapitre 8 : la foi de l’Église
concernant le salut. Cette foi est de plus en plus confirmée par des sources
privées et des saints canonisés. En est témoin cette note envoyée par un
lecteur attentif (Ludovic CHUZEVILLE, mars 2003) : Extrait des Quinze Oraisons
de sainte Brigitte : "Le Christ ajouta ensuite : "La personne qui
dira quinze PATER NOSTER et quinze AVE MARIA avec les oraisons consacrées aux
multiples douleurs de ma passion pendant un an entier aura les premiers degrés
de perfection. Avant sa mort, je viendrai avec ma très chère et bienheureuse mère et
recevrai bénignement son âme et la mènerai aux joies éternelles".
[93] Nous verrons dans le chapitre
consacré au purgatoire des âmes en peine que cette définition est précise et
importante. Si une âme reste, même pendant plusieurs siècles, à errer sur terre
sans passer dans l’autre monde, c’est qu’elle est encore dans l’heure de sa
mort.
[94] Luc 15, 7.
[95] Apocalypse 12, 10.
[96] C’est la nuit de l’esprit, décrite
par saint Jean de la Croix.
[97] J’essaye ici de donner une
nouvelle définition théologique de la mort, en m’appuyant sur les découvertes
concernant la N.D.E. Elle ne fait que rendre plus précise la définition
ancienne : séparation de l’âme et du corps en y intégrant le psychisme.
[98] Certains physiciens, confrontés à de
curieuses expériences dans le domaine des corpuscules plus petits que les
atomes, parlent de l’existence d’une "matière psychique », d’un état
de la matière qui change son comportement si elle est observée. Tout un domaine
nouveau semble s’ouvir à la science physique. Pour la théologie, d’autres
questions se posent. Cette matière est elle soumise à l’usure (l’entropie)
comme toute la matière que nous connaissons ici-bas ? Si oui, d’où lui vient sa
subsistance ? Saint Thomas aurait répondu que l’incorruptibilité lui vient de
l’énergie de l’âme ou de la puissance de Dieu qui décide, dans l’autre monde,
d’arrêter l’entropie…
[99] Le psychisme survit. Les
sensations demeurent. L’autre monde est donc un monde sensible et non exclusivement
spirituel. D’où les témoignages de ceux qui ont approché la mort et qui voient
des paysages magnifiques, des jardins luxuriants. Ce ne sont pas des rêves mais
la vision objective de l’autre monde. Les paganismes anciens connaissaient
cela. Les romains décrivent par exemple le paradis : ""Si vous vous retrouvez tout seuls, chevauchant de verts pâturages
avec le soleil sur le visage, n’en soyez pas troublés. Car vous êtes aux champs
élysées et vous êtes déjà morts. Ce que vous faites dans la vie résonne pour
l’éternité». (Allocution du Général romain Maximus, "Gladiator »,
Ridley Scott, 2000.) Le Concile Vatican II témoigne de la part d’Esprit et de
vérité qu’ils avaient reçue, même s’ils ignoraient la raison de toutes ces
choses.
[100] Matthieu 16, 26.
[101] Nous verrons au chapitre consacré
au purgatoire qu’il peut exister des âmes qui restent bloquées dans la mort,
c’est-à-dire entre ce monde et l’autre. Leur l’attachement à la terre est si
grand que ce contretemps leur est utile pour progresser. Leur chair est
pourtant morte. Elles restent errantes, ici-bas, pendant parfois des siècles.
Elles sont dans ce que l’Ancien Testament appelait le shéol, l’Hadès, autrement
dit en français, la mort. Le Christ ne leur est pas encore apparu dans sa
gloire.
[102] L’Église proclame
de manière dogmatique ce fait par la voix de Benoît XII dès le XIIIème siècle :
""Par la présente constitution,
qui restera à jamais en vigueur, et de notre autorité apostolique, Nous
définissons que, d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les
saints qui ont quitté ce monde sont au Ciel avec le Christ aussitôt après
leur mort et la purification dont nous avons parlé pour celles qui en
auraient besoin, avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement
général, et cela depuis l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au
Ciel.
En outre, nous définissons que, selon la
disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état de péché
mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer, où elles sont tourmentées
de peines infernales. "
[103] Elle offrit même les deux colombes
pour le péché après la naissance de Jésus, elle qui conçut de manière
virginale.
[104] Matthieu 25, 12.
[105] Au cours de ses 2 000 ans
d’histoire, l’Église a beaucoup parlé de l’enfer. Le Magistère le fait à sa
manière, c’est-à-dire avec précision et rigueur. Mais aussi avec une effrayante
sécheresse. Ses textes n’ont pas de chair car l’Église laisse aux théologiens
le soin d’en mettre. Le rôle du Magistère de Pierre est juste d’indiquer par
des bornes là où est le vrai et le faux. A la fin de ce chapitre, il est
probable que toute tension aura disparu. Voici, telles que la rapporte le
Dentzinger (recueil des dogmes), la foi de l’Église concernant l’enfer : 1.
L’enfer existe. 2. Des anges ont choisi de se damner (l’Église ne s’est jamais
prononcée par la voix de Pierre sur le choix individuel de tel ou tel homme.
Mais la reconnaissance par l’Église d’apparitions et de révélations privées
indique avec une grande sûreté -qui n’est cependant pas celle de la foi au sens
théologal du terme-, que certains humains choisissent de se damner). 3. L’enfer
est éternel. 4. Aucun damné, jamais, ne demandera pardon. 5. Il est donc
inutile de prier pour les damnés. 6. Il existe des peines en enfer, dont le feu
et le ver; 7. Mais la plus grande peine de l’enfer est le dam, c’est-à-dire la
séparation d’avec Dieu.
[106] Luc 12, 4.
[107] Genèse 2, 9.
[108] Genèse 2, 17.
[109] Matthieu 12, 31.
[110] Les miracles se
distinguent des prodiges (cause psychologique, scientifique, angélique). Le
prodige ne s’oppose pas aux lois de la nature. Cependant, le prodige peut aussi
conduire à la foi. Exemple de prodiges : rêve prémonitoire, phénomène
paranormal comme la lévitation, la télépathie. Le miracle, à la différence du
prodige, ne peut être attribué qu’à Dieu seul. Il implique d’aller contre
nature, contre toute loi naturelle. Parfois, il implique une puissance infinie,
comme dans une guérison instantanée. Exemples de miracles : La résurrection de
Lazare (Jean 11). dont le corps est déjà décomposé; la guérison de Jeanne Frétel
à Lourdes; les prophéties de sainte Odile (qui est une sainte canonisée. Elle a
donc un certain niveau d’autorité dans ses écrits), de Fatima etc.
[111] Jean 12, 10 :
"Les grands prêtres décidèrent de
tuer aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient
et croyaient en Jésus.»
[112] 1 Corinthiens 2, 8.
[113] Le fait que seul un blasphème
contre l’Esprit Saint conduit en enfer, cela fait partie de la foi la plus sûre
de l’Église. Mais la description de ces six péchés contre l’esprit vient des
grands théologiens. Saint Thomas d’Aquin les a repris à saint Augustin. Il n’y
a rien à ajouter. 700 ans plus tard, je n’en ai pas trouvé d’autres.
[114] Somme Théologique, IIa IIae,
Question 14, article 2.
[115] On ira jusqu’à vérifier sa
virginité. Une sorcière ne peut, paraît-il, jamais être jeune fille.
