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 Re: La charité est-elle nécessaire au salut?

Auteur: Sébastien 
Date:   10/06/2003 12:30

Cher Arnaud,

J’ai du mal à accepter votre
thèse sur l'apparition du Christ à l'heure de la mort pour la raison suivante: La foi dit que la charité est nécessaire au salut. Pour vous, elle l'est comme une amitié est nécessaire au mariage. Mais rien ne prouve cela. Pourquoi la charité est-elle nécessairement consciente et choisie? Pour moi, la charité est nécessaire au salut comme une volonté droite est nécessaire à la justice de Dieu. Je pense pouvoir vous le prouver dans les écrits de saint Thomas. Par exemple, selon lui, la circoncision donnait la charité aux hommes de l'Ancienne Alliance. Mais ils n'en vivaient pas.

Cordialement,

Sébastien

 Re: La charité est-elle nécessaire au salut?

Auteur: Arnaud DUMOUCH (193.191.142.---)
Date:   10/06/2003 11:48

Cher Sébastien,
La charité est-elle une amitié pour Dieu ou une simple volonté droite? Permettez moi de vous répondre par le Magistère de l'Eglise.
Le concile de Trente expliquait que ces richesses ne méritaient pas par elles même le salut, quoiqu'elles y disposaient. Vous trouverez dans cette sixième session du Concile de Trente une description de l'édifice spirituel qui fait d'un pécheur un JUSTE et d'un juste un homme en possession de la grâce SANCTIFIANTE.
Le Concile montrait que ces richesses, tout en étant des choses bonnes et même en un sens général que vous utilisez, des GRACES, n'étaient pas la CHARITE (donc pas non plus son fondement ontologique, la grâce sanctifiante).
En d'autres termes, elles pouvaient faire des hommes des JUSTES mais pas des SAINTS. La différence entre justification et sanctification est pourtant importante.
Un JUSTE est DISPOSÉ au salut. Il est sûr, et c'est ce que vous dites avec Pie IX, qu'il sera sauvé lorsqu'il se verra proposé le salut et sa condition essentielle, la CHARITÉ.
Mais seule LA CHARITÉ elle-même, qui est un amour d'amitié conscient, réciproque pour Dieu et le prochain à cause de Dieu (saint Thomas IIa IIae) mérite directement la vie éternelle.
Je connais les insolubles discussions sur la justice et la sainteté qui se produisent encore entre théologiens tant la doctrine, exposé théologiquement, a été rendue complexe.
Pour la simplifier, je vous la propose sous cette forme (Voir aussi Traité des fins dernières, cours sur ce site, Question 7, Les conditions spirituelles à l'entrée dans la Vision béatifique).
On peut comparer la vie de la grâce et l'entrée dans la Vision béatifique à un MARIAGE D'AMOUR entre l'âme et Dieu. Or pour se marier avec quelqu'un, il ne suffit pas d'être, de manière générale, d'avoir une bonne volonté, d'être droit, humble, repentant pour ses fautes passées (Ca, c'est ce qui fait un homme JUSTE).
Il faut par surcroît aimer cette jeune femme qui s'appelle Sophie (et pas les femmes en général, mais ELLE!!!), et qu'elle vous aime en retour, avec une telle passion qu'elle va se donner à vous pour la vie, jusque dans son corps.
Cet AMOUR CONJUGAL est fonctionne comme à la CHARITE au plan de la grâce. De la même façon, c'est elle seule qui MERITE (au sens thomiste du terme) la Vision béatifique.
Bref, la réponse que vous m'apportez me satisfait par sa vérité. Mais elle n'exprime, selon moi, que la DISPOSITION à être sauvé. Je pense que le problème posé au départ n'est pas réglé.
Mais, avant de prolonger ce débat, êtes vous d'accord avec cette comparaison conjugale que je vous propose? C'est bien sûr fondamental...
Arnaud

 

 Re: La charité est-elle nécessaire au salut?

Auteur: Sébastien 
Date:   10/06/2003 12:30

Cher Arnaud,

J’ai du mal à accepter votre métaphore dans toute son amplitude car elle sous-tend que le salut ne peut se faire que par un acte explicite. Puisque vous exigez un acte explicite, c’est-à-dire, totalement conscient de la part de l’homme, vous en êtes venu à imaginer votre théorie du salut proposé à l’heure de la mort.

Or je vous rappelle qu’à la suite de la controverse avec le Père Feeney, jésuite des années 50, qui exigeait une appartenance explicite à l’Eglise catholique, le Magistère en est venu à parler d’un désir implicite d’appartenance à l’Eglise :

« Dans son infinie miséricorde, Dieu a voulu que les effets, nécessaires pour être sauvé, de ces moyens de salut qui sont ordonnés à la fin dernière de l'homme non par nécessité intrinsèque mais uniquement par l'institution divine, puissent aussi être obtenus en certaines circonstances lorsque ces moyens ne sont mis en oeuvre que par le désir ou par le souhait. Nous voyons ceci clairement énoncé dans le saint Concile de Trente au sujet, soit du sacrement de la régénération, soit du sacrement de pénitence. Il faut en dire autant à son propre degré de l'Eglise, en tant qu'elle est le moyen général de salut. Car pour que quelqu'un obtienne le Salut éternel il n'est pas toujours requis qu'il soit en fait incorporé à l'Eglise comme un membre, mais il est au moins requis qu'il lui soit uni par le désir ou le souhait. Cependant il n'est pas toujours nécessaire que ce vœu soit explicite comme il est chez les catéchumènes. Mais quand l'homme est victime d'une ignorance invincible, Dieu accepte aussi un désir implicite ainsi appelé parce qu'il est inclus dans la bonne disposition d'âme par laquelle l'homme veut conformer sa volonté à la Volonté de Dieu. » (Lettre du St-Office à Mgr Cushing, archevêque de Boston du 8 août 1949)

Cette doctrine sera par la suite reprise et approfondie par Vatican II :

« A ceux-là même qui sans faute de leur part, ne sont pas encore parvenus à une connaissance expresse de Dieu, mais travaillent, non sans la grâce divine, à avoir une vie droite, la divine Providence ne refuse pas les secours nécessaires à leur salut. En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une préparation évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que finalement, il ait la vie. Bien souvent, malheureusement, les hommes trompés par le démon, se sont égarés dans leurs raisonnements, ils ont délaissé le Vrai Dieu pour des êtres de mensonge, servi la créature au lieu du Créateur ou bien vivant et mourant sans Dieu en ce monde, ils se sont exposés aux extrémités du désespoir. C'est pourquoi l'Eglise, soucieuse de la gloire de Dieu et du salut de tous les hommes, se souvenant du commandement du Seigneur : " Prêchez l'Evangile à toutes les créatures " (Mc 16,16) met tout son soin à encourager et soutenir les missions » (Lumen Gentium n°16).

Les moyens ordinaires de salut sont donc les sacrements, dont l'Eglise est dépositaire. Mais tout homme recevant la grâce suffisante pour être sauvé peut, s'il n'y met obstacle, appartenir invisiblement à l'Eglise catholique.
On voit par là qu’on se situe parfaitement dans la ligne de saint Thomas dont a repris la doctrine pour l’approfondir.

 

 Re: Le salut de ceux qui sont dans l'ignorance invincible

Auteur: Polaire jean- luc (---.ipt.aol.com)
Date:   10/06/2003 21:51

Rep à Sébastien et à Arnaud
Vos arguments sont certainement excellents dans le cadre du catholicisme ... je ne suis pas théologien ,pas de cette façon là ..certainement pas en référence préalable à des dogmes .
je comprends certains dogmes de mon point de vue , je n en admets aucun d' autorité .Aucun . Pourquoi donc devrais je en admettre.. déjà ,expliquez moi cela .

le texte ci -dessous répond à diverses questions, de mon point de vue . Lequel nest pas catholique ,s'entend bien .

.Qui a commis une faute ? Je ne perçois pas les sujets humains comme responsables des fautes qui leur sont imputées .En droit oui, mais pas ontologiquement ,pas dans la raison philosophique .Je ne suis pas contraint de partager en mon âme et conscience la philosophie du droit Romano- chrétien .Je peux l ‘admettre en tant que citoyen pas nécéssairement en tant que personne philosophique .

Pour moi le droit canon et le droit profane sont dans la même anthropologie .Les évangiles ont été reprises par Rome au sens du droit Romain .
Ce qu’il y avait d’ anarchiste a été moralisé .Le message perd de son exceptionnalité au cours du temps ,.

Je ne crois pas à la liberté de choix .C’est clair . Donc pas à la culpabilité ainsi pas au châtiment .Je ne crois pas plus à la détermination calviniste .Je ne crois pas au » sujet » .
Le sujet tient sur la responsabilité et la culpabilité , c’est un rôle appris, un rôle joué .

La chrétienté (catholique et réformée )tient là dedans, dans le sujet (libre ou déterminé ), séparé de dieu .
Le christ est alors un homme particulier, un individu , on entre dès l ‘origine dans le réalisme et l’ historicité. On pense la voir chez les autres ,les modernistes( par exemple ) ou les lumières ou les marxistes mais on y a prêté le flanc en historicisant le christ .
La théologie catholique est fondée sur cette anthropologie , laquelle ordonne toute la société des hommes en occident .,
...................................................................................
IL se peut que cette anthropologie soit liée au "sacrificiel" et que le sujet capital soit le sujet du sacrifice ,celui dont la mort calme la fureur de Dieu .

Nous pensons être assez éloigné de nos jour d’une pratique du sacrifice ..ce qui est une illusion .Et le christ qui aurait bien du être le symbole de l’ horreur et de l’ inadmissible du sacrifice (entant qu' innocent exemplaire ) est maintenu dans le rôle de celui que son père a sacrifié . On est en pleine logique sacrificielle .

Or le christ n’est en rien responsable ni de l’ amour dont il délivre le message ni de sa propre mort ,l’aurait-il en conscience voulue ..elle lui fut imposée .Par des hommes qui ne furent pas plus responsables ..

La logique voudrait que Dieu soit alors le responsable . Comment Dieu peut- il être responsable de cela, des horreurs du monde ,des sacrifiés permanents .. si ce n’est l’ homme, si ce n ‘est Dieu ce n’est personne .. personne n’est responsable
.
Polaire
(conclusion: tous sont sauvés)..mais pas en tant que sujet .. je ne cois pas au sujet ..pas à li'ndividualité du sujet hors d'une scénographie sociale )

 

 Re: Le salut de ceux qui sont dans l'ignorance invincible

Auteur: Arnaud DUMOUCH (193.191.142.---)
Date:   11/06/2003 09:35

Pardon à Jean-Luc de continuer sur cette froide question des dogme. Je vous avais expliqué pourquoi c'est essentiel dans ce genre de débat théologique, car sans une autorité pour nous donner des balises, nous ne nous en sortons pas.

Rép à Sébastien:
Sans la CHARITE EXPLICITE, l'homme peut être DISPOSE AU SALUT: "Bienheureux les hommes de bonnes volonté". (JUSTICE)
Mais sans la CHARITE EXPLICITE, qui est une amitié impliquant selon saint Paul au Romains "la foi, et par là, une prédication et, par là, un missionnaire envoyé", nul ne peut entrer en possession de ce salut. (SANCTIFICATION)
C'est une nuance importante qui fonde tout ce débat. Toute la confusion des positions vient de ce point traité de manière précise par le Concile de Trente.
Selon ce Concile, deux erreurs sont donc possibles:
Celle de gauche qui consiste à dire que disposition au salut vaut salut.
Celle de droite qui consiste à dire que la disposition au salut n'étant pas le salut, ces gens sont damnés pour l'éternité.
Amicalement
Arnaud

 

 La grâce christique de suppléance

Auteur: Sébastien
Date:   11/06/2003 12:11

Cher Jean-Luc,

J'avoue ne pas très bien comprendre votre théorie. Aussi, permettez-moi de vous poser une question :

Selon vous, quelqu'un qui, sans faute de sa part, ignore le Christ peut-il être en état de grâce durant l'état de voie ? Autrement dit, quelqu'un qui, par "un désir implicte" (cf. lettre du St-Office à Mgr Cushing), appartient à l'Eglise est-il en état de grâce ?

Je pense, avec que Cardinal Journet que c’est le cas. Ces âmes reçoivent non des grâces de contact, mais des grâces christiques par dérivation et vivent dans un régime de suppléances.

Autrement dit, on appartient corporellement à une formation religieuse bouddhiste, juive ou musulmane, mais on est déjà spirituellement à l’Eglise et au Christ et l’on peut être sauvé. Le cardinal Journet cite de beaux exemples chez les mystiques musulmans, juifs et du monde de l'Inde

Journet distingue en effet 4 états existentiels de la grâce :

- la grâce adamique
- la grâce christique par anticipation sous la loi mosaïque
- la grâce christique par dérivation (les sacrements)
- la grâce christique de suppléance


Comme l’explique le cardinal Journet « dans la mesure où ces grâces de suppléances sont acceptées, elles inaugurent un régime où l’Eglise peut exister non pas en acte normal et achevé, mais en acte initial, disons plus exactement en acte anormal et entravé. »

De lors, Journet conclut que les trois états existentiels de la grâce christique peuvent aboutir au dernier état qui est celui de la grâce béatifiante « qu’elle ait été donnée par anticipation avant le Christ ou par dérivation après le Christ, qu’elle ait été transmise par contact ou à distance, la grâce sera, de l’autre côté de la mort, épanouie, béatifiante, transfiguratrice : toutes ces différenciations, valables pour le temps présent, seront abolies. » (Cardinal Journet, Entretiens sur la grâce, éd. Saint-Augustin, Saint-Maurice (Suisse), chap. 8 la grâce christique de suppléance)

.

Cordialement

Sébastien

 

 Re: La grâce christique de suppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.240.codenet.be)
Date:   11/06/2003 14:22

Cher Sébastien,
Je vous réponds d'abord à propos des deux textes du Magistère que vous m'aviez adressés. Ils vont, je crois, dans mon sens. Mais ils sont difficiles à lire car chaque mot compte.
Les deux emploient à propose de la bonne volonté accompagnée d'une ignorance invincible, comme le Concile de Trente, la notion de DISPOSITION, ou PREPARATION à la grâce pour la distinguer de la grâce elle-même. Ainsi, vous citez la Lettre du St-Office à Mgr Cushing, archevêque de Boston du 8 août 1949: "Mais quand l'homme est victime d'une ignorance invincible, Dieu accepte aussi un désir implicite ainsi appelé parce qu'il est inclus dans LA BONNE DISPOSITION d'âme par laquelle l'homme veut conformer sa volonté à la Volonté de Dieu. »
De même, Lumen Gentium n°16 ne dit pas autre chose: "En effet, tout ce qui, chez eux, peut se trouver de bon et de vrai, l'Eglise le considère comme une PREPARATION évangélique et comme un don de Celui qui illumine tout homme pour que finalement, il ait la vie. »
Le mieux, pour que vous soyez convaincu du caractère EXPLICITE de la charité nécessaure au salut (au moins pour les adultes), je vous joins donc un extrait du Concile de Trente dont je vous parlais, cette distinction entre la JUSTIFICATION et sa PREPARATION.

C H A P I T R E V I.
La maniere de la préparation à la justification.
(foi, repentir, pénitence, espérance, droiture)

O R les Adultes se disposent à la Justice : premierement lorsque excitez, & aidez par la Grace de Dieu, concevant la Foy par l'oreille, ils se portent librement vers Dieu, croyant, & tenant pour véritables, les choses qui ont esté promises, & révélées de Dieu ; & ce point sur tous les autres, que le pécheur est justifié de Dieu par sa Grace, par la Rédemption aquise par Jesus-Christ : en suite, lors que se connoissant eux-mesmes pécheurs, & puis passant de la crainte de la Justice divine, qui d'abord a esté utile pour les ébranler, jusques à la considération de la misericorde de Dieu, ils s'élevent à l'espérance, se confiant que Dieu leur sera propice pour l'amour de Jesus-Christ, & ils commencent à l'aimer luy-mesme comme la source de toute Justice ; & pour cela ils s'émeuvent contre les péchez par une certaine haine & détestation, c'est à dire, par cette Pénitence qui doit préceder le Baptesme : enfin lors qu'ils prennent la résolution de recevoir le Baptesme, de commencer une nouvelle vie, & de garder les commandemens de Dieu. Touchant cette disposition, il est écrit, Que pour s'approcher de Dieu, il faut premierement croire qu'il est, & qu'il récompensera ceux qui le cherchent (Hebr. 11. 6.) ; Et encore, Mon fils, ayez confiance, vos péchez vous sont remis (Marc. 2. 5.) ; Et, la crainte du Seigneur chasse le péché (Eccles. I. 27.) ; Et, Faites pénitence, & que chacun de vous soit baptisé au nom de Jesus-Christ, pour la rémission de ses péchez, & vous recevrez le Don du Saint Esprit (Act. 2. 38.) ; Et, Allez donc, & enseignez toutes les Nations, les baptisant au Nom du Pere, & du Fils, & du Saint Esprit, & les instruisant à observer toutes les choses que je vous ay commandées (Matth. 28. 19.) ; Et enfin, Préparez vos coeurs au Seigneur (I Reg. 7. 3.).

C H A P I T R E V I I.
Ce que c'est que la Justification, & quelles en sont les causes.
(grâce sanctifiante et charité)

C ETTE disposition, ou préparation, est suivie de la Justification mesme, qui n'est pas seulement la rémission des péchez, mais aussi la sanctification & le renouvellement de l'homme intérieur, par la réception volontaire de la Grace, & des dons qui l'accompagnent. (...) Car, quoy-que personne ne puisse estre juste, que celuy auquel les mérites de la Passion de Nostre Seigneur Jesus-Christ sont communiquez ; il faut pourtant entendre que cette justification se fait en sorte, que par le mérite de cette mesme Passion, LA CHARITE DE DIEU EST AUSSI REPANDUE PAR LE SAINT ESPRIT DANS LES COEURS DE CEUX QUI SONT JUSTIFIEZ & y est inhérente. D'où vient que dans cette justification, l'homme, par Jesus-Christ, auquel il est enté, reçoit aussi tout ensemble, avec la rémission des péchez, tous ces dons infus, la Foy, l'Espérance, & la Charité : car si l'Espérance & la Charité ne se joignent pas à la Foy, elle n'unit pas parfaitement avec Jesus-Christ, ni elle ne rend pas l'homme un membre vivant de son Corps. C'est ce qui a donné lieu à ces véritez, que la Foy sans les œuvres est morte & inutile (Jacob. 2. 17.) ; & aussi, qu'en Jesus-Christ, ni la Circoncision, ni l'incirconcision ne servent de rien, mais la Foy qui opere par la Charité (Galat. 5. 6.). C'est cette Foy, que les Catéchumenes, selon la tradition des Apostres, demandent à l'Eglise, auparavant le Sacrement de Baptesme, lors qu'ils demandent la Foy, qui donne la vie éternelle, que la Foy seule ne peut pas donner sans l'Espérance & la Charité. Et pour cela, on leur répond incontinent cette parole de Jesus-Christ : Si vous voulez entrer en la vie, gardez les Commandemens (Matth. 19. 17.). C'est pourquoy, aussitost qu'ils sont nez de nouveau par le Baptesme, recevant cette justice chrestienne & véritable, comme la premiere robe qui leur est donnée par Jesus-Christ, au lieu de celle qu'Adam a perduë pour luy, & pour nous, par sa désobéïssance, ils reçoivent aussi en mesme temps le commandement de la conserver blanche, & sans tache, pour la pouvoir présenter en cét estat devant le Tribunal de Nostre Seigneur Jesus-Christ, & obtenir la vie éternelle.

Je vous joins deux canons de ce concile qui résument notre débat : l’un va dans votre sens. Il montre l’importance de cette PREPARATION à la grâce dont vous parlez.

C A N O N I V.

S I QUELQU'UN dit, que le libre Arbitre meû & excité de Dieu, en donnant son consentement à Dieu, qui l'excite, & qui l'appelle, ne coopere en rien à se préparer, & à se mettre en estat d'obtenir la grace de la Justification, & qu'il ne peut refuser son consentement, s'il le veut, mais qu'il est comme quelque chose d'inanimé, sans rien faire et purement passif : Qu'il soit Anathême.

L’autre va dans mon sens et montre que la justification n’est ni dans la bonne volonté, ni dans la foi, ni dans l’espérance mais dans la charité et dans son fondement que saint Thomas appelle la Grâce sanctifiante.

C A N O N X I.

