Auteur: superman Date: 08-01-2005
19:03
Bonsoir Arnaud.
Vous m'écrivez :
""
Imaginons que cet homme, suivant Lucifer, commette l'un des
blasphèmes contre l'Esprit Saint, par exemple la PRESOMPTION et dise
au Christ, en toute lucidité et maîtrise de soi: "J'exige de voir
Dieu face à face. J'ai un esprit et je suis fais pour cela. Mais il
n'est pas question pour moi d'accepter ces conditions infamantes, à
savoir ce repentir, cet amour jusqu'au mépris de soi (kénose)."
Est-ce la justice ou l'amour de Dieu qui damne cet homme? Selon moi,
c'est son amour qui est justice. Autrement dit, c'est sa vérité qui
est amour. C'est la même chose en Dieu, car Dieu est simple: "Mon
fils, il est impossible que de se marier par amour en refusant…
d'aimer". Et Dieu et le Ciel se réjouit, dit saint Thomas, de la
damnation de cet homme, car cet homme ne se sépare de Dieu que
LIBREMENT, par un choix que Dieu respecte et ne peut que ratifier.
Evidement, toutes les questions liées au "miséricordialisme" et
que vous dénoncez, du style: "Dieu pardonnera au damné", ou "les
damnés, malgré leur refus de l'amour, verront Dieu" ou encore "Dieu
anéantira les damnés" n'ont plus de sens… Partagez vous, dans ces
grandes lignes, cette analyse? (Dans le détail, il y a à simplifier,
certainement). ""
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Je vais essayer de vous
répondre sur deux points
1- "Est-ce la justice ou l'amour de
Dieu qui damne cet homme? Selon moi, c'est son amour qui est
justice. Autrement dit, c'est sa vérité qui est amour. C'est la même
chose en Dieu, car Dieu est simple"
2- "Dieu et le Ciel se
réjouit, dit saint Thomas, de la damnation de cet homme, car cet
homme ne se sépare de Dieu que LIBREMENT, par un choix que Dieu
respecte et ne peut que ratifier."
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Le premier
point traite des attributs et des noms divins. Or quand on dit "Dieu
est Amour", on peut signifier deux choses : soit signifier Dieu dans
son rapport aux créatures ; soit signifier Dieu en Lui-même, soit
absolument (nature divine), soit relativement (relations
intra-divines).
Vous savez parfaitement que Dieu est Acte Pur
; que cette actualité est Puissance Active ; que l'actualité pure
étant infinie la puissance active divine est Toute-Puissance ; et
que si Dieu pose un effet ad extra, de sorte qu'alors il faille
nommer la Puissance Active "Cause" de l'effet, la Puissance Active
ne subit aucune altération ou modification de ce qu'elle cause
l'effet, mais ayant causé l'effet elle est nommée cause. Ces
précisions de théologie naturelle étant faites, comment comprendre
les noms que nous attribuons à Dieu ?
Tout d'abord, dans
l'ordre naturel, nous ne connaissons Dieu que par ses effets.
Ensuite nous connaissons surnaturellement Dieu par la Foi, par la
connaissance des Mystères : de la Trinité, de l'Incarnation, et de
ceux relatifs au desseins divins providentiels qui nous furent
révélés.
Quant à l'amour et la justice divines, si j'en parle
en voulant signifier le rapport de Dieu aux hommes, je dirais que
Dieu est juste / bon en tant qu'Il exerce vis à vis de nous des
actes de justice et d'amour, de tels actes étant bien évidemment
créés. Et sous ce rapport la justice n'est pas l'amour, de tels NOMS
signifiant non pas Dieu pris absolument, mais Dieu dans son rapport
à la créature et en tant qu'Il lui fait du bien [c'est le sens du
"Dieu nous aime" = "Dieu est amour pour nous"], donc les effets
créés produits par Dieu, en tant que par eux Dieu nous bénit ; de
même, en tant que Dieu rétribue, soit positivement le mérite, soit
négativement le démérite (par les peines temporelles et éternelles),
Il est dit Juge ou Juste.
Mais dans les deux cas nous ne
signifions pas ce qu'est Dieu en soi, mais ce qu'il est pour nous,
dans son rapport à nous, selon les effets créés distincts qu'il pose
en nous. De tels NOMS ne signifient donc pas Dieu en Lui même, mais
dans son rapport au créé. Mieux, ils signifient l'effet créé en tant
que référé à la cause, en tant que ces effets sont les fondements
créés des relations de Dieu au créé (raison pourquoi ces relations
sont de raison de Dieu à la créature mais réelles de la créature à
Dieu), raison pourquoi, par eux, on ne peut aucunement atteindre
Dieu en Lui même, de tels noms étant des noms de relation au
créé.