[116] …en ce sens que le damnés règne
sur lui-même, fait ce qui lui plait, ne dépend de personne. Mais à quoi sert un
tel pouvoir face à d’autres orgueilleux se tenant dans la même fierté
arrogante, face à la rumination solitaire ? Que sert à l’homme de gagner
l’univers s’il vient à perdre son âme ?
[117] Un évêque en partance pour la
Russie s’arrêta à Nuremberg lors d’une fête nazie. Il assista à un discours
d’Hitler. Celui-ci fixa ses yeux sur lui. L’évêque témoignait, des années
après, du malaise qu’il avait gardé, ayant l’impression d’avoir été démasqué
malgré ses habits civils. Il fut convaincu toute sa vie qu’Hitler avait pactisé
avec le démon. Si cela est vrai, le péché d’Hitler devient beaucoup plus
lucide.
[118] Ce terme est précis. Le pardon est
proposé. Il n’est pas donné car il est aberrant de pardonner tant que la
contrition n’est pas là. L’amour n’est pas une vertu molle mais emplie de la
droiture de la vérité.
[119] En classe, un enfant racontait à
sa maîtresse la plus grande souffrance de sa vie. Cette histoire peut illustrer
ce qu’est le Jour du Seigneur, le Jour de la vengeance. Il avait brisé
volontairement lors d’une scène avec sa mère un petit objet auquel elle tenait
beaucoup. Loin de crier après lui et de l’envoyer au lit, elle se mit
simplement à pleurer. L’enfant aurait tellement préféré qu’elle le gronde. Il
en est de même à l’heure de la mort, même pour Hitler.
[120] Marthe Robin (qui n’est pas encore
une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage)
vivait ce doute sur Hitler et invitait à prier pour lui "au cas où… »
[121] Matthieu 8, 12.
[122] Jean 12, 5.
[123] Jean 13, 26.
[124] Matthieu 26, 24.
[125] Ainsi, à l’heure de la mort, bien
des suicidés atteignent en un instant face à Jésus un degré de charité
impressionnant, selon cette parole de l’Évangile à propos d’une femme
pécheresse : "Parce qu’elle a été
beaucoup pardonnée, elle a beaucoup aimé ». Comment pourrait-il en
être autrement pour des êtres qui ne se sont en fait donnés la mort que par
manque d’un amour capable de remplir leur vie ? Une fois purifiée, leur charité
leur obtient un poids de gloire plus grand que celui de bien des chrétiens
vertueux mais peu assoiffés : "Les
prostituées et les pécheurs vous devancent dans le Royaume des Cieux",
dit Jésus à des prêtres. Il ne s’agit pas de nier que le suicide constitue un
péché. Certes, le suicide par désespoir est un acte grave, non seulement à
cause de ceux qui restent sur la terre, les parents, les amis, mais aussi du
raccourcissement de l’apprentissage terrestre voulu par Dieu. Il implique la
plupart du temps un manque d’attention (bien pardonnable tant la souffrance est
grande) à ceux qui restent sur terre et, si la personne est croyante, à l’idée
qu’elle ne peut manquer de se faire du mystère de Dieu. Mais il n’est
pratiquement jamais un blasphème contre l’Esprit, comme tout acte empreint de
souffrance et d’ignorance.
[126] Le Magistère
l’Église a confirmé très souvent les paroles explicites de Jésus concernant les
peines de l’enfer : le dam, qui est là peine la plus importante : "Le Seigneur dira aux méchants, lors du
jugement de leur âme : Allez loin de moi, maudits.»; Le feu : le
psalmiste 17 écrit : "le feu et le
souffre, et le souffle des tempêtes seront la part de leur calice » et
Job 24, 19 continue : "de l’eau des
neiges, il passe à l’extrême chaleur.» C’est pourquoi l’Église a défini par
la voix de Benoît XII le dogme suivant : "Nous
définissons que, selon la disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui
meurent en état de péché mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer,
où elles sont tourmentées des peines infernales.» Mais jamais l’Église ne s’est
étendue avec une grande précision sur la nature du feu. A-t-il un rapport avec
un feu matériel, sensible ? Une décision de la Sacrée Pénitencerie (1890)
interdit de donner l’absolution à qui ne verrait dans le feu de l’enfer qu’une
métaphore désignant les peines intenses des damnés. Cette décision, de
caractère disciplinaire, se fonde sur l’enseignement commun des théologiens.
Elle laisse une certaine liberté. Au cours de cette partie, nous verrons
comment, même dans ce point, l’Église a raison et est protégée de l’erreur.
[127] Job 1, 6.
[128] Matthieu 5, 22 et des dizaines
d’autres références au feu qui ne s’arrête pas.
[129] C’est un "habitus
entitatif », dirait saint Thomas d’Aquin, à savoir une propriété du
tréfonds même de notre être, qui rayonne d’abord dans l’esprit (intelligence et
volonté), puis dans le psychisme et le corps.
[130] On allume la télévision à peine arrivé chez
soi pour " ne pas penser ", pour ne pas ressentir cette
angoisse indéfinissable de quelque chose qui manque.
[131] Feuerbach fait de cette propriété
de l’âme humaine la preuve que les religions sont de simples inventions de
notre nature tordue. Son argument pourrait prouver l’inverse. Nous sommes créés
pour voir Dieu d’où ce vide infini…
[132] Marc 9, 48.
[133] Luc 13, 28.
[134] Luc 8, 26-38.
[135] Apocalypse 19, 20.
[136] Matthieu 5, 18.
[137] Cette recherche n’engage que moi.
A chacun de la faire pour son propre compte, à force d’observation de la nature
humaine. A la Salette, la Vierge dit aux enfants : "beaucoup se
damnent. » Mais dans sa bouche, que veut dire beaucoup ? Peut-être un
seul homme…
[138] Matthieu 7, 13.
[139] 1 Corinthiens 15, 32.
[140] Matthieu 25, 40.
[141] Note
de Sébastien pour résumer Paradis/Enfer : « C'est comme une personne
âgée qui a plein de fils et de filles et qui décide de construire deux maisons
identiques (pas de chichi, aucune préférence, ce sont les mêmes). Voila le père
va décider d'habiter dans une maison, il y a ceux qui adorent leur père et qui
préfèrent le suivre. Donc ils vont le rejoindre. Ce sont ceux
qui ont préféré Dieu, qui l'aiment, ont choisie de le rencontrer.
Mais il y en a d'autres qui préfèrent une
liberté pour faire la java, jouer à des trucs pas catho, etc. Ils pensent que
le message du père c'est juste du vent, etc. Ils vont dans l'autre. Leur père
leur laisse porte ouverte si ils veulent le rejoindre au cas où ils
changeraient d'avis (même si c'est cause perdue, il n’en ont rien à faire de
leur père et de ses câlins).