S I QUELQU'UN dit, que les hommes sont justifiez, ou par la seule imputation de la justice de Jesus-Christ, ou par sa seule rémission des péchez, faisant exclusion de la Grace & de la Charité, qui est répanduë dans leurs cœurs par le Saint Esprit, & qui leur est inhérente ; Ou bien que la Grace par laquelle nous sommes justifiez, n'est autre chose que la faveur de Dieu : Qu'il soit Anathême.
Amicalement
Arnaud

 

 Re: La grâce christique de suppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.240.codenet.be)
Date:   11/06/2003 14:23

Cher Sébastien,
je vous répond enfin sur la position du Cardinal Journet que je connaît bien puisqu'elle a été mienne pendant des années, avant de craquer sur la lettre du Concile de Trente.
Tout ce dont parle le Cardinal,
- la grâce adamique
- la grâce christique par anticipation sous la loi mosaïque
- la grâce christique par dérivation (les sacrements)
- la grâce christique de suppléance
existe et s'appelle bien "GRACE", au sens surnaturel du terme.
Mais, malheureusement, le terme de grâce surnaturelle et christique est ambigü. Il a plusieurs sens et désignent plusieurs réalités.
Saint Thomas lui donne au moins trois sens que je vous livre ici:
1- Il y a LA PREMOTION DIVINE, qui est une attraction venant de la Trinité, par le Christ. Elle attire TOUT HOMME vers Dieu, y compris les grands pécheurs, les païens et est certainement en partie à la source, chez les athées, de cette indicible angoisse dont nous parlions dans un débat précédant sur le "désir naturel de voir Dieu". "La grâce christique par anticipation sous la loi mosaïque" et "la grâce christique de suppléance" dont parle le Cardinal Journet sont certainement des prémotions divines. Elles viennent bien du Christ. Elle ont pour but d'attirer l'homme vers le salut mais elles ne les rendent pas justes car ces hommes ne peuvent vivre d'une amitié avec Dieu. Ils n'osent pas. ILS NE SAVENT PAS QUE C'EST POSSIBLE ET L'ESPRIT NE LEUR A PAS ETE DONNE POUR QUE CE SOIT POSSIBLE. Cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas sauvés.
2- Parfois, saint Thomas entend par la notion de grâce surnaturelle "la GRÂCE SANCTIFIANTE". C'est tout autre chose. Elle est un HABITUS ENTITATIF (son siège est l'âme) et elle vient surélever la nature humainre tout entière LORSQUE LA CHARITE EST INFUSEE (Voir Ia IIae Traité de la Grâce). C'est elle qui permet une véritable vie surnaturelle et c'est elle seule nous intéresse ici puisque c'est la seule qui "mérite" le salut. "La grâce adamique" dont parle le Cardinal Journet avant le péché originel et la grâce christique par dérivation (les sacrements) étaient de l'ordre de la grâce sanctifiante puisque Adam et Eve ainsi que les chrétiens peuvent vivre explicitement de la CHARITE.
3- Enfin, saint Thomas entend par la notion de grâce surnaturelle "la GRÂCE ACTUELLE". Ce n'est rien d'autre que cette attraction actuelle de la Trinité, par le Christ, dans celui qui vit de la charité.

Pour simplifier, si l'on suit le Concile de Trente et le Magistère de l'Eglise, il y a GRACE SANCTIFIANTE quand il y a CHARITE. Or (sauf peut-être chez les petits enfants), la charité est une amitié. Elle ne peut être qu'explicite, d'où l'analogie du mariage.
La tentative du Cardinal Journet est méritoire mais elle butte sur un point: elle oublie que le salut est ouvert à une seule forme de grâce, la grâce sanctifiante.
Remarque: Vous voyez à quel point ce débat est important. Nous travaillons sur le mystère desmystères, avec les plus grands théologiens...
Amicalement
Arnaud

 

 Re: La grâce christique de suppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.240.codenet.be)
Date:   11/06/2003 14:53

Cher Jean-Luc,
Vous avez raison, selon moi, sur un point: qu'est ce qu'on s'est compliqué
la vie!!!
Tout est simple dans l'Evangile, c'est une histoire d'enfant et faite pour
les enfants.
Cependant, cette conceptualisation a eu un avantage: une précision du
langage qui, normalement, devait permettre de rendre les choses encore plus
simple.

Quant à savoir si tout cela est imaginaire, nous le verrons à l'heure de la
mort... Je vous signale que, pour le moment, les récits de NDE confirment
plutôt l'évangile...
Cordialement
Arnaud

 

 Re: La grâce christique de suppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.240.codenet.be)
Date:   11/06/2003 14:54

Cher Sébastien,

il me reste à répondre à votre question : « Selon vous, quelqu'un qui, sans faute de sa part, ignore le Christ peut-il être en état de grâce durant l'état de voie ? Autrement dit, quelqu'un qui, par "un désir implicite" (cf. lettre du St-Office à Mgr Cushing), appartient à l'Eglise est-il en état de grâce ? »



Il ne peut être en état de GRÄCE SANCTIFIANTE selon cette parole de Jésus : « Beaucoup avant vous ont ardemment désiré voir ce jour et ne l’ont pas vu ».

Mais il vit d’une puissante PREMOTION DIVINE et c’est déjà une grande grâce surnaturelle. Il est DISPOSÉ à prendre possession du salut, dès qu’il lui sera proposé.

Cet homme ne fait pas partie de l’Eglise, du moins si on l’entend sous cette définition : « LA COMMUNION DES SAINTS PAR LA CHARITE ». Mais son "désir implicite" le prépare à y entrer. Il y entrera certainement, quand Dieu « déchirera le rideau du Temple ».

Arnaud

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Arnaud DUMOUCH (193.191.142.---)
Date:   12/06/2003 09:21

Cher Sébastien,
Je souscripts tout à fait au fait que nul ne peut entrer dans le salut sans appartenir à la Res tantum du sacrement qu'est l'Eglise.
Mais si je vous comprends bien, selon vous, cette res tantum, cette grâce peut être implicite. Elle peut être la simple prémotion divine (l'attraction de la Trinité) dans un homme de bonne volonté.
Selon moi, ce n'est pas la foi de l'Eglise. Cette res ne peut être que la GRACE SANCTIFIANTE, donc la CHARITE qui est explicite.
Etes vous d'accord pour dire qu'il y a là une réelle différence entre nous?
Cordialement
Arnaud

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.127.codenet.be)
Date:   18/06/2003 14:11

"Nul ne peut avoir la certitude d'avoir la charité....... " Tout-à-fait vrai. C'est l'un des articles de la foi tridentine.
Mais, cher Sébastien, si je vous comprends bien, votre argument serait le suivant: "La charité explicite ne peut être une condition du salut puisque nul ne sait s'il a la charité. " Le concile de Trente vous répond lui-même, à la fin de la sixième session: "LA CHARITE EST UNE AMITIE AVEC DIEU. MAIS NUL NE PEUT ËTRE SÛR D'ETRE DANS LES CONDITIONS REQUISES A CETTE AMITIE".

Je retournerais votre argument en vous disant: Par contre, il est possible d'être sûr que quelqu'un n'a pas la charité. Par exemple, selon saint Paul aux Romains, "celui qui n'a pas la foi dans le Christ" ne peut vivre, sauf exception rare et liée à une révélation privée, d'une amitié avec Dieu puisqu'il ignore la possibilité même de cette amitié. C'était le cas de saint Jean Baptiste, dernier prophète de l'Ancien Testament, qui montra le Christ sans le connaître: Jésus disait de lui: "Il n'y a pas d'homme plus grand que Jean et pourtant, le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui". (Matthieu 11, 11).
Vous voyez, nous tournons en rond. Quoique vous fassiez, vous serez confronté à ce dogme: "Nul n'entre dans la Vision de Dieu s'il arrive dans l'autre monde sans cette amitié réciproque, vivante, qu'on appelle une naissance d'en haut."

Arnaud

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Meuter Fabrice (---.189.164.118.brutele.be)
Date:   24/06/2003 17:29

Cher monsieur dumouch

Vous me reconnaîtrez certainement, je suis Fabrice, votre meilleur élève en tant que tel. Du haut de cette plaisanterile suit une remarque en rapport à votre sujet: S'il n'y ait qu'une logique qui puisse prouver vos dire, ce n'est pas de savoir si Dieu nous laisse suffisament de libertés ou de connaissances pour pouvoir le retrouver ante-mortem( Car son humilité infinie connue de tous ne nous le permetrrait pas), ce n'est pas non plus de croire qu'une étude profonde de la Bible peut nous avancer dans la matière, ni de penser qu'un chrétien détient un avantage pour ddeceler la clé de voute de l'humanité, non, c'est bien évidemment une théorie qui s'approcherait de près ou de loin aux confins de l'infini. cette théorie d'infini est la seule étape mathématique, scientifique, théologique ou dans une spiritualité profonde qui permette de penser et de croire aux dires del'église et des fondements du christianisme jusqu'au paradis. Et ceci ne se rattache pas forcement à ce sujet, mais à tous vos sujets abordés au cours de religion qui aborde un des sujets indémontrable en parallèle avec Dieu. Croyant ou athé, il nous faut admettre que le mystère de la création se rattache à une cause, cette cause même qu'Albert Einstein à chercher en tentant de démontrer l'équation ultime du big Bang. Vous pensez que Dieu en est cette caus? Il est possible que, peût-être même probable, mais rien ne sera jamais aussi sûr que le jour ou la vérité sera exposé à l'humanité, elle entrainera le chaos et une destruction iminante. Tout en m'éloignant du sujet, je tenais à dire que cette théorie de l'infini est à un stade trop avancé pour notre misérable cerveau ne puisse s'en approprié le concept. Nous CROYONS que l'univers, par exemple, est infini, mais nous n'avons pas la moindre idée de ca que signifie ce mot.Dieu, dans l'infiniment petit à peut-être creé une race d'être humain infiniment petit, pour qui leur galaxie sont nos atomes ou bien même plus petits. c'est peut-être ce qu nous sommes?! L'homme est un mystère, votre ordinataeur est un mystère si on part du princique que peut-être, dans 1000 ans, ils gouverneront la terre! Vous ne pourrez pas prouver que Jesus est Dieu ni que Rahel ne l'est pas. Il n'est rien de plus complexe que l'infini car il englobe tout, absolument tout. Je vous signale que je suis Dieu fait homme, vous ne me croyez pas et pourtant rien ne peut vous prouver le contraire. La crédulité régit les lois de l'indémontrable et par conséquent les lois d'un infini qui surplombe toutes vos croyances. Peut-être certains comprendront-ils pourquoi"Les voies du Seigneur sont impénétrables". A votre avis pourquoi votre pari est-il indémontrable? Vous le savez très bien sinon vous n'auriez pas pariée toutes vos économies. Cause en connaissance de causes.
Sur ce il se fait tarde et je dois partir. Au plaisir de vous revoir l'an prochain et avec la conviction que ma petite paranthèse sera utile à certains.Et je m'excuse à l'avance pour mes fautes d'orthographe, le devoir m'ayant interpellé.

Fabrice

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (193.191.142.---)
Date:   26/06/2003 10:37

Cher Fabrice, de loin mon meilleur élève.
Vous abordez la question de la foi. Il est vrai, rien dans ce domaine n'est démontrable. L'EVIDENCE de la vérité semble réservée pour l'heure dela mort. La raison profonde de cela semble être, si l'on suit la révélation chrétienne, un apprentissage de l'humilité... en vue d'un Amour..., en vue d'un mariage... En vue d'un Etre infiniment bon... Dieu...

En attendant, le débat dans lequel vous vous êtes introduit est important pour ceux qui ont reçu la grâce de cette foi chrétienne.
Qui va au paradis? Qui se mariera avec Dieu?
Si je vous pose la question comme cela, de l'extérieur, même si vous n'êtes pas croyant, que répondiriez-vous?

Le problème de ce débat est celui-ci: Pour le moment Dieu se cache. Seule la foi permet à quelques uns de croire en lui et de l'aimer et la foi est donnée à qui Dieu le veut...
Or, nul ne peut entrer dans la vie éternelle sans l'aimer, très consciemment, et ce dès ici-bas. Ceci est un dogme catholique. Donc, comment Dieu fait-il pour proposer auxhommes ce mariage?
Je vous présente donc les trois solutions principales inventées par les théologiens depuis 2000 ans:
1- Pensez-vous, comme saint Thomas d'Aquin (XIIIème siècle), que la plupart des hommes seront damnés puisqu'ils meurent sans connaître donc sans aimer Dieu? Pensez-vous qu'un petit bébé mort sans baptême sera aussi séparé de Dieu pour l'éternité? Le pensez-vous pour les millions de non-chrétiens morts dans l'ignorance de ce mystère? Pour mapart, je pense qu'il n'existequ'un seul moyen pour aller en enfere: le blasphème contre l'Esprit: Un homme qui face à la vérité révélée, proclame qu'il n'a que faire de cette histoire ridicule portant sur l'amour et l'humilité?

2- Pensez-vous comme le cardinal Journet (années 1950) qu'aimer Dieu, c'est en fin de compte la même chose qu'être de volonté droite. Tout homme de bonne volonté sera sauvé car, sans le savoir, il aime Dieu.

3- Ou pensez-vous, comme moi, que l'opinion du Cardinal Journet est vrai en partie: les hommes de bonne volonté seront sauvés. Mais être de bonne volonté ne signifie pas "aimer Dieu sans le savoir". Comme la vie éternelle consiste en un mariage explicite (d'amour) avec Dieu pour l'éternité, la solution est toute simple: SELON MOI, DIEU PROPOSE A TOUS LES HOMMES CE MARIAGE EN PRECHANT L'EVANGILE A TOUS A L'HEURE DE LA MORT. Il apparaît sous la forme de l'humanité du Christ, dans sa gloire. Il est accompagné des proches déjà décédés, des anges... Les hommes de volonté droite se précipitent vers son amour, puisque, sansle savoirn c'est en fait cet amour squ'ils cherchaient. Les hommes totalement égoïstes ou orgueilleuxle rejettent et seséparent de lui pour toujours.
Que pensez-vous des confirmation philosophiques liées à des NDE?
Bonnes vacances

Arnaud

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Sébastien
Date:   28/06/2003 14:43

Cher Arnaud,



Les vacances sont enfin arrivées : j’ai tout le loisir de répondre maintenant à votre question sur l’acte explicite ou implicite qui est requis pour pouvoir être sauvé. C’est tout le problème de savoir si votre théorie eschatologique qui veut que le Christ se manifeste à tout homme au moment de sa mort est vraiment nécessaire pour résoudre la question du salut des hommes que la prédication évangélique n’a pas touchés.



Saint Thomas, dans son traité de la grâce, se demande pour pouvoir être justifié un mouvement du libre arbitre est requis. La réponse de saint Thomas est claire et sans appel. Permettez-moi de la citer dans son entier, car toute la démonstration du pourquoi de cette nécessité est limpide : « La justification de l'impie est l’œuvre de Dieu qui meut l'homme à la justice, selon l'Apôtre (Rm 4, 5) : " C'est lui-même qui justifie l'impie. " Or Dieu meut toutes ses créatures selon le mode qui convient à chacune d'elles ; ainsi nous voyons dans le monde matériel que les corps lourds et les corps légers sont mus de façon différente, conformément à la diversité de leur nature. Les hommes, eux aussi, sont mus par Dieu à la justice d'après la condition de la nature humaine. Or il appartient en propre à la nature de l'homme de posséder le libre arbitre. C'est pourquoi, en celui qui a l'usage de son libre arbitre, la motion de Dieu vers l'état de justice ne se produit pas sans qu'il y ait un mouvement de ce même arbitre; mais, dans le temps même où Dieu infuse le don de la grâce sanctifiante, il meut le libre arbitre à accepter ce don, du moins chez ceux qui sont capables de recevoir une telle motion. » (I-II, q. 113, a. 3, c.)



Aux articles suivants, saint Thomas précise la nature du mouvement de ce libre arbitre. L’article 4 est à ce égard significatif, car il enseigne que le premier mouvement requis par le libre arbitre est un mouvement de foi. Là encore, je cite le corps de l’article dans son intégralité : « Nous venons de le dire, un mouvement du libre arbitre, selon lequel l'esprit de l'homme est mû par Dieu, est nécessaire à la justification de l'impie. Or Dieu meut l'âme de l'homme en la tournant vers lui, ainsi qu'il est dit dans le Psaume (85, 5) : " Ô Dieu, en nous tournant vers toi, tu nous donneras la vie. " La justification de l'impie requiert donc un mouvement par lequel l'esprit est tourné vers Dieu. Mais la première conversion vers Dieu se fait par la foi, selon l'épître aux Hébreux (11, 6) : " Celui qui s'approche de Dieu doit croire qu'il existe. " Le mouvement de la foi est donc nécessaire à la justification. » (I-II, q. 113, a. 4, c.)



La suite de l’article ne précise pas quelle foi est requise pour pouvoir être sauvé. Le Docteur Angélique donne cependant la réponse dans son traité de la Foi, aux articles 3 à 8 de la question II de la II-II, dont voici les titres :



3. Est-il nécessaire au salut de croire quelque chose qui dépasse la raison naturelle ? - 4. Est-il nécessaire de croire ce que peut atteindre la raison naturelle ? - 5. Est-il nécessaire au salut de croire explicitement certaines vérités ? - 6. Tous sont-ils également tenus de croire explicitement ? - 7. Est-il toujours nécessaire au salut de croire explicitement au Christ ? - 8. Est-il nécessaire au salut de croire explicitement à la Trinité ? -



Ces rappels précisés, je crois que nous pouvons poser précisément le problème qui nous occupe : il s’agit du sens qu’il faut donner à l’article 7. Le voici exprimé en toute rigueur de termes : un acte de foi EXPLICITE au Christ Sauveur est-il actuellement nécessaire à tous les hommes pour le salut de nécessité de moyen ? C’est tout le problème posé par votre théorie de la parousie du Christ à notre mort. Si la réponse à cette question est affirmative, alors je reconnais que votre théorie de la parousie du Christ est quasi nécessaire. En effet, étant donné que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, il faudra admettre que cette foi au Christ devra être proposée à tous les hommes de manière claire, si l’on veut que cette foi soit EXPLICITE.



Au premier abord, je ne vous le cache pas, il semble que ce soit le cas. Saint Thomas dit en effet : « depuis le moment où la grâce a été révélée, grands et petits sont tenus d'avoir une foi explicite à l'égard des mystères du Christ, surtout de ceux qui sont communément solennisés dans l'Église et publiquement proposés, comme sont les articles sur l'Incarnation » (II-II, q. 2, a0 7). On comprend d’ailleurs parfaitement pourquoi la foi doit être explicite, car dans la loi nouvelle une foi plus parfaite dans l’Incarnation est requise, puisque ce mystère a été dévoilé ; au contraire, dans la loi ancienne, une foi implicite suffisait, car ce mystère était encore caché.



En faveur de cette théorie nous pourrions citer le Concile de Trente qui dit dans son décret sur la justification que « les adultes se disposent à la Justice : premièrement lorsque excités et aidés par la grâce de Dieu, concevant la foi par l'oreille, ils se portent librement vers Dieu, croyant et tenant pour véritables, les choses qui ont été promises et révélées de Dieu ; et ce point sur tous les autres, que le pécheur est justifié de Dieu par sa grâce, par la Rédemption acquise par Jésus-Christ. » (Session 6, chap. 6)



On voit pourtant que cette théorie pose une sérieuse difficulté, parce qu’il existe de nombreuses régions où la prédication du Christ n’a pas (ou n’est plus) suffisamment proposée. Certains théologiens scolastiques ; comme Lugo ou Vasquez, en sont donc venus à dire que la foi explicite au Christ était requise seulement de nécessité de précepte. Les premiers leur ont alors répondu que si la foi explicite dans le Christ était nécessaire seulement de nécessité de précepte, alors il faut logiquement conclure qu’après la venue du Christ, la foi explicite au Christ est moins nécessaire que le baptême, chose qui paraît incroyable. De même, on voit mal pourquoi dans l’économie nouvelle une foi implicite au Christ suffirait, comme dans le cas de l’ancienne loi. Il semble au contraire plus convenable qu’une foi plus parfaite soit requise dans le nouveau Testament.



Serions-nous dans une impasse ? Il reste pourtant une troisième théorie, proposée par les commentateurs thomistes les plus classiques. La voici résumée par les Salmanticenses : « Après la promulgation de l’Evangile la foi explicite au Christ au Christ est absolument parlant (per se loquendo) un moyen nécessaire au salut ; ‘‘per accidens’’ toutefois, il peut arriver que, même après la promulgation de l’Evangile, quelqu’un obtienne le salut, sans une telle foi. » (De Fide, disp. VI., n° 77). Le Père Garrigou-Lagrange, que l’on ne peut vraiment pas accuser de proposer des théories révolutionnaires, l’exprime de façon encore plus technique : « Après la promulgation de l’Evangile, la foi explicite au sujet du Christ Sauveur est ‘‘per se’’ nécessaire à tous les hommes de nécessité de moyen ; cette opinion est certaine et pas seulement la plus probable. Nous disons ‘‘ per se’’, mais non ‘‘ semper’’ car il y a probablement ‘‘ per accidens’’ des exceptions, quand une prédication suffisante de l’Evangile fait défaut. » (Garrigou-Lagrange, De virtutibus theologicis, Turin, 1949, p. 153)



L’éminent dominicain propose deux confirmations en faveur de cette thèse :



- En I-II, q. 89, a. 6, saint Thomas enseigne que pour l’enfant, même infidèle, parvenant à l’usage de la raison « la première chose qui doit se présenter à sa réflexion, c'est de délibérer sur lui-même. Et si réellement il s'est ordonné à la fin voulue, il obtiendra par la grâce la rémission du péché originel. » Or cet enfant, vous en conviendrez, obtient la grâce sanctifiante, sans une foi explicite dans le Christ, s’il est infidèle.