Ainsi, la première bonté que Dieu nous fait, c'est de
nous créer, autrement dit de nous poser dans l'être. La seconde est
de nous donner d'être tels que nous sommes, savoir un degré de
participation ontologique à L'Être qu'est Dieu, de sorte que notre
bonté naturelle est à proportion de notre participation ontologique
et naturelle au Souverain Bien. Dans l'ordre surnaturel, Dieu est
bon pour nous en tant qu'il nous donne le surnaturel créé par quoi
nous nous ordonnons à Lui comme à notre fin. Pour ce qui est des
bienheureux, en tant que Dieu Lui même se donne comme espèce de la
vision intuitive et même faciale, le don est alors incréé.
On voit donc que sous ce rapport Dieu est dit nous aimer en
tant qu'il nous fait du bien. Si donc, disant "Dieu est Amour", je
le dit en pensant à l'agir divin ad extra, en tant que Dieu nous
aime = nous fait du bien, je n'affirme pas un attribut divin, mais
un nom divin, la cause étant nommée d'après ses effets.
Reste pourtant, précisément parce que par l'effet on connait
la cause, qu'on peut s'interroger pour savoir si cet amour pour nous
et cette justice sur nous peuvent nous permettre d'attribuer
formellement ou équivalemment l'amour où la justice à Dieu. Et là,
la réponse est non, car de tels noms, signifiant Dieu dans sa
relation au créé, ne peuvent le signifier en soi.
Par contre,
si on prend les effets créés non en tant que fondements de relations
de Dieu au créé, mais absolument et en eux mêmes, en tant qu'autant
de participations créées à l'Incréé, nous pouvons alors attribuer
tout ce qu'il y a de perfection dans l'effet créé à Dieu, moyennant
toutefois que soit écarté tout ce qu'il y a d'imparfait dans le
créé. Et de ce point de vue, ce que nous signifirons n'est pas un
NOM mais une PERFECTION divine, donc un ATTRIBUT divin.
Reste alors à s'interroger pour savoir si ces différents
attributs sont formellement en Dieu, ou s'ils n'y sont
qu'équivalemment, autrement dit, s'ils sont des perfections simples
ou mixtes.
Dans l'assertion "Dieu est Amour", peut on y voir
l'affirmation d'un attribut divin, et si oui, pourquoi ? L'amour
étant toujours amour de quelque chose ou de quelqu'un, donc d'un
bien ou d'un être en tant que bien (entitativement bien / moralement
bien, i.e vertueux, ..), dire Dieu est Amour signifiera alors
:
Soit la volonté divine (laquelle est Dieu), en tant que
Dieu (la nature divine) est son objet. Auquel cas "Amour", en Dieu,
signifie la volonté divine en tant qu'ayant Dieu pour objet, donc
une perfection absolue. Il semble évident d'attribuer cette
perfection à Dieu, mais la question qui va rester pendante sera
celle de savoir si ce vouloir est formellement ou équivalemment en
Dieu. À supposer même que ce vouloir = amour soit formellement en
Dieu, il ne pourra aucunement signifier le formel de la Déité, qui
reste absolument inconnaissable à qui n'a pas la vision intuitive
(et on peut même discuter pour savoir si ceux qui l'ont connaissent
le formel de la Déité : il est permis d'en douter, Dieu étant vu
totus sed non totaliter).
Soit que Dieu (la première des
trois hypostases) aime le Fils et l'Esprit, i.e leur fait du bien,
i.e leur communique le Souverain Bien (substance divine) en les
posant ad intra en des processions de termes. Auquel cas l'attribut
est relatif ETad intra. Mais disant ceci, je ne signifie pas que
l'amour = vouloir est le fondement des relations intra-divine, ce
qui serait affirmer par la bande que le formel de la Déité est
Vouloir. Et pourquoi ne peut-il pas être le formel de la Déité ?
Parce que soit la volonté n'est en Dieu qu'équivalemment, donc ne
peut pas être le formel de la Déité ; soit elle y est formellement,
mais alors aussi l'intelligence divine, l'appétit présupposant la
connaissance de l'appété, de sorte que ni le vouloir ni
l'intelligence, formellement et distinctement en Dieu, ne seront le
formel de la Déité Sur-Simplissime. De sorte qu'au final, l'analogie
trinitaire est impropre, métaphorique.
Conclusion : Disant
"Dieu est Amour" je peux signifier : 1- Une analogie trinitaire,
qui laisse en suspens la question du formel de la nature
divine. 2- Un attribut divin, en tant que signifiant que Dieu
(nature) s'aime = se veut, l'acte de volonté étant l'objet et
réciproquement. D'où alors la question de savoir si la volonté est
en Dieu formellement ou équivalemment. 3- Un nom divin,
signifiant Dieu dans certains de ses rapports au créé.
Par
suite, en réponse à votre première question, ce n'est ni la justice
divine ni l'amour divin qui damne : c'est Dieu qui, en tant qu'Il
damne, est nommé Juste et Terrible Juge donc Colère et
Justice.
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Pour ce qui est de votre
seconde question, je vous renvoit au post suivant, qui n'est que la
reprise d'un vieux post sur l'Enfer. J'ai modifié quelques points
accessoires, ceux notamment qui m'avaient valu l'ire d'une
demoiselle.
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Bien à
vous.
Message modifié (08-01-2005
19:22)
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