Ceux qui ont préféré leur orgueil égoïste ont
choisi leur paradis. Mais Dieu a quand même toujours un regard de père sur eux
malgré qu'ils l'ont rejeté. »
[142] L’existence du purgatoire fait
partie de la foi catholique, solennellement et sans hésitation. Paul VI le mit
dans son nouveau Credo, publié le 30 juin 1968 en prévision de la crise à venir
de la foi : "Nous croyons en la vie
éternelle. Nous croyons que les âmes de tous ceux qui meurent dans la grâce du
Christ, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire… »
L’existence de six degrés du purgatoire est par contre le fruit de ma
recherche, à travers la tradition des saints les plus profonds. Les trois
purgatoires mystiques de sainte Catherine de Gênes sont les plus décrits dans
l’Église. Le purgatoire des âmes errantes est sans doute le moins documenté. Il
n’en est pas moins important car tout à fait logique et utile au salut de
certains. En recherchant dans le patrimoine de l’Église, on trouve six degrés
du purgatoire. Il en existe peut-être d’autres. Ce chiffre n’a rien de
dogmatique. Mais son symbolisme biblique est étonnant. Le septième jour,
l’homme se reposera en Dieu, de même que Dieu se reposa le septième jour de sa
création (Genèse 1). Voir chapitre consacré à la vision béatifique.
[143] Lettre à Mekhitar, d’Arménie, 29
septembre 1351 (DS 854). Voir aussi DS 1304, DS 1820.
Concile
de Trente, Session 25, D.B, Enchiridion, 983, Trad. A. Michel, purgatoire,
Dictionnaire de Théologie Catholique 1278-1279.
[144] 2 Macchabées. 12, 46.
[145] 1 Corinthiens 3, 15.
[146] Genèse 28, 11.
[147] Voir Apocalypse 8, 1 : "Il se
fit un silence dans le ciel, environ une demi-heure.», c’est-à-dire le temps
d’une vie terrestre.
[148] Jean 20, 29.
[149] Job 26, 5 : "Les Ombres
tremblent sous terre, les eaux et leurs habitants sont dans l’effroi. »
[150] Voir par exemple Genèse 42, 38 :
"S’il lui arrivait malheur dans le
voyage que vous allez entreprendre, vous feriez descendre dans l’affliction mes
cheveux blancs au shéol. »
[151] … qui est une sainte canonisée.
Elle a en outre été reconnue par l’Église comme une réelle autorité théologique
concernant le purgatoire d’un degré bien sûr inférieur à celui de l’Écriture
Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin d’ouvrage).
[152] La théologie de la souffrance,
telle que je la donne ici, est rejetée par une part importante des prêtres
occidentaux. C’est une véritable tragédie car, avec le bouddhisme (et sa
source, l’hindouisme), le catholicisme était la seule religion au monde à
donner sens à la souffrance. Pour comprendre cette richesse, on peut lire, avec
fruit, la méditation sur la souffrance de Jean-Paul II. Suite à l’attentat qui
faillit lui coûter la vie, il vit un ange, celui de Fatima, détourner la balle.
Mais l’ange ne la détourna qu’un peu, sur ordre de Dieu. Jean-Paul II fut
frappé dans sa chair, et physiquement humilié (anus artificiel, douleurs
lancinantes). Son texte est digne car il vient de sa propre douleur.
[153] Nous l’avons
rappelé au début de cet ouvrage. Nous la remettons ici en note tant elle est
essentielle au reste : La théologie catholique est une
" science " en ce sens qu’elle est logique. Elle tire de
quelques principes simples la totalité de sa compréhension. Pour comprendre (ce
qui ne signifie pas tout comprendre),
il suffit donc de saisir ces principes. Autre chose est de croire à ces principes!
La Bonne Nouvelle est, par son contenu, le principe de toute la
théologie chrétienne.
" Un Être éternel existe. Sa vie est faite de bonheur
intérieur. Il est infini, il se suffit à lui-même. Aussi passe-t-il son éternité
à se contempler lui-même et à s’aimer. Ce qui pour nous serait du narcissisme
est chez lui, parce qu’il est sans aucune limite, Vie, Paix et Joie. On peut
même dire que ce Dieu unique, dans sa vie intime, est comme fait de trois
personnes. La connaissance qu’il a de lui-même s’appelle le VERBE (le Fils),
L’amour qu’il a pour lui-même s’appelle le SAINT ESPRIT. Il s’agit d’un seul
Dieu en trois personnes.
Deux qualités du cœur peuvent résumer la vie de Dieu : l’humilité et
l’amour. Cette humilité et cet amour sont infinis dans toutes les directions
des relations trinitaires. Sans cesse, le Père s’efface devant le Fils parce
qu’il l’aime. Certains théologiens objectent que Dieu ne peut être humble, que
c’est le propre de la créature. Qu’ils réfléchissent aux abaissements du Verbe
éternel, lui qui était, dit saint Paul, de condition divine…
Or le Dieu infini décide de faire partager son bonheur. Il crée donc
des êtres dotés d’un esprit. Son but est de se montrer à eux, face à face, pour
qu’ils soient heureux comme lui l’est. (les anges, puis les hommes). Mais il y
a une condition. On ne peut voir Dieu face à face que si on l’épouse librement,
comme dans un mariage d’amour.
Et, pour l’épouser, il faut devenir semblable à lui. Nul ne peut voir
Dieu s’il ne devient, comme Dieu, toute humilité et tout amour. "Nul ne
peut voir Dieu sans mourir à soi-même». Il ne s’agit pas de n’importe quelle
humilité, ni de n’importe quel amour. La moindre trace d’orgueil ou d’égoïsme
rend "techniquement » impossible le mariage avec Dieu. Dans ces
conditions, l'entrée dans la Vision béatifique ressemblerait à un viol.
Mais
qui est comme cela ? Qui peut se targuer d’être humble et aimant au point
d’être capable de donner sa vie pour autrui, de donner sa vie pour un ennemi ?
L’image de l’amour nécessaire est visible à travers la vie de Jésus. Ceux qui
l’ont mis à mort et qui se moquent de lui, il les aime au point qu’il les
accueille à l’heure de leur mort et leur propose la vie éternelle. Ces
personnes ont sans doute été tellement surprises par une telle preuve d’amour
qu’elles ont demandé pardon pour leur faute.
[154] Matthieu 23, 35.
[155] Luc 18, 26.
[156] Ce passage est très important. Il
a le pouvoir de donner au cœur humain, par le fait même que Dieu se tait, une
soif, donc un désir qui grandit sans cesse. Cependant, Dieu n’est pas esclave
de ses lois. Nous verrons qu’il est capable de conduire autrement les âmes de
ceux qui n’ont pas vécu ici-bas (les enfants morts trop jeunes en particulier).
[157] Se référer à la première partie,
l’histoire de Dieu.
[158] Méditation sur la souffrance.
[159] 1 Corinthiens 1, 23.
[160] Ce fait divers pédophile marqua la
Belgique à la fin des années 1990.
[161] Isaïe 65, 17 ; Apocalypse 7,
14.
[162] J’entre dans la vie, cerf,
p. 66
[163] Un chapitre est consacré plus loin
à cette question.
[164] Matthieu 7, 22.
[165] Aussi appelé le shéol ou l’Hadès.
Mes sources : quelques textes bibliques de l’Ancien Testament, très confus et
peu précis; de nombreux témoignages dans la bouche de saints canonisés.
Certains sont cités ici. Il n’existe aucune définition d’un pape ou d’un
Concile, mais seulement une pratique liée aux messes des morts et parfois
pratiquées par des prêtres exorcistes en cas de phénomène paranormal. Enfin,
une foule de témoignages concernant des âmes errantes, aussi bien chez des
chrétiens que dans le monde païen, musulman, juif etc.
[166] Vie de saint Malachie.
[167] Job 7, 9.
[168] Luc 12, 15 et ss.