- Tous les théologiens admettent que le baptême d’eau, bien qu’il soit lui aussi d’une nécessité de moyen, même pour les adultes, puisse être suppléé, per accidens, par un vœu implicite.



Pour résumer ce qui est nécessaire au salut, je me permets de reproduire ici le schéma proposé par Garrigou-Lagrange (Op. cit., p. 159)



1. Nécessité de moyen sans lequel le salut ne peut être obtenu


1.1. Absolument parlant et toujours (per se et semper)



1.1.1. Par la nature des choses :

- Pour tous : la grâce habituelle et les vertus théologales

- Pour les adultes : croire que Dieu existe et qu’il est rémunérateur ; le mérite

1.1.2. Par institution divine : pour les enfants, le baptême d’eau, hors du cas du martyre (si l’on professe les limbes)





1.2 Absolument parlant, mais pas toujours (per se sed non semper):

- le baptême d’eau pour les adultes, qui peut être suppléé par le baptême de désir

- le foi explicite au Christ



2. Nécessité de précepte : tout ce qui est mauvais en raison de la volonté du législateur, qui n’est donc pas mauvais en soi, mais parce que c’est défendu.
- la sanctification du dimanche

- la communion pascale



Cordialement



Sébastien

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.219.codenet.be)
Date:   29/06/2003 15:03

Cher Sébastien, Heureux de vous retrouver.

Je suis heureux que l'importance de cette question sur la nécessité d'aimer explicitement Dieu ne vous ait pas échapper.
En citant tous les théologiens et particulièrement le Père Garrigou-Lagrange, vous mettez le doigt, selon moi, sur LE problème théologique.
Finalement, l'effort de la théologie thomiste, depuis presque huit siècles, consiste à expliquer comment tout le monde n'est pas damné... Mais je constate que le Père Garrigou-Lagrange comme le Cardinal Journet n'ont cessé de tourner autours des dogmes, tentant de les réinterpréter, de les dévier quelque peu de leur sens.
Cette difficulté des théologiens à admettre tout simplement le dogme, tel qu'il a été défini par l'Eglise, ne m'étonne pas. Je n'ai cessé d'agir comme eux au début de ma formation pour une raison simple: Tout cela ne tient pas ensemble. Un dogme en particulier pose problème car il semble conduire en enfer la majorité des hommes: "Nul n'est sauvé s'il meurt sans la charité".
Je suis étonné et admiratif de voir la somme d'intelligence déployée pour définir la charité de manière différente. Il fallait le faire, ne trouvez-vous pas, pour inventer cette notion de charité implicite? (Que dirait-on d'un philosophe qui parlerait d'amitié implicite entre deux personnes ne se connaissant pas).
J'ai participé pendant une grande partie de ma formation à ce débat, compliquant à souhait les distinctions. Finalement, j'en suis venu à reprendre la problème à la base. Je me suis posé une question: Quelle est VRAIMENT la foi de l'Eglise (au delà des couches géologiques déposées par les générations de théologiens)?
L'introduction à ce débat vous la rappelle. Il y a cinq dogmes. Ils se résument ainsi:
"Dieu voudrait faire entrer tous les hommes dans la Vision de son essence. Pour ce faire, durant la vie terrestre, tout homme se voit proposer le salut, à savoir l'amour de la Trinité et les conditions pour entrer dans la Vision béatifique. La réponse que Dieu attend de l'homme en retour est un amour d'amitié (Agape, grâce sanctifiante, mérite). Après la mort, celui qui n'aime pas Dieu est immédiatement séparé de Dieu pour l'éternité. Mais cela n'est possible qu'au travers du blasphème contre l'Esprit"

Si vous relisez attentivement ce petit texte vous constaterez à quel point il ne tient pas face à la réalité. Son plus gros problème est celui-ci: "QUI PEUT AFFIRMER QUE DIEU PROPOSE LA CHARITE A TOUT HOMME DURANT SA VIE TERRESTRE? " Nous voyons l'inverse tous les jours. Des millions d'hommes meurent sans rien imaginer de l'amour de Dieu et même en le détestant...
Pourtant, ce dogme est un article de foi et son sens est clair. Il parle de la charité au sens thomiste d'AMITIE RECIPROQUE, DONC EXPLICITE, AVEC DIEU.
Cher Sébastien, c'est à ce moment que sont intervenus les récits de NDE.
Mais, même sans eux, je ne vois pas comment conclure autrement. Si le Christ ne se montre pas "glorieux, accompagné des nuées du ciel" dans la 11ème heure de notre vie, toute la question du salut devient complexe, illogique.
Au contraire, s'il se montre, la question du salut devient simple et conforme à l'amour de Dieu. Les mystères de la patience provisoire de Dieu, mais aussi de son silence, deviennent clairs...
Amicalement
Arnaud

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Sébastien
Date:   29/06/2003 15:38

Cher Arnaud,

Vous tournez un peu autour du pot ! Vous ne répondez pas vraiment à l'argument que je vous ai déjà opposé plusieurs fois : comment comprenez-vous I-II, q. 89, a. 6, c. qui dit que l'enfant non baptisé peut obtenir, par un acte libre, la rémission du péché originel :

« Il est impossible que le péché véniel existe chez quelqu'un avec le péché originel et sans péché mortel. Et voici pourquoi. Avant que l'homme parvienne à l'âge de discrétion, le défaut des années, en empêchant en lui l'usage de la raison, l'excuse de péché mortel, et par conséquent l'excuse beaucoup plus encore de péché véniel, s'il vient à commettre un acte qui soit tel par son genre. Au contraire, une fois que l'homme a commencé à avoir l'usage de la raison, il n'est pas tout à fait excusé de la culpabilité dcs péchés tant véniels que mortels. Mais la première chose qui doit se présenter à sa réflexion, c'est de délibérer sur lui-même. Et si réellement il s'est ordonné à la fin voulue, il obtiendra par la grâce la rémission du péché originel. Tandis que, s'il ne s'oriente pas vers la bonne fin, autant qu'à cet âge-là il est capable de la discerner, il péchera mortellement, ne faisant pas tout son possible. Et dès lors, il n'y aura plus chez lui péché véniel sans péché mortel, si ce n'est après que tout lui aura été remis par la grâce. »

Pourriez-vous relire avec soin cet article (qui n'est pas le seul voir De Malo q. 5, a. 2, ad 8 ; q. 7, a. 10, ad 8) et répondre à ces trois questions :

1. Cet enfant a-t-il selon vous la grâce sanctifiante à l'issue de ce premier acte moral ?
2. Cet enfant a-t-il une foi explicite au Christ lors de cet acte moral ?
3. Si cet enfant meurt juste après ce premier acte moral, est-il sauvé ?

Cordialement
Sébastien

 

 Re: Le moyen connu de Dieu par lequel il propose le salut à tout hommeuppléance

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.219.codenet.be)
Date:   29/06/2003 16:49

Cher Sébastien,
Je vous réponds en me servant encore une fois, de ma manière concrète de présenter les choses.
Un enfant, lorsqu'il est conçu, est en état de MORT SPIRITUELLE non par son choix propre mais par le choix d'Adam et Eve. C'est le péché originel.
Mais, lorsqu'il quitte l'age de l'innocence et pose son premier choix libre, trois orientations sont possibles en lui. Je dis bien TROIS et non pas deux. Tout le problème est là. Il peut devenir PECHEUR (état du péché mortel volontaire), JUSTE (comme Nicodème qui est un homme droit quoique mort à la vie de la grâce sanctifiante) ou SAINT (c'est-à-dire vivant de la charité, né d'en haut).

1ère possibilité: Cet enfant choisit de se comporter en égoïste. Il commet alors un premier péché mortel volontaire. Il ne s'agit pas nécessairement d'un acte impliquant parfaite liberté, conscience, lucidité (blasphème contre l'Esprit). L'essentiel est que la finalité de cet enfant est objectivement un péché impliquant un état de MORT à la grâce. C'est l'état du péché mortel. Il peut en sortir par le repentir (c'est le baptême que proposait Jean-Baptiste). Mais ce repentir, s'il provoque le pardon du péché mortel actuel, n'a pas le pouvoir de donner la Vie qui vient d'en-haut. Il ne fait que DISPOSER (voir notre débat) au baptême de l'Esprit Saint. Ainsi, le baptême de repentir Jean ne sauvait pas mais ne faisait que preparer le baptême de l'Esprit octroyé par Jésus.
2ème possibilité: Cet enfant n'a jamais entendu parlé de la possibilité de l'amitié avec Dieu. Ce n'est pas de sa faute, c'est un fait qui s'impose à lui. Mais il choisit de se comporter bien. Il oriente sa vie vers l'attention aux autres, la droiture, peut-être même vers une certaine espérance qu'il existe un salut quelque part. Dans ce cas, le péché originel est lavé par Dieu. Une certaine grâce ACTUELLE venant de Dieu lui est envoyée. Elle le meut. MAIS....... Mais vous auriez tort de penser que cette "grâce actuelle" le met en "état de grâce" de telle façon qu'il "mérite" (au sens scolastique du terme) le salut. Cette grâce divine n'est pas la GRACE SANCTIFIANTE (source de la charité). Cet enfant est incapable de charité. Le pauvre. Il ne sait même pas qu'elle est possible... Concrètement, cet enfant devient un JUSTE, à l'image de Nicodème, de saint Joseph ou de Jean-Baptiste. Il n'est pas encore "né d'en-haut" mais il est DISPOSE au salut.
3ème possibilité: Cet enfant vit dans une famille chrétienne qui lui parle de la possibilité d'être ami de Dieu. Ou encore, un ange le visite et lui en parle. Son premier acte conscient s'avère être un acte de charité envers Dieu. Dans ce cas, non seulement le péché originel lui est pardonné s'il ne l'avait pas été avant, mais surtout, cet enfant entre DANS LA GRACE SANCTIFIANTE. Il nait d'en haut. Il "mérite" explicitement la Vision béatifique s'il vient à mourir car son amour d'amitié pour Dieu l'oriente explicitement vers elle.

Vous voyez, toute la difficulté de la position que vous présentez avec le Cardinal Journet me semble venir de ce manque de distinction entre la JUSTICE d'un homme de bonne volonté comme Nicodème et la SAINTETE qui est liée à une naissance concrète, constatable, d'une relation intime avec Dieu. Cette renaissance ne peut exister sans la venue du Saint Esprit, dit Jésus. La théologie scolastique préfère parler de l'infusion d'une grâce ontologique qu'elle nomme grâce sanctifiante.
Je ne sais si ma position est assez claire. Je reste à votre disposition.
Arnaud

 

 Une matière sans forme..........

Auteur: Sébastien
Date:   30/06/2003 03:24

Cher Arnaud,

Voilà que vous imaginez un état de pure nature, que vous appelez celui de l'homme juste, où l'homme n'aurait plus le péché originel, n'aurait aucun péché mortel, mais n’aurait pas la grâce sanctifiante.

Un tel état est impossible à imaginer pour un thomiste, pour une raison très simple qui peut s'exposer par le syllogisme suivant :

La matière n'est pas séparable de la forme (sauf pour Scot, et encore de puissance absolue !)
Or l'acte libre de l'enfant infidèle lors de son premier acte moral est la disposition ultime à la réception de la forme qui est la grâce.
Donc l'acte libre de l’enfant infidèle lors de son premier acte moral ne peut pas être séparé de la réception de la grâce.
Autrement dit à l’instant même où se produit cet acte libre, cet enfant se trouve justifié.

Pour saisir la valeur probante et contraignante d’un tel raisonnement, il faut bien considérer l’état de la matière première à l’instant précis où se produit la nouvelle substance (tout changement substantiel étant instantané): lorsqu’elle n’a plus l’ancienne forme incompatible avec les nouvelles propriétés et n’a pas encore la nouvelle, elle n’est plus concrètement indifférente à n’importe quelle forme, mais elle est ordonnée à recevoir seulement celle qui correspond à ces nouvelles propriétés.


Pour la mineure, qui permet de voir que l’analogie entre le changement substantiel et la justification de l’impie n’est pas une simple comparaison, mais a valeur d’analogie stricte explicative, on se rapportera aux trois textes suivants de la Somme de théologie.


« Le mouvement du libre arbitre qui existe dans la justification de l'impie est l'ultime disposition à la réception de la grâce. C'est pourquoi ce mouvement du libre arbitre se produit au même instant que l'infusion de la grâce. » (III, 89, 2)
« L'infusion de la grâce se fait instantanément et sans retard. En effet, lorsqu'une forme n'est pas imprimée immédiatement dans son sujet, cela vient de ce que le sujet n'est pas dans les dispositions voulues et que l'agent a besoin de temps pour l'y mettre. Ainsi, c'est un fait d'expérience, dès que la matière est disposée par une altération antécédente, la forme substantielle lui est aussitôt acquise. De même, s'il s'agit d'un corps diaphane qui de soi est disposé à recevoir la lumière, dès qu'une source lumineuse l'éclaire, il brille aussitôt. » (I-II, 113, 7)
« Le mouvement du libre arbitre qui concourt à la justification de l'impie est un assentiment par lequel on se détourne du péché et on se tourne vers Dieu : et cet assentiment est immédiat. Il arrive cependant quelquefois qu'il est précédé d'une certaine délibération, mais celle-ci n'appartient pas à la substance même de la justification ; elle n'en est que le chemin, comme le déplacement local d'un objet qui aboutit à faire la lumière, ou l'altération d'un corps qui conduit à la génération. » (I-II, 113, 7, ad 1)

Cordialement

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Sébastien (---.w193-252.abo.wanadoo.fr)
Date:   30/06/2003 11:17

Cher Arnaud,

J’ai oublié de vous mentionner ce texte important de saint Thomas où il enseigne que l’enfant infidèle qui délibère est aussitôt justifié : « il n’est pas possible à un adulte quelconque d’être dans le péché originel et sans la grâce, parce lorsqu’il recevra l’usage du libre arbitre, s’il s’est préparé à la grâce, il aura aussitôt la GRÂCE (statim gratiam habebit). » (De veritate, q. 24, a. 12, ad 2)

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.101.codenet.be)
Date:   30/06/2003 16:44

Cher Sébastien,
Les textes de saint Thomas que vous m'opposez parlent du terminus ad Quem de la "justification de l'impie", à savoir l'infusion de cette forme entitative qu'est la grâce sanctifiante.

Si je vous suis, il n'existe dans l'humanité que trois états possibles, avant comme après la venue du Christ:
1- L'état du péché originel (les nourrissons par ex.).
2- L'état de celui qui vit dans le péché mortel actuel (les hommes adonnés à l'égoïsme).
3- Enfin, l'état de l'homme justifié, né d'en haut, porté par la grâce sanctifiante, qu'il le sache ou non (tous les hommes de bonne volonté, chrétiens ou non, qu'ils vivent ou non de la charité).

Vous semblez donc nier l'existence dans l'homme de divers états qui précèdent la grâce sanctifiante mais ne sont pas encore la grace sanctifiante.

Je peux opposer à votre position une canonade destructrice:
I- Par l'autorité de dizaines de textes dogmatiques. Vous pouvez lire la totalité de la sixième session du Concile de Trente qui ne parle que des dixaines d'états préparatoires à la sanctifications, chez des hommes justes, non encore vivifiés par la grâce sanctifiante. Face à Luther, qui pensait que l'homme était justifié par la seule foi en Dieu, l'état des millions d'hommes qui ont vécu dans une justice préparatoire à la sanctification est décrite.
Je prends au hasard le canon n° 5 de ce Concile qui montre qu'il y a un état de JUSTICE réel qui n'est pourtant qu'une préparation à celui de la grâce sanctifiante. "Si quelqu'un dit que la Contrition ne PREPARE pas à la Grace, mais qu'elle rend l'homme hypocrite et plus grand pécheur ; Enfin que c'est une douleur forcée, & non pas libre, ni volontaire : Qu'il soit Anathême."

J'aurais presque pu prendre chacun d'entre des canons de ce Concile. Ils vous auraient montré que l'Eglise rejette deux positions extrèmes:
1- Celle des catholiques intégristes qui disent que tout homme qui n'a pas explicitement la charité n'est qu'un pervers digne de la damnation éternelle.
2- Celle des réformés qui pensaient que l'homme pouvait mériter la vie éternelle (donc être sanctifié), SANS la charité, par exemple en ne vivant, comme Abraham, que de la justice de la FOI.

Je vous cite un texte du Cathéchisme de l'Eglise catholique qui résume cette position:
n° 2001: "La PREPARATION de l’homme à l’accueil de la grâce est déjà une œuvre de la grâce. Celle-ci est nécessaire pour susciter et soutenir notre collaboration à la JUSTIFICATION par la foi ET (vous notez la distinction) à la SANCTIFICATION par la charité. Dieu achève en nous ce qu’il a commencé, " car il commence en faisant en sorte, par son opération, que nous voulions : il achève, en coopérant avec nos vouloirs déjà convertis " (S. Augustin, grat. 17 : PL 44, 901)".

II- Mais, le plus important, c'est que le concret de l'expérience chrétienne s'oppose à votre position. Vous voyez tous les jours autour de vous des hommes honnêtes, droits, de bonne volonté, quelquefois même de sincères croyants juifs ou musulmans qui n'ont jamais connu ce bouleversement qu'on appelle le baptême du Saint Esprit. Jésus lui même le dit explicitement à Nicodème, qui était un homme juste (Jean 3, 3). Jésus lui répondit: "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Nicodème lui dit: "Comment un homme peut-il naître, étant vieux? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître?" Jésus répondit: "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.
Toute la tradition des Pères de l'Eglise a identifié ce baptême d'eau AU REPENTIR. Les justes de l'Ancien Testament pouvaient en vivre mais... il leur était impossible (sauf exception notable comme Moïse), de vivre du baptême de l'Esprit (que les Pères et saint Thomas identifient à la CHARITE donc à la grâce sanctifiante) parce que "L'Esprit n'avait pas encore été envoyé. (Jean 7, 39).


Je reprends maintenant une citation venant de vous.
Vous disiez: """"""""Je crois que nous pouvons poser précisément le problème qui nous occupe : un acte de foi EXPLICITE au Christ Sauveur est-il actuellement nécessaire à tous les hommes pour le salut de nécessité de moyen ? C’est tout le problème posé par votre théorie de la parousie du Christ à notre mort. Si la réponse à cette question est affirmative, alors je reconnais que votre théorie de la parousie du Christ est quasi nécessaire."""""""""""

Je vous répondrais que, ce qui est de nécessité de précepte, pour tous les hommes et tous les anges de tous les temps, c'est que nul ne peut entrer dans la Vision de Dieu sans LA CHARITE. Il y a là dedans une histoire d'épousailles, des noces avec la Trinité. En conséquence, depuis le péché originel, puisqu'il n'y a pas pour l'homme d'autre sauveur que le Verbe fait chair, "un acte de foi EXPLICITE au Christ Sauveur a toujours été nécessaire à tous les hommes pour le salut de nécessité de moyen ?"

Amicalement, Arnaud

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Polaire (---.proxy.aol.com)
Date:   30/06/2003 17:50

Mon cher Arnaud

La charité est au centre ou le centre . je ne vais pas vous demander de me tracer les médiatrices de deux cordes pour retrouver le centre ,non la méthode ne convient pas .
Alors, comment allez- vous expliquer ,ce qu 'est la charité ?.
Est -ce explicable .?
Est- ce que ce concept est explicable ,c'est à dire donne lieu à un certain nombre de propositions qui soient communicables .
Si ce nest pas le cas ? Quelle est l 'utilité de la théologie rapportée à la charité ?


Vous vous reférez souvent au concile de Trente je n 'avais pas souvenir que ce concile ait inaugurée une période de l 'histoire qu 'on pourrait qualifier d' évangélique . De l' utilité des conciles ??
polaire

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.101.codenet.be)
Date:   30/06/2003 18:54

Cher Jean-Luc,
Vous me demandez ce qu'est la charité. Toute la question est là. Vous êtes au coeur du débat que je vais essayer de vous résumer. Sébastien me corrigera.
---- Sébastien semble penser que la charité est un amour, même inconscient, qui fait que tout homme de bonne volonté désire, sans même le soupçonner, Dieu. Cette proposition semble résumer sa pensée: "Tout être honnête, droit, qui cherche la justice, le bien, le vrai aime en fait Dieu qui est le BIEN, le VRAI substantiel. Il vit de la charité. Il est justifié. Il sera sauvé sans rien d'autre. "

J'ai une vission beaucoup plus concrète de la charité, pour moi, elle est une véritable vie d'amitié, consciente et réciproque avec Dieu. Elle se comporte exactement comme l'amour d'amitié entre deux humains, sauf qu'elle s'adresse à un être infini, d'une autre nature. Concrètement, elle se vit ici-bas à travers la prière du coeur (vous parlez à Dieu dans le silence et il vous aime en retour) et l'amour du prochain, qui est la famille de Dieu. Comme une amitié de ce type n'est possible qu'entre deux êtres qui partagent une certaine égalité, Dieu s'abaisse vers l'homme et se fait homme. De plus, il élève l'âme humaine et la rend capable d'une vie surnaturelle: c'est ce que nous appelions "grâce sanctifiante" au cours de ce débat.

