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TABLE    SUIVANT

TROISIÈME PARTIE

COMMENT SAVONS-NOUS TOUT CELA?

 

Les théologiens et le salut des hommes: 2000 ans de laborieux labourage

Comment trouver la vérité en théologie catholique?

La méthode: Écriture, Tradition et confirmation de Pierre

La vérité concernant le salut et, particulièrement, l’heure de la mort

Un trouble qui aiguise le théologien dans sa recherche

La vérité sur l’heure de la mort

Une telle précision sur le destin des hommes après la mort étonne. D’où l’auteur tient-il cela? Aurait-il des entretiens secrets avec les morts? Dans ce chapitre, je voudrais expliquer à ceux qui se posent la question intellectuelle de mes sources, à quel point le théologien fait un travail d’âne de charge, mais d’âne du Christ. Il découvre par des voies abruptes et compliquées ce que les enfants de Dieu savent depuis toujours, simplement en le fréquentant par la prière.

Parmi tout ce qui a été raconté précédemment, je voudrais insister sur un exemple: comment puis-je affirmer avec certitude que le Christ apparaît devant les yeux physiques[1] de tout homme, avec son corps lumineux, à l’heure de sa mort. Si vous êtes un simple croyant, cela a pu vous paraître évident. Le cœur des fidèles ressemble à Jean dans l’évangile, il court plus vite que Pierre. Une bretonne, née dans les années 1930 dans le Finistère disait: “ lorsque j’étais petite, notre curé-doyen nous enseignait au catéchisme que le Christ viendrait nous chercher à l’heure de notre mort, accompagné de Marie et des saints...” Si vous êtes théologien, vous avez du bondir. Vous n’avez pas tort. Ce point précis est le fruit ultime d’une longue recherche et elle est loin d’être aboutie. Le successeur de Pierre n’en a pas encore confirmé la vérité.

Les théologiens et le salut des hommes: 2000 ans de laborieux labourage

 

Lorsque Jésus, le Verbe de Dieu fait homme, eut accompli son oeuvre, les théologiens se mirent à réfléchir et eurent peur. La plupart des hommes leur semblaient être voués, après la mort, à l’enfer éternel.

Ils étaient réalistes : ils observèrent l’humanité à la lumière de la révélation et ne purent que consta­ter le fait suivant. Même parmi les hommes qui avaient entendu parler de la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu, très peu étaient capables d’en rester admiratifs toute leur vie. Beaucoup, après avoir été réellement touchés par le message, finissaient par l’oublier. Ils n’y mettaient pas de mauvaise volonté mais se laissaient le plus souvent accaparer par les mille occupations de la vie. Ces chrétiens n’étaient plus aimants. Ils vivaient comme les païens qui les entouraient, à la recherche de leur bien-être quotidien. Cette constatation est surprenante et pourtant tout entière prévue par le Christ. Qu’on se souvienne du texte suivant: “ Il est large et spacieux le chemin qui mène à la per­dition et il en est beaucoup qui s’y engagent, mais elle est étroite la porte et resserré le chemin qui mène à la vie et il en est peu qui le trouvent[2]”.

Se souvenant que nul ne peut entrer dans la Vision béatifique s’il n’aime (Agapé) Dieu, ces théologiens se mi­rent à comptabiliser autour d’eux ceux qui seraient éternellement damnés. Tout homme chez qui on pouvait discerner la moindre parcelle d’amour de d’amitié pour Dieu leur paraissait apte à être sauvé. Les théologiens n’ignoraient pas que Dieu saurait, après la mort, purifier cet amour aussi faible soit-il. Mais tout homme qui n’aimait pas Dieu ainsi et qui mourait sans la charité leur sembla perdu définitivement. Le premier, saint Augustin développa cette thèse, suivi par saint Thomas d’Aquin. En effet, il était certain, et cela reste encore vrai, que l’amour de charité devait exister dans l’homme avant sa mort. Très vite, la parole du pape de Rome confirma leur intuition: le temps du choix est la vie terrestre. Après la mort vient le temps de la réception du salaire. On le devine, les portes de l’enfer étaient largement ouvertes. Elles étaient non seulement ouvertes pour les païens, mais aussi pour les enfants morts sans baptême. La théologie des limbes, établie par saint Augustin, montre que ces enfants ne peuvent qu’être séparés de Dieu pour l’éternité, quoique sans souffrance, puisqu’ils sont morts sans la présence de Dieu qui leur aurait permis d’être sauvés, c’est-à-dire d’épouser Dieu.