[169] Sans faire
d’amalgame, il est important de constater que certaines théologies orientales
expliquent de la même façon le phénomène des revenants. Le Livre des Morts
tibétain indique comment il est possible aux vivants de conduire les âmes
errantes vers le bon port. Dans cette tradition, on explique leur lien avec
notre monde par une conservation, au-delà de la mort du corps psychique, (le corps
astral, sorte de corps psychique survivant un temps au corps physique, composé
d’énergie magnétique, et siège des facultés de la sensibilité). De cette
manière, il leur est facile d’expliquer les manifestations des revenants. Une
telle vision est parfaitement admissible par la théologie catholique.
[170] Cela peut être le cas dans
certains types de suicides liés à la perte d’un bien matériel. Celui qui se tue
parce qu’il a perdu son argent est manifestement victime d’un tel attachement
maladif. Si son cœur avait un autre but que l’argent, il trouverait la force de
survivre. Il croit fuir pour le néant mais emporte son problème avec lui. On
trouve aussi des coupables de péchés particulièrement ignobles et éprouvants,
qui sont morts psychologiquement rongés par les cauchemars de leurs actes. Leur
mal psychologique est si lourd que leur vie morale est inhibée. Ils ne sont pas
prêts à affronter la Parousie, l’apparition du Christ glorieux.
[171] La Bible décrit très bien comment
historiquement, l’humanité a appris la finesse. Les hommes des temps anciens
furent souvent des sauvages. Voir par exemple Genèse 6, 4 : "Les Nephilim étaient sur la terre en ces
jours-là (et aussi dans la suite) quand les fils de Dieu s’unissaient aux
filles des hommes et qu’elles leur donnaient des enfants; ce sont les héros du
temps jadis, ces hommes fameux. Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était
grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à
longueur de journée. »
[172] Luc 16, 22 : "Or il advint
que le pauvre mourut et fut emporté par les anges dans le sein d’Abraham. Le
riche aussi mourut, et on l’ensevelit.»
[173] Pour la majorité des Pères de
l’Église, les morts de l’Antiquité recevaient la visite d’un Ange de Dieu qui
leur annonçait l’Évangile à venir. Les morts attendaient alors avec Abraham,
dans la joie, que le Messie naisse et vienne leur ouvrir la Vision de Dieu.
[174] Vie de Clémence Ledoux, fondatrice
de la fraternité de Marie-Reine Immaculée.
[175] Luc 12, 34.
[176] Le spiritisme ou évocation des
morts a la plupart du temps pour cause des démons de l’enfer. Ils se font
passer pour des saints du Ciel, d’où l’interdiction totale de l’Église
vis-à-vis de cette pratique. Parfois, cependant, ce sont ces âmes en peine qui
répondent. On les reconnaît au caractère insipide et lourd de leurs propos.
[177] Marc 6, 49.
[178] Matthieu 25, 36.
[179] C’est à dire l’intelligence et
l’amour.
[180] Cet enseignement n’a rien à voir
avec celui des animistes : "N’importune pas les vivants. Va hanter les
lieux déserts. »
[181] Sur terre, nous n’avons pas l’expérience
de notre capacité de survie après la mort. Les âmes errantes sont
expérimentalement délivrées de ce doute.
[182] Dans d’autres
religions comme le tantrisme, le fidèle est aussi invité à prier pour l’âme
errante et à lui adresser la parole, en lui expliquant qu’il est bon pour elle
de ne plus s’attacher à la terre, que son lieu est celui de l’autre monde. Une
telle pratique semble réaliste et saine. Aidée ainsi, l’âme peut alors passer
dans une autre demeure du purgatoire où la souffrance n’est plus causée par
l’absence des plaisirs, mais par l’absence de Dieu.
[183] Il s’agit bien du "troisième
ciel » où fut ravi saint Paul et qu’il décrit en II Corinthiens 12, 2 :
"Je
connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans - était-ce en son corps
? Je ne sais; était-ce hors de son corps ? Je ne sais; Dieu le sait - cet
homme-là fut ravi jusqu'au troisième ciel. Et cet homme-là - était-ce en son
corps ? Etait-ce sans son corps ? Je ne sais, Dieu le sait --, je sais qu'il
fut ravi jusqu'au paradis et qu'il entendit des paroles ineffables, qu'il n'est
pas permis à un homme de redire. »
[184] Matthieu 5, 6.
[185] Rappelons-le : la vie terrestre permet seule permet la
croissance de la capacité d’aimer (c’est-à-dire du désir), pour deux raisons :
1. Dieu se cache; 2. Les malheurs paraissent injustes. Dans le cœur des justes,
une soif de justice, d’explication, d’amour grandit à mesure que l’on prend
conscience de cette absurdité. Peu importe la révolte, la colère de certains.
Profondément, elle est plutôt le signe positif d’un désir grandissant d’amour
et de justice. Ces hommes-là seront comblés car Dieu est l’Amour et la Justice.
C’est pourquoi cette vie est si importante.
[186] C’est d’ailleurs un des arguments
les plus utilisés par les protestants pour nier la réalité d’un autre
purgatoire après la venue du Christ. Ils oublient que l’amour total n’est pas
l’unique condition pour entrer auprès de la Trinité. Cet amour doit être humble.
Or il est difficile d’aimer sans se regarder aimer quand, durant toute une vie,
on a vécu pour soi. Cela, même l’apparition du Christ ne le réalise pas
toujours. Quand une personne n’a jamais touché sa misère de manière
expérimentale (ce que seule l’expérience de la souffrance réalise pleinement),
elle a du mal à comprendre qu’elle n’est que néant.
[187] Sainte
Catherine de Gênes eut la vision des trois purgatoires mystiques. Elle la mit
par écrit. Il en ressortit un Traité du purgatoire dont le contenu fut
canoniquement mis en valeur par l’Église.
[188] Cette parole est appelée par
l’Église, le jugement dernier de la personne.
[189] La bienheureuse
Anne-Catherine Emmerich, une célèbre stigmatisée du XIXème siècle,
eut la vision de l’état des âmes de ce purgatoire mystique : "J’ai vu Dieu rendre son jugement sur
de grands pécheurs. Il ne condamne que ceux qui ne veulent absolument pas se
convertir. Mais ceux qui ont encore une étincelle de bonne volonté se sauvent.
Il y en a qui ont un très vif repentir de leurs péchés, qui les confessent
sincèrement et ont pleine confiance dans les mérites infinis de notre sauveur.
Ceux-là arrivent au bonheur éternel et leurs péchés sont oubliés. Ils passent
bien par le purgatoire mais ils n’y restent pas longtemps. Au contraire,
beaucoup vont pour longtemps au purgatoire, qui ne sont pas de grands pécheurs,
mais qui vivent dans la tiédeur et qui, par amour propre, trouvent mauvais
qu’on les avertisse et les reprenne. » (Vie de la
bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, Téqui, 1923, Tome I, p. 331).
[190] Le Christ souffrit en toute
innocence. Dans un grand cri, sur la croix, il demanda à Dieu son Père que cela
serve de payement juste pour tout le mal commis dans le monde entier. Il obtint
cette indulgence. Il l’applique sans cesse à chacun de nous, à sa manière. Il
aime nous obtenir l’indulgence pour la peine de nos crimes à travers la prière
de ceux qui sont encore sur terre.
[191] Saint Thomas distingue le temps
extérieur de la durée intérieure, subjective qu’il appelle l’aevum.
[192] Luc 16, 24.