Sébastien et moi sommes d'accord pour dire que la charité est la condition essentielle du salut.
Mais, puisque selon Sebastien la charité est un amour parfois non conscient dans l'homme de bonne volonté, cet homme sera sauvé comme cela, sans qu'il ait besoin de plus que sa bonne volonté, puisque c'est cette charité qui ouvre le salut.
Selon moi, ce n'est pas comme cela que cela se passe. IL FAUT, IL EST ESSENTIEL QUE CET HOMME CHOISISSE EXPLICITEMENT D'AIMER DIEU OU DE LE REJETER CAR L'ETERNITE CONSISTE EN UN MARIAGE ENTRE TELLE AME ET DIEU. C'est donc du concret, de la vie, deux personnes. Selon moi, toutes les conditions canoniques d'un mariage valide sont demandées pour entrer dans la Vision de Dieu, d'où cette parole de saint Paul sur le mariage humain: "c'est un grand sacrement, celui de l'âme et de Dieu".
Je prends l'exemple de vous, Jean-Luc. Vous n'avez pas encore la foi. C'est que Dieu, dans un premier temps, vous forme à à l'humilité en vous laissant sans réponses précises. Mais, à l'heure de votre mort, qui est la deuxième étape de votre vie, il va vous apparaître et vous proposer EXPLICITEMENT son amitié. Il vous expliquera pourquoi il s'est caché à vous. Il vous montrera votre vraie nature, votre péché et vous proposera son pardon, son coeur, la Vision de son essence si... si vous voulez bien demander pardon, l'aimer en retour, devenir tout humble.
Bref, selon moi, vous n'entrerez pas dans la Vision béatifique sans dire lucidement OUI à Dieu. Ce sera un échange de consentement entre vous et Dieu. Cela s'appelle LA CHARITE. C'est un mariage.
Si j'ai raison, alors il est nécessaire que Dieu vous apparaisse à l'heure de votre mort, sous la forme de son humanité, de ses saints et de ses anges.
Si Sébastien a raison, cette apparition glorieuse est inutile. Vous êtes sauvé parce qu'il voit que vous êtes de bonne volonté. Vous entrez dans la Vision sans choisir lucidement. Vous êtes damné par sa justice si vous êtes un égoïste.
Qui a raison de nous deux? A vous de trancher.
Quant à sébastien qui comme moi à la foi, nous nous battons à coup de Magistère pour chercher la vérité. L'un de nous a tort. L'autre raison. Qui peut trancher entre nous? PIERRE, Pape de Rome....
C'est notre logique de théologien (chercheur de la vérité) catholique.
Amicalement
Arnaud

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Sébastien
Date:   30/06/2003 19:09

Cher Arnaud,

Je ne nie pas qu’il y ait une préparation lointaine par des actes surnaturels du pécheur. Cependant, tant que dure cette préparation, le pécheur est formellement encore en état de péché mortel.
En revanche, l’infusion de la grâce, le mouvement du libre arbitre vers Dieu et la destruction du péché coïncident dans l’instant.
Saint Thomas est très clair là-dessus : « De même que dans l’instant il y a l’introduction de la forme substantielle dans la matière et au même instant l’expulsion de la forme précédente et au même instant encore la disposition qui est requise pour la forme et qui est per se le terme de l’altération, de même l’infusion de la grâce est dans l’instant indivisible, au même instant que la rémission de la faute et le mouvement du libre arbitre qui est comme une disposition ultime pour recevoir la grâce. » (IV Sent, dist. 17, q. 1, a. 5, sol. 3)

Veuillez considérer aussi cette objection que saint Thomas se fait dans la Somme :
« On peut s'éloigner d'un contraire sans parvenir au terme opposé quand il y a des intermédiaires. Or, entre l'état de péché et l'état de justice, il y a un intermédiaire qui est l'état d'innocence où il n'y a ni faute ni grâce. » (I-II, q. 113, a. 2, obj. 1)

A cette objection saint Thomas répond que entre l’état de rectitude surnaturelle et le mal, il n’y a pas de milieu : il est impossible de nous en tenir à une rectitude purement naturelle comme vous le supposez. La raison est à chercher dans la façon dans Dieu nous aime. En Dieu l’amour « crée et répand la bonté dans les choses » (I, 20, 2) Or l’amour que nous avons contrarié par le péché n’est pas celui qui répand la bonté naturelle dans ses créatures, car celui-ci subsiste toujours dans le pécheur, mais l’amour « par lequel Dieu aime les saints et leur prépare les biens éternels, et l’effet de cet amour est le don de la grâce sanctifiante » (De veritate, q. 28, a. 2)

C’est pourquoi écrit saint Thomas, en réponse à l’objection citée, « Il faut davantage pour remettre une offense à celui qui l'a commise que pour simplement n'avoir pas de haine à l'égard de celui qui n'a commis aucune offense. Il peut arriver en effet qu'un homme n'ait pour un autre ni amour ni haine ; mais si cet autre vient à l'offenser et qu'il lui pardonne, cela ne peut se faire sans une bienveillance spéciale. Or, quand on dit que l'homme retrouve la bienveillance de Dieu, on l'entend du don de la grâce. C'est pourquoi, s'il est vrai qu'avant le péché l'homme aurait pu être sans grâce ni faute, après le péché, cependant, il ne peut manquer d'être en faute s'il n'a pas la grâce. » (I-II, 113, 2, ad 1)


Pour en revenir au fameux passage (I-II, 89, 6), où saint Thomas nous dit que l’enfant peut par un acte libre obtenir la rémission du péché originel, il faut se rappeler que le péché originel comporte une aversion directe contre la fin ultime surnaturelle. Voilà pourquoi, dans le présent état, la grâce accordée à cet enfant ne peut pas être « sanans » sans être en même temps « elevans ».

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Polaire (---.ipt.aol.com)
Date:   30/06/2003 21:41

c her Arnaud

humm..... je ne sais si cette proposition résume la pensée de Sébastien .:
"Tout être honnête, droit, qui cherche la justice, le bien, le vrai aime en fait Dieu qui est le BIEN, le VRAI substantiel. Il vit de la charité. Il est justifié. Il sera sauvé sans rien d'autre. "......................Sébastien nous raméne toujours au péché originel...et à des productions instantannées auxquelles je ne comprends pas grand chose .Je me demande ce qu 'un catholique ordinaire peut saisir de tout ce thomisme là ..

Disons que vous m'êtes plus clair
............................................................................................................
Mais le marriage est pour moi sans contrat .
Je ne suis d' accord avec aucun de vous deux, parce que je ne suis pas catholique
.Pour moi Dieu n 'est personnel et sujet'(individué ) que dans la relation que j 'ai en tant que sujet hic et nunc avec lui ,dans ma vie terrestre .
Vie consciente du sujet, éphémère et inconstante .Je suis sujet dans le contexte du sujet rien ne me dit que la mort présrerve le contexte du sujet et ainsi le sujet ,donc Dieu comme sujet .
Ce n est pas une question de foi c'est une question d'ontologie profonde de philosophie générale de l'existence humaine .

La charité ( l 'amour de prochain) conduit justement à un abaissement des limites du sujet , cela va dans ce sens et vous voudriez , vous ,maintenir ce "sujet " . (selon moi à des fins Ethiques et dans une anthropologie bien concrête visant à l 'abaissement de la violence dans la société des hommes .. on ne peut plus faire concrêt que ce que je dis ....... au niveau d' une société humaine les évangiles stricto -sensu sont invivables .il a fallu transiger
.Alors on a l' Eglise et l" esprit libre"......... et des chrétiens libres d' esprit .

Je comprends le christianisme comme cela
.L' amour de Dieu (pour sa création )exclut toute idée de damnation .

polaire jean luc

 

 Dieu ne peut pas remettre le péché originel sans infuser la grâce

Auteur: Sébastien
Date:   02/07/2003 13:50

Cher Arnaud,

Je voudrais revenir sur ma démonstration en lui donnant un tour plus logique et plus formel. J’affirme que Dieu ne peut pas remettre le péché originel sans infuser la grâce. Autrement dit, la grâce par laquelle Dieu répare notre nature (gratia sanans) ne peut être séparée de la grâce par laquelle elle élève notre nature (gratia elevans).

Saint Thomas traite expressément de la question à l’article 2 de la question 113. Il est vrai que dans cet article le Docteur Angélique analyse la justification de l’adulte. Cependant, dans le corps de l’article, saint Thomas oppose la vie éternelle au péché mortel en tant que celui-ci exclut celle-là. Or, c’est bien le cas du péché originel qui consiste « matériellement dans la convoitise, mais formellement dans l'absence de justice originelle. » (I-II, 82, 3, c.)

Les deux péchés (originel et mortel) ne différent donc pas quant à l’effet, puisque tous deux consistent dans l’état de privation de privation de la grâce sanctifiante. Il est donc tout à fait légitime d’appliquer l’argumentation de saint Thomas où le Docteur montre que Dieu ne peut pas remettre le péché mortel sans infuser la grâce.

Ceci posé, voyons quelle est l’argumentation théologique de saint Thomas.

« L'homme en péchant, offense Dieu. Or d'où vient qu'une offense est remise à quelqu'un sinon de ce que l'esprit de l'offensé est apaisé à l'égard de l'offenseur ? Ainsi, dire qu'un péché nous est remis c'est dire que Dieu s'est apaisé à notre égard. Et cette paix consiste dans l'amour que Dieu a pour nous. Or cet amour de Dieu, considéré du côté de l'acte divin lui-même, est éternel et immuable ; mais, envisagé dans l'effet qu'il imprime en nous, il peut s'interrompre parfois, selon que nous nous dérobons à lui et qu'ensuite nous le recouvrons. Cet effet du divin amour en nous, qui est enlevé par le péché, c'est la grâce qui rend l'homme digne de la vie éternelle et qui exclut le péché mortel. Voilà pourquoi la rémission du péché ne saurait se comprendre sans l'infusion de la grâce. » (I-II, 113, 2, c.)

Autrement dit :

L’action par laquelle le péché est remis au pécheur tire son origine de l’amour spécial que Dieu nous porte.
Or Dieu ne peut pas aimer le pécheur d’une manière spéciale sans infuser la grâce par laquelle le pécheur est intrinsèquement modifié et devient juste au yeux de Dieu.
Donc la rémission du péché ne peut pas s’accomplir sans l’infusion de la grâce sanctifiante.

Le Père Garrigou-Lagrange propose en outre la raison supplémentaire que voici (Cf. De Gratia, Marietti, Rome-Turin, 1947, p. 262-263) :


La privation ne peut être enlevée que par la forme opposée, comme la cécité par la vue et les ténèbres par la lumière.
Or le péché mortel consiste formellement dans la privation de la grâce sanctifiante.
Donc le péché mortel ne peut être enlevé que par la forme de la grâce sanctifiante.

C’est pourquoi, lorsque saint Thomas enseigne qu’un enfant peut obtenir la rémission du péché originel par un acte libre, il faut conclure que cet enfant est par le fait même justifié aux yeux de Dieu et qu’il reçoit, dans le même instant, la grâce sanctifiante.

Cordialement

Sébastien

 

 Re: Une matière sans forme..........

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.237.codenet.be)
Date:   02/07/2003 15:09

Cher Jean-Luc,

Sébastien n'a pas l'air de trouver si mauvais le résumé que je fais de sa pensée... Du moins, il ne me réponds pas encore sur ce point...

Cher Sébastien,

Vous dites: """""""""Je ne nie pas qu’il y ait une préparation lointaine par des actes surnaturels du pécheur. Cependant, tant que dure cette préparation, le pécheur est formellement encore en état de péché mortel.""""""""
Je voudrais vous expliquer pourquoi il vaut mieux dire: "le pécheur est formellement encore en état de mort spirituelle" et non "le pécheur est formellement encore en état de péché mortel."
Vous vous rapellez peut-être que je vous avais envoyé jadis un message sur cette notion de "péché mortel". Il y a une nuance essentielle qui permet de comprendre ce satut des JUSTES de l'Ancien Testament.

Dans l'Evangile, vous constatez que Jésus distingue les PECHEURS pour lesquels il est venu (la femme adultère, le publicain), de ceux qu'il concidère comme JUSTES et qui, pourtant, sont en état de MORT spirituelle (Nicodème et même Simon-Pierre à qui Jésus dit: "Celui qui est propre (donc Simon -Pierre est JUSTE) n'a pas besoin de se laver (et poutant Simon Pierre ne recevra l'Esprit Saint sque 43 jours plus tard, à la Pentecôte)".

Visiblement, il y a une grande différence entre ces deux états. Saint Thomas reconnait lui-même cette différence dans la réponse que vous citez: "« Il faut davantage pour remettre une offense à celui qui l'a commise (le PECHEUR) que pour simplement n'avoir pas de haine à l'égard de celui qui n'a commis aucune offense (le JUSTE)." Dans le premier cas, (le pécheur), il y a trois sortes de péchés mortels: celui qui est lié à une ignorance (le "péché contre le Verbe); celui qui est lié à la faiblesse (péché contre le Père) et enfin celui qui est parfaitement lucide, volontaire et libre (péché contre l'Esprit).

Le deuxième cas (LE JUSTE) (Nicodème, saint Joseph ou saint Jean-Baptiste) est visiblement autre chose. Ces hommes ne sont visiblement pas en état de péché mortel au sens d'un acte volontaire d'égoïsme. Et pourtant ils ne sont pas encore "nés d'en-haut" car l'Esprit ne leur a pas été donné. Leur état correspond à quelque chose de très concret, que nous voyons tous les jours. Certains hommes choississent le BIEN (ils ne sont pas dans l'égoïsme qui caractérise le péché mortel) sans pourtant vivre de la CHARITE (donc de la grâce sanctifiante) qui ne leur a pas encore été proposée.

Je ne vois pas comment il vous est possible, expérimentalement, de dire autre chose, à moins de dire que la charité et le don de l'Esprit n'est finalement qu'un accident du christianisme et non son essence. Mais dans ce cas, vous réduisez le christianisme à l'humanisme. Vous identifez la grâce sanctifiante à la prémotion divine (qui est déjà une grâce surnaturelle, certes, mais d'une autre espèce). Si vous dites autre chose, vous vous heurtez à la phrase de Jésus: "Si votre justice ne dépasse pas celle des païens, quel grè vous en aura-t-on?"

Quant à toutes les objections que vous tirez des textes de saint Thomas, elles se résolvent par ce qu'il dit lui-même dans le Traité de la Grâce, IaIIae Q. 69 (je cite de mémoire): La prémotion divine est une grâce surnaturelle en ce sens qu'elle a pour objet l'élévation de l'âme à la vie surnaturelle. Elle attire à la vie divine la volonté droite. Ce n'est pourtant pas elle qui rend possible la vie surnaturelle, mais cette autre grâce qui achève son oeuvre, la grâce sanctifiante
.
Ainsi, lorsque vous dites "En revanche, l’infusion de la grâce, le mouvement du libre arbitre vers Dieu et la destruction du péché coïncident dans l’instant.", vous avez raison si vous parlez de l'infusion de la GRACE SANCTIFIANTE. Mais il me semble que vous avez tort si vous en déduisez que l'état de JUSTE, attiré par une véritable grâce actuelle de Dieu vers le BIEN et le VRAI, n'existe pas.
Amicqalement, Arnaud
PS: Jean-Luc, il me semble que vous êtes dans cette discussion le type même de cette sorte de juste. Vous cherchez le bien et le vrai, quoique vous ne croyez pas en la possibilité de vivre une amitié coeur à coeur avec Dieu dès cet instant.

 

 Re: Les pecheurs, les justes et les saints

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.237.codenet.be)
Date:   02/07/2003 15:49

Cher Sébastien,
Je tombe juste sur votre nouveau message. J'y réponds tout de suite.
Vous commencez ainsi: """""""""Je voudrais revenir sur ma démonstration en lui donnant un tour plus logique et plus formel.""""""" Puis vous citez saint Thomas qui semble aller dans votre sens: "La grâce qui guérit (le pardon du péché originel) ne peut venir sans la grâce qui élève "la grâce sanctifiante, la charité, la vie surnaturelle".

Etes vous sûr que saint Thomas a vraiment voulu dire cela? Si c'est vrai, il a démontré, me semble-t-il, que la logique rationnelle n'est pas la logique de Dieu. En effet, tout au long de l'Evangile, vous constatez que Jésus dit exactement l'inverse. Or, la logique de notre théologie ne doit-elle pas rendre compte de ce qui, concrètement, est montré dans la Révélation?
Je vous cite quelques passages qui vous montrent comment Dieu a refusé pendant des siècles la grâce sanctifiante (donc la charité) à des JUSTES qui, assoiffés, la désiraient: Sans cesse, l'Evangile en répète la mystérieuse raison: "Parce que l'Esprit n'avait pas été donné". "Parce que le rideau qui masquait le Saint des saints n'avait pas été déchiré": "Parce que le Christ n'avait pas été glorifié".

Matthieu 13, 17 "En vérité je vous le dis, beaucoup de prophètes et de justes ont souhaité voir ce que vous voyez et ne l'ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l'ont pas entendu!"
Si cette phrase est vraie, il existait donc des justes, qui étaient privés de la vie de la grâce sanctifiante (en état de MORT SPIRITUELLE), quoique non coupables de péché mortel VOLONTAIRE? Leur âme désirait la Révélation du Messie. Selon moi, et cette pensée ne me semble pas étrangère à celle de saint Thomas, ils vivaient de l'effet d'une véritable grâce surnaturelle que saint Thomas appelle la prémotion divine). Qu'en dites-vous?

Luc 7, 26: Jésus disais à propos de Jean-le baptiste: "Alors qu'êtes-vous allés voir au désert? Un prophète? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit: Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi. Je vous le dis: de plus grand que Jean parmi les enfants des femmes, il n'y en a pas; et cependant le plus petit DANS LE ROYAUME DE DIEU (selon moi, parmi ceux qui vivent de la charité, essence du Royaume de Dieu) est plus grand que lui."
Autre parole de Jésus: Luc 8, 10 Il dit: "A vous il a été donné de connaître les mystères du Royaume de Dieu; mais pour les autres, c'est en paraboles, afin qu'ils voient sans voir et entendent sans comprendre." Si cette parole est vraie, elle semble s'opposer au principal argument de votre démonstration puisqu'il semblerait que Dieu, qui est amour, peut refuser (selon moi PROVISOIREMENT, en ue d'aiguiser le désir) sa grâce sanctifante à celui qui la désire...
Arnaud

 

 Re: Les pecheurs, les justes et les saints

Auteur: Sébastien
Date:   03/07/2003 00:27

Cher Arnaud,

Je crains que vous ne connaissiez mal la pensée de saint Thomas.
Sous la loi mosaïque, la foi au Christ justifiait aussi bien les adultes que les enfants.
De même, la circoncision était capable d'enlever le péché originel ET d'obtenir la justification. Le cardinal Journet a une belle formule : il parle de grâce christique par anticipation.

Lisez ces articles de la Somme :

« Toutefois, dès le temps de la loi, les âmes croyantes pouvaient par la foi s'unir au Christ incarné et crucifié, et ainsi elles étaient justifiées en vertu de la foi au Christ qu'elles professaient de quelque manière en observant les cérémonies qui figuraient le Christ. » (I-II, 103, 2)

« Les anciens Pères étaient justifiés comme nous par la foi à la passion du Christ. Or, les sacrements de la loi ancienne étaient comme des protestations de cette foi, en tant qu'ils signifiaient la passion du Christ et ses effets. Il est donc clair que les sacrements de la loi ancienne n'avaient en eux aucune vertu capable de conférer la grâce justifiante ; ils se bornaient à signifier la foi par laquelle on était justifié. » (III, 62, 6, c.)