Pendant des siècles, cette vision terrible alimenta les chrétiens. Il semble que cette erreur (car il en s’agit d’une, dira un des successeurs de Pierre au XXème siècle) plaisait à Dieu. En effet, paradoxalement, elle porta des fruits salutaires. Beaucoup, effrayés par la perspective de l’enfer, se tour­nèrent vers Dieu. L’homme est ainsi fait que la peur peut le convertir. Surtout, l’évangélisation des peuples ne se fit que grâce à cette théologie, pour la même raison qui pousse aujourd’hui les témoins de Jéhovah à s’user dans le porte à porte. Saint Dominique, par exemple, passait des nuits en­tières à pleurer en suppliant Dieu: «Que deviendront les pauvres pécheurs?” Saint François Xavier partit évangéliser les Indes pour sauver quelques païens de l’enfer. Jusqu’à aujourd’hui des milliers de missionnaires chrétiens (et musulmans) partent poussés par ce désir du salut de leurs frères malchanceux. Ce furent les fruits positifs, produits pourtant par une théologie de la peur.

Mais cette théologie était-elle vraie? Au XIXème siècle et surtout au XXème, de grands auteurs théologiques se rendirent compte que beau­coup de ces enseignements pourtant communément dispensés en chaire depuis des siècles n’avaient jamais été confirmés officiellement par l’Église. Les papes, assistés par l’Esprit Saint, qui en raison de son aide ne peuvent se tromper dans l’enseignement de la foi, ne parlaient jamais par exemple de la damnation des enfants morts sans baptême. Aucun dogme ne se prononçait sur la certitude de la damnation des païens! Les théologiens montrèrent que beaucoup de ces con­clusions effrayantes n’étaient que l’opinion de certaines écoles du Moyen-Age, opinions certes logiques avec une partie de la foi catholique, mais certainement pas avec la foi toute entière. C’est ce que comprenaient de mieux en mieux les saints. Leur prière et leur méditation leur ren­daient de plus en plus évident cet aspect fondamental de la foi: “Après être mort sur la croix, comment Dieu pourrait-il rejeter pour l’éternité certains de ses enfants « coupables » de nulle autre chose que de ne pas avoir entendu parler de son existence durant leur vie? ” Le Curé d’Ars, Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage), pour n’en citer que quelques-uns, ne cessèrent de s’interroger, mais ne donnèrent pas de solution. Alors beaucoup de prêtres devenus prudents choisirent de ne plus parler des mystères de l’au-delà.

 

Comment trouver la vérité en théologie catholique? 

C’est une attitude excessive, nous l’avons dit dans la préface. La solution est à portée de main. Elle est nécessairement contenue dans l’Évangile ou dans la Tradition de l’Église, puisque tout a été dit. C’est ce que l’Apocalypse de saint Jean affirme[3]: «Qui oserait y faire des surcharges, Dieu le chargera de tous les fléaux décrits dans ce livre! »

Comment la trouver? Comment être sûr de dire ce que Dieu dit? Dans le peuple chrétien, depuis le Concile Vatican II, des voix s’y essayent mais vont trop loin puisqu’elles balayent d’un revers de main 2000 ans de christianisme: “Dieu est amour, il ne peut rejeter personne. Il pardonnera même à Lucifer. L’enfer ne peut être éternel.” La bonne volonté de ces cris est évidente. Mais quelque chose leur manque. N’étant plus formés en théologie, ils recherchent dans des directions depuis longtemps manifestées par l’Église comme des voies sans issue. Le péché de Lucifer n’a que faire du pardon de Dieu[4]. Il n’est pas pardonné car il se moque de l’être.

