Auteur: Arnaud
Dumouch (---.88.238.180.codenet.be)
Date: 01/06/2003 13:50
Cher Jean-Luc,
Je suis très amusé de votre réponse qui, je crois est pleine de vérité.
Je passe rapidement (trop parfois) de la philosophie (recherche de la
vérité par l'observation du réel, avec les seules forces de
l'intelligence) à la théologie chrétienne (recherche de la vérité à
travers la Révélation). Mais, vous avez vu, je vous préviens à chaque
fois en mettant, EN GRAS: PHILOSOPHIE, THEOLOGIE. Vous n'êtes donc pas
totalement piégé. C'est que, pour moi, le réel venant de Dieu, il
possède une seule cohérence, quelque soit la méthode utilisée, quoiqu'il
faille distinguer les méthodes.
Cher Jean-Christophe, Je pense que lorsque Sébastien reviendra, il vous
expliquera avec soin sa conception de l'animation tardive des embryons
qui est, selon la lettre, plus thomiste que la mienne. Mais elle ne
l'est pas nécessairement selon l'esprit.
Pour répondre, à vos remarques, je dirai que, comme vous, il m'est
difficile de concevoir une animation "gigogne" : d'abord végétative,
puis une âme sensitive etc.
Cependant, je reste ouvert à cette hypothèse de l'animation tardive à
cause de quelques objections pertinentes que m'a apporté mon frère, qui
est chercheur en biologie. Que penser par exemple du problème de
certains siamois? Quand un enfant naît avec un corps et deux têtes, cela
ne pose pas de réel problème. Visiblement, deux esprits sont présents
parce que chaque tête à sa propre pensée, sa propre liberté. Mon frère
me décrivait ainsi le cas de deux petites filles. L'une commandait la
jambe droite. L'autre la jambe gauche. Quand elles étaient fâchées,
elles n'arrivaient plus à marcher. S'il y a deux esprits, il y a bien
deux âmes et seul les corps se sont mêlés, accidentellement.
Mais il existe selon lui des cas de siamois plus profonds et complexes.
Par exemple, il arrive que les cellules de deux embryons fécondés se
mêlent à tel point qu'il naît un seul bébé, complet et en apparence
normal. Ce n'est que par la suite, devant certains troubles, qu'on
s'aperçoit que ce bébé possède deux ADN. Parfois, il est une fille dans
une partie de son cerveau, garçon dans une autre.
Devant de tels faits, je crois que la philosophie reste muette. Si
l'animation a eu lieu à la conception, avant le mélange des deux
embryons, cet enfant possède-t-il deux âmes? Le cerveau en ébullition,
je me réfugie alors, cher Jean-Luc, en THEOLOGIE, espérant que Dieu me
montrera qui était cet enfant dans l'autre monde!!!!!!
Jean-Chistophe, Vous soulevez un problème du même type: celui de la mort
cérébrale. Un frère de saint Jean qui m'a raconté que son grand-père
avait reçu en 1917 une balle dans la tête. Il avait fini par mourir,
vers 1989. Juste avant de mourir, il semblerait qu'il se soit réveillé,
affirmant avoir vécu sa mort cérébrale "dans un perpétuel voyage hors de
son corps." Jean-Luc lui-même peut témoigner de ce phénomène dans une
expérience de son épouse. Bref, il y a visiblement dans ce domaine de
l'âme et du corps des mystères profonds à découvrir.
Il me semble que nous devons avoir l'aristotélisme humble. L'essentiel
est que visiblement, l'homme possède une unité substantielle. Son corps
n'est pas un véhicule extérieur (Platon). Il est partie de son être.
Mais comment est structuré, profondément, ce corps et son union à
l'âme?????
Pour revenir à la mort cérébrale, pour ma part, je dirais avec prudence
que la présence de l'âme se manifeste dans un corps cliniquement mort,
par le maintient d'une certaine unité organique NATURELLE. Lors de
prolongations purement artificielles, avec respirateurs, coeur
extérieur, perfusions de glucose, il n'est pas selon moi impossible que
l'âme soit déjà partie. Mais l'inverse est possible aussi... Votre
hypothèse d'une survie du corps à travers un simple principe végétatif
me parait tout-à-fait soutenable. Bref, nous n'en savons rien et
j'aimerais connaître celui qui conclura de manière définitive. Tout cela
est du domaine, non de la SCIENCE, mais des SIGNES de probabilité? Voilà
pour faire un peu de critique.
Vous dites enfin: 2) Si la philosophie est la servante de la théologie,
je ne sais pas, en sens inverse, si on peut réfléchir un article de la
foi sur un point philos.
Je pense que c'est possible, mais uniquement parce que je suis croyant.
Je n'aurais jamais utilisé cet argument dans un Forum aristotélicien.
Mais dans un forum thomiste, pas de problème.
Saint Thomas le faisait sans cesse. Il a corrigé la philo d'Aristote, à
cause de sa foi, sur plusieurs points:
Exemple: l'éternité du monde (Aristote), remplacée par saint Thomas, à
cause du livre de la Genèse, par sa création à un temps t. (Pourtant,
saint Thomas n'est pas toujours cohérent jusqu'au bout car il garde la
théorie aristotélicienne de l'incorruptibilité des corps célestes).
Autre exemple: Pour Aristote, l'âme humaine vient "d'ailleurs". Il ne
pense pas pouvoir dire davantage. saint Thomas ose, éclairé, sans aucun
doute, par sa foi: "elle est créée ex nihilo" par Dieu.
Bref, chez lui, l’aller-retour entre raison et foi est perpétuel et
fécond. Saint Thomas est un homme libre et un penseur fécond car il
croit en deux sources de la connaissance : la REALITE, telle qu’on peut
la connaître ; Dieu qui ne peut mentir à propos du salut. Finalement,
saint françois de Salles écrivait : « Foi et raison, comme deux
affectionnées, doivent marcher ensemble vers leur unique objet : la
vérité tout entière. »
Qu'en pensez-vous?
Arnaud
|
|