« Tout le monde s'accorde à dire que la circoncision remettait le péché originel. Certains cependant disent qu'il ne conférait pas la grâce, mais qu'elle ne faisait que remettre le péché. Ainsi le Maître des Sentences et la Glose sur Romains (4, 11). Mais cela est impossible, puisque le péché n'est remis que par la grâce, selon ce mot (Rm 3, 24) : " justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, etc. "
Aussi d'autres ont-ils dit que la circoncision conférait la grâce, mais seulement en tant que celle-ci remet la faute, mais non dans ses effets positifs. - C'était pour ne pas être obligé de dire que la grâce reçue dans la circoncision suffisait pour accomplir les commandements de la loi, et qu'ainsi la venue du Christ était inutile. Mais cette opinion non plus ne peut se soutenir. D'abord parce que la circoncision donnait aux petits enfants la possibilité de parvenir en temps voulu à la gloire ; or celle-ci est l'ultime effet positif de la grâce. De plus parce que, dans l'ordre de la causalité formelle, les effets positifs précèdent naturellement les effets privatifs (bien que ce soit l'inverse dans l'ordre de la causalité matérielle), car la forme n'exclut la privation qu'en informant le sujet.
Aussi d'autres encore ont-ils dit que la circoncision conférait la grâce, même pour l'un de ses effets positifs, qui est de rendre digne de la vie éternelle, mais non pour tous ses effets, parce queue ne suffisait pas à réprimer le foyer de la convoitise, ni même à observer tous les commandements de la loi. Et cela fut autrefois mon opinion. Mais en y regardant de plus près, il apparaît que cela non plus n'est pas vrai. Car la moindre grâce est capable de résister à n'importe quelle convoitise, et d'éviter le péché mortel qui se commet en transgressant les commandements de la loi, car la plus petite charité aime Dieu plus que la cupidité n'aime des milliers de pièces d'or et d'argent (Ps 119, 72).
Aussi faut-il dire que la circoncision conférait la grâce avec tous ses effets, mais autrement que ne fait le baptême. Le baptême confère la grâce par sa vertu propre, qu'il possède au titre d'instrument de la passion du Christ, déjà réalisée. Mais la circoncision conférait la grâce parce qu'elle était signe de la foi à la passion future : l'homme qui recevait la circoncision professait qu'il embrassait cette foi, l'adulte pour lui-même, et un autre pour les enfants. Aussi l'Apôtre dit-il (Rm 4, 11) : " Abraham reçut le signe de la circoncision comme sceau de sa justification par la foi. " C'est-à-dire que la justice venait de la foi signifiée par la circoncision, et non de la circoncision qui la signifiait.
Et parce que le baptême, au contraire de la circoncision, opère comme un instrument en vertu de la passion du Christ, le baptême imprime un caractère qui nous incorpore au Christ, et il donne une grâce plus abondante que la circoncision, car une réalité présente est plus efficace qu'une simple espérance. » (III , 70, 4, c.)

Vous aurez noté que pour saint Thomas, dans ce dernier article, on ne avoir la rémission du péché originel SANS être justifié.

Cordialement

Sébastien

 

 Re: Les pecheurs, les justes et les saints

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.221.codenet.be)
Date:   03/07/2003 17:52

Cher Sébastien,
Si l'on suit la lettre de ce texte de saint Thomas, à l'exception du dernier paragraphe, on est tenté de dire qu'il tombe sous l'anathème du canon 11 du Concile de Trente:

C A N O N S 9 et 11.
Si quelqu'un dit que l'homme est justifié par la seule Foi, en sorte qu'on entende par là, que pour obtenir la grace de la Justification, il n'est besoin d'aucune autre chose qui coopère; Si quelqu'un dit que les hommes sont justifiés par l'imputation de la justice de Jésus-Christ; Si quelqu'un dit que les hommes sont justifiés par la seule rémission des péchés; Si quelqu'un dit que les hommes sont justifiés SANS LA GRACE SANCTIFIANTE ET DE LA CHARITE, qui est répandue dans leurs cœurs par le Saint Esprit, et qui leur est inhérente ; Si quelqu'un dit que la Grâce par laquelle nous sommes justifiés n'est autre chose que la faveur de Dieu : Qu'il soit Anathême.

En réalité, la pensée de saint Thomas n'est pas anathème car sa pensée est un corpus complet qui, dans le domaine complexe de la justification de l'impie, doit être lue en parallèle avec la IIa IIae sur la charité, ainsi que la totalité du Traité de la grâce.

Le Chapitre 8 de la sixième session du Concile de Trente explique comment comment il faut entendre que les hommes de l'Ancien Testament étaient "justifiés par la Foi": "ces paroles doivent être entendues en ce sens, que la foi est le COMMENCEMENT du salut de l'homme le fondement, et la RACINE de toute Justification, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu, et d'arriver à l'association de ses enfants (Hebr. 11. 6.)" Je pense que saint Thomas n'affirme pas autre chose dans plusieurs passages de la Somme.

Je crois que saint Thomas ne dit pas autre chose quand il explique ce qu'il entends par JUSTIFICATION des HOMMES DE L'ANCIENNE ALLIANCE PAR LEUR FOI DANS LE MESSIE A VENIR. Je cite le texte que vous m'envoyez : """"""""""Le baptême chrétien imprime un caractère qui nous incorpore au Christ, et il donne une grâce plus abondante que la circoncision, car une réalité présente est plus efficace QU'UNE SIMPLE ESPERANCE" (III , 70, 4, c.)""""""""""

C'est pourquoi l'Eglise catholique a toujours cru que l'Ancienne Alliance et la foi dans la venue future du Christ conferait vraiment le pardon du péché originel ainsi qu'une grâce surnaturelle venant de Dieu, mais qu'elle ne conférait pas LA grâce surnaturelle qui SANCTIFIE et ouvre la porte du Ciel, à savoir la GRÂCE SANCTIFIANTE.
Arnaud

 

 Re: Les pecheurs, les justes et les saints

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.221.codenet.be)
Date:   03/07/2003 17:53

Cher Sébastien,
Je crois que notre débat reste bloqué autours de deux notions:
1- Qu'est-ce que la GRÂCE SURNATURELLE?
2- Qu'est-ce que la CHARITE?
A propos de la grâce surnaturelle, je pense que nous pouvons arriver à nous entendre. Je pense que notre débat achoppe sur le fait que saint Thomas utilise le terme GRÂCE selon plusieurs sens. Je pense qu'il est posssible que vous identifiiez la gâce actuelle et l'habitus entitatif de grâce sanctifiante.
A propos de la charité, par contre, nos positions semblent non conciliables: Pour moi: Amitié, pour vous: Amour du Bien et du Vrai.
Etes-vous d'accord avec cette synthèse?
Arnaud

 

 Re: Les pecheurs, les justes et les saints

Auteur: Sébastien
Date:   03/07/2003 19:15

Cher Arnaud,

1) Vous me demandez une définition de la grâce sanctifiante. Elle est très simple : la grâce sanctifiante (ou habituelle ou justifiante) est un état d’âme surnaturel permanent qui rend l’homme intérieurement saint, juste et agréable aux yeux de Dieu. Elle s’oppose à la grâce actuelle (ou assistante ou opérante) qui est une action surnaturelle passagère qui vise à l’obtention de la grâce sanctifiante ou à sa conservation ou à son augmentation.

2) Saint Thomas condamné par le Concile de Trente ! Allons bon…
Je crois plutôt que c’est vous qui faites un contresens sur le Concile. Quand les Pères ont rédigé le canon que vous citez, il s’agissait de s’opposer aux protestants qui enseignaient que l’homme était justifié par la foi SEULE, l’homme demeurant intérieurement INJUSTE et pécheur.
Le Concile ne veut pas du tout dire qu’avant la venue du Christ la justification était impossible. Toute la tradition des Pères de l’Eglise est très claire sur ce point : les justes de l’Ancien Testament ont bien été justifiés au sens théologique du terme, c’est-à-dire rendus justes aux yeux de Dieu, la grâce sanctifiante de Jésus-Christ leur étant parvenue par anticipation.
Veuillez relire cet article 4 qui est très clair :

« Tout le monde s'accorde à dire que la circoncision remettait le péché originel. Certains cependant disent qu'il ne conférait pas la grâce, mais qu'elle ne faisait que remettre le péché. Ainsi le Maître des Sentences et la Glose sur Romains (4, 11). Mais cela est impossible, puisque le péché n'est remis que par la grâce, selon ce mot (Rm 3, 24) : " justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, etc. " »

« La circoncision donnait aux petits enfants la possibilité de parvenir en temps voulu à la gloire ; or celle-ci est l'ultime effet positif de la grâce. »

« La circoncision conférait la grâce avec tous ses effets. »

Vous aurez d’ailleurs noté comme moi que saint Thomas pour prouver que la baptême confère bien la « grâce avec tous ses effets » utilise la même règle de foi (Romains 3 :24) que pour prouver que Dieu ne peut pas remettre le péché mortel sans infuser en nous la grâce sanctifiante.


3) Pour en revenir aux justes de l’Ancien Testament, ils ont été réellement justifiés. Cela a été possible du fait de la foi qu’ils avaient au Rédempteur à venir. Comme cette foi seule ne suffit pas, il faut dire qu’elle était accompagnée de grâce sanctifiante. Et comme il n’y a pas de grâce sanctifiante qui ne vienne du Christ, il faut affirmer que celle-ci leur est parvenue par anticipation.

4) Vous m’opposez que les patriarches ne pouvaient entrer dans le Royaume des cieux tant que la Passion du Christ n’avait pas été accomplie. Cependant, cet empêchement était dû à la nature, et non à la personne.
« La circoncision effaçait le péché originel dans ses conséquences pour la personne, mais elle laissait subsister l'empêchement d'entrer dans le ciel, qui tenait à la nature tout entière, et que fit disparaître la passion du Christ. C'est pourquoi le baptême lui-même, avant la passion du Christ, n'introduisait pas dans le Royaume, et la circoncision, si elle avait subsisté après la passion du Christ, aurait introduit dans le Royaume » (III, 70, 4, ad 4)

Par conséquent la descente du Christ aux enfers n’a pas eu comme effet de donner la grâce aux Patriarches, mais de l’obligation de la peine (III, 52, 5, c.). En effet, dans l’au delà le passage à la grâce, nécessaire pour être sauvé est impossible. C’est pourquoi, le Christ n’a pas pu délivrer les enfants morts avec le seul péché originel. (idem, a. 7).

« Le baptême est conféré en cette vie, où l'on peut passer de la faute à la grâce ; mais la descente du Christ aux enfers n'eut d'effet sur les âmes que dans l'au-delà, où un tel passage à la grâce n'est plus possible. » (III, 52, 7, ad 3)

5) Enfin y a-t-il une différence entre la grâce des patriarches et la grâce que nous recevons actuellement ?
Sous toute réserve, je vois deux différences :
- Une différence quant au mode de communication. La grâce que nous recevons est une grâce de dérivation, la grâce des Patriarches est une grâce d’anticipation. Voilà pourquoi le baptême agit « ex opere operato » et la circoncision « quasi ex opere operato »
- La grâce que nous recevons est accompagnée par les dons du saint Esprit, ce qui n’était pas le cas de celle des Patriarches. Un ami m’a dit que le Père Congar a traité de la question, mais je n’ai pas lu l’article.

 

 La foi ET la charité

Auteur: Sébastien 
Date:   03/07/2003 19:28

Un dernier texte qui vous convaincra de la pensée de saint Thomas :

« Aussi la descente aux enfers n'a-t-elle apporté le fruit de la délivrance qu'à ceux qui avaient été unis à la passion du Christ par la foi jointe à la charité:, qui en est la forme et qui enlève les péchés. Or, ceux qui se trouvaient dans l'enfer des damnés ou bien n'avaient possédé la foi d'aucune manière, comme les infidèles, ou bien, s'ils avaient possédé la foi, n'avaient eu aucune conformité avec la charité du Christ souffrant. » (III, 52, 6)

Cordialement

 

 Saint Thomas et le Concile de Trente

Auteur: Sébastien
Date:   04/07/2003 13:48

Cher Arnaud,

Pour compléter ce que j’ai dit hier, je voudrais faire deux remarques.

1) Tout d’abord il est très choquant d’opposer Saint Thomas au Concile de Trente. Je vous rappelle que ce Concile est de toute l’histoire, celui qui a le plus puisé sa doctrine chez le Docteur Angélique. Léon XIII dans son encyclique sur saint Thomas le fait fort justement remarquer : « Mais le plus grand honneur rendu à saint Thomas, réservé à lui seul, et qu'il ne partagea avec aucun des docteurs catholiques, lui vint des Pères du concile de Trente : ils voulurent qu'au milieu de la sainte assemblée, avec le livre des divines Ecritures et des décrets des Pontifes suprêmes, sur l'autel même, la Somme de Thomas d'Aquin fût déposée ouverte, pour qu'on pût y puiser des conseils, des raisons, des oracles. » (Aeterni Patris). De fait, toute la doctrine eucharistique du Concile de Trente puise abondamment dans la Somme de théologie. Pour ce qui est de la grâce, qui est le sujet qui nous préoccupe, c’est encore plus frappant : ce Concile assume, presque ad litteram, dans la sixième session, la doctrine du Docteur Angélique sur la justification telle qu’elle est exposée dans la question 113.


2) Si je vous ai bien compris, vous pensez que les justes de l’Ancien Testament n’avaient pas la grâce sanctifiante. Dans ce cas, il me semble que c’est vous qui professez une doctrine protestante, dans la mesure où vous admettez que le juste de l’Ancien Testament est sauvé par la foi sans être intérieurement justifié aux yeux de Dieu. Je ne vois pas comment en effet une simple grâce actuelle pourrait rendre juste. Le seul moyen de vous en sortir serait de dire que la grâce sanctifiante a été accordée aux justes dans les Limbes, mais, dans ce cas, vous nieriez la valeur salvifique de la vie présente et vous admetteriez que l’on peut mériter dans l’au-delà. Ceci d’ailleurs, ne serait pas très étonnant de votre part, car, quoique vous vous en défendiez, votre théorie sur la parousie du Christ à l’heure de la mort, conduit implicitement à refuser à l’homme viateur la possibilité réelle d’une justification efficace.

Cordialement

Sébastien

 

 Re: Saint Thomas et le Concile de Trente

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.179.codenet.be)
Date:   04/07/2003 15:49

Cher Sébastien,
Rassurez-vous, je n'oppose pas saint Thomas au concile de Trente mais plutôt à votre interprétation de saint Thomas. Merci de la défendre ainsi. Comme vous, je l'ai défendue il y a quelques années. C'est donc un sujet essentiel à ce débat. Tous les textes que vous citez sont ma propre conception. Par exemple, lorsque vous dites ave saint Thomas : """"""""Aussi la descente aux enfers n'a-t-elle apporté le fruit de la délivrance qu'à ceux qui avaient été unis à la passion du Christ par LA FOI JOINTE A LA CHARITE, qui en est la forme et qui enlève les péchés. Or, ceux qui se trouvaient dans l'enfer des damnés ou bien n'avaient possédé la foi d'aucune manière, comme les infidèles, ou bien, s'ils avaient possédé la foi, n'avaient eu aucune conformité avec la charité du Christ souffrant. » (III, 52, 6)""""""""""
Voilà ce qui sanctifie et mérite le Ciel: LA FOI JOINTE A LA CHARITE.

D'où vient alors notre conflit? Il porte sur la nature de la CHARITE. Je pense que vous serez d'accord.
En lisant saint Thomas, vous faites, me semble-il,le raisonnement suivant:
"Les hommes de l'Ancien Testament furent sauvés (cf saint Thomas + l'évidence de notre foi).
Donc ils moururent avec la CHARITE (dogme solennel de l'Eglise: nul n'est sauvé sans la charité),
donc ils avaient la charité pendant leur vie terrestre (autre dogme solennel),
donc la plupart d'entre eux avaient la charité sans même le savoir puisque, à l'exception de Moïse et de quelques prophètes, ils avaient plutôt peur de Dieu.
Donc la charité n'est pas une amitié car l'amitié chasse la peur.
Donc la charité peut être un amour INCONSCIENT, par la vertu d'une grâce christique par anticipation communiquée aux anciens.
Donc le Cardinal Journet a raison quand il montre comment les anciens étaient sauvés.
Donc, il est inutile que Le Christ vienne prêcher l'Evangile à l'heure de la mort et permettre à tous les hommes de l'aimer d'amitié (charité selon Arnaud).
Donc la position d'Arnaud est inutile." CQFD

Votre raisonnement est-il bien décrit? Si c'est le cas, je peux le contester par deux voies: I- Par ses consèquences sur la foi. II- Par l'autorité de saint Thomas.

I- Vous vous rendez compte des autres conséquences logiques de votre conception de la charité. Si les hommes de l'Ancienne Alliance avaient la charité et étaient entièrement en possession de toute la grâce sanctifiante alors, on peut en déduire:
1- La Nouvelle Alliance n'apporte rien de plus à l'Ancienne, elle ne vient pas l'accomplir.
2- La charité n'est pas une amitié avec Dieu mais une simple affection droite. Quand Jésus dit "Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis", il ne dit rien de nouveau que la formulation de choses anciennes et encore non conscientisées.
3- Le baptême du saint Esprit donné par Jésus n'apporte rien de plus que la circoncision.
4- Le symbole du coeur du Christ percé ne signife pas que l'amitié avec Dieu est de nouveau possible. De même pour le symbole du rideau du Temple qui se déchire.
5- La venue de l'Esprit Saint à la Pentecôte est accidentelle à la nature de la relation à Dieu.
6- La mystique Chrétienne n'a rien de nouveau à la mystique de l'ancienne Aliance. Les épousailles de l'âme avec Dieu, les 7 demeures de sainte Thérèse d'Avila, tout cela est accidentel à la relation avec Dieu.
etc.

II- Mais je pense être en mesure d'ébranler votre conception de la charité, en me servant de l'autorité même de saint Thomas.
Il dit: "(IIa IIAe QUESTION 23: LA NATURE DE LA CHARITÉ ARTICLE 1: La charité est-elle une amitié?)
En sens contraire, on lit en S. Jean (15, 15) " je ne vous appellerai plus serviteurs, mais amis. " Or cela n'était dit aux disciples qu'au titre de la charité. Celle-ci est donc bien une amitié.
Réponse: D'après Aristote ce n'est pas un amour quelconque qui a raison d'amitié, mais seulement l'amour qui s'accompagne de bienveillance, celui qui implique que nous voulons du bien à ceux que nous aimons.
Cependant, la bienveillance ne suffit pas pour constituer l'amitié; il faut de plus qu'il y ait réciprocité d'amour, car un ami est l'ami de celui qui est lui-même son ami. Or, une telle bienveillance mutuelle est fondée sur une certaine communication.
Donc, puisqu'il y a une certaine communication de l'homme avec Dieu du fait que celui-ci nous rend participants de sa béatitude, il faut qu'une certaine amitié se fonde sur cette communication. C'est au sujet de celle-ci que S. Paul dit (1 Co 1, 9): " Il est fidèle, le Dieu par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils. " Il est donc évident que la charité est une amitié de l'homme pour Dieu. "

Si la charité est une amitié, comment est-il possible d'affirmer que le peuple que conduisit Moïse au désert, et qui ne cessait de provoquer Dieu ou de mourir de terreur devant sa puissance vivait une amitié avec Dieu???????????????
Pourtant, la plupart furent sauvés. Je suis d'accord pour l'affirmer avec vous et saint Thomas....
QUESTION: Selon vous: avaient-ils la charité? (je ne parle pas de Moïse qui, visiblement l'avait).
Arnaud

 

 Re: Saint Thomas et le Concile de Trente

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.179.codenet.be)
Date:   04/07/2003 16:53

Cher Sébastien: Mes réponses à vos objections:

""""""""Si je vous ai bien compris, vous pensez que les justes de l'Ancien Testament n'avaient pas la grâce sanctifiante.""""""""
Ma réponse: Oui, sauf exception notable (Moïse, peut-être Abraham, certains prophètes). En effet, la grâce sanctifiante n'existe comme habitus entitatif que pour son effet: la CHARITE. Il me paraît évident que la Révélation de l'Ancienne Alliance ne permettait, sauf exception, qu'une relation de "serviteur" avec Dieu. L'amitié (Agape) était très rare car le coeur de Dieu était caché. Mais je ne nie pas que la GRÂCE surnaturelle rendait JUSTES ces hommes et pardonnait le péché originel. Ils étaient justes en ce sens, dit le Concile de Trente, qu'ils étaient prêts à recevoir la sainteté quand elle leur serait proposée par le Sauveur.