[193] Luc 16, 24
[194] "Il lui
dit » : c’est une façon de parler. Ce n’est pas sa langue qui prononce
ces paroles. C’est son être même. La souffrance a brûlé son âme et fait
apparaître l’or, selon cette parole de saint Paul : "Que si sur ce fondement on bâtit avec de l’or, de l’argent, des pierres
précieuses, du bois, du foin, de la paille, l’œuvre de chacun deviendra
manifeste; le Jour, en effet, la fera connaître, car il doit se révéler dans le
feu, et c’est ce feu qui éprouvera la qualité de l’œuvre de chacun. Si l’œuvre
bâtie sur le fondement subsiste, l’ouvrier recevra une récompense; si son oeuvre
est consumée, il en subira la perte; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à
travers le feu. » (1 Corinthiens 3, 12).
[195] Cette parole est prononcée à la
messe juste avant la communion. De même, elle est prononcée par le tréfonds de
l’âme des morts juste avant l’entrée dans la vision de Dieu. La messe est le
symbole de la vie de la grâce.
[196] Cela ne veut
pas dire qu’il faut devenir prostituée! Cela veut dire qu’un prêtre, parce
qu’il récolte la considération des autres, doit le faire par amour, quitte à vivre
ce purgatoire après la mort. Il faut être lucide sur soi-même : il est
difficile à une personne reconnue d’être humble. Peu importe, s’il s’agit
d’aimer son prochain pour Dieu. Saint Paul le disait aux Romains 9, 2 :
"j’éprouve une grande tristesse et une douleur incessante en mon cœur. Car
je souhaiterais d’être moi-même anathème, séparé du Christ, pour mes frères. »
C’est l’amour le plus grand, celui de l’apôtre.
[197] Matthieu 25, 21.
[198] Matthieu 27, 51 : "Et voilà que le voile du Sanctuaire
se déchira en deux, du haut en bas; la terre trembla, les rochers se fendirent,
les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés
ressuscitèrent». Il n’existe pas de texte plus réaliste pour décrire le
bouleversement qu’est l’entrée dans la vision béatifique.
[199] J’ai essayé d’imaginer, du mieux
que je pouvais, la manière dont les enfants et les handicapés profonds
entraient dans la gloire. Trois choses seulement sont certaines : 1. Il ne peut
y avoir de limbes éternels, puisque le salut est proposé à tout homme (dogme
catholique); 2. Les enfants entrent en Dieu librement,
comme tout homme. Ils ne le font donc pas "automatiquement », par
leur baptême d’eau ou d’esprit (d’humilité et d’amour). 3. Lorsqu’ils sont
morts, ils étaient encore incapables de choisir. Ils ont donc appris la
liberté. Mais la manière dont s’est fait cet apprentissage n’engage que moi.
J’ai essayé d’être logique. J’ai opté pour un temps réel d’école du Ciel.
Peut-être n’y a-t-il qu’une seconde d’apprentissage, si la force de l’apparition
du Christ est suffisante à tout faire d’un coup ?
[200] Ainsi que les handicapés profonds
qui restent à vie des enfants. Ces deux points sont une certitude. Le reste
n’engage que moi. Peut-être n’y a-t-il aucun délai d’apprentissage ? La simple
apparition glorieuse du Ciel a peut-être, à elle seule, le pouvoir de les
rendre capables de choix.
[201] 26 février 1439 - août 1445, 17ème
Concile œcuménique.
[202] Dans sa constitution "Auctorem
Fidei », 28 août 1794.
[203] Voir la bulle "Ex omnibus
afflictionibus », Pie V, n°49, 7 janvier 1572.
[204] Cathéchisme de l’Église
Catholique, 1258 : "Depuis
toujours, l’Église garde la ferme conviction que ceux qui subissent la mort en
raison de la foi, sans avoir reçu le Baptême, sont baptisés par leur mort pour
et avec le Christ. Ce Baptême du sang,
comme le désir du Baptême, porte les
fruits du Baptême, sans être sacrement. »
[205] Voir C.D.C. n°1261
[206] Exode 2, 5.
[207] Luc 16, 22.
[208] Jean 16, 24.
[209] Cette description simple du salut
des enfants ne manque pas de fondements expérimentaux. Nombres de mères peuvent
témoigner, suite à une grave maladie survenue à un enfant, que celui-ci se
disait visité par des anges. La petite voyante de la Salette se souvient qu’au
cours de son enfance malheureuse, elle était souvent visitée par un ange qui
l’éduquait.
[210] La bienheureuse Anne-Catherine
Emmerich, une célèbre stigmatisée du XIXème siècle, eut la vision de
l’état des âmes des saints Innocents : "Mon
guide m’a menée à un endroit où j’ai pu voir le meurtre des saints Innocents et
la grande magnificence avec laquelle Dieu récompensa ces victimes d’un âge si
tendre, quoiqu’elles n’eussent pu coopérer activement à la confession du saint
nom de Jésus. J’admirais l’immensité de leur récompense, et je me demandais ce
que je pourrais espérer, moi qui, depuis si longtemps déjà, avais eu à souffrir
pour l’amour de mon sauveur. » (Vie de la bienheureuse Anne-Catherine
Emmerich, Téqui, 1923, Tome I, p. 502).
[211] Le fait que le ministre
extraordinaire du sacrement peut être, en cas de nécessité, un laïc et même un
non baptisé montre suffisamment la nécessité du baptême.
[212] Voir les expériences de mort
approchée.
[213] Certains
chrétiens pensent que la meilleure solution pour développer un esprit enfant
semble être de lui permettre de se réincarner dans un autre corps. Il pourrait
alors, à travers une vie terrestre normale, se développer et accéder à la
capacité du choix. La réincarnation n’est pas possible. L’être humain n’est pas
une énergie indifférente au corps qui la reçoit mais un être substantiellement
réalisé autour de trois degrés de vie : physique, psychique et spirituel. L’âme
qui unifie ces facultés est faite pour son
propre corps, pas pour un autre. Elle est source de l’être d’une personne
unique et éternelle. La croyance en la réincarnation est le fait de civilisations
qui ne croient pas en l’existence des personnes mais de l’Univers comme énergie
universelle (panthéismes hindou et bouddhiste.) C’est pourquoi l’Église croit
au purgatoire des personnes et non en la réincarnation des énergies.
[214] Rien n’empêche que Dieu,
de manière semblable à ce qu’il fit pour les anges à l’heure de leur
création, infuse dans leur intelligence les espèces intelligibles nécessaires
pour qu’ils aient une connaissance naturelle suffisante d’eux-mêmes, de
l’univers et de leur Créateur.
[215] Je parle ici des innocents, pas
des enfants morts avec une capacité de choix. A Lourdes, Bernadette demanda à
la Vierge si telle de ses amies décédées était sauvée. Elle répondit : "elle est au purgatoire jusqu’à la fin du
monde ».
[216] Lettre d’Innocent IV à l’évêque de
Tusculum (06-03-1224).