Ainsi, pour éviter de partir sur de faux problèmes lorsqu’on veut faire de la théologie, il est prudent de se souvenir sans cesse de ce qui suit: il existe une méthode qui permet d’éviter la plupart des erreurs. C’est la méthode que j’ai suivie. Au lecteur d’en juger.

 

La méthode: Écriture, Tradition et confirmation de Pierre

(Chose certaine et fondamentale)

La seule autorité qui de manière absolue est certaine en matière de Révélation, c’est la parole du Dieu unique et éternel.

Elle est matérialisée dans la Bible en mots humains. Traduire des vérités infinies par l’analogie de mots limités est impossible. C’est pourtant le pari que Dieu a fait en s’adressant aux hommes à travers les paroles de divers prophètes, puis en se faisant lui-même homme. Je me suis servi des textes explicites de la Bible à chaque fois que cela a été possible. Mais, il faut le reconnaître, je ne l’ai jamais fait de manière matérielle. Je n’ai jamais dit par exemple que le feu de l’enfer dont parle Jésus était un feu matériel. Pourquoi ai-je agi ainsi? Parce que la Bible est un véritable labyrinthe. Certains textes sont des images. D’autres parlent au sens propre. Les protestants ont cru pouvoir discerner par eux-mêmes en s’appuyant sur le texte seul. Ils espéraient se libérer de l’autorité des papes. Ils se sont livrés pieds et mains liés aux interprétations de leurs divers chefs.

Il existe heureusement une seconde source. Elle est une aide pratique que catholiques et orthodoxes s’unissent à reconnaître. Il s’agit des saints canonisés et, en particulier, des docteurs de l’Église. Nul ne peut être canonisé sans avoir obtenu de Dieu, après sa mort, quelque miracle remarquables. Un miracle n’est pas un simple prodige parapsychologique. C’est un phénomène qui dépasse les lois de la nature et qui vient nécessairement de Dieu[5]. Si Dieu manifeste qu’il bénit de cette manière certains théologiens morts, c’est que leur théologie doit être plutôt bonne et vraie. C’est de cette manière que la Tradition de l’Église n’a cessé de s’approfondir. A chaque fois que cela m’a été possible, je me suis appuyer sur ces saints: Saint Thomas d’Aquin pour l’ensemble de la théologie, sainte Catherine de Gênes[6] pour le purgatoire, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus pour le destin des enfants morts, etc. Tout cela paraît simple et imparable. Malheureusement, les plus grands saints théologiens ne cessent de se contredire… Ils ont dit tout et l’inverse. Saint Thomas d’Aquin, dominicain, ne crut jamais que Marie était l’Immaculée Conception. Saint Bonaventure, franciscain, l’enseignait à la même époque.

C’est pourquoi un dernier moyen utile et pratique a été prévu par Jésus avant sa passion: il s’agit de la personne de Pierre. Il existe un charisme particulier, donné à un homme marqué du sceau de l’autorité, pour confirmer leurs frères dans leurs interprétations laborieuses de l’Écriture Sainte. Jésus l’affirme à Pierre, le premier pape: “ J’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Quand tu seras revenu (de ton reniement), affermis tes frères[7]”. Qu’on y croie ou non, on est obligé d’admettre que même les papes corrompus sont restés infailliblement fidèles à la même foi. Ils ont établi fidèlement les dogmes de l’Église, par centaines: « Cette affirmation est vrai. Tu peux t’appuyer sur elle sans crainte.”

Étant catholique, j’ai fait le pari d’écouter l’Église. Ce n’est pas à la mode de nos jours. Pourtant, à l’intersection de trois chemins (Enseignement des saints, Écriture et confirmation de Pierre), j’ai trouvé quelque chose d’unique: là, la Lumière et l’Amour, qui sont les marques de Dieu, s’unissaient.