"""""""" Dans ce cas, il me semble que c'est vous qui professez une doctrine protestante, dans la mesure où vous admettez que le juste de l'Ancien Testament est sauvé par la foi sans être intérieurement justifié aux yeux de Dieu."""""""
Non, ils étaient justifiés comme nous, comme tous les hommes PAR LA CHARITE. Selon moi, elle leur était proposée à l'heure de la mort, de la même façon qu'aujourd'hui, mais par l'accueil de l'ange de Dieu qui leur révélait en pleine lumière la venue prochaine du Sauveur, Dieu incarné. Ils leur était donc possible de croire explicitement, DES CETTE VIE, au mystère de la Trinité, à la possibilité du pardon des péchés et à la possibilité de la charité, de la Vision béatifique.
Il y avait donc, dès cette l'époque, trois "enfers". C'est ce qui ressort de la parabole du pauvre Lazare et du riche en saint Luc:
1- Le sein d'Abraham. Comme aujourd'hui, les justes se tournaient vers le mystère du salut à venir parce que toute leur âme l'avait, de fait, attendu. Ils étaient alors SANCTIFIES. Parmi eux, les purs entraient dans le "sein d'Abraham" où ils vivaient de l'eau de la grâce sanctifiante, de la charité. C'est ce que vous appelez avec raison une grâce christique par anticipation. La parabole la désigne par une "eau" qui arrosait le sein d'Abraham". Ces hommes n'entrèrent dans la Vision béatifique qu'après la mort du Christ, pour une raison de nature que vous décrivez très bien.
2- Le purgatoire: Les saints encore impurs étaient conduits au purgatoire (voir la parabole du riche et du pauvre Lazare) où ils étaient purifiés des restes du péché.
3- L'enfer des damnés: Les pervers entraient dans l'enfer éternel des damnés car l'apparition glorieuse de l'ange leur faisait refuser avec une totale lucidité le salut que proposerait le Christ plus tard, à savoir le salut par l'humilité et la charité. (C'est un blasphème contre l'Esprit).

""""""""Je ne vois pas comment en effet une simple grâce actuelle pourrait rendre juste. Le seul moyen de vous en sortir serait de dire que la grâce sanctifiante a été accordée aux justes dans les Limbes, mais, dans ce cas, vous nieriez la valeur salvifique de la vie présente et vous admetteriez que l'on peut mériter dans l'au-delà."""""""
Une simple grâce actuelle rend juste en ce sens qu'elle prépare à la justice de la CHARITE (Concile de Trente).

La Grâce sanctifiante n'était pas communiquée "dans les limbes" (c'est-à-dire APRES la mort); "à l'heure de la mort", dans le passage, à la 11ème heure de la vie.

""""""""""Ceci d'ailleurs, ne serait pas très étonnant de votre part, car, quoique vous vous en défendiez, votre théorie sur la parousie du Christ à l'heure de la mort, conduit implicitement à refuser à l'homme viateur la possibilité réelle d'une justification efficace.""""""""""
Ma réponse: LE PROBLEME est qu' "une justification efficace" implique la charité (vous êtes d'accord), donc un acte lucide et libre de l'intelligence choisissante (ce qui n'est pas votre avis)
Saint Paul semble être plutôt de mon avis (Romains 10, 13)" En effet, quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui? Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre sans prédicateur? Et comment prêcher sans être d'abord envoyé?"
Ainsi, il me semble qu'il est impossible d'atteindre une efficace justification sans la charité. Il reste à savoir quand existe la charité?

Dans l'Ancienne Alliance où Dieu jouait de sa force pour inspirer "la crainte qui est le commencement de la sagesse", peu d'hommes pouvaient vivre de la charité avant l'heure de leur mort.
Depuis la venue du Christ et depuis sa passion, et l'envoie du Saint Esprit, la charité est possible à tous les hommes, de manière si simple que peu en sont capables. C'est un paradoxe: "Bénis sois-tu Père d'avoir caché cela aux puissants et de l'avoir révélé aux Tout-Petits".
Mais peu importe cela. Selon moi, Dieu a le temps pour révéler efficacement la charité à ceux qui ne l'ont pas compris. C'est que chaque acte de la vie terretre, commi ou non avec la grâce sanctifiante, est une préparation efficace soit à l'entrée dans la Gloire pour les élus, soit à la réprobation pour ceux qui maintiendront leur obstination à l'heure de la mort.

 

 Re: Saint Thomas et le Concile de Trente

Auteur: Sébastien
Date:   04/07/2003 16:55

Oui, ils avaient la charité.
Relisez l'article concernant la circoncision dont je redonne les extraits les plus significatifs. Vous ne répondez pas aux textes qui vous gènent.

« Tout le monde s'accorde à dire que la circoncision remettait le péché originel. Certains cependant disent qu'il ne conférait pas la grâce, mais qu'elle ne faisait que remettre le péché. Ainsi le Maître des Sentences et la Glose sur Romains (4, 11). Mais cela est impossible, puisque le péché n'est remis que par la grâce, selon ce mot (Rm 3, 24) : " justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, etc. " »

« La circoncision donnait aux petits enfants la possibilité de parvenir en temps voulu à la gloire ; or celle-ci est l'ultime effet positif de la grâce. »

« La circoncision conférait la grâce avec tous ses effets. »

Je n'ai pas le temps de répondre plus amplement à vos objections car je pars en vacances.
Peut-être qu'un autre saura vous faire voir à quel point les conceptions que vous défendez ne peuvent se réclamer de saint Thomas.

Cordialement

 

 Re: Saint Thomas et le Concile de Trente

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.141.codenet.be)
Date:   05/07/2003 21:26

Cher Sébastien.
Nos positions sont donc irréconciliables sur ce point de la charité.
Cependant, si vous trouvez cette phrase explicite chez saint Thomas: "ils avaient la charité", je serais obligé d'admettre que saint Thomas pensait cela.

Ce sera à mon corps défendant, pour deux raisons:
1- L'évidence "expérimentale": l'amitié avec Dieu était rare car personne ou presque n'aurait osé dire: "Notre Père...". Lisez l'Ancien Testament.
2- Les textes dogmatiques du Concile de Trente sont explicites: " les hommes de l'Ancien Testament étaient "justifiés par la Foi": "ces paroles doivent être entendues en ce sens, que la foi est le COMMENCEMENT du salut de l'homme, le fondement, et la RACINE de toute justification (...) par la charité."

Je pense avoir répondu plusieurs foi aux extraits principaux de saint Thomas que vous citez: "il faut entendre sous son expression "grâce" la prémotion divine qui est une attraction explicite de la Trinité exercée sur l'âme du juste.
Il faut entendre par JUSTIFICATION la préparation à la SANCTIFICATION par la charité.
Ce débat fut intéressant. Merci encore pour sa richesse grâce à votre étonnante richesse Thomiste.
Bonnes vacances.
Arnaud

 

 "les circoncis ont la charité"

Auteur: Jean-Christophe (---.
Date:   06/07/2003 06:54

La théorie de Sébastien est bizarre. Affirmer que les juifs circoncis recevaient la charité... n'est-ce pas mettre une théorie théologique au-dessus des faits? Affirmer que ces hommes vivaient une relation d'amitié avec Dieu est bien osé face à la lecture des textes de l'Ancien testament... La charité est déjà si rare après l'invitation du Christ.
A moins de dire que les anciens avaient la vertu de charité en état de puissance et que le Christ en a rendu l'acte possible... C'est le genre de pirouette qui n'étonnerait pas chez saint Thomas d'Aquin.
De toute façon, elle ne résout rien au problème posé par Arnaud car, manifestement, pour entrer dans la vision béatifique, une amitié en puissance ne suffit pas. Une amitié en acte avec ses présupposés de connaissance de l'ami est manifestement un préalable aux "noces de l'agneau". La théorie d'Arnaud, quoique inédite, résout de manière simple le problème...
Je-ct

Argument d'autorité chez saint Thomas: La charité est une amitié avec Dieu, impossible sauf exception dans l'ancienne Alliance.

Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.141.codenet.be)
Date:   05/09/2003 21:26

Bonjour Jean-Christophe et bienvenu dans ce débat.

La solution que vous présentez à notre débat et que je peux résumer comme ceci : « les anciens ont peut-être reçu une vertu de charité présente sous forme d’une puissance théologale sommeillante et les disciples du Christ auraient reçu par l’Esprit la possibilité d’exercer leur charité en acte, à travers une amitié vivante », cette solution est, me semble-t-il, utilisée par saint Thomas pour les petits enfant baptisés… jamais pour les adultes. Mais je pense que cette solution est inutile.

En effet, Sébastien m’a posé un problème et, pour une fois, devant la force des arguments d’autorité thomiste qu’il citait, je suis allé voir moi-même dans la Somme Théologique. Or, j’ai trouvé des textes disant exactement l’inverse de ce qu’il dit.

Cher Sébastien, je vous envoie en privé la totalité des articles incriminés. Mais, dans le cadre de ce Forum, pour simplifier le débat, je ne mets que les passages incriminés.

J’ai eu d’abord, au cours de ces recherches, la surprise de voir le CATÉCHISME de L’ÉGLISE CATHOLIQUE utiliser un passage de la Somme pour répondre non à la question : Les hommes de l’Ancien Testament avaient-ils la charité et la grâce sanctifiante?

N° 1964 La Loi ancienne est une préparation à l’Evangile. " La loi est prophétie et pédagogie des réalités à venir " (S. Irénée, hær. 4, 15, 1). Elle prophétise et présage l’œuvre de la libération du péché qui s’accomplira avec le Christ, elle fournit au Nouveau Testament les images, les " types ", les symboles, pour exprimer la vie selon l’Esprit.

« Il y eut certes ..., sous le régime de l’ancienne alliance, quelques gens qui possédaient la charité et la grâce de l’Esprit Saint et aspiraient avant tout aux promesses spirituelles et éternelles, en quoi ils se rattachaient à la loi nouvelle. (…) En tout cas, même si la loi ancienne prescrivait la charité, elle ne donnait pas l’Esprit Saint par qui la charité est répandue dans nos cœurs » (Rm 5, 5) (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 107, 1, ad 2).

Dans la Somme Théologique, Ia Iae QUESTION 98: LA LOI ANCIENNE EN ELLE-MÊME ARTICLE 1: La loi ancienne était-elle bonne?

Réponse: (…) Le bien comporte plusieurs degrés: il y a un bien parfait et un bien imparfait. Il peut suffire à la perfection de la loi humaine qu'elle interdise le péché et le punisse, mais cela ne suffit pas pour la loi divine qui doit mettre l'homme pleinement en état de participer à l'éternité bienheureuse. En vérité, pareille tâche exige la grâce de l'Esprit Saint, par qui « est répandue dans nos coeurs la charité » qui accomplit la loi. « La grâce de Dieu est vie éternelle », dit en effet l'épître aux Romains (6, 23). Or cette grâce, la loi ancienne ne pouvait la conférer, cela était réservé au Christ: « La loi a été donnée par Moïse; la grâce et la vérité sont le fait de jésus Christ » (Jn 1, 17). Il s'ensuit que la loi ancienne était bonne, mais imparfaite, comme l'indique l'épître aux Hébreux (7, 19): « La loi n'a rien conduit à la perfection. »

QUESTION 106: ARTICLE 2: La loi nouvelle justifie-t-elle?

Objections 3 : Justifier, c'est proprement ce que fait Dieu: « C'est Dieu qui justifie », affirme S. Paul (Rm 8,33). Mais la loi ancienne fut instituée par Dieu comme la loi nouvelle. Celle-ci ne justifie donc pas plus que celle-là.

Réponse: Nous venons de voir qu'il y a deux éléments dans la loi de l'Évangile. Le premier, le principal, c'est la grâce de l'Esprit Saint, intérieurement donnée. Ainsi entendue, la loi nouvelle justifie. S. Augustin le dit bien: « Là (sous l'Ancien Testament), la loi a été proposée extérieurement, pour faire peur aux injustes; ici (sous le Nouveau Testament), elle a été donnée intérieurement pour les rendre justes. »

Solutions: 3. Certes, c'est un seul et même Dieu qui a donné à l'homme les deux lois, mais il ne les a pas données de la même façon. Il a donné la loi ancienne gravée sur des tables de pierre, et la loi nouvelle « gravée sur des tables de chair, sur nos coeurs » (2 Co 3,3). Cette expression paulinienne est ainsi commentée par S. Augustin: « Cette lettre-là, écrite à l'extérieur de l'homme, l'Apôtre l'appelle pourvoyeuse de mort et de condamnation; mais celle-ci, la loi de la nouvelle alliance, il la nomme un ministère de l'esprit et de la justice, car grâce au don de l'Esprit nous vivons selon la justice et nous échappons à la condamnation du péché. »

Ma question à Sébastien : S’il n’y a pas de justification en dehors de la charité, qui est une amitié répandue par le Saint Esprit après la passion du Christ (exception faite, par anticipation, de quelques hommes de l’Ancienne Alliance), comment ces hommes furent-ils sauvés ? Cordialement.

Arnaud

 Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
 
Auteur: Arnaud Dumouch (-
Date:   28/08/2003 10:54

Bonjour Sébastien,
Avant les vacances, nous avions commencé un débat fondamental sur la question suivante : Les hommes de l’Ancien Testament avaient-ils la charité ?
La solution que vous présentiez peut se résumer comme ceci : «Oui, ils l’avaient. La circoncision donnait aux Hébreux la grâce sanctifiante et TOUTES ses conséquences, donc la charité. » Vous donniez, à l’appui de votre thèse, toute une batterie d’arguments thomistes.
Ma thèse était l’inverse «Sauf exception notable (Moïse, Enoch, Elie), ils ne pouvaient avoir la charité car l’Esprit n’avait pas été donné.» Cependant, devant votre certitude et les textes thomistes que vous présentiez, j’avoue avoir eu un doute. C’était pourtant une thèse tellement inhabituelle, selon moi tellement opposée à toute la tradition de l’Eglise…
Dans le doute et devant la force des arguments que vous citiez, je suis allé voir moi-même dans la Somme Théologique. Or, j’ai trouvé des textes disant exactement l’inverse.
J’aimerais donc relancer avec vous ce débat : La charité qui est nécessaire au salut est-elle une amitié réciproque, vivante et consciente entre Dieu et l’âme ou une simple disposition inconsciente donnée aux hommes de bonne volonté ?
Comme vous le reconnaissiez vous-même, cette question est au cœur de ce qui fondamentalement fait controverse entre nous depuis plus de six mois : Faut-il admettre, pour expliquer le salut des non-chrétiens, une apparition glorieuse du Christ à tout homme, chrétien ou païen, à l’heure de sa mort ?
Dans le cadre de ce Forum, pour simplifier le débat, je vous mets les passages de saint Thomas qui vont dans mon sens. Qu’en pensez-vous ?
J’ai eu d’abord, au cours de ces recherches, la surprise de voir le CATÉCHISME de L’ÉGLISE CATHOLIQUE utiliser un passage de la Somme pour répondre non à la question : Les hommes de l’Ancien Testament avaient-ils la charité et la grâce sanctifiante?
N° 1964 La Loi ancienne est une préparation à l’Evangile. " La loi est prophétie et pédagogie des réalités à venir " (S. Irénée, hær. 4, 15, 1). Elle prophétise et présage l’œuvre de la libération du péché qui s’accomplira avec le Christ, elle fournit au Nouveau Testament les images, les " types ", les symboles, pour exprimer la vie selon l’Esprit.
« Il y eut certes ..., sous le régime de l’ancienne alliance, quelques gens qui possédaient la charité et la grâce de l’Esprit Saint et aspiraient avant tout aux promesses spirituelles et éternelles, en quoi ils se rattachaient à la loi nouvelle. (…) En tout cas, même si la loi ancienne prescrivait la charité, elle ne donnait pas l’Esprit Saint par qui la charité est répandue dans nos cœurs » (Rm 5, 5) (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 107, 1, ad 2).
Dans la Somme Théologique, Ia Iae QUESTION 98: LA LOI ANCIENNE EN ELLE-MÊME ARTICLE 1: La loi ancienne était-elle bonne?
Réponse: (…) Le bien comporte plusieurs degrés: il y a un bien parfait et un bien imparfait. Il peut suffire à la perfection de la loi humaine qu'elle interdise le péché et le punisse, mais cela ne suffit pas pour la loi divine qui doit mettre l'homme pleinement en état de participer à l'éternité bienheureuse. En vérité, pareille tâche exige la grâce de l'Esprit Saint, par qui « est répandue dans nos coeurs la charité » qui accomplit la loi. « La grâce de Dieu est vie éternelle », dit en effet l'épître aux Romains (6, 23). Or cette grâce, la loi ancienne ne pouvait la conférer, cela était réservé au Christ: « La loi a été donnée par Moïse; la grâce et la vérité sont le fait de jésus Christ » (Jn 1, 17). Il s'ensuit que la loi ancienne était bonne, mais imparfaite, comme l'indique l'épître aux Hébreux (7, 19): « La loi n'a rien conduit à la perfection. »
QUESTION 106: ARTICLE 2: La loi nouvelle justifie-t-elle?
Objections 3 : Justifier, c'est proprement ce que fait Dieu: « C'est Dieu qui justifie », affirme S. Paul (Rm 8,33). Mais la loi ancienne fut instituée par Dieu comme la loi nouvelle. Celle-ci ne justifie donc pas plus que celle-là.
Réponse: Nous venons de voir qu'il y a deux éléments dans la loi de l'Évangile. Le premier, le principal, c'est la grâce de l'Esprit Saint, intérieurement donnée. Ainsi entendue, la loi nouvelle justifie. S. Augustin le dit bien: « Là (sous l'Ancien Testament), la loi a été proposée extérieurement, pour faire peur aux injustes; ici (sous le Nouveau Testament), elle a été donnée intérieurement pour les rendre justes. »
Solutions: 3. Certes, c'est un seul et même Dieu qui a donné à l'homme les deux lois, mais il ne les a pas données de la même façon. Il a donné la loi ancienne gravée sur des tables de pierre, et la loi nouvelle « gravée sur des tables de chair, sur nos coeurs » (2 Co 3,3). Cette expression paulinienne est ainsi commentée par S. Augustin: « Cette lettre-là, écrite à l'extérieur de l'homme, l'Apôtre l'appelle pourvoyeuse de mort et de condamnation; mais celle-ci, la loi de la nouvelle alliance, il la nomme un ministère de l'esprit et de la justice, car grâce au don de l'Esprit nous vivons selon la justice et nous échappons à la condamnation du péché. »
Ma question à Sébastien : S’il n’y a pas de justification en dehors de la charité, qui est une amitié répandue par le Saint Esprit après la passion du Christ (exception faite, par anticipation, de quelques hommes de l’Ancienne Alliance), comment ces hommes furent-ils sauvés ? Cordialement.
Arnaud

 

 Re: Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
Auteur: Polaire (---.ipt.aol.com)
Date:   30/08/2003 22:38

Pour rester sur terre. Je vous y ramène parce que vous me semblez toujours un peu dans l'autre monde , à tout le moins en impatiente attente ....Toute la charité ( ou la Charité avec un grand C) n'a pas réussi à les sauver ..ceux de nos jours , ceux d' avant juste ma naissance .
Pas sauvés par ceux qui avaient la charge (théorique ) de la charité .

Pour faire retour sur l 'histoire, les rapports entre la chrétienté ( protestantisme y compris ) et le judaisme ne furent pas vraiment toujours très charitables ,c'est le moins qu'on puisse dire .
L ' histoire est complexe ,il ne s'agit certainement pas d' imputer aux chrétiens (ni même au christianisme comme fait culturel )les crimes des nazis, lesquels se revendiquaient d' un paganisme , mais l 'impuissance fut patente .
.
On ne peut faire à St Thomas le grief de n' avoir pu imaginer l 'inimaginable ,mais peut -on, nous, toujours disserter à l'identique quand nous,nous savons , comme si rien de toute cette abomination n' avait pas eu lieu ..Et réitérée ...au Cambodge, au Ruanda ..


polaire jean luc

 

 Re: Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
Auteur: Sébastien
Date:   30/08/2003 22:54

Cher Arnaud,

Voilà que la question que nous avions laissée en suspens avant les vacances refait surface.
Je vais essayer d’être bref…

1) Saint Thomas et toute la tradition catholique nous enseignent que les « justes » de l’Ancien Testament étaient « justifiés par la foi ». Avaient-ils la charité ? Oui, pour la bonne raison que si nous affirmons qu’ils ne l’avaient pas, nous aurions une bien curieuse conception de la justification. En effet, si les justes de l’Ancien Testament ne possédaient pas la charité, cela signifierait que Dieu les aurait déclarés justifiés, bien qu’ils demeurassent intérieurement injustes et pécheurs. Négativement, cette justification ne serait pas une suppression du péché, mais seulement une non imputation ou une couverture des péchés. Positivement, elle ne serait pas une renouvellement intérieur ni une sanctification, mais seulement une imputation externe de la justice future du Christ. La condition subjective de la justification ne serait alors simplement que la foi fiduciale, c’est-à-dire la ferme espérance que Dieu leur enverrait un Rédempteur. En définitive, ce n’est ni plus ni moins que la conception d’une certain Martin Luther…

2) Relisez bien les extraits de cet article de saint Thomas (III, 70, 4, c.)

« Tout le monde s'accorde à dire que la circoncision remettait le péché originel. Certains cependant disent qu'il ne conférait pas la grâce, mais qu'elle ne faisait que remettre le péché. Ainsi le Maître des Sentences et la Glose sur Romains (4, 11). Mais cela est impossible, puisque le péché n'est remis que par la grâce, selon ce mot (Rm 3, 24) : " justifiés gratuitement par la grâce de Dieu, etc. " »

« La circoncision donnait aux petits enfants la possibilité de parvenir en temps voulu à la gloire ; or celle-ci est l'ultime effet positif de la grâce. »

« La circoncision conférait la grâce AVEC TOUS SES EFFETS (sic !!!). »


3) Sans doute, dans cet article, le Docteur commun n’écrit pas « grâce sanctifiante », mais simplement « grâce », mais c’est oublier que lorsque saint Thomas écrit « grâce » sans préciser, il désigne la grâce sanctifiante, qui est la grâce par excellence. Les exemples de ce cas, sont très nombreux.