[217] J’entre dans la vie, cerf,
p. 66
[218] Une autre perte
peut être soupçonnée, moins grave cependant. L’éducation reçue avant l’entrée
dans la gloire ne compense pas nécessairement entièrement les pertes subies par
l’intelligence à cause de la mort prématurée. En effet, l’homme est un esprit
qui, par nature, remonte par étapes à l’intelligible. C’est pourquoi il est lié
à une sensibilité. Son intelligence se sert des images vues pour, petit à
petit, construire les concepts universels. C’est par exemple en voyant ses
parent s’aimer que le petit enfant comprent ce qu’est "l’amour». Lorsque
l’intelligence n’a pu atteindre la plénitude de son développement, il est
possible qu’elle éprouve de la difficulté à mûrir les concepts donnés en
remplacement car elle n’y est pas adaptée. Il est probable que cet handicap de
leur intelligence selon sa puissance naturelle est cependant largement compensé
par la communication de la grâce surnaturelle puis de la lumière de gloire,
selon cette parole du Seigneur : "Bienheureux
es-tu père, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir
révélé aux tout petits» En effet, la vision de l’essence divine n’est pas
communiquée en fonction de la perfection de la nature mais plutôt en fonction
de la ferveur de la charité.
[219] La vision
humaniste athée qui domine aujourd’hui explique ces réactions des parents.
Seule cette vie de la terre compte. Dans cette hypothèse, ils s’efforcent de
donner toutes les conditions matérielles
et psychologiques pour que l’enfant réussisse dans la vie. D’autre part,
l’absence de réflexion sur une survie de l’âme après la mort fait qu’on définit
une personne humaine par sa capacité à poser un acte libre. Un embryon n’est
donc pas encore une personne humaine.
[220] Sauf exception comme les suicides
altruistes ou motivés par l’orgueil.
[221] 2 Maccabées 14, 41.
[222] Jean 15, 13.
[223] Voir "les limbes ou le shéol,
purgatoire des âmes errantes."
[224] A ne pas confondre avec le
blasphème contre l’Esprit Saint par désespérance qui est un acte
d’orgueil : Refus volontaire d’espérer un pardon face au Christ qui le propose
dans la mort. Le désespoir psychologique est le sentiment d’absence de sens à
la vie. C’est un mal d’enfant fragile. Le désespoir spirituel est l’analyse
intellectuelle, froide et réfléchie de la même chose. C’est un mal d’athée.
Aujourd’hui, les hommes sont frappés des deux car ils sont souvent riches donc
fragiles et athées.
[225] Ecclésiastique 7, 23.
[226] Sagesse 2, 6.
[227] Matthieu 6, 21.
[228] Romains 8, 39.
[229] Matthieu 27, 46.
[230] Jean 8, 11.
[231] Osée 2, 5, 2, 16.
[232] "Tu ne jugeras pas», disait Jésus. Cela signifie, dans le
contexte précis du texte : "tu ne
condamneras pas » comme si tu étais Dieu, comme si tu perçais tous les
méandres des âmes et n’étais pas toi-même, un grand pécheur. Ici, il s’agit
d’un jugement général, théologique. C’est tout autre chose.
[233]Il est vrai que
ceux qui se suicident à cause d’un désespoir commettent un péché mortel au
moins d’ignorance ou de faiblesse, directement contre l’amour. C’est que tout
acte qui est motivé par un amour égoïste de soi est qualifié comme tel. Ici,
l’égoïsme est pardonnable et pardonné dans l’autre monde.
[234] L’humilité de Dieu est révélée par
Jésus lors du lavement des pieds, juste avant la Passion du Christ. Pierre ne
voulut pas comprendre : "Tu es le
maître et le Seigneur. Tu ne me lavera pas les pieds. » "Si je ne te
lave pas les pieds, tu n’as pas de part avec moi. », lui répondit
Jésus.
[235] Jacob, fils d’Isaac, rêva du Ciel.
Genèse 28, 12 "Il eut un songe :
Voilà qu’une échelle était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le
ciel, et des anges de Dieu y montaient et descendaient! » Cette échelle
possède six barreaux (voir chapitre 4, les six degrés du purgatoire). Le
septième est la porte du Ciel. Il est remarquable de constater que les
religions antiques, comme celle de l’Egypte, avaient déjà reçu mystérieusement
cette révélation. Le livre des morts décrit sept portiques. Le mourant devait
connaître une formule magique pour les franchir un par un… Est-ce une simple
coïncidence ? Il ne me semble pas. L’Évangile semble dire avec raison : "D’Égypte, j’ai appelé mon Fils » (Matthieu
2, 15), tant ces anciens avaient reçu des
vestiges de l’Esprit Saint (Vatican II). Ils savaient qu’il y aurait après
la mort un jugement dernier, un enfer et un paradis; Ils n’ignoraient pas Seth,
le démon; Ils avaient reçu une préfiguration du Christ en Osiris, mort et
ressuscité et de Marie en Isis, son aimante sœur; Ils attendaient la
résurrection de la chair.
[236] 2 Samuel 6, 14.
[237] Sur terre, ne plus avoir de désirs
signifie s’ennuyer. Au Ciel, c’est l’inverse.
[238] Certains imaginèrent qu’en voyant
Dieu, on devient l’être même de Dieu. Leur dire est vrai à condition de le
prendre à la manière d’une métaphore. C’est la même qui permet à Dieu de dire
de l’homme et de la femme qui s’aiment : "ils deviennent une seule chair». En réalité, la Vision béatifique
est comme un mariage. Il reste deux personnes distinctes.
[239] Ici, nous parlons des yeux de
notre intelligence, autrement dit, les yeux de notre cœur, puisque la Trinité
est esprit.
[240] 1 Corinthiens 13, 8.
[241] Malgré : 1. la vie terrestre et
l’expérience de sa misère jusqu’à la mort; 2. pour certains, l’expérience d’un
temps d’errance après la mort; 3. l’apparition bouleversante du Christ; 4.
accompagné des personnes les plus proches du mort, son père, sa mère etc. Bref,
si quelqu’un se damne malgré tout, c’est que son choix est libre et obstiné.
[242] Saint Thomas d’Aquin traite
explicitement dans sa Somme de théologie de cette joie des élus face à la
damnation. C’est une thèse extrêmement choquante… sauf si on comprend l’extrême
liberté du choix des damnés.
[243] Ainsi lorsque nous parlions
antérieurement d’une possible grande joie au Ciel devant la possible conversion
d’Hitler, nous appuyant sur une parole de Jésus, nous ne parlions avec lui que
par mode d’image. Tout est objet de joie au Ciel puisque tout est en définitive
la manifestation de l’amour et de la sagesse de Dieu.
[244] Peut-être pas seulement eux
d’après Matthieu 27, 52, sans compter Hénoch et Elie.
[245] Les Confessions, 1.
[246] D’après
certains témoignages liés à la N.D.E., l’homme peut lui-même créer des images
nouvelles. Il peut modifier l’univers qui l’entoure. Le pouvoir créateur de
l’imagination devient unique puisque, à volonté, tout ce qu’un homme se met à
imaginer existe devant lui.
[247] Ce sera l’objet d’un chapitre
suivant.
[248] 1 Corinthiens 15, 5 ss.
[249] En dépit de 1 Thessaloniciens 4,
17, l’enseignement commun de l’Église était autrefois que tous les hommes
mourraient (cf. Romains 5, 12; 1 Corinthiens 15, 22) parce que tous sont
pécheurs. Cependant, ce courant traditionnel était essentiellement fondé sur
une erreur de traduction dans la Vulgate. Saint Jérôme écrivait, à propos du
texte de saint Paul : "Je vais vous
dire un mystère : nous mourrons tous. » Cette traduction a pu être
rectifiée par la suite. Ce texte affirme donc au sens littéral que ceux qui
verront le retour du Christ à la fin du monde ne mourront pas. En confrontant
cela aux autres textes qui semblent le contredire, nous pensons qu’il convient
de dire ceci : ceux qui seront sauvés mourront tous à eux-mêmes, à leur orgueil
et à leur égoïsme, mais la dernière génération sera dispensée de la mort
physique.