Certains dogmes sont, il faut le reconnaître, difficiles à comprendre et à accepter. Ainsi, celui de l’éternité de l’enfer posait problème. Cependant, et c’est le propre de la foi, il faut avoir l’audace en toute confiance d’adhérer à la vérité de cet enseignement. Si Pierre a parlé, c’est que l’Esprit Saint a confirmé par sa bouche. Relisez le chapitre sur l’enfer. Même l’enfer proclame que Dieu est amour. C’est bon signe car rien, dans l’Évangile, ne se comprend en dehors de cet amour.

 

La vérité concernant le salut et, particulièrement, l’heure de la mort

(Le théologien est un chercheur de la vérité tout entière)

Appuyé sur cette méthode, voici comment il est possible de découvrir que « le Christ reviendra dans sa gloire juger les vivants et les morts », non seulement à la fin du monde, mais à l’heure de la mort de chacun.

Au cours de son histoire, Pierre a confirmé des centaines de vérités sur la foi. Parmi elles, quatre sont remarquables. Les grands théologiens du passé, saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, les connaissaient déjà.

1- Première vérité sûre: La charité seule ouvre le Ciel

" La vie éternelle, c’est te connaître, toi le seul véritable Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus le Christ ”[8].

En termes simples, nous n’entrerons dans la Vision de Dieu que si nous l’épousons. Il s’agira d’un vrai mariage, en toute connaissance et par amour, uniquement par amour.

Face à la crise de la Réforme qui enseignait que la confiance en Dieu suffisait au salut, l’Église catholique fut conduite durant le Concile de Trente[9] à se prononcer définitivement sur les conditions de l’entrée dans la vision de Dieu. Il en sortit un texte dont la précision éclaire sans ambiguïté ce problème. L’Écriture Sainte montre que nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint[10]. Que signifie ce bain de régénération sans lequel l’homme reste séparé de Dieu, éloigné de l’adoption filiale qu’il propose? La réponse est sûre, précise le Concile[11]: c’est de l’amour qu’il s’agit, mais pas de n’importe quel amour. La confiance de Luther (la foi) est nécessaire, mais elle ne suffit pas. Dieu veut faire de nous son épouse. Il n’épouse pas une servante mais quelqu’un qui éprouve pour lui une véritable amitié: intime, réciproque et dans une tendresse d’égalité.

2- Deuxième vérité sûre: Dieu propose à tous son salut

 

Avant de nous pencher sur les confirmations solennelles apportées par l’Église, voici un texte de l’Écriture Sainte: “ Alors toute chair verra le salut de Dieu[12]”. La vérité de cette Parole de Dieu n’aurait pas besoin d’autre démonstration que l’Évangile. Elle est l’Évangile. Celui qui médite sur la croix de Jésus, voit à travers l’acte rédempteur du Dieu fait homme l’évidence de cette proposition[13].

Ceci permet de rejeter sans équivoque les théories traditionnelles de saint Augustin ou de saint Thomas d’Aquin sur les limbes éternelles des enfants morts sans baptême et sur la damnation des païens. Il est impossible que ces humains soient séparés de Dieu à cause de leur seule ignorance de l’Évangile. Il veut en effet proposer son salut à tout homme, donc il se révèle un jour ou l’autre à tout homme. Il ne saurait tolérer qu’un être aimé de lui reste éternellement dans l’ignorance de ce qu’il a voulu pour lui. Reste à savoir de quelle manière Dieu procède pour sauver tous les hommes. En ce début de troisième millénaire, Pierre n’a pas répondu autrement que par cette phrase elliptique: «par un moyen que Dieu connaît.»

3- Troisième vérité sûre: AUSSITÔT APRÈS LA MORT, l’âme en état de mort spirituelle est séparée de Dieu pour l’éternité

 

L’absence de délai entre la séparation de l’âme et du corps (la mort) et le jugement particulier par lequel Dieu donne à l’âme ce qu’elle mérite est une vérité de foi qui ne laisse aux théologiens aucune autre alternative[14]. Nous devons ce dogme à une définition solennelle du pape Benoît XII, à la suite de sa controverse avec son prédécesseur Jean XXII[15]. Ce document est “ ex cathedra ” (solennellement marqué d’infaillibilité).