Ultime confirmation : je vous avais d’ailleurs fait remarquer que saint Thomas pour prouver que la circoncision conférait bien la « grâce avec tous ses effets » utilise la même règle de foi (Romains 3 :24) que pour prouver que Dieu ne peut pas remettre le péché mortel sans infuser en nous la grâce sanctifiante.

4) La foi n’acquiert sa perfection qu’avec la charité.

« Ce qui confère à quelque chose son espèce se comporte comme fait une forme dans les réalités de la nature. Voilà pourquoi dans tout acte de volonté la forme est en quelque sorte cette fin à laquelle l’acte est ordonné : d'abord parce que c'est de la fin elle-même que l’acte reçoit son espèce, et aussi parce que la mesure de l’action doit répondre à la fin qu'on se propose et être proportionnée à cette fin. Or, d'après ce que nous avons dit précédemment, il est clair que l’acte de la foi est ordonné à un objet de volonté, à un bien, et que c'est là pour cet acte comme une fin. Or, ce bien qui est le but de la foi, c'est le bien divin, objet propre de la charité. C'est pourquoi la charité est appelée la forme de la foi, en tant que par la charité l’acte de la foi est vraiment parfait et formé. » (II-II, 4, 3, c.)

5) Je crains que dans cette affaire votre problème vienne du fait que vous vous demandiez comment la charité peut exister AVANT la venue du Christ, ou plus simplement comment la grâce peut parvenir avant que son Auteur ne soit né. Une image, donnée par le Cardinal Journet, devrait vous aider à comprendre la position thomiste. C’est l’image du soleil. Le matin, quand il fait encore nuit, tout d’un coup, alors que le soleil n’est pas encore visible, les objets commencent de s’éclairer. Mais voici que paraît le soleil : c’est lui qui avant de se lever éclairait déjà le monde. Il en est de même avec le Christ : la grâce existait déjà avant sa venue, pas seulement virtuellement, comme vous le pensez, mais en acte commencé et progressant… Voilà pourquoi, les justes de l’Ancien Testament, avaient la grâce sanctifiante, mais probablement pas, comme l’explique Congar, les dons du Saint-Esprit.

Cordialement

Sébastien

 

 Re: Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.111.codenet.be)
Date:   31/08/2003 17:13

Cher Jean-Luc,
Heureux de vous retrouver après ces vacances. Votre intervention me paraît très réaliste. La charité, si elle est un amour d'amitié avec Dieu, et un amour du prochain à cause de Dieu, est rare, même chez les chrétiens qui en ont reçu le commandement. Mais, tout le problème est là, tout homme qui meurt sans la charité, dit le dogme catholique, n'entre pas dans la vie éternelle. Le cardinal Journet, faisant la même constatation que vous (sur la rareté de la charité), ne voulait tout de même pas damner 95% de l'humanité. D'où sa théorie: "Mais si, mais si, disait-il... ils avaient tous la charité. Elle était une amitié inconsciente, sans les dons du Saint Esprit". La notion d'amitié inconsciente a été inventée ce jour là... Franchement, avez-vous vu une amitié inconsciente? Quelle gymnastique intellectuelle ne feraient pas les saints théologiens pour sauver les gens tout en concervant le dogme.

Cher Sébastien,
Tout a été dit entre nous dans ce débat.
Le dogme du Concile de Trente explique que la phrase "ils étaient justifiés par la foi" signifie "le commencement de leur justification". ( Chapitre 8 de la sixième session). Seriez-vous Lutherien pour affirmer, comme lui, que la foi justifie ? Non bien sûr, vous dites donc, comme Journet "qu'ils avaient la charité!!!!"
Vous dites que saint Thomas et la Tradition affirment que les justes de l'Ancien Testament avaient la charité. C''est curieux que vous continuiez à le dire malgré les textes explicites que de lui que le Cath. De l'Eglise Catholique cite lui même pour dire l'inverse: « Il y eut certes ..., sous le régime de l'ancienne alliance, quelques gens qui possédaient la charité et la grâce de l'Esprit Saint et aspiraient avant tout aux promesses spirituelles et éternelles, en quoi ils se rattachaient à la loi nouvelle. (.) En tout cas, même si la loi ancienne prescrivait la charité, elle ne donnait pas l'Esprit Saint par qui la charité est répandue dans nos cours » (Rm 5, 5) (S. Thomas d'A., s. th. 1-2, 107, 1, ad 2).

Je pense pouvoir vous dire pourquoi vous ne changerez probablement jamais votre regard (ni moi d'ailleurs) malgré ces textes: la question de la justification est le coeur de toute théologie. Chacun se contruit cette théologie sur plusieurs années et éllabore autours d'elle tout le reste de sa conception du salut.
J'ai soutenu, je vous l'avais dit, pendant des années, la théologie du cardinal Journet pendant des années avant de céder face à deux choses:
1- L'expérience, La charité est aussi rare que l'amitié. Elle est impossible à ceux qui ont peur de Dieu (donc la plupart des justes de l'AT).
2- Le dogme.
Maintenant, vous avez votre logique. Dans votre système logique, tout se tient.
Dans la mienne, la vie éternelle est liée à un choix de l'amour d'amitié et ce choix est rendu possible à tout homme tôt ou tard, de manière explicite durant la vie terrestre.
Amicalement
Arnaud

 

 Re: Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
Auteur: Sébastien
Date:   02/09/2003 10:00

Cher Jean-Luc,

Une dernière réponse pour vous montrer que ma logique est on ne peut plus traditionnelle.

1) Les Anciens Pères appartenaient spirituellement à l’Eglise
« Comment donc se sont sauvés les anciens Patriarches, les Prophètes et tous les autres justes de l’Ancien Testament ?
Tous les justes de l’Ancien Testament se sont sauvés en vertu de la foi qu’ils avaient au Christ à venir et par cette foi ils appartenaient déjà spirituellement à l’Eglise. » (Grand catéchisme de saint Pie X, 1ere partie : le symbole des apôtres)

2) Les Anciens Patriarches étaient réellement justifiés :
« Les anciens Pères étaient justifiés comme nous par la foi à la passion du Christ. Or, les sacrements de la loi ancienne étaient comme des protestations de cette foi, en tant qu'ils signifiaient la passion du Christ et ses effets. Il est donc clair que les sacrements de la loi ancienne n'avaient en eux aucune vertu capable de conférer la grâce justifiante ; ils se bornaient à signifier la foi par laquelle on était justifié. » (III, 62, 6, c.)

3) Les anciens Patriarches avaient obtenu une grâce personnelle aussi pleine que ceux du Nouveau Testament
« Ad secundum dicendum, quod sancti veteris testamenti dupliciter possunt considerari: vel quantum ad gratiam personalem, et sic per fidem mediatoris consecuti sunt gratiam aeque plenam his qui sunt in novo testamento et multis plus et multis minus; vel secundum statum naturae illius temporis, et sic cum adhuc continerentur obnoxii divinae sententiae pro peccato primi parentis, nondum soluto pretio, erat in eis aliquod impedimentum, ut non ad eos ita plena missio fieret, sicut fit in novo testamento etiam per traductionem in gloriam, in qua omnis perfectio naturae amovetur. » (Commentaire sur les Sentences, dist. 15, q. 5, a. 2, ad 2)

4) Vos deux objections
- 1ere objection : le dogme.
Certes le Concile de Trente enseigne que la foi est le commencement de la justification. Cependant, il ne s’agit pas pour le Concile de Trente d’enseigner que les anciens Pères n’étaient pas justifiés, mais de s’opposer à Luther qui enseignait qu’ils étaient justifiés par la foi seule sans être intérieurement régénérés. La doctrine du concile de Trente va donc à l’encontre de ce que vous pensez puisqu’il faut affirmer que par leur foi, ils étaient bien régénérés et possédaient la grâce sanctifiante.

Cf. ces passages très clairs de saint Thomas

« . Les saints patriarches, en accomplissant des œuvres de justice, ont mérité d’entrer dans le royaume céleste par leur foi en la passion du Christ, selon l’épître aux Hébreux (11, 33) : " Les saints, par la foi, ont vaincu des royaumes, ils ont pratiqué la justice. "
C’est aussi par cette foi que chacun d’eux était purifié de ses péchés en ce qui regarde leur purification strictement personnelle. Néanmoins, la foi ni la justice de personne ne suffisait pour enlever l’obstacle produit par la culpabilité de toute la race humaine ; cet obstacle n’a été enlevé que par la rançon du sang du Christ. » (III, 49, 5, ad .1)

«
Durant leur vie, les saints patriarches ont été libérés, par la foi au Christ, de tout péché, aussi bien originel qu’actuel .; ils ont été libérés aussi de l’obligation à la peine due pour leurs péchés actuels, mais non de la peine due pour le péché originel, qui les excluait de la gloire, tant que n’était pas acquitté le prix de la rédemption humaine. » (III, 52, 5, ad 2)

« Si les saints patriarches encouraient encore la contrainte du péché originel en tant qu’elle concerne la nature humaine, cependant par la foi au Christ ils avaient été délivrés de toute souillure du péché. Aussi étaient-ils capables de cette délivrance que le Christ a apportée en descendant aux enfers. » (III, 52, 7, ad 1)


- 2 eme objection. « L'expérience, La charité est aussi rare que l'amitié. Elle est impossible à ceux qui ont peur de Dieu (donc la plupart des justes de l'AT). »

Je crains que vous vous fassiez une conception purement moderne des effets de la charité. En effet le Concile de Trente enseigne que parmi les actes nécessaires à la justification sont nécessaires la « crainte de Dieu » et « un commencement d’amour de Dieu. » Les deux ne sont donc pas incompatibles, même s’ils peuvent entrer en dialectique. Aujourd’hui on insiste, comme vous, plutôt sur le second, négligeant souvent le premier. Sous l’Ancien Testament, c’était plutôt l’inverse. Vous me concéderez pourtant, je pense, que même sous la loi nouvelle, il y a des gens qui se sont convertis plutôt par « crainte » que par « amour ». Jean-Paul II le reconnaît d’ailleurs quand il affirme que les prédications populaires sur l’enfer « touchaient l’homme dans l’intimité de son cœur, tourmentaient sa conscience, le mettaient à genoux, l’amenaient à la grille du confessionnal… et contribuaient ainsi puissamment à son salut. » (Entrez dans l’Espérance, Mame / Plon 1994, p.266 + pp.272… et 273)

Cordialement

Sébastien

 

 Re: Question à Sébastien: La circoncision donnait-elle aux anciens la grâce sanctifiante et la charité?
Auteur: Arnaud DUMOUCH (193.191.142.---)
Date:   02/09/2003 11:58

Cher Sébastien,
Comme je vous le dis, nous sommes condamnés à tourner en rond à jamais, sur deux convictions, deux interprétations du même dogme. Mais cette différence irréconciliable sur ce qu'est la CHARITE (tout découle de là) m'a été très utile car, avec qualité et pertinance, vous représentez ceux qui, fidèles à l'Eglise, cherchent depuis un siècle comment, au delà de l'opinion de saint Augustin, les justes de toutes civilisations furent sauvés.

Vous ne pouvez me convaincre car, je vous l'avais déjà expliqué un JUSTE n'est pas un SAINT. Toute la différence entre ancienne et nouvelle Allliance est là. La chose est trop fondamentale, trop visiblement au coeur de lk'Evangile pour être dite autrement.

1- A votre réponse je réponds: Les anciens étaient JUSTES (justifiés). Ce qui n'implique pas la CHARITE. Mais ils n'étaient pas encore SAINTS (sanctifiés) car ils ne pouvaient, sauf exception, soupçonner la simple possibilité d'une amitié avec Dieu (sans compter l'absence de l'Esprit Saint qui en rendait l'exercice impossible).

2- A propos de votre remarque sur la crainte qui s'oppose à la charité, je réponds que Saint Thomas distingue la "crainte chaste de Dieu" (celle dont vous parlez) de la "peur du Dieu terrible" qui règnait au mont Sinaï. La peur de Dieu s'oppose à la charité, pas la crainte chaste qui en est un fruit.
Maintenant, comme je vous le disais, au delà de ce débat, il y a peut être une chance pour que nous rejoignions un jour. Il faut réfléchir à ce qu'est REELLEMENT la charité. Elle implique une forme d'oraison du coeur ("Je l'avise et il m'avise", disait un pauvre homme au curé d'Ars.) Comment imaginer que ces hommes de l'ancien temps, que Dieu menaçait de mort si leur pied effleurait le mont Sinaï où s'était retiré Moïse, "avisaient Dieu dans une amitié faminière". Vous comprenez, ce n'est pas de la théologie cela. C'est du concret. Croyiez vous vraiment qu'il leur était possible d'avoir la charité???????????????
Arnaud

 

 Question de logique.....
Auteur: Sébastien
Date:   02/09/2003 13:18

Cher Arnaud,


Veuillez raisonner de façon logique et sans passion, en examinant l’enchaînement de ces trois propositions.

PROPOSITION 1 : Les patriarches ont obtenu, durant leur vie, la rémission de tout péché, aussi bien originel que personnel.

Preuve :

« Les saints patriarches, en accomplissant des œuvres de justice, ont mérité d’entrer dans le royaume céleste par leur foi en la passion du Christ, selon l’épître aux Hébreux (11, 33) : " Les saints, par la foi, ont vaincu des royaumes, ils ont pratiqué la justice. " C’est aussi par cette foi que chacun d’eux était purifié de ses péchés en ce qui regarde leur purification strictement personnelle. Néanmoins, la foi ni la justice de personne ne suffisait pour enlever l’obstacle produit par la culpabilité de toute la race humaine ; cet obstacle n’a été enlevé que par la rançon du sang du Christ. » (III, 49, 5, ad .1)

« Durant leur vie, les saints patriarches ont été libérés, par la foi au Christ, de tout péché, aussi bien originel qu’actuel .; ils ont été libérés aussi de l’obligation à la peine due pour leurs péchés actuels, mais non de la peine due pour le péché originel, qui les excluait de la gloire, tant que n’était pas acquitté le prix de la rédemption humaine. » (III, 52, 5, ad 2)

« Si les saints patriarches encouraient encore la contrainte du péché originel en tant qu’elle concerne la nature humaine, cependant par la foi au Christ ils avaient été délivrés de toute souillure du péché. Aussi étaient-ils capables de cette délivrance que le Christ a apportée en descendant aux enfers. » (III, 52, 7, ad 1)

PROPOSITION 2 : On ne peut pas obtenir la rémission du péché sans l’infusion de la grâce sanctifiante.

Preuve :


« L'homme en péchant, offense Dieu. Or d'où vient qu'une offense est remise à quelqu'un sinon de ce que l'esprit de l'offensé est apaisé à l'égard de l'offenseur ? Ainsi, dire qu'un péché nous est remis c'est dire que Dieu s'est apaisé à notre égard. Et cette paix consiste dans l'amour que Dieu a pour nous. Or cet amour de Dieu, considéré du côté de l'acte divin lui-même, est éternel et immuable ; mais, envisagé dans l'effet qu'il imprime en nous, il peut s'interrompre parfois, selon que nous nous dérobons à lui et qu'ensuite nous le recouvrons. Cet effet du divin amour en nous, qui est enlevé par le péché, c'est la grâce qui rend l'homme digne de la vie éternelle et qui exclut le péché mortel. Voilà pourquoi la rémission du péché ne saurait se comprendre sans l'infusion de la grâce. » (I-II, 113, 2, c.)


« De même que dans l’instant il y a l’introduction de la forme substantielle dans la matière et au même instant l’expulsion de la forme précédente et au même instant encore la disposition qui est requise pour la forme et qui est per se le terme de l’altération, de même l’infusion de la grâce est dans l’instant indivisible, au même instant que la rémission de la faute et le mouvement du libre arbitre qui est comme une disposition ultime pour recevoir la grâce. » (IV Sent, dist. 17, q. 1, a. 5, sol. 3)

« Quand on dit que l'homme retrouve la bienveillance de Dieu, on l'entend du don de la grâce. C'est pourquoi, s'il est vrai qu'avant le péché l'homme aurait pu être sans grâce ni faute, après le péché, cependant, il ne peut manquer d'être en faute s'il n'a pas la grâce. » (I-II, 113, 2, ad 1)


PROPOSITION 3 : Comme les patriarches avaient la grâce sanctifiante [Proposition déduite des propositions 1 et 2], ils avaient aussi la charité.


En effet, c’est l’enseignement formel du Concile de Trente, qui enseigne que après la grâce sanctifiante sont infusées les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité. « Il faut pourtant entendre que cette justification se fait en sorte, que par le mérite de cette même Passion, la Charité de Dieu est aussi répandue par le Saint Esprit dans les cœurs de ceux qui sont justifiés et y est inhérente. D'où vient que dans cette justification, l'homme, par Jésus-Christ, auquel il est enté, reçoit aussi tout ensemble, avec la rémission des péchés, tous ces dons infus, la Foi, l'Espérance, et la Charité. » (Session VI, chap. 7)


Ma question est alors très simple : laquelle de ces trois propositions refusez-vous ?
Il me semble que c’est la 3eme dans la mesure où vous écrivez : « Les anciens étaient JUSTES (justifiés). Ce qui n'implique pas la CHARITE. »

Vous séparez donc, comme Luther, la justification et la charité. Ce en quoi vous vous opposez directement à l’enseignement du Concile de Trente.


Cordialement

Sébastien

 

 Re: Question de logique.....
Auteur: Polaire (---.ipt.aol.com)
Date:   02/09/2003 15:02

cher Arnaud

Après tout je me moque un peu de ma vie éternelle .. , Je n' ai rien à en dire ,sinon qu 'elle ne peut être pire que celle ici bas .Vivre donc, sans crainte et sans espoir .
Je ne sais rien , rien d' une vie dans l' autre monde , rien de rien .. de vagues lueurs, pas plus .
La charité voudrait que nous soyons tous sauvés .Je ne peux comprendre le Christ autrement . Désolé .
Et qui sait si nous ne revenons pas sur terre indéfiniment jusqu ' à l.... éveil .En cela excusez moi je serais un peu bouddhiste .
Et plus du tout dans la logique" traditionelle "chère à Sébastien ,ni dans la votre encore que je vous comprenne mieux que votre adversaire .
( Sébastien dont j 'admire la pugnacité )
..............................................................................................
Dites m 'en un peu plus sur ce Cardinal Journet .. je ne connais rien sur lui .Après tout ,je vais chercher sur le net .
Bien . Je citais plus haut Karl Rahner .. on n'en parle guère dans vos débats .Ses écrits sont moins apparants dans les rayons des librairies que ceux du cardinal Ratzinger ...(expérience personnelle sur Paris ) bref .
...................................................................................
Je n' ai pas l 'esprit théologique et il se pourrait bien que mes interventions demeurent toujours dans le même style: mi- provocateur mi - circonspect , donc inefficaces, mais toujours amicales .

Polaire jean luc

 

 Re: Question de logique.....
Auteur: a.dumouch (---.88.238.178.codenet.be)
Date:   02/09/2003 16:21

Cher Sébastien,

Je vais essayer de raisonner de façon logique. quoique, ce me semble, tout cela dépasse la logique.
Vous dites:
PROPOSITION 1 : Les patriarches ont obtenu, durant leur vie, la rémission de tout péché, aussi bien originel que personnel.

Tout-à-fait d'accord. Ils sont devenus JUSTES devant Dieu. Autrement dit, ils furent JUSTIFIES

PROPOSITION 2 : On ne peut pas obtenir la rémission du péché sans l’infusion de la grâce sanctifiante.

Pas d'accord. Il existe une justice devant Dieu qui n'implique pas la grâce sanctifiante. Trois états sont donc possibles, comme au Golgotha les trois crucifiés: ~~~~PECHEUR~~~~JUSTE~~~~SAINT~~~~

En effet, Dieu reconnaît la justice d'un homme qui, sans être éclairé par la grâce sanctifiante, suit la ligne de sa conscience. "Heureux les hommes de bonne volonté". Cette conscience droite n'est pas étrangère à la grâce de Dieu. Elle est même portée par une grâce surnaturelle (une grâce actuelle). C'est pourquoi, la grâce étant là, le péché originel est pardonné par Dieu.
MAIS... mais il manque encore énormement de choses pour que la grâce sanctifiante soit infusée (vous vous rappellez quand je vous parlais en juin de cette différence entre grâce sanctifiante (un habitus entitatif) et la prémotion divine (une attraction surnturelle, inconsciente, de la Trinité).
C'est que la notion de JUSTICE implique une simple reconnaissance de Dieu qui considère la droiture, l'humilité de sa créature. La notion de SAINTETE implique "d'être né d'en haut"


Exemple de justes, selon la loi ancienne: Nicodème, le bon larron, Jean-baptiste.