[250] Du même auteur, La fin du monde.
[251] La vie après
la vie, docteur Moody, Robert Laffont, 1977, page 35.
[252] 1 Corinthiens 15, 52.
[253] 1 Rois 19, 12.
[254] Ce serait ridicule et nous savons
que la matière ne cesse de varier au cours de notre existence. On dit même
qu’elle se renouvelle tous les sept ans. Ce qui fait que ce corps humain est le
mien, c’est d’abord mon âme (qui est moi-même, conscient et pensant). C’est
aussi le fait que cette âme qui est moi assume mon corps structuré par mon
chiffre génétique personnel, porté sur les chromosomes et définitivement fixé
dès ma conception. A l’intérieur de ce chiffre, certains défauts ne constituent
pas essentiellement notre être physique et peuvent être guéris en nous laissant
semblables à nous-mêmes. La pratique traditionnelle du culte des reliques des
saints n’a donc plus aujourd’hui le sens matériel d’autrefois. Il possède un
sens plus spirituel signifiant précisément ceci : "A la fin du monde,
Dieu te rendra ton corps. Ce ne sera pas le corps d’un autre mais le tien,
substantiellement. Peut-être prendra-il ces atomes et ces molécules qui sont
furent matériellement tiennes à tel moment de ta vie. Peut-être pas. Là n’est
pas l’essentiel. » L’intelligence de la foi a progressé sur ce point.
C’est pourquoi l’Église autorise l’incinération des cadavres depuis le Concile
Vatican II.
[255] 1 Corinthiens 15, 44-49.
[256] Voir le livre de Tobie.
[257] Jean 20, 27.
[258] Daniel 12, 2.
[259] Nous verrons ultérieurement à quoi
ressemblera leur enfer de ressuscités.
[260] Certaines propriétés sont
miraculeuses en ce sens qu’elles dépassent les lois de la matière. Ainsi, le
mouvement instantané est impossible, ainsi que le fait d’être en deux lieux à
la fois (bilocation). La puissance de Dieu rendra cela possible, à volonté.
[261] Depuis que la N.D.E. (expérience
de mort imminente) a été découverte dans les années 1970, certains théologiens
catholique ou réformés, constatant que le corps astral possédait ces quatre
propriétés, en sont venus à nier une future résurrection de la chair. Ils se
trompent certainement.
[262] Job 19,
25.
[263] 1
Corinthiens 2, 9.
[264]
Matthieu 13, 29.
[265] Apocalypse 19, 20.
[266] La bienheureuse Anne-Catherine
Emmerich, une stigmatisée du XIXème siècle, eut la vision de l’enfer des
damnés. "Je vis de même l’enfer sous la forme d’un assemblage d’hommes
demeurant dans des maisons au milieu des champs. Mais tandis que dans le séjour
des bienheureux, tout est ordonné selon les lois de la béatitude parfaite, de
l’harmonie éternelle et de la paix infinie ; dans l’enfer, au contraire,
tout est désordonné car il n’y règne que discorde, haine et désespérance. On y
voit l’essence infernale du péché démasqué, de ce serpent qui dévore ceux qui
l’ont nourri dans leur sein. » (Visions d'Anne-Catherine Emmerich sur
la vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 372).
[267] D’après saint Augustin, Les
confessions.
[268] 1 Corinthiens 2, 9.
[269] En plus de la Vision de sa vie
Trinité et de la présence de nos frères anges et hommes qui est la grâce
essentielle et suffisante.
[270] Comme tout cela est inimaginable,
bien des points seront traités au conditionnel. Nous nous trouvons dans
l’attitude exacte des enfants le jour de Noël. Ils n’ont pas encore le droit de
descendre voir le sapin mais ils soupçonnent, connaissant l’amour et la richesse
en inventions de leurs parents, les présents cachés.
[271] 2, Pierre 3, 10. Ce texte, valable
pour la fin du monde, est vrai aussi pour chaque civilisation, pour chaque
génération. Les plus belles constructions humaines finissent tôt ou tard à
l’état de ruine. Des sept merveilles du monde antique, seules les pyramides
d’Egypte subsistent, rongées par les caries du temps. Ce fait paraît dramatique.
En fait, les constructions de l’homme ont plusieurs inconvénients : Elles sont
souvent le fruit de l’orgueil, pas seulement de l’amour désintéressé ;
Elles sont faites de matière soumise à la corruption. De plus, en comparaison
de ce qu’il nous sera possible de faire dans l’autre monde, avec la liberté
d’une imagination sans limite et d’une matière sans résistance, tout ce qui est
ici-bas est très gris et très laid!
[272] Matthieu 24, 2 : A l’image du
Temple, pourtant magnifique, de Jérusalem.
[273] 2 Pierre 2, 7.
[274] 1 Corinthiens 13, 9.
[275] Le plus grand parmi les
théologiens, saint Thomas d’Aquin, dans son traité de l’Incarnation (Somme
théologique, Troisième partie), accepte la possibilité d’autres modes de salut.
Selon lui, le Verbe peut même s’incarner "plusieurs fois », dans
plusieurs individus !
[276] Cette question n’est évidemment
pas essentielle à la foi. L’Église laisse les théologiens en débattre depuis
des siècles et, curieusement pour une question apparemment secondaire, ce débat
fut passionné. C’est que la spiritualité des grands ordres religieux y
transparaît dans sa conséquence la plus inattendue. Les Dominicains, à la suite
de saint Thomas, attentifs à l’essentiel qu’est la finalité ultime (la Vision
béatifique), s’opposèrent formellement à la présence d’animaux ou de plantes
dans le monde minéral incorruptible de la résurrection. Les franciscains, au
contraire, furent plus féminins dans leur théologie, plus attentifs aux petits
riens qui manifestent Dieu. A chacun de se faire une opinion, sachant tout de
même que les animaux sont incapables par nature d’une béatitude spirituelle.
L
‘opinion du grand théologien suisse Hans-Urs von Balthasar : "Selon saint
Thomas, dans le monde de la résurrection entrent seuls les corps des hommes et
le monde minéral; le monde végétal et animal, parce qu’il est soumis au modus
cœli désormais suspendu, et parce que la vision de Dieu ne le concerne pas,
tombe tout simplement dans le néant. Ce verdict cruel contredit la sensibilité
vétéro-testamentaire en faveur du cosmos animé solidaire du cosmos humain (cf.
Psaume 10 ; Paume 104 ; Génèse 1 ; etc.), ainsi que les
représentations des prophètes et du judaïsme proposant le salut selon
l’imagerie de la paix régnant entre tous les animaux (Isaïe 11, Jérémie 9, 6-5).
Il contredit aussi cette profonde sensibilité. " BALTHASAR H.U.,La
dramatique divine IV, le dénouement, Culture
et Vérité, Namur 1993.
[277] Romains 8, 22.
[278] Genèse 9, 9.