Nous citons les extraits qui intéressent notre propos:

“Par la présente constitution, qui restera à jamais en vigueur, et de notre autorité apostolique, Nous définissons que, d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints qui ont quitté ce monde sont au Ciel avec le Christ aussitôt après leur mort et la purification dont nous avons parlé pour celles qui en auraient besoin, avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement général, et cela depuis l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au Ciel.

En outre, nous définissons que, selon la disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état de péché mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer, où elles sont tourmentées de peines infernales.

La précision du langage scolastique de ce texte et la solennité de sa présentation ne laisse aucun doute sur la vérité de ce qu’il définit. Nous le faisons donc nôtre et admettons qu’il n’existe aucun délai entre la séparation de l’âme et du corps (la mort au sens théologique du terme) et l’acquisition de son orientation éternelle. A l’époque de saint Thomas d’Aquin ou de saint Augustin, si ce dogme n’avait pas encore été solennellement confirmé par Pierre, il n’en était pas moins connu. Il paraissait évident aux anciens que l’homme n’est pleinement homme qu’avec son corps. Il est aisé de comprendre maintenant pourquoi ils en arrivèrent à conclure, souvent sans pouvoir l’expliquer mais par fidélité à leur foi, à la damnation éternelle de millions de païens et de nouveau-nés. Si toute personne humaine qui meurt sans la charité est aussitôt conduite en enfer éternel, il n’y a plus d’espoir à avoir pour les incroyants et les enfants non baptisés. L’absence de délai, l’impossibilité apparente d’une ultime prédication à l’heure de la mort (l’inconscience de l’agonisant étant, selon eux, expérimentalement prouvée), doivent mener vers cette conclusion.

Mais n’ont-ils pas oublié une pièce du puzzle,qui rendrait tout limpide et simple? Nous ne pouvons manquer d’admirer, tout en rejetant leur thèse, la foi de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin qui les amène à adhérer à un mystère que leur charité ne comprend pas.

4- Quatrième vérité sûre: Le salut est proposé à l’homme durant sa vie terrestre, avant la séparation de l’âme et du corps

 

Ce dogme n’est que la conséquence des précédents: si Dieu propose à tous le salut, à travers la “ prédication ” de l’Évangile[16], puisque ce salut consiste en une charité choisie (Trente), puisque d’autre part aussitôt après la mort (Benoît XII), l’âme reçoit ce qu’elle mérite, c’est donc que l’Évangile lui est prêché avant la mort.

Nous ne disposons malheureusement, dans les Évangiles, à l’appui de cette vérité que des textes de type apocalyptique. La difficulté de ces textes est qu’ils englobent en un seul regard des réalités diverses comme la ruine du temple de Jérusalem, la mort individuelle, la fin des sociétés, la fin du monde. Parmi les textes de ce genre, on peut citer Matthieu 24, 14: “ Cette Bonne Nouvelle du Royaume sera proclamée dans le monde entier en témoignage à la face de toutes les nations. Et alors viendra la fin.” Appliqué à la mort individuelle, il pourrait être ainsi traduit: l’Évangile sera prêché à tout homme puis viendra sa mort. La constitution de Benoît XII, éclairée par les autres points de la foi que nous avons développés, permet de conclure, avec une certitude que donne la confiance en l’amour de Dieu (qui ne saurait permettre qu’un homme soit damné sans liberté) et en la vérité de Dieu (qui ne saurait permettre que le Magistère de l’Église se soit trompé aussi gravement sur “ l’aussitôt après la mort ”), à la proposition suivante: Tout homme reçoit durant sa vie terrestre la proposition explicite du salut.