PROPOSITION 3 : Comme les patriarches avaient la grâce sanctifiante [Proposition déduite des propositions 1 et 2], ils avaient aussi la charité.

Pas d'accord pour une raison simple, qui n'est pas logique mais pragmatique: la charité, comme l'amitié, il est possible de savoir si un homme ne l'a pas (il est par contre impossible de savoir si un homme l'a!!!!). Si vous ne connaissez pas ma femme Marie-Pierre, vous ne pouvez avoir une amitié avec elle.
Il en est de même pour la charité. Les justes de l'ancienne Alliance n'avaient, sauf exception, aucune possibilité de vivre une amitié avec Dieu car il leur manquait beaucoup de choses. "Ils ont souhaité, dit Jésus, voir mon jour et ne l'ont pas vu":

Il leur aurait fallu: 1- Que quelqu'un enseigne à leur intelligence que cette amitié était possible et voulue par Dieu. Le Christ l'a fait. Avant, sauf exception, tout le monde ignorait ce mystère. (Saint Thomas explique quelque part que Moïse fut une de ces rares exceptions. La charité lui fut révélée par un moment de Vision béatifique...)
Il fallait aussi 2- que l'Esprit Saint soit donné, ce qui fut fait après la passion et la résurrection. En effet, la charité est UNE AMITIE RECIPROQUE ENTRE DIEU ET LA CREATURE. Dieu s'abaisse (la venue du Saint Esprit) et il élève l'homme (l'habitus de la grâce sanctifiante).
Tout est alors là. La vie amicale est possible.

"Vous séparez donc, comme Luther, la justification et la charité"

Tout-à-fait. La justification n'est que le commencement de la sanctification (Concile de Trente, sixième session, chapitre 7, phrase 1). On peut être juste en étant païen, athée, ou juif: "Si votre justice ne dépasse pas celle des païens..." disait Jésus. C'est qu'il a déjà une certaine justice dans la bonne volonté des païens, une autre, plus grande, dans la foi des fils d'Abraham, une autre plus grande encore dans les baptisés par Jean baptiste. Mais on ne peut être sanctifié et "mériter" (au sens thomiste du terme) la vie éternelle sans la charité (et son fondement, la grâce sanctifiante).

Voilà, chacune de nos positions est très précise. Que dire de plus...?

Je pense que notre débat avancera si vous répondez à cette question:
"Voyez vous une différence entre le baptême d'eau de Jean qui remettait les péchés et celui de Jésus qui donnait l'Esprit Saint?

Je pense que pour vous, il n'y a pas de différence. Les deux donnaient l'Esprit Saint donc la charité. Pouvez vous confirmer?
A vous, Cordialement

Arnaud

 

 Re: Question de logique.....
Auteur: a.dumouch (---.88.238.178.codenet.be)
Date:   02/09/2003 16:52

Cher Jean-Luc,

Je suis désolé. Tu es confronté à une duel théologique rationnel. Je t'assure que, au delà de ce langage thomiste, tout ça se résume à une phrase:
Dieu se donnera tendrement à ceux qui l'aimeront comme un mari, un ami, un père. Tout le reste, c'est du barratin.

Sébastien est très sympa et courageux de mener ce débat jusqu'à son terme. Il a une conception spéciale, au plan concret, de l'amitié avec Dieu. Mais elle est fondée sur beaucoup de logique et d'étude du problème.

Pour résumer et en gros, Sébastien dirait de toi: "tu es justifié. Tu as de l'amitié pour Dieu, bien que tu ne le saches pas encore".
Moi, je préfère dire: "Tu es à la recherche de la vérité. C'est devant Dieu une grande justice. A ta mort, ou peut-être avant, quand tu verras le Christ, il est certain que tu deviendras son ami.
Tu le vois, nous nous battons sur des nuances car, au fond, nous sommes d'accord sur la fin de l'histoire...

Qu'en penses-tu?

 

 Re: Question de logique.....
Auteur: Polaire (---.ipt.aol.com)
Date:   02/09/2003 19:49

Rationnel si on veut .. Certains l 'estimerait complétement irrationnel .
Mais placé à l extérieur on voit aussi des choses que vous ne voyez pas .
Chaque contexte , dans lequel telle où telle position s' affirme .

Pour faire gros et ne pas tomber dans les banalités du psychologisme ,restons en bordure et disons : une allure générale, un style de vie ou un type de caractère ,voire d' intélligence ..Vous différez d' abord probablemnt là- dessus .
Comment sinon expliquer cette opposition . Elle ne relève pas de la raison . Vous avez tous les deux vos raisons dans le contexte de pensée qui est le vôtre .
Polaire

 

 La grâce est bien le principe formel de la justification !
Auteur: A. Contat (---.w80-9.abo.wanadoo.fr)
Date:   04/09/2003 01:57

à Monsieur Arnaud Dumouch


Dans votre réponse à Sébastien du 2 septembre (16 heures 21), vous soutenez une bien étrange théologie. Je procède selon l’ordre de vos thèses, ou plutôt de vos postulats.

Proposition 2 : vous soutenez qu’on peut obtenir la rémission du péché sans l’infusion de la grâce sanctifiante. Vous contredisez donc formellement le respondeo de I-II, 113, 2, que vous a cité Sébastien, mais sans répondre en aucune manière à ce texte extrêmement clair. Or il est évident que vous avancez, sur ce point (et sur de nombreux autres), une thèse qui n’a rien à voir avec la théologie de saint Thomas : c’est, au regard de l’ordre civil, votre droit le plus strict, mais pourquoi vous obstinez-vous à présenter comme thomasienne une conception qui n’est que dumouchienne (cf. par exemple votre message du 31 août 2003, 17 heures 13), en sollicitant les textes ? Et, plus profondément, comment accordez-vous votre position avec ce canon du Concile de Trente : « Si quis dixerit, homines iustificari vel sola imputatione iustitae Christi, vel sola peccatorum remissione, exclusa gratia et caritate, quae in cordibus eorum per Spiritum Sanctum diffundatur atque illis inhaereat, aut etiam gratiam, qua iustificamur, esse tantum favorem Dei, anathema sit » (session 6, canon 11, Denzinger-Bannwart 821) ? Vous avez bien lu : celui qui pense que les hommes sont justifiés par la seule rémission des péchés, à l’exclusion de la grâce et de la charité, celui-là est « anathème », c’est-à-dire que son opinion contredit formellement ce qui est enseigné par le magistère solennel de l’Eglise. Votre solution reproduit, curieusement, celle de Duns Scot, qui postulait, entre l’état de péché mortel et l’état de grâce, un tertium quid - spécialité scotiste, comme l’acte entitatif qu’il attribue à la matière - qui était une « dilection négative » en vertu de laquelle Dieu se considère comme non-offensé, sans infuser encore la grâce sanctifiante. Au total, cette thèse est donc, en premier lieu, incompatible avec la définition tridentine que je viens de citer ; en second lieu, elle est inconsistante, car Dieu ne peut « considérer comme juste » sans « rendre ontologiquement juste », la volonté divine étant « actuante » par rapport à sa créature, et jamais actuée ; en troisième lieu, elle est absurde, car l’état de péché mortel étant formellement une aversio a Deo en tant que fin ultime concrète, il ne peut être remis sans la conversio ad Deum dont la grâce sanctifiante est, seule, le principe formel. Vous péchez donc par anthropomorphisme, et je crains fort que ce ne soit un vice récurrent dans toute votre théorie. A la fin de votre paragraphe, vous citez, à l’appui de votre thèse, les cas de Nicodème, de Jean-Baptiste et du bon larron, ce qui est, une fois encore, très étrange. Limitons-nous à l’exemple du Baptiste. Nous lisons dans saint Luc que « dès qu’Elisabeth entendit la salutation de Marie, son enfant tressaillit dans son sein, et elle fut remplie du Saint Esprit » (Lc 1, 41). La Tradition catholique a toujours interprété ce « tressaillement » comme le signe sensible de la sanctification, au sens le plus fort. Dans la Catena aurea, Expositio in Lucam, 1, 13, saint Thomas cite ainsi saint Ambroise : « Vocem prior Elisabeth audivit, sed Ioannes prior gratiam sensit ».

Proposition 3 : vous niez que les justes de l’Ancien Testament possédaient l’habitus de charité théologale. Vous semblez fonder cette thèse sur deux prémisses. La première serait, si je vous ai bien compris, la possibilité de savoir que soi-même, ou un autre ne possède pas la charité. Je vous renvoie à l’article bien connu de I-II, 112, 5, dans lequel saint Thomas distingue deux types de connaissance : la science certaine par les principes de la conclusion ; et la probabilité conjecturale par des signes favorables à la conclusion. Quant à la première, qui importe ici, elle est impossible, parce que nous ne connaissons pas par essence, ici-bas, le principe et l’objet de la grâce, qui est Dieu seul ; il en découle que la présence aussi bien que l’absence de la grâce ne sont pas connaissables de façon certaine, ni en nous-même, ni, a fortiori, chez autrui. N’y a-t-il pas, d’ailleurs, un grand orgueil, fruit d’une certaine concupiscence spirituelle, à juger définitivement que l’autre n’a pas la charité ? L’autre prémisse que vous utilisez part de la célèbre définition de la charité comme amitié (II-II, 23, 1, c). Votre argument se construit de la façon suivante (en camestres):
La charité est une amitié entre l’homme et Dieu ;
or les justes de l’Ancien Testament n’avaient pas le moyen de vivre une amitié avec Dieu ;
donc les justes de l’Ancien Testament n’avaient pas la charité.
La majeure est imparable - et je voudrais que vous y vissiez la parfaite intégration de l’αγάπη avec la φιλία aristotélicienne ; mais votre mineure est une pétition de principe. Vous la fondez en effet de la manière suivante :
Le moyen de vivre une amitié avec Dieu consiste en la donation du Saint Esprit et de la grâce habituelle créée ;
or les justes de l’Ancien Testament n’avaient reçu ni le Saint Esprit ni la grâce habituelle créée ;
donc les justes de l’Ancien Testament n’avaient pas le moyen de vivre en amitié avec Dieu.
La mineure est ici seule en cause, et vous la postulez gratuitement, sans la démontrer en aucune manière. Bien plus, saint Thomas enseigne explicitement le contraire, dans un traité que vous avez plusieurs fois utilisé contre la doctrine traditionnelle que vous a exposée Sébastien : « omni tempore fuerint aliqui ad novum testamentum pertinentes » (I-II, 106, 3, 2m) ; or « nullus unquam habuit gratiam Spiritus Sancti nisi per fidem Christi explicitam vel implicitam. Per fidem autem Christi pertinet homo ad novum testamentum. Unde quibuscumque fuit lex gratiae indita, secundum hoc ad novum testamentum pertinebant » (I-II, 106, 1, 3m). On ne saurait mieux dire :
a) que la foi au Christ, avant le Christ, anticipait déjà la nouvelle alliance ;
b) que ceux qui étaient justifiés par la foi au Christ à venir avaient reçu la grâce du Saint Esprit ;
c) et que donc, d’une manière beaucoup moins explicite et consciente, mais réelle cependant, ces justes avaient bien reçu le don de l’amitié divine.
Comment expliquer autrement, d’ailleurs, le livre des Psaumes, et l’usage constant que l’Eglise a fait de ce texte vétéro-testamentaire dans sa liturgie ?

Il apparaît donc que vos propositions 2 et 3 s’opposent directement à la doctrine de saint Thomas ; et votre proposition 2 est la contradictoire d’une vérité de foi définie.

Il reste encore à examiner deux subterfuges auxquels vous faites recours. Voyons brièvement cela.
α) Le baptême de Jean donnait-il la grâce, demandez-vous, dans l’intention de prouver que les justes de l’Ancien Testament ne recevaient pas cette même grâce. S’il est clair, en effet, que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, comme l’explique l’Aquinate en III, 38, 3, il n’en résulte pas ipso facto que les baptisés de Jean n’avaient pas la grâce. Le baptême johannique, pas plus que la circoncision, n’étaient causes efficientes instrumentales de la grâce sanctifiante, comme le sont les sacrements de la nouvelle loi ; mais ce baptême, comme la circoncision, pouvaient être l’occasion de recevoir, par la foi au Christ et en sa Passion à venir, une grâce qu’ils ne donnaient pas. Sur ce point, et d’une façon générale, ne confondez-vous pas l’ontologie de la grâce et son économie historique ? Dans son essence, la grâce est la même pour les anges, pour Adam avant la chute, pour les justes de la loi de nature, pour ceux de la loi mosaïque, et pour ceux de la loi nouvelle ; mais dans sa dispensation, cette grâce diffère en intensité, car elle est beaucoup abondante et intense dans le régime de la loi nouvelle ; elle diffère en modalité, en tant qu’elle implique maintenant une configuration explicite au mystère de la Passion ; elle diffère aussi quant à sa durée dans le sujet, puisqu’il est plus beaucoup plus facile de la conserver dans l’organisme sacramentel de l’Eglise que sous le régime des loi précédentes. En vous lisant, on a l’impression que vous n’avez pas du tout assimilé la distinction de la quiddité et de l’exercice, essentielle au réalisme philosophique, ce qui entraîne une lecture partiale, et surtout très matérielle de saint Thomas.
β) Au début de votre message, vous annoncez que « tout cela dépasse la logique ». Ici encore, vous vous mouvez dans une grande ambiguïté. Il est tout à fait vrai que les mystères révélés transcendent, en leur essence, notre intelligence, et donc le mode d’exercice abstractif et discursif qui la constitue en raison ; mais cela ne signifie nullement que ces mystères mettent en crise les premiers principes de l’intelligence, sur lesquels repose toute la logique. Au contraire, saint Thomas voit dans la lumière de l’intellect agent d’une part, et dans les premiers principes de l’intellect possible d’autre part le reflet de l’intellection divine subsistante (cf. par exemple Qdl 10, 4, 1, c : « Dicendum, quod, sicut dicit quaedam Glossa supra illud Psal. XI, 1, diminutae sunt veritates, etc., ab una prima veritate multae veritates in mentibus hominum resultant, sicut ab una facie hominis resultant multae facies in speculo fracto. Haec autem resultatio veritatis est quantum ad duo: scilicet quantum ad lumen intellectuale, de quo in Psal. IV, 7: signatum est super nos lumen vultus tui, Domine; et quantum ad prima principia naturaliter nota, sive sint complexa sive implexa »). Non seulement la logique n’est pas l’antagoniste de la théologie, mais elle lui est d’autant plus indispensable que celle-ci n’a aucune évidence sensible de ses objets ; c’est bien la cause pour laquelle les médiévaux se sont tant intéressés à la logique, au rebours du pathos qui caractérise tant de « théologies » contemporaines.

Alain Contat.

 

 Re: La grâce est bien le principe formel de la justification !
Auteur: Arnaud DUMOUCH (193.191.142.---)
Date:   04/09/2003 11:57

Cher Alain, Merci avant tout de tout coeur de vous mêler de ce débat qui n'aboutissait pas.

Je vous répondrais qu'un intervenant de passage (J.C Vetin) avait déjà proposé votre réponse thomiste. Je lui avait répondu qu'elle ne me posait pas vraiment de problème.
Pour le débat qui nous oppose avec Sébastien, peu importe finalement quel type de grâce surnaturelle (habitus entitatif ou motion divine) libérait du Péché originel dans l'Ancienne Alliance. Je veux bien admettre que saint Thomas opte pour la présence de l'habitus entitatif (grâce sanctifiante) et que c'est une théologie dumouchienne qui opte pour une grâce actuelle.

Vous comprenez que le vrai débat n'est pas là. Il porte sur la présence, dans les justes de l'ancienne alliance, d'une véritable vie de charité, d'une amitié réciproque avec Dieu. Lze dogme nouqs montre que, sans elle, nul n'entre dans la Vie éternelle.
Je reproche à la théologie de Sébastien d'être trop logicienne et pas assez "expérimentale" car, par un simple raisonnement: "Le pardon du péché originel présuppose la grâce sanctifiante; Or la grâce sanctifiante implique la charité", il en arrive à affirmer sans problème que les hommes de l'ancienne Alliance avaient la charité. Il en déduit une théologie de leur salut très logique mais si peu évangélique... N'oubliez pas qu'il y a la logique, mais il y a aussi l'observation des hommes qui permet d'approcher la vérité.
J.C Vetin avait essayé de nous sortir du débat en suggérant un habitus de charité SANS SON ACTE, l'actuation de cette charité devenant possible à l'heure de leur mort à travers la révélation de sa possibilité et le don du Saint Esprit. J'étais dubitatif pour certains points. En tout cas, affirmer que la plupart des hommes de l'ancienne alliances n'avaient pas la possibilité dde vivre la charité relève non de la logique mais de la lecture de l'Ecriture.

Je vous pose donc, cher Alain, la question essentielle suivante:
Au delà de votre thomisme, votre bon sens adhére-t-il à cette autre proposition de saint Thomas: « Il y eut certes ..., sous le régime de l’ancienne alliance, quelques gens qui possédaient la charité et la grâce de l’Esprit Saint et aspiraient avant tout aux promesses spirituelles et éternelles, en quoi ils se rattachaient à la loi nouvelle. (…) En tout cas, même si la loi ancienne prescrivait la charité, elle ne donnait pas l’Esprit Saint par qui la charité est répandue dans nos cœurs » (Rm 5, 5) (S. Thomas d’A., s. th. 1-2, 107, 1, ad 2)."

Remarque: Face à cette citation tirée du CDC, je ne sais pas d'où vous trouvez, que ma pensée s'oppose formellement sur ce point à celle de saint Thomas puisque vous dites: "Il apparaît donc que vos propositions 2 et 3 s’opposent directement à la doctrine de saint Thomas". Saint Thomas aurait-il dit tout et l'inverse de tout?


Remarque 2: Vous dites "Si je vous ai bien compris, vous parlez de la possibilité de savoir que soi-même, ou un autre ne possède pas la charité." Saint Thomas attribut, à ce que je sache, ce que vous dites ensuite, à la "possibilité de savoir si quelqu'un A la charité". Ce n'est pas la même chose.


Arnaud

 

 Re: La grâce est bien le principe formel de la justification !
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.175.codenet.be)
Date:   04/09/2003 18:31

Cher Alain

Peut-on savoir si un homme n'a pas reçu la possibilité de vivre un amitié avec Dieu ? Saint Paul vous répond en Romains 10, 13: "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui? Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre sans prédicateur?
Et comment prêcher sans être d'abord envoyé? Selon le mot de l'Ecriture: Qu'ils sont beaux les pieds des messagers de bonnes nouvelles!"
Ainsi, il semble que la relation d'amitié réciproque de l'homme avec Dieu n'est pas possible si un homme n'en a pas entendu parler. C'est du bon sens...

Voyez-vous dans cette constatation de saint Paul un orgueil intellectuel ou un orgueil moral "jugeant" les païens ou le Juifs? Aucunement: l'Apôtre ne fait que constater un fait: Ces gens là ne peuvent vivre la charité, sans aucune faute de leur part: ils n'en ont tout simplement jamais entendu parlé!!!

Cet exemple me parait significatif du rapport entre logique et vérité: par un raisonnement logique, Sébastien et vous posez l'existence d'une vie de charité chez des hommes de l'ancienne Alliance (en vue d'expliquer leur salut) alors même que vous CONSTATEZ, à la lecture de la Bible, qu'ils étaient la plupart du temps terrifiés par Dieu et dans un rapport de serviteur avec lui. Ainsi, votre logique semble aboutir à vous séparer de l'observation du réel.
Si vous le voulez, j'ouvre une autre question sur le rapport, en théologie comme en philosophie, entre l'instrument logique et ce qui me semble son FONDEMENT et son but: la réalité.
Arnaud

 

 

 

 Re: La grâce est bien le principe formel de la justification !
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.175.codenet.be)
Date:   23/03/2004 08:37
 

Cher Sébastien,

Vous vous souvenez d'un débat ancien (juin -Séptembre 2003) sur la justice de l'Ancien Testament.
Vous disiez: "Par leur foi au Christ, les anciens étaient justifiés et sanctififiés. Ils recevaient tout, à savoir le pardon du péché originel, et donc la grâce sanctifiante et la charité". Je vous répondais que ce n'était pas possible (sauf exceptions notables), et qu'on ne pouvait idebtifier l'ancien Testament et le nouveau. Nous en étions restés là.
 
Voici ma nouvelle objection. Le Concile de Trente montre face à Luther que, dans le nouveau testament, la simple réception de la foi ne communique ni la grâce sanctifiante ni la charité. Donc, selon ce Concile, lorsque l'Ecriture dit que "l'homme est justifié par sa foi", elle entend par là le COMMENCEMENT DE SA JUSTIFICATION.
 
Donc, si je suis votre opinion, la foi au Christ avait le pouvoir de donner la charité dans l'Ancien Testament mais plus dans le nouveau?
Arnaud

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