[279] Il est étonnant
de remarquer que le monde des dinosaures lui-même témoigne de Dieu. Il est
l’image (bien involontaire) du monde des anges déchus. Dieu s’est semble-t-il
amuser à faire d’eux une parabole vivante singeant la lettre de la Bible. Car,
tous les sauriens disparurent sauf ceux
qui rampent sur le ventre (crocodiliens, serpents, lézards etc.) Ainsi va
l’humour de Dieu (Genèse 3, 14) : "Alors
Yahvé Dieu dit au serpent : "Parce que tu as fait cela, maudit sois-tu
entre tous les bestiaux et toutes les bêtes sauvages. Tu marcheras sur ton
ventre et tu mangeras de la terre tous les jours de ta vie.»
[280] Il n’y a pas d’arguments
définitifs sur ce point dans la Révélation. L’opinion de certaines écoles de
théologie penchait pour l’absence des animaux ou des plantes dans le monde
nouveau. Leurs arguments consistaient à montrer que ne demeureraient que les êtres
possédant en eux un élément d’incorruptibilité. On sait aujourd’hui que tous
les éléments matériels du monde y compris les corps célestes sont de même
nature et corruptibles. Les astres courent insensiblement à leur extinction et
les atomes se dégradent dans leur structure. Pourtant, il est certain qu’ils
demeureront dans l’au-delà puisque Dieu préparera en eux un monde adapté à la
nouvelle manière d’être des hommes. L’argument ne porte donc plus.
[281] Expérience de mort imminente, Near
Death Experience, mise en lumière par le psychiatre américain Raymond Moody,
voir La vie après la vie.
[282] Essentiellement par
l’interrogation des victimes de N.D.E. et la confrontation de leur témoignage
de voyage sous forme de corps psychique avec la réalité de ce qu’ils prétendent
avoir vu autour d’eux.
[283] Matthieu 18, 10.
[284] Qu’un animal soit glorifié
signifie que son corps est revêtu d’incorruptibilité et de clarté par la
puissance divine. En conséquence, la recherche de la nourriture est supprimée
ce qui exclut du monde nouveau les lois naturelles où le plus fort mange le
plus faible. De même, la génération n’est plus possible. Les animaux et les
plantes seront donc présents à cause de leur beauté et vivront une vie commune
paisible. Selon la capacité de chacun, ils vivront d’une certaine béatitude
sensible puisque leur appétit naturel sera comblé.
[285] Chaque animal sera-t-il ressuscité
individuellement ? Il ne convient pas qu’un appétit naturel soit frustré. Selon
leur appétit naturel, les animaux et les plantes désirent exister
perpétuellement, sinon comme individus, du moins en tant qu’espèce. C’est à
cela qu’est ordonnée leur génération naturelle comme dit Aristote. Quant à
savoir si chaque animal individuellement ressuscitera, plusieurs opinions
existent. Selon certains, il convient que Dieu crée de nouveau chaque individu
qui doit être récompensé du service accompli pour nous par son passage sur la
terre, et en compensation des multiples souffrances sensibles subies. Une telle
restauration est bien évidemment possible à la puissance de Dieu qui "
compte même les cheveux des hommes». Selon d’autres, il suffit que les animaux
reviennent selon leurs espèces, car, de cette manière, l’aspiration générale
qui est en eux et qui porte avant tout sur la survie de l’espèce, est satisfaite.
Nous optons pour la première hypothèse, sans hésiter.
[286] L’islam enseigne aussi la
résurrection des animaux. Ibn Taymiyya écrit à ce sujet : "Quant aux
animaux sauvages, Dieu, qu’il soit loué, les rassemblera et les ressuscitera
comme il est indiqué dans le Livre et la Tradition (sunna). »
Àn-Nawawi
a expliqué dans son commentaire de Muslim ce qui suit : "Cela est une
affirmation de la Résurrection des bêtes sauvages le Jour du Jugement et leur
retour à ce qu’ils étaient ici-bas, comme le sont les êtres humains
responsables, les enfants et les fous, ainsi que celui qui n’a pas reçu de
message. C’est ce que démontrent les preuves (citées) dans le Coran et la
sunna. Dieu dit : "Lorsque les animaux sauvages seront rassemblés"
(81, 5)... Quant au jugement en faveur de la bête sans corne contre celle qui
en aura, ce n’est pas un Jugement de responsables puisque les animaux ne le
sont pas, mais c’est un jugement de confrontation».
[287] Le jugement général de l’humanité
est décrit dans le tome 2 de cet ouvrage, La fin du monde.
[288] Pas les yeux de l’esprit, mais les
yeux de la chair.
[289] Matthieu 7, 13.
[290] Apocalypse 22, 18.
[291] Voir l’histoire des démons, en
note 75.
[292] Par exemple, le premier miracle de
Lourdes rendit la vue à un enfant… sans réparer ses yeux handicapés. "Tu
ne peux pas voir », disait le médecin rationaliste qui constata le phénomène.
"Je vois », répondait l’enfant. C’est un miracle.
[293] … qui est une sainte canonisée.
Elle a en outre été reconnue par l’Église comme une réelle autorité théologique
concernant le purgatoire d’un degré bien sûr inférieur à celui de l’Écriture
Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin d’ouvrage).
[294] Luc, 22, 23.
[295] Saint Jean, 17, 3.
[296] Sixième session.
[297] Jean 3,5.
[298] Chapitre 7.
[299] Luc 3, 1.
[300] A titre
d’exemple, voici de quelle manière Pierre a jadis confirmé cette vérité. Il
s’agit du Concile de Quierzy, qui le confirme solennellement : " Dieu tout-puissant veut que " tous
les hommes " sans exception " soient sauvés ", bien
que tous ne soient pas sauvés. Que certains se sauvent, c’est le don de celui
qui sauve; que certains se perdent, c’est le salaire de ceux qui se perdent.
"
" De
même qu’il n’y a eu ou qu’il n’y aura aucun homme dont la nature n’ait été assumée dans le Christ Jésus notre Seigneur,
de même il n’y a, il n’y a eu et il n’y aura aucun homme pour qui il n’ait pas
souffert, bien que tous pourtant ne soient pas rachetés par sa Passion. Que
tous ne soient pas rachetés par le mystère de sa Passion, ne concerne ni la
grandeur ni l’abondance du rachat, mais la partie des infidèles et de ceux qui
ne croient pas de cette foi qui "agit par la charité »; car la coupe
du salut de l’humanité, faite de notre faiblesse et de la puissance divine, contient
ce qui est utile à tous; mais si l’on n’y boit pas, on n’est pas guéri."
[301] Des théologiens du passé comme
Calvin en ont déduit que l’âme ne choisit pas, mais est rejetée par Dieu dans
un acte souverain. Nous manifesterons qu’ils ont commis ici une erreur grave.
[302] Constitution Benedictus Deus du 29 janvier 1336; Dumeige p. 510.
[303] voir Romains 10, 15.
[304] Romains 10,14.
[305] Métaphysique 1
[306] Romains 10, 14.
[307] … qui est une sainte canonisée. De
ce fait, ses écrits ont une certaine autorité, d’un degré bien sûr sans rapport
à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin
d’ouvrage).
[308] Journal de sœur Faustine,
édition Hovine 1985, p. 542.
[309] Matthieu 22, 25.
[310] Apocalypse 22, 3-5.
[311] Les extraits
(avec les numéros de paragraphe) sont tirés du Catéchisme de l’Église
Catholique (C.D.C.) ou du DS = Livre des dogmes par Denzinger-Schönberger. Ce
texte, publié en 1993 par le Pape Jean-Paul II est le reflet authentique de la
foi catholique. Il a donc une très grande autorité pour la foi.