 

5- Au-delà de la foi, l’expérience: le salut n’est pas proposé à tous les hommes durant leur vie terrestre 

Si notre confiance en Dieu adhère à cette dernière vérité, elle le fait avec grande difficulté à cause de l’énorme contradiction que semble apporter l’expérience. Le Christ lui-même manifeste que c’est une contre vérité (apparente), au moins pour les hommes qui vécurent avant sa venue: «En vérité je vous le dis, il en est beaucoup qui auraient voulu voir un seul des jours que vous voyez et ne l’ont pas vu.”

Là se trouve la difficulté de la foi des fidèles et des théologiens attentifs au salut de leurs frères: de fait, Dieu se tait. Beaucoup meurent en ne soupçonnant rien de son amour. Encore faut-il admettre avec réalisme le scandale. S’ils ignorent la possibilité de la charité, c’est qu’ils meurent sans être entrés dans le salut selon saint Paul: «Comment l’invoquer sans d’abord croire en lui? Et comment croire en lui sans d’abord l’entendre? Et comment entendre sans prédicateur? [17]”. Même en imaginant que depuis l’Incarnation du Christ, toutes les nations de la terre aient entendu parler de la Bonne Nouvelle, la question n’en serait pas résolue: Comment expliquer le retard entre le péché originel et la Rédemption? A cette époque, tous les hommes sauf exception notoire mouraient en ignorant totalement tout de la charité de Dieu. Il leur était bien sûr impossible de l’aimer de charité en retour et ils entraient dans la mort avec une grande frayeur de l’injustice et de la dureté “ des dieux ”. De même, dans les chrétientés les plus ferventes, qui peut prétendre avoir saisi toute l’urgence du message? La vie est longue, les soucis multiples et Dieu bien loin. Saint Thomas d’Aquin faisait à la suite d’Aristote cette réflexion désabusée: “ la plupart vivent dans le sensible.[18]

 

Un trouble qui aiguise le théologien dans sa recherche 

Cette tension entre la foi qui enseigne solennellement que Dieu propose à tout homme le salut durant sa vie terrestre et la constatation expérimentale du fait inverse est source de trouble. Souvenons-nous du trouble analogue qui saisit la réflexion juive dans l’Ancien Testament où une foi enseignait sans ambiguïté que “ Dieu comble de biens les hommes droits et renvoie les riches les mains vides ” et la constatation quotidienne de l’inverse. Il fallut plusieurs ruines et déportations d’Israël pour que certains comprennent que Dieu n’a pas la logique de l’homme. C’est ainsi que le théologien procède. L’opposition apparente entre foi et réalité, loin d’être une torture, constitue le lieu des découvertes. Nous disions précédemment que la foi et l’expérience ne peuvent entrer en contradiction, Dieu étant Créateur de tout ce qui est connu par la foi ou par l’expérience. La lumière en jaillit.

 

La vérité sur l’heure de la mort 

Saint Paul lui-même écrit dans l’Épître aux Romains[19], qu’un homme ne peut devenir disciple du Christ sans qu’un missionnaire ait été lui prêcher ce mystère auparavant. En conséquence, puisque l’Évangile n’est pas prêché à tous les hommes dans ce que nous voyons de leur vie terrestre mais qu’il est certain qu’il est prêché, c’est donc que cette prédication a lieu dans ce que nous ne voyons pas de la vie terrestre, à savoir à l’heure de la mort, dans les instants qui précèdent la séparation de l’âme et du corps.

 

Il faut admettre que tout homme reçoit, avant sa mort, la révélation qui lui permet de choisir et d’aimer Dieu. S’il ne la reçoit pas pendant le temps que nous voyons de sa vie terrestre, c’est donc qu’il la reçoit dans le temps que nous ne voyons pas: l’heure de sa mort.

Le schéma suivant résume les étapes de la vie :

                                                                                                                                  vision béatifique

Conception        naissance          vie terrestre          mort et venue du Christ       choix

(-9 mois)                                                           (première mort)                                           enfer (deuxième mort)

 

Tout cela vous a paru compliqué. C’est ainsi. Le théologien trouve ce qui était évident depuis longtemps au simple croyant. S’il fait son travail d’intellectuel humblement, il finit par recevoir de Dieu une confirmation. Une simple enfant vient lui montrer qu’il a bien servi. Il faut citer par exemple les écrits de sainte Faustine[20], une simple religieuse polonaise, sur ce thème:

 

 

 

“ J’accompagne souvent les âmes agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victo­rieuse. La miséricorde divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment, d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur nous croyons que tout est perdu, mais il n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême, se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle ne nous donne à l’extérieur, aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est insondable.

Mais horreur! Il y a aussi des âmes, qui volontairement et consciemment rejettent cette grâce et la dédaignent. C’est déjà le moment même de l’agonie, mais Dieu, dans sa miséricorde, donne à l’âme en son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la possibilité de revenir à Dieu. Mais parfois il y a des âmes d’une telle dureté de cœur, qu’elles choisissent consciemment l’Enfer. Elles font échouer non seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur intention, mais même aussi les efforts divins[21]”.

 

 

Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage) affirmait que la mort ainsi comprise, pouvait durer longtemps, jusqu’à trois jours, et qu’il fallait prier pour les défunts à cette heure là car tout se jouait pour eux.

C’est autour de cette théologie si concordante avec ce que nous avons jusqu’ici dit de Dieu, que nous avons raconté comment se passe la mort et ce qui la suit.


NOTES

[1] Pas les yeux de l’esprit, mais les yeux de la chair.

[2] Matthieu 7, 13.

[3] Apocalypse 22, 18.

[4] Voir l’histoire des démons, en note 75.

[5] Par exemple, le premier miracle de Lourdes rendit la vue à un enfant… sans réparer ses yeux handicapés. « Tu ne peux pas voir », disait le médecin rationaliste qui constata le phénomène. « Je vois », répondait l’enfant. C’est un miracle.

[6] … qui est une sainte canonisée. Elle a en outre été reconnue par l’Église comme une réelle autorité théologique concernant le purgatoire d’un degré bien sûr inférieur à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin d’ouvrage).

[7] Luc, 22, 23.

[8] Saint Jean, 17, 3.

[9] Sixième session.

[10] Jean 3,5.

[11] Chapitre 7.

[12] Luc 3, 1.

[13] A titre d’exemple, voici de quelle manière Pierre a jadis confirmé cette vérité. Il s’agit du Concile de Quierzy[13], qui le confirme solennellement: “ Dieu tout-puissant veut que “ tous les hommes ” sans exception “ soient sauvés ”[13], bien que tous ne soient pas sauvés. Que certains se sauvent, c’est le don de celui qui sauve; que certains se perdent, c’est le salaire de ceux qui se perdent. ”

 “ De même qu’il n’y a eu ou qu’il n’y aura aucun homme dont la nature n’ait été assumée dans le Christ Jésus notre Seigneur, de même il n’y a, il n’y a eu et il n’y aura aucun homme pour qui il n’ait pas souffert, bien que tous pourtant ne soient pas rachetés par sa Passion. Que tous ne soient pas rachetés par le mystère de sa Passion, ne concerne ni la grandeur ni l’abondance du rachat, mais la partie des infidèles et de ceux qui ne croient pas de cette foi qui « agit par la charité »[13]; car la coupe du salut de l’humanité, faite de notre faiblesse et de la puissance divine, contient ce qui est utile à tous; mais si l’on n’y boit pas, on n’est pas guéri.”

[14] Des théologiens du passé comme Calvin en ont déduit que l’âme ne choisit pas, mais est rejetée par Dieu dans un acte souverain. Nous manifesterons qu’ils ont commis ici une erreur grave.

[15] Constitution Benedictus Deus du 29 janvier 1336; Dumeige p. 510.

[16] voir Romains 10, 15.

[17] Romains 10,14.

[18] Métaphysique 1

[19] Romains 10, 14.

[20] … qui est une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits ont une certaine autorité, d’un degré bien sûr sans rapport à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin d’ouvrage).

[21] Journal de sœur Faustine, édition Hovine 1985, p. 542.

 

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